Intervention de Corinne Bouchoux

Réunion du 21 février 2013 à 15h00
Débat sur le développement dans les relations nord-sud

Photo de Corinne BouchouxCorinne Bouchoux :

L’évaluation a posé comme des priorités l’égal accès des femmes et des hommes aux politiques d’aide au développement et la nécessité d’une attention accrue, notamment, aux jeunes filles, plus affectées par les précarités de tous ordres.

Selon nous, il s’agit non pas d’un signalement de pure forme ou d’un affichage cosmétique, mais de l’affirmation d’un impératif consistant à veiller à ce que la place des femmes, dans un souci d’égalité, soit bien prise en compte partout, dans toutes les formes de politiques d’aide au développement.

En général, cependant, la problématique du genre est mal comprise et mal perçue, chez nous et parfois là-bas. Il faut, à notre sens, adopter une vision systémique et lucide, qui analyse, ici et là-bas, les rapports de pouvoir entre les femmes et les hommes, entre les hommes et les femmes, parfois et souvent la domination masculine, et favorise aussi une meilleure implication des hommes dans la prise de décision ou dans certaines activités, notamment la sphère privée, où les inégalités sont, ici et là-bas, criantes.

Il est aussi nécessaire de prendre en compte le fait que les femmes sont, et doivent être, co-actrices du développement et co-actrices des politiques de développement, d’y voir un atout, une richesse, et non pas un gadget.

À ce niveau, nous nous heurtons à une première question, monsieur le ministre. Que sait-on, au sein du ministère des affaires étrangères, de ces questions de genre ? Que sait-on, à l’Agence française de développement, de cette problématique ? Et qu’en savent, selon vous, les ONG ? Celles-ci nous ont fait passer un certain nombre de messages.

Concrètement, quand on compare les budgets exécutés en matière d’actions de promotion de l’égalité depuis l’adoption du document d’orientation stratégique « genre », on parle, pour 2010, de 14 millions d’euros investis par l’Agence française de développement et de 4, 8 millions d’euros dans le cadre du Fonds social de développement. On a donc l’impression, peut-être fausse, d’une ambition un peu floue ; notamment, les moyens annoncés à l’origine ne semblent pas être au rendez-vous.

Ensuite, vous le savez bien, l’évaluation de cette politique publique doit revenir sur la traçabilité budgétaire et le suivi analytique du genre dans l’aide française, qui reste, je le répète, trop modeste malgré vos efforts constants, monsieur le ministre.

À la veille du 8 mars, journée internationale des droits des femmes, comme nous le savons tous ici, pouvez-vous nous repréciser vos priorités, monsieur le ministre, en termes de portage et de pilotage politique ? Comment comptez-vous mobiliser tous les acteurs et actrices, ici et là-bas ? Comment renforcer les capacités d’action de toutes et tous pour généraliser et intégrer transversalement cette approche du genre dans nos politiques de développement ? Comment affiner des indicateurs pour mieux mesurer la place et la part du genre dans notre aide au développement, et surtout dans l’efficience de notre politique publique ?

Enfin, et c’est bien plus délicat, j’en conviens, comment concilier la promotion de nos idéaux d’égalité entre les femmes et les hommes ici, dans l’aide au développement, alors que nous savons, comme l’a rappelé notre collègue Kalliopi Ango Ela, que nos histoires et nos normes sont parfois très différentes ? Il suffit de penser à des réalités extrêmement concrètes, comme la liberté de se vêtir : dans certains pays, nous le savons tous, les femmes ne peuvent pas, ou plus, porter de pantalon, sans parler d’autres signes vestimentaires qui seraient plus compliqués à évoquer ici, faute de temps.

Pour le dire autrement, comment promouvoir une aide publique au développement où la place des femmes serait reconnue, sans avoir l’air de donner des leçons ni de céder à une forme de ce paternalisme dont nous ne voulons plus ?

Pouvez-vous enfin nous dire, monsieur le ministre, quelles seront vos actions prioritaires dans les années qui viennent, parmi les quarante recommandations dont vous avez été le destinataire pour « entreprendre et soutenir des actions de promotion de l’égalité » ?

Enfin, question ni subsidiaire ni exotique à la veille du débat qui va nous occuper sur le droit du mariage pour tous : comment intégrer dans les politiques d’aide publique au développement la lutte contre l’homophobie et la lesbophobie, que nous souhaitons promouvoir, par la culture, l’éducation et la recherche – là encore, sans avoir l’air de donner des leçons ?

Pour finir, je remercie encore une fois nos collègues qui sont venus assister à ce débat.

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