Séance en hémicycle du 21 février 2013 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • l’aide
  • sud

La séance

Source

La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

Je demande à chacune et à chacun de se plier à cette règle, qui est absolument nécessaire au bon déroulement des questions d’actualité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé du budget.

Monsieur le ministre, votre majorité a été élue sur le mensonge !

Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Tout votre programme n’était que mensonges.

Vous avez abrogé la hausse de la TVA, qui allait permettre de lutter contre les délocalisations. Trois mois plus tard, vous l’avez rétablie de manière plus lourde et moins efficace.

Vous avez prétendu que votre hausse des impôts historique allait permettre de ramener le déficit à 3 %, alors qu’elle n’a servi qu’à payer vos cadeaux électoraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme Catherine Troendle. Vous prétendiez ériger une République impartiale, mais, depuis François Mitterrand, nous n’avons jamais vu autant d’arbitraire et de copinage.

Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme Catherine Troendle. En décembre, vous avez radié du corps préfectoral les préfets nommés par le gouvernement précédent. Le mois suivant, vous nommez préfets une cohorte de collaborateurs du parti socialiste.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe Ump

Exactement !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme Catherine Troendle. Nous apprenons que, battue aux élections, Mme Royal sera nommée vice-présidente de la Banque publique d’investissement.

Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Plus grave encore, en neuf mois, vous avez proposé de changer tous les modes de scrutin de la République pour contourner la sanction électorale qui vous attend, au lieu de vous atteler aux problèmes des Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Votre dernier renoncement concerne les collectivités territoriales. L’engagement 54 du candidat Hollande promettait de garantir le niveau actuel des dotations. Nouveau mensonge ! En décembre, vous avez adopté une baisse de 2, 25 milliards d’euros de dotations pour les collectivités ; en février, vous proposez aussitôt de doubler ce rabot en le portant à 4, 5 milliards d’euros. Dois-je vous rappeler vos cris indignés lorsque nous avions envisagé une baisse de 0, 2 milliard d’euros ?

Même votre majorité se sent trahie.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Le président socialiste du Comité des finances locales, André Laignel, a affirmé que cela stoppera les investissements des collectivités, alors qu’elles réalisent 70 % des investissements publics.

Le président socialiste de l’Assemblée des départements de France, Claudy Lebreton, redoute la perte de centaines de milliers d’emplois, principalement dans le secteur du BTP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme Catherine Troendle. Monsieur le ministre, allez-vous arrêter d’étrangler les collectivités, qui sont un support de l’investissement dont notre pays a grand besoin pour maintenir son économie ?

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. Madame la sénatrice, je crois qu’il y a une partie de votre question à laquelle je ne vais pas répondre

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

… sur les nominations en particulier. Avec le ministre de l’intérieur, nous pourrions dresser la liste des nominations récentes qui devraient vous satisfaire…

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Mme Marylise Lebranchu, ministre. … compte tenu du choix équilibré que nous avons fait et de la loyauté des personnes nommées.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Dans ce domaine, faisons attention à ce que nous disons les uns et les autres.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

La République a ses règles, et je pense qu’elles sont respectées.

Pour en venir à la situation budgétaire des collectivités territoriales, je vous rappelle que, pendant la campagne électorale, Mme Valérie Pécresse, qui l’a reconnu tout à fait honnêtement lors de la passation de pouvoirs, avait envisagé très sérieusement 2 milliards d’euros de baisse par an des dotations.

Avec le ministre délégué chargé du budget et sous l’autorité du Premier ministre, nous avons pensé que, la première année, même si tout est discutable, il fallait stabiliser leurs ressources, comme le Président de la République l’avait proposé, pour tenter d’équilibrer cette crise violente dont nous ne sommes, vous l’admettrez, en aucun cas responsables. Nous avons donc choisi de ne pas diminuer les dotations versées aux collectivités territoriales pour préserver le tissu des PME et des TPE.

Que se passe-t-il aujourd’hui ?

Nous avons besoin de faire des économies supplémentaires.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Pour cela, nous allons chercher auprès des collectivités, non pas 10 milliards d’euros, madame la sénatrice, mais deux fois 1, 5 milliard d’euros. Dans le même temps, nous prenons un engagement fort, qui, je l’espère, vous satisfera : d’abord, suivre la première des commissions que le Premier ministre a installées pour les départements de France, car ces derniers peinent à servir les allocations votées au niveau national.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Il leur faut une ressource pérenne. Le travail sur ce sujet doit s’achever à l’été.

Ensuite, pour l’ensemble des collectivités territoriales, si la péréquation horizontale a permis des ajustements – et encore, après des débats difficiles au Sénat comme à l’Assemblée nationale –, nous pensons qu’il faut revenir à une fiscalité horizontale et réécrire courageusement, tous ensemble – à cette fin, le Premier ministre réunira l’ensemble des présidents des collectivités territoriales –, la dotation globale de base pour la rendre plus juste.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Nous allons donc demander 1, 25 % d’effort aux collectivités territoriales, …

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Mme Marylise Lebranchu, ministre. … dont la part dans la dépense publique, vous le savez, est de 20 % ; 1, 25 % sur 244 milliards d’euros, l’ensemble des élus locaux de France sauront le faire !

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Merceron

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme.

L’artisanat est le premier employeur de France, un acteur majeur de la formation professionnelle et le premier aménageur du territoire puisqu’il offre des emplois de proximité, qui plus est, non délocalisables.

En Vendée, l’artisanat dans le secteur du bâtiment est une plus-value pour les communes rurales et participe à leur cohésion sociale, acteur visible à la fois du développement économique et de la vie associative. Néanmoins, comme dans toutes les régions, il est touché de plein fouet par les conséquences des crises financière et sociale : le nombre de mises en chantier de logements neufs a chuté de 20 % selon le ministère du logement.

Le bâtiment doit donc faire face, de manière encore plus douloureuse aujourd’hui, aux contraintes administratives, à la concurrence déloyale engendrée par la venue d’artisans d’autres pays, à une fiscalité décourageante et à des charges sociales pénalisantes.

Madame la ministre, j’ai bien pris acte du pacte pour l’artisanat que vous avez présenté au lendemain de la journée de mobilisation des professionnels du bâtiment, le 18 janvier dernier, mais ce n’est pas là-dessus que je vous interrogerai.

L’objet de ma question est le suivant : pour 2014, le Gouvernement prévoit une nouvelle augmentation de la TVA, qui passerait de 7 % à 10 %. Trop, c’est trop ! Le rythme de la construction va encore diminuer et l’objectif des 500 000 logements rénovés par an sera hors de portée.

Ainsi, dans la perspective de la prochaine loi de finances et pour soutenir la rénovation des logements, notamment pour améliorer leur isolation thermique et réduire leur consommation d’énergie, je vous demande, pour nos emplois, pour notre économie, pour les centres de nos villes et de nos bourgs, le retour à une TVA réduite incitative pour ces travaux.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme

Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner l’importance de l’artisanat dans notre pays, notamment dans le secteur du bâtiment. L’artisanat rassemble en effet trois millions d’actifs, plus d’un million d’entreprises et représente 10 % du PIB. Le Gouvernement travaille en lien avec les organisations professionnelles pour accompagner ces entreprises.

Vous m’interrogez plus particulièrement sur la question de la hausse de la TVA.

Vous le savez, dans le cadre du pacte de compétitivité que le Gouvernement a présenté, les entreprises de l’artisanat, notamment dans le secteur du bâtiment, bénéficieront du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi à hauteur de 2 milliards d’euros, alors que le coût de la hausse de la TVA est évalué à 1, 8 milliard d’euros. Le solde sera donc positif de 200 millions d’euros.

Vous le savez aussi, les contrats de génération que le Gouvernement met en œuvre bénéficieront très largement à ce secteur créateur d’emplois, avec un volet spécifique consacré à la reprise et à la transmission des entreprises. Certaines d’entre elles ont en effet des difficultés à trouver des repreneurs.

L’ensemble de ces mesures constituent un tout.

Lorsque j’ai présenté le pacte pour l’artisanat, vous avez pu constater que nous prêtions une attention particulière au secteur du bâtiment puisqu’un groupe de travail interministériel, que j’animerai en lien avec mes collègues, sera constitué. En effet, la TVA n’est pas le seul sujet qui inquiète ces entreprises. La fiscalité, les besoins de trésorerie, la construction de logements, le plan de rénovation thermique, la concurrence déloyale que constitue le travail illégal : tous ces sujets seront mis sur la table. Nous apporterons donc des réponses en vue de favoriser l’activité dans ce secteur et de créer de l’emploi.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, la politique du Gouvernement en la matière est cohérente : pacte de compétitivité, pacte pour l’artisanat, notre objectif est bien d’accompagner ces entreprises, de leur permettre de se développer, de créer de l’emploi et de concourir au redressement économique de notre pays.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et concerne le dossier de la fraude à la viande, qui inquiète à juste titre nos compatriotes dans le contexte d’un fort emballement médiatique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

M. Jean-Jacques Mirassou. Je tiens d’abord à souligner et à saluer le fait que le Gouvernement a agi, tout particulièrement les ministres concernés, MM. Le Foll, Hamon et Garot, dans le cadre de leurs prérogatives respectives, avec rapidité, fermeté, discernement et transparence.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Parallèlement, il faut constater que les méandres européens empruntés par les viandes transformées sont extrêmement complexes. Ce dossier démontre, parce qu’il y a eu manifestement rupture de traçabilité, que les dispositifs de contrôle sont à améliorer. Il est absolument indispensable que le consommateur, dernier maillon de la chaîne, sache ce qu’il y a dans son assiette.

Plus localement, il était également impératif de rassurer les salariés de la société Spanghero, la population de Castelnaudary, les élus locaux concernés et les parlementaires de l’Aude, et de répondre à leurs interrogations sur la pérennité des emplois de la société visée. De ce point de vue, la suspension de l’agrément, qui n’a pas dépassé quatre jours, était pleinement justifiée et s’inscrivait dans cette logique.

Les enquêtes sanitaires, administratives et vétérinaires permettront quant à elles de savoir ce qui s’est passé, d’en tirer les conséquences et de prendre des sanctions contre les auteurs de cette fraude.

Plus généralement, cette affaire s’inscrit dans le cadre d’un commerce alimentaire qui s’est lancé dans une recherche frénétique du profit et où des produits de base de l’alimentation humaine sont désignés par le terme tristement révélateur de « minerai ». C’est ainsi que, en six mois, la vente de 750 tonnes de viande de cheval à la place de viande de bœuf aurait dégagé un surprofit de 550 000 euros !

Beaucoup reste donc à faire pour parvenir à une solution satisfaisante permettant de garantir non seulement les intérêts des salariés de la filière, mais aussi et surtout ceux des consommateurs.

Monsieur le ministre, pouvez-vous faire le point sur l’actualité de ce dossier compliqué, dont l’évolution est très rapide ? Quelles sont les pistes de travail que vous entendez privilégier pour qu’une telle affaire ne se reproduise pas ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

Monsieur le sénateur, votre question appelle plusieurs éléments de réponse.

Vous avez évoqué la confiance. Or ce qui s’est passé a révélé une fraude généralisée sur les produits concernés.

Des enquêtes sont menées à l’échelle européenne. Nous avons d’ailleurs saisi Europol, parce que nous pensons qu’il ne s’agit pas seulement d’un circuit entre la Roumanie, les Pays-Bas et la France.

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre

Comme vous l’avez souligné, il fallait allier rapidité de la réponse et clarté de l’objectif poursuivi.

Nous avons immédiatement diligenté une enquête, qui a dégagé des éléments factuels permettant d’établir qu’une fraude a eu lieu, avant de transmettre le dossier à la justice.

Pour ce qui concerne la société Spanghero – je fais bien la différence entre le nom de l’entreprise et celui de la famille –, le bon déroulement de l’enquête sanitaire exigeait de suspendre l’agrément. Actuellement, un certain nombre d’enquêteurs poursuivent leur travail sur place. Leur mission s’achèvera demain. Cette enquête a permis une reprise d’activité pour les secteurs qui n’avaient rien à voir avec les fonctions de négoce qui nous occupent aujourd’hui.

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre

Ce matin, une réunion a eu lieu au ministère de l’agriculture, en présence des ministres Guillaume Garot et Benoît Hamont, pour faire le point avec l’ensemble de la filière. Parce qu’il va bien nous falloir tirer des conclusions de cette triste affaire !

Trois objectifs ont été fixés en accord avec l’ensemble des acteurs de la filière. Or, dans ce domaine, qui concerne tant les transformateurs, les producteurs et les distributeurs que les représentants de l’industrie agroalimentaire, les discussions ne sont jamais faciles.

Premier objectif : modifier la réglementation européenne pour garantir une meilleure traçabilité et un meilleur étiquetage, en particulier pour ce qui concerne l’origine des viandes.

Deuxième objectif : anticiper en France ces évolutions et être exemplaire dans l’organisation de la traçabilité des produits transformés, en particulier en apposant la mention « viande bovine française ».

Troisième objectif tout aussi important : mettre en place un groupe de travail pour renforcer le dispositif de surveillance et permettre aux acteurs eux-mêmes d’exercer un autocontrôle et surtout d’assurer des saisies plus rapides de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Monsieur le sénateur, voilà les actions que nous avons engagées !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

En décembre 2011, nous débattions dans cet hémicycle d’une proposition de loi visant à accorder aux étrangers non communautaires le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales. J’en étais la rapporteure, sénatrice novice et d’autant plus émue. Le Sénat, lui, venait de changer de majorité.

Cette proposition de loi, nous l’avons votée dans un rare moment de communion républicaine, …

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

… après la longue décennie d’attente qui nous séparait de son adoption par l’Assemblée nationale, en mai 2000.

Une fois François Hollande élu Président de la République, nous avons espéré que, sans tarder, justice serait enfin rendue à ces hommes et à ces femmes qui vivent dans les mêmes quartiers que nous, envoient leurs enfants dans les mêmes écoles, paient leurs impôts et contribuent depuis des décennies à l’économie nationale. Ils ont gardé nos enfants, nettoyé nos domiciles et nos bureaux, travaillé dans nos usines, construit nos maisons, nos routes et nos ponts, et j’en passe. Ils n’ont pas fait moins pour la France que les étrangers communautaires, qui, eux, jouissent de ce droit de vote et d’éligibilité du simple fait d’être européens.

Disons-le clairement : si nos concitoyens communautaires partagent bien notre projet européen commun, les étrangers non communautaires, issus dans leur majorité de nos anciennes colonies, …

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

… ne sont pas moins parties prenantes d’une histoire qui nous est commune, à eux comme à nous.

Monsieur le ministre, nous savons que la tâche est complexe. Pourtant, n’oublions pas que, par le passé, plus d’un ténor de l’ancienne majorité s’est prononcé en faveur de cette réforme. De fait, cette lutte n’est pas une bataille entre la gauche et la droite. Son enjeu est tout autre, et il est supérieur. Une certaine conception de la démocratie, une même aspiration peuvent tous nous réunir : faire de notre pays un exemple d’ouverture aux étrangers qui respectent la légalité républicaine et qui ont le souci aussi bien de sa prospérité que de sa sécurité.

Monsieur le ministre, les promesses de M. Hollande nous engagent.

Pas nous ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mme Esther Benbassa. Voilà la question que se posent nombre de nos concitoyens, militants associatifs en tête, et qu’à mon tour je vous soumets aujourd’hui.

Chiche ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Calmez-vous un peu, chers collègues de l’opposition, et souvenez-vous que, dans vos rangs, certains l’avaient demandé en 2005 !

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Madame la sénatrice, la majorité souhaite élargir le droit de vote aux élections locales aux étrangers extracommunautaires résidant de manière régulière sur notre territoire.

Vous venez de le rappeler, le Sénat a voté cette disposition en 2011. Au surplus, il s’agit d’un engagement du Président de la République et, à plusieurs reprises, le Gouvernement a manifesté sa volonté de faire aboutir cette réforme.

Du reste, les esprits peuvent évoluer : lorsque le traité de Maastricht a établi que les ressortissants de l’Union européenne pouvaient voter aux élections locales ou européennes, la nature du rapport entre le citoyen et la nation a, d’une certaine manière, été modifiée.

Au cours des dernières années, j’ai moi-même été rapporteur de différentes propositions de loi présentées sur ce sujet à l’Assemblée nationale, sur l’initiative du groupe socialiste, alors dans l’opposition. J’ai moi-même vu mes parents, de nationalité espagnole, voter pour la première fois en 2001.

Toutefois, au-delà des proclamations et des convictions de chacun, l’essentiel est d’aboutir. Or, vous le savez et il est inutile de s’en cacher, la réussite de ce projet est conditionnée. Toute réforme constitutionnelle présentée devant le Congrès nécessite de réunir les trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Additionnées, les voix de la majorité au Sénat et à l’Assemblée nationale ne suffisent pas. Il faut donc écouter et convaincre. Le Premier ministre a consulté tous les groupes parlementaires de la majorité et de l’opposition sur les sujets nécessitant une révision constitutionnelle. Le Gouvernement recherche les conditions nécessaires pour atteindre la majorité des trois cinquièmes sur ce sujet comme sur les autres.

Madame la sénatrice, vous l’avez souligné, la question que vous avez soulevée suscite un fort clivage avec l’opposition, avec la droite, …

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

… qui refuse cette avancée. La résistance vient de ce bord, et non de la majorité, même si, comme vous l’avez relevé, il y a quelques années seulement, MM. Nicolas Sarkozy, Jean-Louis Borloo, Yves Jégo…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

M. Manuel Valls, ministre. … et Jean-Pierre Raffarin, effectivement, ont manifesté leurs souhaits en la matière !

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Cela peut aussi m’arriver, monsieur le sénateur.

Le Premier ministre rendra prochainement compte des consultations qu’il a menées. Attendons ses conclusions ! Le choix du référendum relève de la prérogative exclusive du Président de la République.

Une fois le décor planté, je ne peux ajouter qu’un élément : sur ce sujet comme dans tous les domaines, le Président de la République et le Gouvernement souhaitent rassembler et apaiser.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Faisons tous attention : si ces réformes ne peuvent pas aboutir, il convient avant tout qu’elles ne divisent pas davantage.

Madame la sénatrice, le Gouvernement vous apportera prochainement une réponse sur le sujet, qui, quoi qu’il en soit, n’exclura nullement les initiatives parlementaires.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé du budget.

Mes chers collègues, vous le savez, la situation économique de notre pays, comme celle de l’Europe, est très préoccupante. Alors que l’OCDE annonce que les pays membres de son organisation présentent une croissance de 1, 5 % en 2012, la zone euro, elle, subit une récession globale de 0, 6 %. C’est là le fruit amer des mesures d’austérité imposées aux peuples pour atteindre les objectifs de convergence des politiques économiques et notamment la règle des 3 % de déficit budgétaire à respecter coûte que coûte, et quoi qu’il en coûte.

En 2012, la croissance est à Washington et à Pékin, mais elle n’est ni à Berlin ni à Paris, et encore moins à Athènes !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Après le vote d’une loi de finances pour 2013 marquée par la réduction des déficits publics, la hausse des impôts et le gel de la dépense publique, après le vote d’un collectif gageant, malheureusement, le crédit d’impôt pour les entreprises à hauteur de 20 milliards d’euros sur la hausse de la TVA, quelques esprits bien intentionnés viennent de lancer un concours d’idées pour « réduire les déficits ».

L’un demande à la France d’aller plus loin sur la voie de la flexibilité du marché du travail, comme si la solution résidait dans le développement de la précarité ; l’autre recommande de s’attaquer aux allocations familiales ; d’autres encore préconisent de geler la progression des retraites, quitte à imposer aux retraités une hausse de la CSG. C’est d’ailleurs un patron américain qui se permet d’insulter les travailleurs français.

D’ores et déjà, on annonce le doublement de la baisse des dotations aux collectivités locales en 2014 et 2015, montants pourtant fixés par une loi de programmation !

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Mes chers collègues, si l’on souhaite réduire les déficits, il faut de la croissance, …

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

M. Thierry Foucaud. … car seule la croissance dégagera les recettes fiscales et sociales nécessaires.

Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Toutefois, une politique de croissance doit aller de pair avec un appareil industriel enfin soutenu par une politique publique audacieuse et cohérente, un système bancaire enfin mis en demeure de financer l’activité économique plutôt que la spéculation. Elle nécessite également une rupture avec les politiques européennes qui ont conduit, d’une part, la Grèce et l’Espagne au-delà des 25 % de chômeurs et, de l’autre, la France et l’Allemagne à la récession au dernier trimestre de 2012.

Avec l’austérité pratiquée aujourd’hui, l’Europe s’affaisse et décline quand le reste du monde connaît la croissance.

Monsieur le ministre, la France doit porter une autre parole lors du prochain Conseil européen des 14 et 15 mars prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Nous devons concevoir, dès maintenant, en France, un collectif budgétaire rompant avec la stricte logique du traité de Lisbonne.

Face à ces situations, …

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

… que va faire le Gouvernement pour sortir la France de l’ornière…

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

M. Thierry Foucaud. … où l’ont poussée les politiques libérales de la zone euro ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget

Monsieur le sénateur, j’ai bien entendu l’hommage que vous avez rendu non seulement au FMI, mais aussi aux dirigeants nord-américains, puisque vous avez cité Washington, et aux dirigeants chinois, puisque vous avez cité Pékin.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je n’ai pas de jugement à porter sur les politiques sociales menées au sein de ces pays, encore que, selon moi, il serait préjudiciable d’appliquer aux salariés français les conditions de travail observées en République populaire de Chine.

Rires et applaudissement sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Au-delà des appréciations que l’on peut porter sur des politiques menées par des pays avec lesquels nous entretenons des liens d’amitié indéfectibles, je vous indique simplement que le Gouvernement a déterminé une politique l’année dernière et qu’il est résolu à la poursuivre.

Cette politique est nécessaire, non parce qu’on nous l’a imposée, mais parce que nous l’avons décidée et que c’est celle dont le pays a besoin. Aucune institution, aucun pays ami, aussi proche de nous soit-il, ne peut imposer à la France une politique sans son consentement.

Cette politique, le Gouvernement l’a donc choisie librement et elle vise, permettez-moi cette expression, la restauration de la souveraineté nationale. Nous ne pouvons plus dépendre des marchés et des agences de notation, comme nous avons pu le constater ces dernières années, tant il est vrai que, en avançant dans l’année, c’est par l’emprunt que notre pays est contraint de financer ses politiques publiques.

C’est précisément avec cette dépendance à l’emprunt, avec cette aliénation de notre souveraineté nationale à des marchés et des agences de notation, que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a décidé de rompre.

Cette politique est en train de porter ses fruits, …

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

… car, en 2013, comme en 2012, nous allons procéder à un ajustement de nos finances publiques en abaissant le déficit structurel de près de 3, 1 % de PIB.

Il faut nous désendetter, tant il est vrai que, au-delà d’un certain point, ajouter de l’emprunt à l’emprunt n’a jamais créé de la croissance.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je me permets d’ailleurs de rappeler que, ces cinq dernières années, le déficit structurel de notre pays s’est aggravé de près de 1 point de PIB. Mais grâce au vote du Parlement, grâce aux lois de finances initiale et rectificative s’appliquant en 2012 et en 2013, il vient de baisser de 3, 1 % de PIB !

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Cette politique, nous allons donc la poursuivre, mais je vous fais remarquer qu’il est particulièrement difficile de procéder à un ajustement budgétaire quand la conjoncture économique ne s’y prête pas. Pour autant, nous devons le faire sans que des politiques de réduction de la dépense ou de hausse de la fiscalité supplémentaires soient décidées en 2013, car il est exclu d’ajouter de l’austérité à je ne sais quelle rigueur ou de l’impossibilité à des difficultés déjà très importantes.

En 2014, lors de l’examen du projet de loi de finances initiale, nous aurons l’occasion, monsieur le sénateur, de débattre de la politique économique du pays.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Cela a été évoqué il y a quelques instants, l’Europe entière s’indigne, à juste titre, d’une fraude organisée, qui a permis de faire consommer quelque 750 tonnes de viande de cheval estampillée « pur bœuf ». Au-delà de ses conséquences sur les ventes de plats cuisinés, cette affaire a jeté un doute sur l’ensemble de la filière agroalimentaire française. C’est en tout cas ce qu’indiquent les derniers sondages.

Pour beaucoup de consommateurs, ce scandale n’est pas un accident isolé et interroge sur la composition et la provenance réelles des produits alimentaires, malgré les étiquetages. La plupart des produits laitiers et des fromages industriels seraient par exemple fabriqués avec du lait d’importation d’origine inconnue.

Cela est-il révélateur d’une détérioration de la qualité des produits alimentaires français ? Je ne le pense pas. Les producteurs français s’attachent à produire des produits de qualité, avec des critères définis – AOC, IGP, label rouge – et des contraintes de production. Il est dommage qu’un fraudeur jette la suspicion sur l’ensemble de la filière.

Ma question ne concerne pas la gestion de cette affaire par le Gouvernement, mais les suites qu’il entend y donner.

En premier lieu, les exigences fortes en matière de sécurité sanitaire nécessitent de conserver des moyens de contrôle adaptés aussi bien pour les services vétérinaires que pour l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation et la DGCCRF, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. La responsabilisation des entreprises, ou l’autocontrôle, est sans doute une bonne chose mais elle a des limites. C’est bien à ces organismes publics d’exercer une surveillance efficace sans attendre que les scandales éclatent.

En second lieu, cette malheureuse affaire rend plus évidente la nécessité de renforcer l’information des consommateurs. Ils ont droit à la transparence totale sur les produits qu’ils achètent !

Au niveau européen, monsieur le ministre, vous venez de nous dire que l’on réfléchit à un étiquetage pour les plats préparés, mais, face à la lenteur de Bruxelles, envisagez-vous de prendre les devants ?

À la veille du salon de l’agriculture, le monde agricole attend la reconnaissance de la qualité de ses produits et peut-être aussi des mesures favorisant le développement des circuits courts, gage de transparence pour le consommateur. Sur tous ces sujets, nous attendons des engagements et des résultats !

Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation

Monsieur Barbier, dans cette affaire, 4, 5 millions de personnes ont acheté du bœuf et mangé du cheval, ou acheté du cheval au prix du bœuf, ce qui a permis à un intermédiaire, ou à plusieurs, de réaliser un joli bénéfice au passage.

Concernant les seules entreprises françaises, nous avons estimé que, sur une période de six mois, près de 550 000 euros de bénéfices indus avaient été réalisés, en vendant ainsi du cheval au prix du bœuf aux consommateurs français et européens.

Treize pays et vingt-huit entreprises ont été avertis par nos soins. Cela nous a permis de contrôler, à travers 3 000 interventions, la réalité des retraits et des rappels des produits concernés.

Dès le départ, nous avons voulu mesurer la nature du préjudice. Aujourd’hui, l’enquête judiciaire se concentre sur la responsabilité de l’établissement Spanghero. Je ne rappelle pas la réalité de changements d’étiquettes dans cet établissement, l’enquête continue sur l’étendue du préjudice.

D’autres filières d’approvisionnement, de transformation et de commercialisation de bœuf pourraient-elles laisser penser que l’on continue à manger dans nos plats préparés de la viande de cheval à la place de la viande de bœuf ? Il est utile de dire que cette viande n’est pas impropre à la consommation ; il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une tromperie économique, qui appelle réparation au profit du consommateur.

Avec mes collègues chargés de l’agriculture et de l’agroalimentaire, nous avons voulu rappeler l’excellence des filières bovine et agroalimentaire françaises. Nous avons également souhaité agir vite, au niveau européen, tout en respectant les rythmes des négociations européennes, notamment sur la modification du règlement européen concernant l’information des consommateurs, ou règlement INCO.

Nous désirons que les professionnels français anticipent l’évolution des règles européennes sur un point : le fait que figure l’origine des produits, notamment de la viande, sur l’étiquette des plats préparés. Concernant ces engagements, nous avons pu constater cet après-midi au ministère de l’agriculture la bonne volonté de l’ensemble des professionnels. C’est un point positif.

J’ajoute qu’il faut tirer d’autres leçons afin que notre système de protection soit aujourd’hui aussi efficace face à la tromperie économique qu’il l’est d’ores et déjà contre la menace sanitaire. Si vous volez une barquette surgelée dans un magasin, par exemple, vous encourez trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. Quand vous trompez 4, 5 millions de personnes pendant six mois, vous encourez 37 000 euros d’amende et deux ans d’emprisonnement. Il faudra sans doute examiner le caractère dissuasif de ces peines ; ce sera notamment l’objet du projet de loi sur la consommation.

Vous avez signalé l’importance du rôle de la DGCCRF. Ses agents ont effectivement agi avec beaucoup de célérité et d’efficacité. Je note tout de même que le nombre de ces agents a baissé de 16 % durant les cinq dernières années. Pour cette raison, grâce au Premier ministre, Jérôme Cahuzac et moi-même avons décidé de sanctuariser les effectifs pour cette année.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous devons nous assurer que la puissance publique conserve les moyens d’exercer ses tâches de contrôle plus efficacement encore dans les années à venir. C’est là un engagement que nous prenons !

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

Ma question s'adresse à Mme Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille.

Rééquilibrer les comptes publics n’est certes pas chose facile et, en la matière, les valeurs de l’État s’expriment aussi par la priorité qu’il donne aux mesures qu’il met en place.

Des actions dans certains domaines, comme les aides aux retraités ou la politique familiale, surtout dans les temps de crise que nous traversons, ne pourront manquer d’être interprétées sur un plan symbolique et idéologique. Les gouvernements précédents y ont été confrontés et, encore une fois, la crise ne fera qu’amplifier le sens de toute mesure prise dans ces secteurs.

L’image du couple riche, dénué de préoccupations matérielles, touchant des allocations, confrontée à celui qui peine à nourrir ses enfants, pourrait influer dans le sens de mesures sur les allocations familiales préconisées par le président de la Cour des comptes. Mais c’est une image d’Épinal…

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

Seule la classe moyenne, celle-là même que nous devons conforter, mobiliser, revitaliser, subira réellement une diminution des allocations familiales.

Les allocations familiales ne sont pas un outil de répartition et de justice sociale. Il s’agit, à salaire égal, de favoriser les couples qui décident de faire des enfants. La jeunesse d’un État est un paramètre essentiel au développement et, en ce sens, les allocations familiales constituent un investissement sur l’avenir. De plus, l’État, en maintenant le principe d’universalité, préserve un lien politique incitatif et protecteur avec l’ensemble des familles françaises.

Toucher aux allocations familiales, c’est prendre le risque de modifier le contrat social, dont le partage par tous les Français est crucial dans la période que nous traversons. Accroître le clivage entre les Français paraît aujourd’hui bien dangereux, d’autant plus que nous pourrions, avant d’envisager ce type de mesure, revisiter certains postes de la dépense publique.

Pouvez-vous, madame le ministre, nous indiquer si le Gouvernement maintient cette piste de rééquilibrage budgétaire ? Si tel est le cas, quelle est la forme de diminution des allocations familiales qu’il privilégie ? Envisage-t-il l’intégration de leur montant à l’impôt, c'est-à-dire la hausse des prélèvements, ou leur attribution sous conditions de ressources, ce qui battrait évidemment en brèche le principe d’universalité de la politique familiale ?

Applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Gilbert Barbier et Vincent Capo-Canellas applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille

Madame la sénatrice, je voudrais rappeler quelques réalités qui témoignent de la pertinence du questionnement du Gouvernement à ce sujet.

Comment pourrait-on aujourd’hui refuser de se questionner alors que c’est sous le précédent gouvernement

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. … qui n’était pas déficitaire, l’est devenue au fur et à mesure des années, passant d’un déficit de 300 millions d’euros en 2008 à un déficit de 2, 6 milliards d’euros en 2011 ?

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Comment ne pas se questionner alors que c’est vous qui avez désindexé des prestations familiales, …

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

… provoquant une perte de pouvoir d’achat de l’ordre de 600 millions d’euros pour l’ensemble de ces familles ?

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Pourquoi s’interdirait-on le questionnement alors que, avec 3, 7 % du produit intérieur brut affecté aux allocations familiales et aux allégements d’impôts, la France est certes en tête des pays européens en ce qui concerne les dépenses en faveur de la famille, …

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

… mais bien loin d’être en tête en ce qui concerne la lutte contre la pauvreté des enfants, comme l’a rappelé très cruellement un rapport récent de l’UNICEF ?

Comment refuser ce questionnement alors que les attentes et les besoins des familles ont évolué ?

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Une étude du CREDOC, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le rappelle : 69 % des parents considèrent aujourd’hui préférable, pour aider les familles, de leur fournir des aides sous forme d’équipements et de services, contre 30 % qui préconisent des prestations financières.

Comment refuser de se questionner alors que les sondages récents montrent que les Français eux-mêmes sont prêts à envisager des évolutions de notre système ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Au lieu de poser des questions, donnez des réponses !

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

C’est donc avec beaucoup de pertinence que le Premier ministre a décidé de saisir Bertrand Fragonard, président délégué du Haut Conseil de la famille, d’une mission globale sur les aides aux familles.

Il lui a été demandé, à partir des aides existantes, d’établir une cartographie. Cet exercice devra déboucher sur des propositions cohérentes d’évolution, …

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

… car il est légitime de se questionner sur l’économie générale du système d’aide aux familles, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Nous voulons des réponses ! Vous n’êtes plus dans l’opposition !

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

… sur son architecture d’ensemble, …

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

… sur l’efficience des dispositifs, …

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

… sur la pertinence de leur ciblage.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Il est légitime de rechercher une combinaison mieux adaptée aux besoins actuels entre les aides financières plus redistributives et le développement des services comme les modes d’accueil des enfants et le soutien aux parents.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous faites de l’immuabilité un gage d’avenir ; nous pensons que la justice, par l’équité et l’égalité, est le seul véritable gage d’avenir !

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé de la ville.

Depuis la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine de 2003, les politiques menées par les gouvernements successifs n’ont atteint aucun des objectifs qu’ils s’étaient fixés. Il est vrai que la baisse constante des crédits alloués aux politiques de la ville depuis 2008 – moins 50 % ! – n’est sans doute pas étrangère à cet échec.

Selon l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, les écarts de développement ne se sont pas réduits, bien au contraire ! Aujourd’hui encore, plus d’un résident sur trois habitant dans un quartier populaire est pauvre, contre un sur huit dans le reste du territoire ; le taux de chômage y est 2, 5 fois plus élevé qu’ailleurs ; une famille sur quatre est monoparentale, contre une sur dix dans les aires urbaines environnantes ; et je pourrai poursuivre la liste des indicateurs.

La Cour des comptes, dans le rapport sévère qu’elle a rendu en juillet 2012 sur la politique de la ville, analysait cette absence de progrès comme le résultat d’une dilution des interventions sur un nombre beaucoup trop grand de quartiers. Elle pointait des défauts persistants de gouvernance et de coordination, un manque d’articulation entre rénovation urbaine et accompagnement social, une répartition inadéquate des crédits dédiés à la politique de la ville et, enfin, une trop faible mobilisation des politiques publiques de droit commun.

Monsieur le ministre, vous avez lancé, à l’automne dernier, une large concertation, qui rassemblait environ 150 membres représentant l’ensemble des acteurs locaux et nationaux concernés et à laquelle notre collègue Claude Dilain a été étroitement associé puisqu’il coprésidait l’un des groupes de travail, en vue de réformer la politique de la ville. Cette concertation, qui est une démarche novatrice, a abouti à la formulation de propositions nombreuses et opérationnelles. Celles-ci ont été soumises au Gouvernement et sans doute présentées lors du comité interministériel des villes, qui s’est tenu mardi dernier.

Toutes ces propositions doivent tendre vers le même objectif : mettre un terme aux stigmatisations territoriales des quartiers…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

… et aux discriminations dont sont victimes les habitants des quartiers populaires. Il s’agit d’un changement de philosophie en faveur du rétablissement de l’égalité républicaine dans les quartiers.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire davantage sur les propositions retenues tant il y a urgence pour ces huit millions d’habitants des quartiers populaires ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué auprès de la ministre de l'égalité des territoires et du logement, chargé de la ville

Monsieur le sénateur, la situation des quartiers populaires concerne, me semble-t-il, toutes les sénatrices et tous les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, et je vous remercie de m’avoir interrogé sur ce sujet.

Vous l’avez souligné, la situation de ces quartiers est plus difficile encore en cette période de crise économique et sociale. L’élément le plus frappant est le taux de chômage, qui est, en général, deux fois supérieur au taux national et même trois fois supérieur pour ce qui concerne les jeunes de seize à vingt-cinq ans.

Vous l’avez également rappelé, ces quartiers ont trop souvent été stigmatisés dans les discours publics.

Aussi le Premier ministre a-t-il décidé d’engager l’ensemble du Gouvernement sur cette question, en prenant vingt-sept décisions lors du conseil interministériel des villes, qui s’est tenu mardi dernier.

Une convention sera signée par mon ministère avec l’ensemble des ministères concernés – l’intérieur, le logement, l’emploi, l’éducation nationale, la famille, les outre-mer, les droits des femmes, notamment –, afin de fixer les objectifs, de définir les méthodes et de déterminer les moyens nécessaires pour agir dans ces quartiers. Il s’agit de la levée du droit commun pour ces quartiers et, surtout, de la reconnaissance des fractures territoriales et des fractures urbaines entre les villes et en leur sein.

Il est nécessaire d’orienter les politiques publiques vers les quartiers les plus en difficulté.

Les conventions serviront concrètement à alimenter les futurs contrats de ville, qui concernent tant les opérations de rénovation urbaine en cours, tel le programme national de rénovation urbaine, que la nouvelle génération d’opérations de rénovation urbaine, lesquelles pourront être engagées dès la signature des contrats de ville, c'est-à-dire dès 2014.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué

Des actions de cohésion urbaine seront également menées, et les crédits consacrés à la politique de la ville dans les quartiers les plus prioritaires seront attribués selon une géographie prioritaire rénovée établie sur la base des critères les plus objectifs possibles. À ce stade, le pourcentage de foyers en dessous du revenu médian national et, éventuellement, local est le critère qui a été retenu.

Cette méthode permettra de faire émerger – cela vous intéresse tous – les poches de pauvreté existant dans les villes moyennes. Pour avoir procédé, ces derniers jours, à quelques simulations, je puis vous dire que les villes de Guéret et d’Auch, par exemple, seraient concernées.

Vous le voyez, le Gouvernement lance un plan concret. Il ne s’agit pas d’un énième plan d’urgence, qui serait enterré aussi vite qu’il a été annoncé. Non, c’est un plan structurel que le Gouvernement a décidé d’engager !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée de la francophonie.

Madame la ministre, vous vous êtes exprimée le 8 février dernier à l’Assemblée nationale devant le bureau international de l’Assemblée parlementaire de la francophonie, réuni à Paris.

Nous nous sommes alors penchés sur les situations politiques difficiles que connaissent la Guinée, Madagascar, le Mali, la République arabe syrienne, la République démocratique du Congo et la Tunisie. Vous nous avez fait part de vos engagements dynamiques pour mettre la francophonie au cœur des préoccupations. À vos côtés, nous défendons, nombreux, les valeurs démocratiques et respectueuses des droits de l’homme qu’elle sous-tend. Nous partageons, outre la langue française avec nos homologues sur tous les continents, ces mêmes idéaux.

Le Président de la République a établi des priorités pour conduire la politique de la nation : l’économie, bien sûr, pour relancer l’emploi, le défi climatique, mais également la francophonie, une richesse qui contribue au rayonnement de notre pays. Il nous faut donc construire dans cet espace francophone les conditions d’une société plus juste et plus égalitaire.

Le Président de la République a d’ailleurs développé cette thématique devant les chefs d’État réunis à Kinshasa, après s’être émerveillé devant la composition de l’Assemblée nationale du Sénégal, qui compte aujourd'hui autant de femmes que d’hommes élus. Cela fait rêver !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous avons en commun une préoccupation : la situation des femmes dans tous ces pays de l’espace francophone et particulièrement les violences qui leur sont faites dans certains territoires et/ou la régression des droits qu’elles subissent ou craignent de subir dans d’autres.

Ainsi, les femmes du Mali ont vécu une situation infernale dans le nord du pays jusqu’à l’arrivée de nos soldats. Elles sont reconnaissantes au Président de la République d’avoir pris la décision qui s’imposait pour rendre à ce pays l’autonomie et la sérénité qui lui sont chères.

Nous le voyons bien, la francophonie, c’est non seulement une langue commune, mais aussi un ensemble de valeurs et d’idéaux qu’il nous faut promouvoir.

Je sais combien vous êtes préoccupée, madame la ministre, par les difficultés particulières que rencontrent les femmes dans l’espace francophone. Vous vous êtes rendue à Goma, ainsi que dans la région du Kivu, pour rencontrer les femmes victimes de viols, utilisés comme des armes de guerre. Nous le savons tous, la condition des femmes est l’un des révélateurs grossissants de la situation du pays dans lequel elles vivent.

Chaque année, nous célébrons la journée de la francophonie le 20 mars. Ma question est simple, madame la ministre : quel est le programme d’activités de l’année 2013 ? Quelles actions mettez-vous en place afin de promouvoir la francophonie et les droits des femmes dans notre pays et dans l’espace francophone ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la francophonie.

Debut de section - Permalien
Yamina Benguigui, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée de la francophonie

Madame la sénatrice, je salue votre combat pour la cause des femmes.

J’ai décidé d’organiser le 20 mars prochain à Paris, date de la journée internationale de la francophonie, le premier forum mondial des femmes francophones. Cette décision est née d’un état d’urgence inacceptable avec les valeurs d’égalité et de solidarité que porte la francophonie.

C’est bien dans l’espace francophone que les femmes sont les premières victimes des conflits armés.

C’est bien dans l’espace francophone que des escadrons de la mort, des groupes armés et rebelles, en République démocratique du Congo, dans le Nord-Kivu, ont programmé le viol de milliers de femmes, devenues butins de guerre.

C’est bien dans l’espace francophone qu’un véritable génocide au féminin se déroule depuis des mois dans un silence assourdissant.

C’est bien dans l’espace francophone en Tunisie, au Mali et en Égypte que les acquis des femmes sont en régression.

C’est pour toutes ces raisons que j’ai promis de porter la parole de ces femmes, dont les droits sont violés.

Le 20 mars prochain, 400 femmes venues des 77 pays de l’espace francophone, dont beaucoup portent les stigmates de leurs droits bafoués, viendront à Paris faire entendre leur voix pour le respect de leur droit à la dignité, à l’égalité et à l’intégrité de leur identité.

Ce forum portera les fondations d’un nouveau statut des femmes francophones et la défense de leurs droits partout où ils sont menacés. Aux côtés de l’Organisation internationale de la francophonie, je souhaite que la France insuffle un véritable plan d’action pour les femmes et la francophonie.

Tels sont les objectifs que je porterai devant les institutions de la francophonie et auprès des États qui la composent. C’est toute l’ambition de ce premier forum mondial des femmes francophones.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Ma question s’adressait initialement à M. le Premier ministre, qui rendra dans quelques jours ses arbitrages sur le financement de la société d’État du Grand Paris, mais je suis très satisfait qu’il ait désigné pour me répondre Mme Duflot, qui a été pendant quelques jours élue de Paris…

Le concept du Grand Paris a été promu par Nicolas Sarkozy, d’une part, pour permettre à la métropole parisienne, ou francilienne, de garder son rang dans le monde et, d’autre part, pour résoudre le problème urgent de la congestion des transports en Île-de-France. Après quoi, l’alternance a eu lieu ; aujourd’hui, la majorité détient tous les pouvoirs : le pouvoir national, le pouvoir régional, le pouvoir communal.

Or que se passe-t-il lorsque nous apprenons que Paris a perdu quatre places en 2012 dans le classement de l’attractivité mondiale, en accueillant seulement 105 entreprises étrangères au lieu de 150 ? Il ne se passe rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Que se passe-t-il lorsque nous apprenons que le chômage a augmenté de 6, 5 % en un an et de 15 % pour les plus de cinquante ans ? Rien !

Que se passe-t-il lorsque nous apprenons qu’un groupe étranger va mettre en vente la bourse de Paris ? Aucune déclaration !

Évidemment, il y a quelques bisbilles… C’est d’abord le président du conseil régional d’Île-de-France qui conteste la politique du maire de Paris en matière de bureaux. D’ailleurs, madame la ministre, je crois que vous êtes favorable à la taxation des bureaux vacants. C’est ensuite le ministre de l’intérieur qui tacle le maire de Paris au sujet du coût économique de la fermeture des voies sur berge.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Sans compter les bisbilles entre les Verts et la majorité socialiste à propos du passe Navigo ou du financement de tel ou tel organisme de transport.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

À l’UMP, il n’y a jamais de bisbilles, c’est bien connu !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Alors que 9 milliards d’euros restent à trouver pour améliorer les transports en Île-de-France, l’État ne paie rien. Ce sont les entreprises franciliennes qui assument 45 % du coût total ; en particulier, elles supportent 75 % des coûts de fonctionnement. Pour le reste, ce sont les contribuables qui paient à travers un impôt spécifique, la taxe complémentaire à la taxe locale d’équipement, qui couvre 20 % du coût.

Aujourd’hui, nous apprenons que de nouvelles sources de financement son attendues et que le Premier ministre va trancher. Demandera-t-il aux Parisiens et aux Franciliens de payer davantage d’impôts ? Demandera-t-il aux entreprises de payer plus, parce que l’activité économique est trop forte dans notre région ?

Madame la ministre, j’attends que vous preniez des engagements clairs : ne pas augmenter les impôts, ne pas taxer les entreprises et prendre vos responsabilités. Vous voulez que l’État commande ? Eh bien, que l’État paie !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Debut de section - Permalien
Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement

Je trouve assez originale la manière dont M. Dominati présente ce dossier. En effet, si le projet du Grand Paris Express a une spécificité, c’est bien celle d’avoir fait l’objet, à un moment donné, d’un large consensus à la fois sur son principe et sur ses modalités de financement.

Seulement, la raison de ce consensus est finalement assez désagréable : le coût du projet avait été largement sous-évalué. Quand je dis largement, c’est parce qu’il manquait 10 milliards d’euros !

Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

C’est l’administration de l’État qui est responsable !

Debut de section - Permalien
Cécile Duflot, ministre

Cette somme n’a pas été prévue, alors que le projet a suscité une attente considérable chez les Franciliens et que son lancement est absolument nécessaire, y compris pour l’activité des entreprises ferroviaires françaises.

C’est pourquoi le Gouvernement a choisi d’étudier un redimensionnement du projet afin d’en diminuer le coût, qui se monte à 30 milliards d’euros en l’état. Pour ce qui concerne les moyens, il a décidé de mobiliser différentes ressources pour réussir à financer l’ensemble du projet et pour répondre aux attentes des élus de toutes les collectivités territoriales et de toutes les couleurs politiques. Croyez bien que, ce qui unit un certain nombre d’élus autour de ce projet, c’est la nécessité de répondre aux besoins actuels des Franciliens en matière de déplacement, mais aussi d’anticiper les besoins futurs alors que la saturation de certaines lignes est un fait établi.

Monsieur Dominati, vous avez fait référence aux taxes affectées à la Société du Grand Paris. Je vous rappelle que ces taxes ont été proposées par le précédent gouvernement et votées par le Sénat et par l’Assemblée nationale. Il est nécessaire que, comme dans les autres pays du monde, tous les acteurs apportent leur contribution. L’État apportera la sienne – le Premier ministre en a pris l’engagement – pour les besoins en dotation de la Société du Grand Paris.

Debut de section - Permalien
Cécile Duflot, ministre

Ces différentes contributions permettront de financer le projet, qui fera l’objet d’un phasage. Évidemment, l’équation est compliquée. Quand on fait la promesse, comme le précédent gouvernement, de mener à bien avec 20 milliards d’euros un projet qui coûte 30 milliards d’euros, il est certain qu’on laisse une situation extrêmement désagréable à gérer.

Néanmoins, nous avons la volonté de tenir la promesse de l’État et d’assurer la continuité des engagements. C’est pourquoi le Gouvernement et l’ensemble des collectivités territoriales, dont la région Île-de-France et l’ensemble des départements, continuent de travailler sur ce dossier. Le Premier ministre annoncera, le 6 mars prochain, le scénario qu’il est possible de suivre pour répondre à une attente qui se fait chaque jour plus pressante.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Madame la présidente, M. Claude Belot m’a chargé de faire une mise au point au sujet de ses votes lors des scrutins publics n° 18, 19 et 20 sur la proposition de loi relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc. En effet, notre collègue a été déclaré comme votant contre, alors qu’il avait voté pour.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Acte est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’ordre du jour appelle le débat sur le développement dans les relations Nord-Sud, organisé à la demande du groupe écologiste.

La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe écologiste a souhaité que le débat sur le développement dans les relations Nord-Sud soit inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée, car ce thème s’inscrit dans une double actualité.

Tout d’abord, il est au cœur des Assises du développement et de la solidarité internationale, que vous pilotez, monsieur le ministre, et dont la clôture est prévue pour le 1er mars prochain, en présence du Président de la République. J’ai été choisie par mon groupe – je l’en remercie – pour le représenter à ces assises, et je souhaite que tous les sénateurs et toutes les sénatrices, qu’ils aient ou non participé aux assises, puissent être associés à une réflexion sur le sujet. En effet, nombre d’entre nous, mes chers collègues, disposent d’une expertise certaine en matière de relations Nord-Sud mais n’ont pas pu participer aux assises. Le présent débat sera donc l’occasion pour l’ensemble des parlementaires, tous groupes confondus, d’enrichir la réflexion.

Si le Sénat a su montrer son expertise lors de séances précédentes, celles-ci étaient pour la plupart centrées sur des aspects budgétaires ; je pense, par exemple, aux débats relatifs à l’aide publique au développement, l’APD, et à la taxe sur les transactions financières, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2013. Il s’agit cette fois de débattre plus largement et sous des angles plus diversifiés.

Ensuite, notre débat s’inscrit dans une seconde actualité : la reprise de l’« aide » dans la région du Sahel et la nécessité de construire une paix durable au Mali ; c’est un enjeu de développement majeur. Au-delà de ce lien de notre débat avec l’actualité, les écologistes sont extrêmement attachés aux questions de coopération, de relations Nord-Sud et de développement, qui se situent au centre de nos préoccupations.

À titre liminaire, je tiens à préciser que ma vision découle de mon expérience du Sud ; mon nom, Ango Ela, en témoigne, puisqu’il s’agit d’un nom beti, ou plus précisément bulu, qui vient du sud du Cameroun. Résidant au Cameroun depuis 1987, j’y ai dirigé, jusqu’à mon arrivée au Sénat en juillet dernier, un centre de recherche en géopolitique de l’Afrique centrale.

Forte de cette expérience acquise durant près de quinze ans au sein d’équipes de recherche « Sud » et en tant que sénatrice représentant les Français établis hors de France, je ne peux avoir une vision franco-centrée des questions de développement. Je remercie donc le groupe écologiste de m’avoir laissé exprimer parmi vous, mes chers collègues, les nombreux questionnements que suscite au Sud le thème qui nous réunit aujourd’hui : le développement dans les relations Nord-Sud.

Je développerai trois points qui me semblent essentiels : la nécessaire coordination entre les différents intervenants, à plusieurs échelles ; la gestion de la temporalité dans les projets de coopération et de développement ; le processus de sortie de crise durable au Mali. Mais, auparavant, je souhaiterais revenir sur la terminologie même de l’aide au développement et sur la nécessité d’une relation équitable et respectueuse entre les partenaires du Nord et du Sud.

L’ensemble du vocabulaire employé à l’égard des pays du Sud est à redéfinir. Comme l’a plusieurs fois souligné Jean-François Bayart, en particulier dans son article « L’énonciation du politique », l’emploi d’un vocabulaire renvoyant à la domination et à la dépendance reflète une posture de laquelle il convient de se détacher. Cessons d’évoquer la « population locale » et parlons des nationaux des États concernés par la coopération, ainsi que de leurs organisations régionales. De même, pourquoi parle-t-on d’« aide au développement » lorsqu’il s’agit de concéder des emprunts avec souvent une volonté de retour sur investissement ? Quant aux « dons » et « prêts », relèvent-t-ils réellement de la solidarité ou s’inscrivent-ils dans une stratégie d’influence ?

La terminologie ne me semble pas appropriée, même si, monsieur le ministre, c’est la notion de développement qui a été retenue pour désigner votre ministère. Je préférerais que vous soyez ministre du « développement pour tous » ou du « développement mutuel », car je ne doute pas un instant que la politique conduite par le Gouvernement s’engage dans cette voie positive.

À l’appui de cette idée, il me semble intéressant de citer, comme l’a fait Gilbert Rist dans son ouvrage L’économie ordinaire entre songes et mensonges, l’exemple du plan national de développement bolivien. L’objectif principal de ce plan, mis en place par le Président Morales, est d’assurer à chacun « une bonne vie », ce qui signifie en réalité « bien vivre entre nous ». C’est une autre manière d’organiser la société, loin du libéralisme économique, qui a toujours associé le développement à la croissance économique.

Le plan de développement bolivien précise qu’il s’agit de « vivre en tant que membres de la communauté, sous sa protection et en harmonie avec la nature ». Cette conception pourrait recouvrir la notion occidentale de « bien-être », de qualité de vie, mais un bien-être et une qualité de vie qui ne se limiteraient pas à l’acquisition et à l’accumulation de bien matériels et ne seraient obtenus ni aux dépens des autres ni aux dépens de la nature.

Nos partenaires du Sud et certains chercheurs, économistes et politistes du Nord, estiment également que le terme « aide » ne correspond pas aux réalités de la pratique. Peut-être pourrions-nous parler plutôt d’« entraide » ou d’« aide mutuelle », y compris pour l’action française, ou alors assumer pleinement nos objectifs d’influence. Je rappellerai, à ce sujet, l’excellent avis présenté au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, par nos collègues Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon sur la mission « Aide publique au développement » du projet de loi de finances pour 2013. Voici ce qu’ils écrivaient dans une partie intitulée « Des objectifs d’influence qui mériteraient d’être précisés » : « Les intérêts du Nord et du Sud peuvent être communs […], ou bien se recouper lorsque le donateur a intérêt au décollage économique du pays aidé.

« […] Sur le long terme, les objectifs ultimes poursuivis par la politique de coopération correspondent aux intérêts mutuels des pays du Nord et du Sud. Il s’agit d’un développement plus harmonieux de la planète assis sur un modèle de développement durable et moins inégalitaire.

« […] La revue des différents objectifs affichés par le budget de l’aide au développement fait apparaître un déséquilibre très clair dans la prise en compte de ces deux aspects de la politique de coopération au développement que sont la solidarité et l’influence.

« Ni le budget ni le document-cadre de coopération ne mentionne explicitement la question des intérêts français.

« Certes, d’autres instruments de coopération contribuent directement à la promotion de notre savoir-faire, à notre diplomatie culturelle ou encore à la sécurité de la France. Mais la coopération au développement est un des instruments de notre diplomatie d’influence.

« De même, une partie de l’aide bilatérale française vise explicitement le soutien aux entreprises françaises. »

Comme le rappelait également le comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, en 2004, « notre aide, composante de l’action extérieure de la France, doit être plus claire dans ses objectifs ».

Je rejoins l’avis de nos deux collègues, qui estimaient dans leur avis que ce constat était toujours d’actualité en 2012, particulièrement « en ce qui concerne les objectifs poursuivis en matière d’influence », et qu’il expliquait « nombre d’incohérences entre stratégie et instruments ». Ils ajoutaient que le bilan évaluatif de la politique française de coopération au développement entre 1998 et 2010 effectué par le cabinet Ernst and Young avait également souligné qu’un affichage assumé et constant des positions en la matière ferait probablement gagner en lisibilité et crédibilité.

Personnellement, je ne serais évidemment pas choquée si la France indiquait clairement qu’elle entretient une relation d’affaires avec les pays bénéficiaires de l’APD bilatérale. Elle assumerait ainsi le fait qu’elle en retire certains bénéfices, ce qui ne remettrait absolument pas en cause ses intentions par ailleurs louables. Certains projets de coopération internationale pourraient être identifiés comme relevant du commerce extérieur de l’État. Ce serait d’autant plus cohérent que certaines actions dites « de développement » rejoignent les priorités de l’action définie en décembre dernier par la ministre du commerce extérieur.

Parmi ses priorités d’action, Mme Bricq identifie quatre « familles » dans l’offre commerciale de la France, à savoir « mieux se nourrir », « mieux se soigner », « mieux vivre en ville » et « mieux communiquer ». Celles-ci pourraient, quand elles sont à destination des pays du Sud, être abordées via une logique hybride alliant entraide et commerce extérieur. Il en serait ainsi fini du manque de crédibilité et l’affichage serait clair. Au-delà, le budget accordé au développement serait clairement identifié et centré sur sa mission première.

Je conçois que cette idée puisse surprendre, mais, à mon sens, elle pourrait contribuer à établir des relations plus équitables entre les pays du Nord et ceux du Sud – le deuxième point que je souhaitais évoquer, ainsi que je l’ai annoncé.

Nous devons mettre en place une relation équitable et égalitaire. Le respect, la considération, l’équité et l’égalité entre les partenaires du Nord et du Sud sont évidemment essentiels dans les projets de coopération.

L’organisation des Assises du développement et de la solidarité internationale est un événement important, et nous tenions, avec mes collègues du groupe écologiste du Sénat, à vous féliciter, monsieur le ministre, de cette initiative nécessaire. Il s’agit d’un excellent espace de dialogue, de partage et d’échange regroupant les acteurs ayant une expertise indéniable en la matière. Je suis ravie d’y participer, non seulement pour la qualité des contributions qui peuvent y être apportées, mais aussi pour l’intérêt des pistes de réflexions qui s’en dégagent.

Toutefois, la question de l’équilibre, que j’évoquais, passe aussi par la voix du Sud ou, plus exactement, par les voix du Sud, c’est-à-dire celles de ses représentants au niveau des États, de leurs collectivités territoriales ou de ses ONG.

Après nous être posé la question du développement « pour qui », nous devons donc nous poser celle du développement « avec qui ». La voix de l’autre, des autres, des partenaires du Sud, doit être écoutée et entendue.

Si j’ai apprécié la participation d’ONG du Sud, ainsi que de certains experts du Sud, je regrette cependant que les États et les collectivités territoriales du Sud n’aient pas été davantage représentés. Cela aurait permis de croiser davantage les visions et de dresser un état des lieux des actions menées, notamment entre collectivités territoriales du Nord et du Sud.

Ainsi, pour que la considération et le respect soient placés au cœur de nos actions de coopération, nous devons intégrer les principaux intéressés à nos réflexions, et cela en nombre égal. Le dialogue doit être équilibré et équitable.

À cet égard, je ne peux m’empêcher de citer Joseph Ki-Zerbo, grand historien et homme politique burkinabé bien connu, décédé en 2006 : « L’Europe croit dialoguer avec l’Afrique, mais, en réalité, elle ne reçoit que l’écho tropicalisé de sa propre voix ».

Monsieur le ministre, je connais vos convictions, vos engagements et votre détermination à établir un dialogue constant avec nos partenaires du Sud. Vos nombreux déplacements à leur rencontre en témoignent d’ailleurs. Je ne doute donc pas que la clôture des Assises du développement et de la solidarité internationale, le 1er mars prochain, permettra aussi de faire entendre leurs voix.

À cet égard, les questions alliant mobilité, immigration et développement sont essentielles.

Lors de ces assises, des contributions fort intéressantes ont ainsi pu mettre en avant le droit à la mobilité, la reconnaissance du rôle des migrants comme acteurs du développement, au travers du concept de codéveloppement. Je citerai ici une contribution de la plateforme Eunomad, en date du 8 février dernier, définissant le codéveloppement comme « le développement imaginé, conçu et mis en œuvre par la rencontre fructueuse des attentes, savoir-faire, connaissances et compétences d’acteurs du Nord et du Sud. Une rencontre orchestrée par les populations migrantes ». Je partage évidemment avec Eunomad l’idée que « la mobilité des personnes conditionne les dynamiques de coopération ».

Comme la plateforme l’a également souligné, à juste titre, « en mettant un terme à la gestion des programmes de codéveloppement par le ministère de l’intérieur et en la réintégrant dans les attributions du nouveau ministère délégué chargé du développement, le Président de la République a marqué une volonté de mettre fin à l’indexation des dispositifs nationaux de codéveloppement aux accords de gestion concertée sur les flux migratoires.

« Ce faisant, la reconnaissance d’un développement réciproque entre territoires s’appuyant sur la participation directe des diasporas est replacée à sa juste valeur comme composante à part entière du développement. »

Cette mobilité participant au développement mutuel doit donc être prise en compte dans le sens Sud-Nord, mais également Nord-Sud.

Ne pourrait-on pas engager une réflexion sur une « migration réfléchie », favorisant l’inter-mobilité et intégrant des projets de formation, de partage d’expérience, de valorisation des savoirs et des savoir-être ?

Bien loin du malheureux concept « d’immigration choisie », une « migration réfléchie » intégrerait les problématiques liées à la mobilité, y compris pour les Français se rendant à l’étranger pour y séjourner ou y résider.

Monsieur le ministre, le groupe écologiste du Sénat sait votre attachement au droit à la mobilité et nous espérons que le Gouvernement pourra porter ces valeurs, au niveau tant européen qu’international.

En outre, comme je l’ai annoncé, je souhaite évoquer avec vous toutes et vous tous trois autres points essentiels.

Tout d’abord, je voudrais insister sur la nécessité d’une coordination entre les intervenants. Une logique collective et de synergie doit évidemment prévaloir dans le cadre des montages de projets, parfois bien complexes, mis en place en matière de coopération ou de développement.

Cette entraide complexe, intervenant entre plusieurs acteurs, publics et privés, qu’elle soit bilatérale, multilatérale, européenne, internationale ou interrégionale africaine, doit associer à la fois des ONG, des États, des collectivités territoriales du Nord comme du Sud. J’ai déjà évoqué, au sujet des Assises du développement, la place fondamentale des États et des organisations régionales. Je reviendrai ici sur le besoin de coordination entre les différents acteurs.

Comme l’évoquait Richard Banegas au sujet de l’Afrique, il ne faut pas aller vers une banalisation de la relation, dans laquelle les États du Sud seraient dans une attente systématique et risqueraient de se désengager des projets menés sur leurs territoires, faute d’y avoir été suffisamment associés.

Il y va également de leur crédibilité auprès de leur population, de leur société, et nous devons veiller à ce que tous les échelons puissent coopérer aux actions de développement.

Ensuite, il me paraît fondamental de mieux gérer le temps dans les projets de coopération ou de développement.

Le temps des bailleurs n’est pas celui des ONG, des États et des sociétés. Zaki Laïdi, grand politologue français, dans ses travaux consacrés aux questions de temporalité, évoque le « temps mondial ». Un de ses ouvrages est d’ailleurs centré sur ce concept ; il y mène aussi une réflexion relative au « rétrécissement du temps politique ».

En effet, si un projet de développement se déroule sur trois années, telle n’est pas nécessairement la durée de la visibilité et des résultats, qui, eux, peuvent prendre cinq à six ans, voire davantage.

À titre d’illustration concrète, je citerai, par exemple, mon dernier déplacement au Niger, en novembre dernier. Les représentants des ONG que j’y ai rencontrés regrettaient le manque de temps imparti aux actions de développement, souvent menées dans l’urgence.

Il faudrait donc qu’il soit possible de renouveler les projets, surtout lorsqu’ils sont une réussite.

Un chercheur du Sud me confiait récemment l’exemple d’une action menée en Afrique, à Maroua plus précisément, par l’IRD, l’Institut de recherche pour le développement, consistant à lutter contre la prolifération de certains moustiques porteurs de maladie. Il déplorait que, une fois que l’efficacité de la technique mise en place et brevetée par l’IRD fût avérée, son action ne se fût pas poursuivie sur le terrain, où elle aurait pu trouver de nombreuses autres applications permettant de résoudre d’autres difficultés.

Les chercheurs du Sud présents durant ce projet m’ont fait part de leur vision critique de cette intervention et de l’impression qu’ils avaient eue que les chercheurs du Nord n’étaient pas là pour faire du développement, mais pour « tester des produits, obtenir des brevets et repartir ».

J’en viens enfin au processus de sortie de crise durable au Mali. Après le temps militaire et le temps politique, voici le temps du développement, qu’il convient de prévoir et d’organiser.

Le groupe écologiste du Sénat se félicite évidemment de la reprise de l’aide au développement annoncée par la France et l’Union européenne, le 12 février dernier.

Monsieur le ministre, nous connaissons vos engagements à ce sujet, formulés lors de votre très récent déplacement au Mali, ainsi que le travail que vous avez fourni récemment concernant la concertation des acteurs, en particulier à l'échelle européenne.

La situation malienne reflète parfaitement les réflexions que j’ai pu mener ci-avant. La construction d’une paix durable au Mali, en vue de mieux vivre et d’assurer le bien-être des populations, devra se faire en adoptant de nouvelles postures mentales et un nouveau vocabulaire, plus respectueux de nos partenaires, mais aussi en associant l’ensemble des acteurs, au niveau bilatéral, européen et international.

Cela devra notamment passer par une sortie de crise économique, et, là encore, il faudra s’inscrire sur du long terme et respecter la temporalité nécessaire à la mise en place d’une économie de paix, qui devra être consolidée.

Cette aide suppose évidemment une très bonne coordination, et je sais que vous vous y attelez, monsieur le ministre.

Je tiens à souligner que les Français du Mali savent se montrer solidaires de leur pays d’accueil, avec lequel ils ont bien souvent de fortes attaches, amicales ou familiales, souvent de longue date. Ils souhaitent être associés à cette coopération.

Je citerai, en particulier, la section Mali de Français du Monde-ADFE, qui a écrit à M. le Président de la République, le 25 janvier 2013, dans les termes suivants : « La diaspora française que nous sommes restera solidaire avec le Mali qui nous a tant accueillis et intégrés dans une communauté riche du lien social. […] Pour réussir à terme, nous savons qu’il faut, aussi et surtout, s’impliquer dans une réelle coopération Nord-Sud et Sud-Sud, afin de lutter contre les causes profondes de la détresse socio-économique qui ont favorisé cette invasion. Sans un franc partenariat avec les peuples, l’intervention française aux côtés du Mali perdra son sens. »

Il me semble que l’essentiel est dit, et, en tant que sénatrice représentant les Français établis hors de France, je me dois également de penser à nos compatriotes. À ce titre, je suis extrêmement fière de la solidarité et du soutien qu’ils manifestent à l’égard du Mali.

Les Français du Mali sont donc des acteurs de ce développement mutuel conduisant à une paix durable, comme le sont les Maliens de France.

C’est, me semble-t-il, dans ce cadre que nous pourrons retrouver des liens pacifiés, apaisés, et que nous pourrons préparer la paix et l’après-paix.

Monsieur le ministre, pour conclure, je tenais à vous faire part du soutien du groupe écologiste du Sénat dans la tâche qui est la vôtre et à relayer les espoirs placés, au Nord comme au Sud, dans la mission que vous menez pour que le développement et la solidarité internationale retrouvent tout leur sens.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Christian Cambon applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais remercier très chaleureusement les sénatrices et sénateurs qui ont pris de leur précieux temps pour être dans l’hémicycle aujourd’hui. J’ai comme l’impression que l’affluence en séance publique est inversement proportionnelle à l’enjeu du développement dans les relations Nord-Sud.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Je tiens aussi à vous dire – ce n’est pas un hors-sujet, même si nous en débattrons à un autre moment – que, peut-être, malgré tout, la question du cumul des mandats explique en partie l’absence de nombre de nos collègues, qui sont repartis vers leurs territoires, pour certains éloignés.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Cela n’a rien à voir ! Je cumule et je suis bien là !

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Mme Corinne Bouchoux. Je remercie donc aussi les cumulards de leur présence. C’est très aimable à vous !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

S’ils se mettent à voter, vous êtes battue !

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Nous sommes malheureusement assez peu nombreux, alors que le sujet est d’importance. Je pense aux étudiants et lycéens présents dans les tribunes, qui sont cinq fois plus nombreux que nous… Ils viennent voir à quoi ressemble une semaine de contrôle parlementaire et à quoi sert le Parlement. Nous allons essayer de leur montrer quelles questions nous nous posons dans notre diversité, parfois avec nos oppositions.

Monsieur le ministre, vous avez reçu, en janvier dernier, les recommandations de l’évaluation de la stratégie française « Genre et développement », réalisée par Mmes Danièle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, et Christine Lazerges, présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

Il ne vous aura pas échappé que cette évaluation souligne le nécessaire renforcement de la prise en compte du genre dans les politiques françaises de développement. Dans les différentes pistes de travail, cette notion est mentionnée.

Brouhaha sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

L’évaluation a posé comme des priorités l’égal accès des femmes et des hommes aux politiques d’aide au développement et la nécessité d’une attention accrue, notamment, aux jeunes filles, plus affectées par les précarités de tous ordres.

Selon nous, il s’agit non pas d’un signalement de pure forme ou d’un affichage cosmétique, mais de l’affirmation d’un impératif consistant à veiller à ce que la place des femmes, dans un souci d’égalité, soit bien prise en compte partout, dans toutes les formes de politiques d’aide au développement.

En général, cependant, la problématique du genre est mal comprise et mal perçue, chez nous et parfois là-bas. Il faut, à notre sens, adopter une vision systémique et lucide, qui analyse, ici et là-bas, les rapports de pouvoir entre les femmes et les hommes, entre les hommes et les femmes, parfois et souvent la domination masculine, et favorise aussi une meilleure implication des hommes dans la prise de décision ou dans certaines activités, notamment la sphère privée, où les inégalités sont, ici et là-bas, criantes.

Il est aussi nécessaire de prendre en compte le fait que les femmes sont, et doivent être, co-actrices du développement et co-actrices des politiques de développement, d’y voir un atout, une richesse, et non pas un gadget.

À ce niveau, nous nous heurtons à une première question, monsieur le ministre. Que sait-on, au sein du ministère des affaires étrangères, de ces questions de genre ? Que sait-on, à l’Agence française de développement, de cette problématique ? Et qu’en savent, selon vous, les ONG ? Celles-ci nous ont fait passer un certain nombre de messages.

Concrètement, quand on compare les budgets exécutés en matière d’actions de promotion de l’égalité depuis l’adoption du document d’orientation stratégique « genre », on parle, pour 2010, de 14 millions d’euros investis par l’Agence française de développement et de 4, 8 millions d’euros dans le cadre du Fonds social de développement. On a donc l’impression, peut-être fausse, d’une ambition un peu floue ; notamment, les moyens annoncés à l’origine ne semblent pas être au rendez-vous.

Ensuite, vous le savez bien, l’évaluation de cette politique publique doit revenir sur la traçabilité budgétaire et le suivi analytique du genre dans l’aide française, qui reste, je le répète, trop modeste malgré vos efforts constants, monsieur le ministre.

À la veille du 8 mars, journée internationale des droits des femmes, comme nous le savons tous ici, pouvez-vous nous repréciser vos priorités, monsieur le ministre, en termes de portage et de pilotage politique ? Comment comptez-vous mobiliser tous les acteurs et actrices, ici et là-bas ? Comment renforcer les capacités d’action de toutes et tous pour généraliser et intégrer transversalement cette approche du genre dans nos politiques de développement ? Comment affiner des indicateurs pour mieux mesurer la place et la part du genre dans notre aide au développement, et surtout dans l’efficience de notre politique publique ?

Enfin, et c’est bien plus délicat, j’en conviens, comment concilier la promotion de nos idéaux d’égalité entre les femmes et les hommes ici, dans l’aide au développement, alors que nous savons, comme l’a rappelé notre collègue Kalliopi Ango Ela, que nos histoires et nos normes sont parfois très différentes ? Il suffit de penser à des réalités extrêmement concrètes, comme la liberté de se vêtir : dans certains pays, nous le savons tous, les femmes ne peuvent pas, ou plus, porter de pantalon, sans parler d’autres signes vestimentaires qui seraient plus compliqués à évoquer ici, faute de temps.

Pour le dire autrement, comment promouvoir une aide publique au développement où la place des femmes serait reconnue, sans avoir l’air de donner des leçons ni de céder à une forme de ce paternalisme dont nous ne voulons plus ?

Pouvez-vous enfin nous dire, monsieur le ministre, quelles seront vos actions prioritaires dans les années qui viennent, parmi les quarante recommandations dont vous avez été le destinataire pour « entreprendre et soutenir des actions de promotion de l’égalité » ?

Enfin, question ni subsidiaire ni exotique à la veille du débat qui va nous occuper sur le droit du mariage pour tous : comment intégrer dans les politiques d’aide publique au développement la lutte contre l’homophobie et la lesbophobie, que nous souhaitons promouvoir, par la culture, l’éducation et la recherche – là encore, sans avoir l’air de donner des leçons ?

Pour finir, je remercie encore une fois nos collègues qui sont venus assister à ce débat.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

M. Henri de Raincourt . Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier le groupe écologiste d’avoir demandé l’inscription de ce débat à l’ordre du jour, ainsi que les deux sénateurs qui viennent de s’exprimer : puisque Mme Bouchoux nous a remerciés, je la remercie également, parce qu’il me semble très important, même si nous ne sommes pas nombreux, de pouvoir échanger sur ce sujet tout à fait essentiel.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Mes chers collègues, la France, et plus généralement l’Europe, connaissent une crise sévère. Parler de développement peut, dans une certaine mesure, sembler décalé, voire difficile à comprendre pour nos concitoyens. Pourquoi en effet faudrait-il s’occuper des difficultés des autres, quand on est soi-même confronté à des contraintes économiques, budgétaires et sociales ? Cette contrainte nécessite des arguments rapides et tangibles face à une opinion forcément inquiète.

Le premier défi de l’aide au développement est donc un défi de légitimité, mais je sais que nous sommes tous ici convaincus de l’utilité de cet effort de solidarité.

L’aide au développement ne répond pas au même calendrier que les agendas nationaux. Ses retombées ne se font sentir que dans la durée – et encore, de manière inégale. La démonstration de l’efficacité de l’aide est donc un élément central de cette politique.

L’aide au développement est un travail de longue haleine, complexe et parfois ingrat, car cette aide est une politique qui trouve ses origines précisément dans ce qui ne fonctionne pas à l’étranger. Par ailleurs, l’action des États doit aussi tenir compte d’une particularité propre à l’aide publique au développement : c’est l’une des rares politiques publiques qui n’est pas soumise aux pressions de tel ou tel groupe.

Je sais quel est l’engagement des ONG et je le salue, de même que je connais les recommandations des acteurs de terrain. N’oublions pas que l’aide publique au développement continue néanmoins de bénéficier d’une sympathie réelle auprès de nos concitoyens, comme en témoignent les enquêtes d’opinion effectuées annuellement par l’Agence française de développement.

De plus, en cette période de disette des finances publiques, la tentation peut naître de voir l’aide publique au développement servir de variable d’ajustement dans les choix politiques et budgétaires des grands États donateurs.

Soyons honnêtes, nous savons que ces coups de rabots ne pousseraient pas les foules à descendre dans la rue.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Pourtant, face aux multiples défis de la mondialisation, notre politique d’aide publique au développement doit bénéficier d’efforts soutenus, constants, tout en tenant compte des réalités.

Ainsi, une autre question mérite d’être posée : l’aide publique au développement serait-elle la seule voie pour sortir du sous-développement ? Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, des pays tels que la Corée du Sud, la Thaïlande, la Malaisie et bien d’autres ont changé de statut en quelques décennies. Portés par des rythmes de croissance soutenus, ils ont accédé au rang d’économies prospères et créatrices de richesses. Il est vrai qu’un soutien ciblé, des barrières douanières élevées et un investissement massif dans la formation et l’éducation ont permis ces réussites. Toutefois, ces pays n’ont pas, à proprement parler, été bénéficiaires de l’aide publique au développement.

Pourtant, cette aide demeure absolument indispensable, car le monde change et notre poids relatif, celui de l’Europe, diminue : c’est vrai sur le plan économique ou technologique, mais c’est encore plus manifeste sur le plan démographique. Par exemple, nous savons tous que, face à notre continent vieillissant, l’Afrique comptera 2 milliards d’habitants à l’horizon de 2050. Cette révolution démographique comporte un risque de déstabilisation en termes de sécurité, mais aussi d’un point de vue politique, migratoire et aussi écologique. L’enjeu dépasse donc largement les limites du continent africain.

Cependant cette « nouvelle donne » peut constituer une grande chance, y compris pour notre propre croissance, si nous savons la saisir et être présents là où il faut, quand il le faut…

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

L’Afrique ne résume pas à elle seule les défis du développement, même si elle en réunit une part essentielle. Elle a la capacité de les relever, à condition que la communauté des bailleurs l’accompagne. Sa jeunesse, son énergie, ses ressources naturelles immenses et sa croissance sont autant d’atouts structurels sur lesquels elle doit pouvoir s’appuyer durablement.

Ce continent, dont nous ne devons pas oublier qu’il est le poumon vert de la planète, devient progressivement un espace qui s’urbanise, où une classe moyenne émerge et s’installe dans des villes de plus en plus grandes.

Cette tendance crée de nouveaux modes d’existence et de consommation. Désormais, de nombreuses entreprises privées, dont il faut favoriser l’activité et l’accès au crédit, jouent un rôle déterminant dans la création d’emplois et l’expansion du continent.

Ces évolutions historiques supposent de voir l’Afrique telle qu’elle est. Il ne s’agit pas de céder à la compassion, mais plutôt de nous inscrire dans une démarche de réciprocité. Le développement ne saurait être une voie à sens unique ; c’est une politique de partenariat. Cette logique doit animer nos rapports avec l’ensemble des pays en développement, inspirer et motiver notre politique d’aide publique au développement.

Que peut recouvrir ce partenariat au-delà des formules souvent convenues ? Tout d’abord, nous devons accompagner les pays en développement en maintenant le niveau de l’aide publique mondiale qui représente aujourd’hui, je le rappelle, plus de 120 milliards d’euros. Par solidarité, mais aussi par intérêt mutuel bien compris, il faut poursuivre cet effort. À cet égard, le rendez-vous de 2015 sera l’occasion, pour chaque pays, de voir comment il a tenu ses engagements au titre des objectifs du Millénaire pour le développement – nous en mesurons la difficulté !

Ensuite, les pays bénéficiaires de l’aide, en Afrique, en Asie, en Amérique latine ou dans la Caraïbe, doivent faire leur part de chemin. Entendons-nous bien : il ne s’agit nullement d’imposer un modèle ; en revanche, chacun doit bien le comprendre, au-delà du développement qui nous mobilise, nous devons bâtir un avenir commun.

En effet, le réchauffement climatique et les grandes pandémies ne connaissent pas de frontières. De même, la bonne gouvernance destinée à doter des États encore fragiles d’administrations efficaces et transparentes est une condition impérative de la prospérité et de l’équilibre social. La lutte déterminée contre la corruption recouvre une dimension majeure des évolutions que nous devons accompagner. Dans cette énumération, je n’oublie pas, madame Bouchoux, la nécessité impérieuse d’œuvrer à l’égalité des sexes qui, elle aussi, constitue un puissant vecteur de développement et de modernité. Ces orientations répondent à des valeurs universelles, auxquelles nous adhérons pleinement.

Enfin, puisqu’il s’agit de dessiner ensemble le visage du monde de demain, il faut que chacun prenne sa part de responsabilité. Le développement n’est pas, ou n’est plus, circonscrit au seul rapport entre bénéficiaires et donateurs traditionnels. L’aide publique au développement ne peut plus être envisagée sous le seul prisme de l’injection de capitaux de pays développés du Nord dans des pays tiers situés au Sud. Les pays émergents disposent de leviers de croissance et de richesse. Ils ont un rôle décisif à douer. Ainsi, il ne s’agit plus d’un développement Nord-Sud, mais aussi d’un développement Sud-Sud, qui doit monter en puissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Des progrès sont accomplis en ce sens et les travaux du G20 peuvent y contribuer. L’évidence conduit toutefois à constater que ces efforts ne seront naturellement pas suffisants. Il importe, à cet égard, que l’Europe et les pays en développement plaident conjointement cette cause auprès des grands pays émergents.

Dans ce contexte, plusieurs défis majeurs sont à relever à très brève échéance. Je voudrais en évoquer un qui me paraît essentiel : la lutte contre les pandémies, notamment le sida. La France, et c’est son honneur, est résolument impliquée dans cette mobilisation. Elle y consacre 360 millions d’euros par an ; nous sommes le second contributeur au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

Je pourrais aussi évoquer la part essentielle que nous prenons au titre de la politique de vaccination dans le cadre de l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination, le GAVI, et d’UNITAID. Tous ces instruments concourent de manière complémentaire au même objectif : en quelques années, ils ont permis de faire reculer le fléau du sida et d’améliorer la situation sanitaire de bien des pays. De grâce, ne relâchons pas nos efforts dans ce domaine !

J’en viens à notre capacité à agir à l’échelon national. Pour vous avoir précédé dans cette belle fonction, monsieur le ministre, je sais que la contrainte budgétaire pèse lourdement sur l’action du Gouvernement. C’est pourquoi l’ambition de sanctuariser les moyens budgétaires de l’aide publique au développement me paraît aussi juste que difficile à tenir ; nous devons être réalistes.

Prenons le cas des pays les moins avancés, qui appellent un type de réponse spécifique, que nous connaissons bien ici. L’élément « don » de notre aide reste concentré vers ces pays ; c’est normal et même souhaitable. Il convient d’agir sur ce terrain avec nos partenaires, notamment européens, car la masse critique requise pour faire face aux enjeux suppose une vaste mobilisation. Cette nécessité d’agir conjointement ne doit pas nous empêcher de consacrer les moyens adéquats à notre aide bilatérale, souvent évoquée au Parlement.

Cette dimension de notre soutien est la plus visible. C’est aussi celle sur laquelle nous avons le contrôle le plus direct. Nous y dédions des crédits budgétaires encore substantiels : plus de 300 millions d’euros par an en comptabilisant des réalités tout à fait diverses. La contrainte budgétaire limite nos marges de mobilisation de ces dons.

Quoi qu’il en soit, nos moyens financiers ne permettront pas de répondre à toutes les demandes. Il faut, par conséquent, trouver des ressources additionnelles pour faire face à l’ampleur des défis.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

L’acceptation du principe, puis la création d’une taxe sur les transactions financières en France il y a un an est un progrès décisif. À cet égard, je me réjouis très sincèrement, monsieur le ministre, que le gouvernement actuel ait décidé, comme nous le souhaitions, d’en consacrer au moins 10 % au développement. Certains trouvent que c’est trop, d’autres pas assez. En réalité, c’est un début. Toutefois, il est absolument essentiel qu’un certain pourcentage soit affecté à cette politique, sinon le train ne repassera pas !

La solidarité doit mettre à contribution l’ensemble des acteurs. Le développement de la planète ne se limite pas à la seule charge des États.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

J’espère que la mise en place de cette taxe sera effective le plus tôt possible et que la France pourra, avec d’autres partenaires, plaider avec force la cause du développement au sein de l’Union européenne.

L’aide au développement ne doit pas se réduire à des débats entre États et entre spécialistes. C’est une cause pour laquelle la société civile est attentive. Nos compatriotes veulent savoir quel est l’emploi des efforts publics consentis.

Aujourd’hui, des ONG au Nord, mais aussi au Sud, sont impliquées dans ce qu’on appelle les « petites sommes », le microcrédit, le développement. Les entreprises le sont aussi. Les syndicats, les élus, les collectivités territoriales également. La coopération décentralisée est une forme d’engagement exemplaire et efficace.

Monsieur le ministre, je crois que vous avez prévu d’aborder cette question, parmi bien d’autres, dans le cadre des prochaines Assises du développement, prévues pour le 1er mars 2013. Je vous en remercie et je m’en réjouis.

L’Union européenne est le premier bailleur au monde. Une partie considérable de notre aide au développement transite par ce canal. C’est notamment le cas des crédits du FED, auxquels nous consacrons près de 800 millions d’euros par an. Je comprends que, dans le cadre des nouvelles perspectives financières qui viennent d’être dessinées sur la période 2014-2020, notre contribution à cet instrument sera stabilisée. Ainsi, nous aurons un onzième FED à 26, 9 milliards d’euros en prix constants au cours de cette période.

Je voudrais maintenant évoquer un chantier majeur, à savoir l’efficacité de l’aide. C’est un instrument précieux, qui mérite peut-être d’être amélioré. La mesure de l’efficacité de l’aide permet aussi d’éclairer l’opinion publique, qui doit savoir comment les deniers publics sont utilisés.

Enfin, je souhaiterais revenir brièvement, en vous remerciant, madame la présidente, de me permettre de le faire, sur une actualité qui réunit l’ensemble des problèmes du développement et de la solidarité à l’égard des pays les plus fragiles, à savoir l’intervention militaire française au Mali.

Je veux le dire au nom de la famille politique à laquelle j’appartiens, cette intervention a été salutaire, la décision prise était juste et nécessaire. Toutefois, le temps des armes n’est qu’une étape. Le rétablissement de la sécurité, de l’ordre public et de l’État est un préalable indispensable à toute perspective de développement.

Je me félicite que la France et l’Union européenne aient décidé de reprendre leur aide au développement. Il me semble notamment que la gouvernance, la capacité pour le Mali à administrer son territoire, à offrir des services de base à sa population sur tout le territoire sont les impératifs qui doivent guider notre action vis-à-vis de ce pays.

Cela vaut aussi, bien sûr, pour ses voisins de la bande sahélienne. Là encore, le bon équilibre entre aide d’urgence et soutien de long terme est essentiel.

Pour conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’aide au développement doit demeurer une haute priorité de tout agenda politique, et cela en dépit d’un contexte qui pousse nos sociétés à se replier sur elles-mêmes.

Le développement durable, les grands équilibres planétaires, l’environnement, la santé, l’éducation en dépendent. Sur ces terrains se joue d'ailleurs une grande partie de la sécurité internationale. Néanmoins, au-delà de ces exigences, l’aide au développement porte des valeurs de solidarité inhérentes à la vocation humaniste de la France et de l’Europe. Elle doit donc demeurer au cœur de notre politique étrangère.

Il s’agit non de baisser la garde, mais, au contraire, de préserver les moyens, notamment budgétaires, dévolus à cette cause universelle. Il y va de la paix et de la stabilité du monde !

Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur ce sujet – consensuel, si j’en juge d’après les interventions prononcées tant par les orateurs du groupe écologiste que par M. Henri de Raincourt, que je remercie d'ailleurs de ses propos, notamment sur le Mali –, je centrerai mon discours sur l’Afrique.

Quand le Président de la République, à Bamako, déclare : « Lorsque la France était menacée pour son unité territoriale, qui est venu alors ? C’est l’Afrique ! C’est le Mali... Nous payons aujourd’hui notre dette à votre égard », cela, un an après une série de discours prononcés en Afrique, il rompt publiquement et espérons-le, définitivement, avec cinquante années d’errements post-coloniaux, et cela jette les bases d’une collaboration dans l’égalité avec l’Afrique.

Cette doctrine moderne doit être étendue à tout ce qu’on appelle par commodité le Sud de la planète. Et ce Sud, qu’on nommait autrefois le tiers monde, n’est plus ce qu’il était il y a seulement trente, voire vingt ans. Il s’est diversifié par le développement des pays émergents, qui conduit désormais à ne plus le considérer comme un bloc homogène. À l’intérieur de la plupart des pays qui le composent, à côté de la pauvreté la plus extrême, est apparue – plus ou moins, mais plutôt plus que moins – une classe moyenne dynamique qui porte l’avenir de ces pays et, singulièrement, de l’Afrique.

Cette Afrique en plein développement, bénéficiaire d’une croissance économique moyenne annuelle de l’ordre de 6 à 7 %, encore que celle-ci soit diminuée par l’essor plus modéré de l’Afrique du Sud, déjà plus développée, cette Afrique dynamisée par sa progression démographique plus que par ses ressources naturelles, est même en train de trouver une croissance endogène.

Que cette croissance doive attirer les investissements français est une évidence qui, pourtant, semble bien avoir été négligée depuis une vingtaine d’années. Certes, des groupes puissants assurent la présence française. Chacun les connaît. Toutefois, dans le même temps, par peur de l’instabilité sans doute, la masse des nouveaux investissements français s’est orientée volontairement vers l’Asie, laissant en Afrique francophone de l’Ouest, en particulier, la place et même le champ libre à des concurrents européens – Anglais, Portugais, Espagnols, Grecs –, à des concurrents nord-américains et à des investisseurs issus de pays dits émergents : Brésil, Turquie, Corée, et, bien sûr, Chine.

En s’appuyant sur cette donne nouvelle qu’est la croissance, en s’appuyant sur le progrès que constitue une stabilité politique réellement améliorée, mesurée de façon précise, malgré d’inévitables soubresauts, en s’appuyant sur l’existence de cette classe moyenne en pleine progression, la France doit réinvestir par ses grandes entreprises, ses PME, ses banques actuellement tragiquement absentes : elle doit réinvestir le terrain économique africain.

Ce n’est pas là de l’aide au développement au sens humanitaire ou assimilé du terme, mais c’est le moyen le plus puissant pour permettre à l’Afrique d’émerger. Et l’État doit y veiller, dans le respect des droits humains, de même que l’État doit agir avec fermeté pour promouvoir cette croissance en agissant dans le même sens afin qu’elle soit respectueuse des bonnes règles du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

En même temps, c’est un débouché pour nos propres entreprises, pour notre propre technologie. C’est du gagnant-gagnant, et sur un terme assez court.

Dans un tel contexte, quel rôle doit jouer l’aide au développement ? Dans une vision globale et en apparence, l’Afrique, avec un taux de croissance de l’ordre de 7 % par an, n’en a pas besoin. En réalité, il faut y regarder de très près. Le développement économique s’accompagne de ruptures sociales et territoriales telles qu’une explosion pourrait intervenir, qui risquerait de compromettre ou de freiner gravement le processus de progression.

Intervenir dans ces domaines pour corriger les effets dévastateurs d’une croissance à marche forcée doit être l’un des champs privilégiés de l’aide au développement, du moins de la partie composée de subventions, la part composée de prêts étant plutôt consacrée aux territoires les plus dynamiques.

Au demeurant, les défis du Sud et les nôtres sont largement les mêmes, à des degrés divers.

C’est le défi d’un développement compatible avec des ressources naturelles que chacun sait désormais épuisables. C’est le défi de la lutte contre les épidémies qui, telle celle du sida, se moquent bien des frontières. C’est le défi de la lutte contre le terrorisme, qui déstabilise les sociétés du Nord et du Sud, avec le risque, comme en Afghanistan ou, à nos portes, au Mali, de la constitution d’un État terroriste. C’est le défi de combattre la part la plus regrettable de la mondialisation, celle de l’accroissement exponentiel des inégalités.

Dans une vision globalisante, c’est ce défi-là qui est le plus grave. Il aboutit à une marginalisation d’une part considérable de l’humanité. Il aboutit à une rupture qui constitue l’un des premiers enjeux sociaux de notre planète. Il est générateur, et pourrait l’être de plus en plus, d’une polarisation sociale entre perdants et gagnants de la mondialisation, évidemment source de conflits de plus en plus violents.

Le sens même d’une politique d’aide au développement se trouve dans l’effort réalisé pour réduire ces inégalités. La France doit s’honorer d’être le fer de lance de cette lutte contre ce sous-développement-là.

C’est un combat généreux, humaniste, moral. Néanmoins, en même temps, c’est le combat de notre intérêt bien compris. Lutter contre une libéralisation orientée uniquement vers l’alignement vers le moins-disant environnemental et social, c’est notre intérêt et celui de nos enfants, car c’est le moyen de lutter pour protéger notre planète dans le futur.

La colère des foules soulevées sur la rive sud de la Méditerranée fait écho à la révolte des Touaregs du Nord-Mali et aussi, toutes choses égales, aux révoltes des Indignés de Madrid ou d’Athènes. Confusément, chacun exprime son rejet de la soumission de la société aux intérêts financiers.

Le combat du Sud est le nôtre. En tout cas, il nous concerne. Moralement, humainement, on ne peut accepter que des foules d’immigrants s’empalent sur les grillages de Ceuta ou se noient au large de Lampedusa.

Au-delà de la morale, notre propre développement sera toujours menacé si nous ne mettons pas en place des mécanismes d’enrichissement durable pour tous.

La coopération française doit promouvoir la convergence économique des pays les moins avancés. Elle doit poursuivre sa lutte pour le droit de tout homme, de toute femme, de tout enfant à l’accès aux services essentiels : éducation, santé, sécurité. Elle doit protéger les biens publics mondiaux, qu’il s’agisse de la santé publique internationale, du climat, de la biodiversité terrestre et marine. Elle doit prendre sa part à la gestion des crises de ce monde et essayer de prévenir leur survenue. Car c’est le sous-développement qui constitue le terreau de l’extrémisme. Ces missions n’ont rien de marginal : leur succès conditionne la poursuite de notre prospérité.

Dire que nous partageons la même planète, que nous sommes confrontés aux mêmes défis, ne signifie pas que nous partageons nécessairement, avec les pays du Sud, la même vision du monde, ni les mêmes intérêts. Il ne faut pas être naïf ! La mondialisation, c’est aussi une confrontation, des rapports de force, une mise en concurrence de nos économies, de nos modèles de société. Il y a une compétition internationale, dans laquelle nous voulons rehausser la place de la France.

Or, justement, la puissance et le rayonnement d’une nation tiennent, au-delà de son poids propre, à la somme des liens qu’elle tisse, au fil de son histoire, avec le reste du monde : liens d’affaires, liens culturels, liens scientifiques et d’innovation et, évidemment, liens humains, de partage et de métissage. Son audience tient aussi au respect qu’elle inspire, par sa capacité tant à mobiliser la force lorsque c’est nécessaire – on l’a vu récemment – qu’à défendre la solidarité et la justice, même lorsque c’est difficile. C’est tout le sens de notre politique de coopération internationale.

Cette politique de coopération, il faut en priorité la développer avec les pays de la rive sud de la Méditerranée et l’Afrique au sud du Sahara. En effet, nous avons avec ces pays une intimité liée à la géographie, et plus encore à notre histoire commune.

Comment ne pas comprendre que, dans un monde dont le centre de gravité est en train de se déplacer vers l’Asie, la stabilité du Maghreb et de l’Afrique peut être un élément essentiel de notre propre prospérité ?

Comment ne pas comprendre que, avec le doublement de la population africaine d’ici à 2050, un point sur lequel Henri de Raincourt a insisté, le développement de l’emploi sur ce continent est un enjeu majeur pour l’avenir de l’Europe ?

Pourtant, les ambitions de la France en matière d’aide au développement ces dix dernières années ont significativement faibli.

Nous étions fiers de déclarer à l’OCDE quelque 10 milliards d’euros d’aide publique au développement. Or nous savons tous ici que ce chiffre ne correspond aucunement à la réalité des financements véritablement disponibles pour des projets de coopération sur le terrain au Tchad, au Mali ou ailleurs. Tout cela est connu : nous avons mesuré notre générosité à l’aune d’un thermomètre largement faussé.

Je crois que les autorités françaises, toutes majorités confondues, ont fini par croire elles-mêmes à ces chiffres, alors que, en réalité, depuis dix ans, il y a une diminution de nos moyens d’intervention en subvention dans les zones dites « prioritaires » de la coopération française, en particulier au Sahel.

La réalité, c’est que notre coopération sous la majorité précédente au cours des vingt, et surtout des dix dernières années, s’est écartée, sans qu’on le dise, de son cœur de métier, de l’Afrique subsaharienne, de l’éducation et de la santé, de la construction de l’État et des services publics.

Entendons-nous, je me félicite que notre coopération se soit émancipée des pays qui composaient ce qu’on appelait « le champ », pour ne pas dire « les ex-colonies ». Il est important de tisser des partenariats durables avec de nouveaux pays émergents ou avec l’Afrique anglophone. L’Agence française de développement le fait avec professionnalisme et à un coût budgétaire très limité. Elle pratique là une coopération d’intérêts mutuels efficace mais qui, finalement, n’a pas grand-chose à voir avec l’aide au développement telle que nous la concevons.

Ce qui nous inquiète, c’est évidemment la diminution de nos capacités à intervenir dans les pays les plus pauvres, et notamment au Sahel. Derrière les grands discours, la politique de coopération est marquée depuis dix ans par un fossé entre les ambitions affichées et les moyens réellement disponibles pour agir sur le terrain auprès de nos partenaires.

Dans le contexte actuel, il serait nécessaire de redresser la barre, même si c’est difficile. Chacun connaît en effet les difficultés de nos finances publiques.

Il y a certes l’Europe. Un quart de notre aide passe par des instruments communautaires, mais nous avons bien du mal à sensibiliser nos partenaires européens aux enjeux du développement. Nous sommes d’ailleurs très préoccupées par l’avenir du Fonds européen de développement, le FED, puisque la proposition d’Herman Van Rompuy correspond, par rapport au FED en cours, à une quasi-stagnation. Il s'agit d’une baisse de 11 % par rapport à la proposition initiale de la Commission, là où le budget européen dans son ensemble subit quant à lui une coupe de 7, 5 %. J’aimerais sur ce point, monsieur le ministre, avoir des précisions sur la position défendue par la France et sur les espoirs d’une éventuelle inflexion positive qui s’appuierait par exemple, si c’est encore possible, sur la position critique du Parlement européen que, par ailleurs, vous connaissez bien.

Il y a les financements innovants. Le Président de la République a pris devant les Français l’engagement de mettre en place une taxe sur les transactions financières. Cet engagement a été tenu. Nous aurions souhaité davantage, mais c’est une contribution au financement du développement et à la lutte contre le changement climatique qui contribue à restaurer les marges de manœuvre de notre aide bilatérale, aujourd’hui exsangue.

Il nous faudrait également réévaluer nos contributions multilatérales pour voir dans quelle mesure toutes nos contributions sont bien en cohérence avec nos priorités. Nous ne devons pas nous faire d’illusions : il sera difficile de trouver des marges de manœuvre. Il faudrait en vérité entrer dans l’examen détaillé de chaque volet de notre coopération pour mieux évaluer les performances de chaque instrument.

L’évaluation, que nous réclamons depuis longtemps, doit jouer à cet égard un rôle central. Il nous faut un budget de la coopération suffisamment souple pour pouvoir être redéployé dans le temps, en fonction des priorités, sur la base d’éléments d’évaluation.

Pour que cette politique constitue un levier efficace d’action sur la mondialisation, son organisation politique et administrative doit être précisée et son pilotage renforcé.

Le Président de la République s’était engagé à lancer dans la première année de son mandat des Assises du développement et de la solidarité internationale.

Ces assises, qui se sont tenues et dont le bilan doit être présenté la semaine prochaine, ont réuni l’ensemble des acteurs de la coopération et, au premier chef, les ONG, pour débattre des orientations de cette politique et des conditions de sa mise en œuvre.

Un certain consensus s’est dégagé pour qu’un dialogue régulier réunisse l’ensemble des acteurs de la coopération dans une structure appropriée, en s’appuyant sur l’expérience du Haut Conseil de la coopération internationale. Je m’en félicite.

Le Président de la République s’était aussi engagé à ce que la part de l’aide bilatérale transitant par les ONG soit doublée en cinq ans, tant il est vrai que la France est l’un des pays européens qui sollicite le moins les organisations non gouvernementales pour mettre en œuvre les crédits de son aide. Cela a été fait.

Il est nécessaire de soutenir ces acteurs innovants, réactifs et efficaces, en particulier dans des secteurs, dans des pays ou dans des situations où les bailleurs publics connaissent davantage de difficultés. Il faudrait également œuvrer pour que, au niveau européen, les fonds à destination des pays partenaires soient davantage délégués aux organisations non gouvernementales.

Les collectivités territoriales sur le terrain sont également des acteurs essentiels de la politique de coopération. Quand on examine les errements récents de notre diplomatie dans les pays du Maghreb avant les printemps arabes, on se rend compte que nous avions perdu le fil du dialogue avec les sociétés civiles et les collectivités de ces pays, parce que nous ne coopérions qu’avec des États. Or l’une des qualités essentielles de l’action des collectivités territoriales comme des ONG est d’être en prise directe avec les sociétés civiles de nos partenaires.

Il nous faut aider les collectivités à poursuivre leurs actions dans ce domaine. J’ai formulé des propositions en ce sens au sein de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales ; elles ont été largement reprises par mon ami André Laignel dans son rapport remis récemment au ministre des affaires étrangères. Je crois que sur ce point, monsieur le ministre, le temps de l’action est venu.

Notre politique de coopération doit aussi disposer d’un cadre stratégique clair et d’instruments de gestion modernisés. Elle est trop longtemps restée l’apanage de l’exécutif et, en son sein, de l’Élysée.

Le Président de la République s’était engagé à soumettre une loi de programmation et d’orientation au Parlement, afin que celui-ci définisse les priorités de notre politique de coopération et fixe le cadre de l’effort budgétaire national en faveur du développement. Nous attendons ce projet de loi avec impatience et espoir. C’est une exigence forte du Parlement, et singulièrement de la commission des affaires étrangères, qui l’exprime depuis longtemps.

Il faut en effet que cette politique soit davantage débattue au sein des assemblées, comme c’est le cas chez nombre de nos partenaires.

L’adoption de cette loi et son évaluation périodique permettront un travail d’explication, de transparence et d’accessibilité de l’information sur les stratégies et les moyens de notre coopération, aussi bien en direction des citoyens et des contribuables que des pays partenaires. Elle contribuera à renforcer la cohésion de l’action en faveur du développement, aujourd’hui trop fragmentée entre différentes administrations et opérateurs. Elle devra être accompagnée d’indicateurs permettant de mesurer les moyens, mais aussi les résultats obtenus dans les pays et les secteurs prioritaires de la coopération française.

C’est une étape nécessaire dans la construction d’une politique de la coopération adulte, conçue comme un instrument de dialogue avec les pays du Sud, une politique rénovée, émancipée de notre histoire coloniale et tout entière tournée vers une mondialisation maîtrisée, plus juste et plus équilibrée, ainsi que vers un dialogue avec les pays du Sud, condition essentielle d’un monde plus sûr. §

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui nous rassemble cet après-midi sur la place de la politique de développement dans les relations Nord-Sud ne peut pas faire abstraction de l’actualité. Notre intervention militaire au Mali nous donne ainsi l’occasion de réfléchir au contexte dans lequel elle se déroule, aux motivations qui l’ont inspirée et, à présent, aux moyens à mettre en œuvre pour aider ce pays, et la région dans son ensemble, à se stabiliser pour se développer.

Le débat de politique étrangère que nous avons eu ici même, avant-hier, a largement mis en évidence que, dans ce type de crise internationale, il s’agissait d’adopter une approche globale et de traiter non seulement les conséquences, mais aussi les causes.

Cette approche devrait donc tout naturellement nous inciter à nous interroger sur les valeurs qui fondent notre politique d’aide au développement, ainsi qu’à définir ses objectifs, ses enjeux et ses moyens. Il me semble que cette démarche vous a guidé, monsieur le ministre, quand vous avez pris l’initiative d’une large consultation, au travers des Assises du développement et de la solidarité internationale.

Or, depuis l’élection présidentielle et l’arrivée d’une majorité de gauche au pouvoir, le changement concret de l’action du Gouvernement dans ce domaine – hormis les importantes déclarations du Président de la République sur la nécessité de nouveaux rapports avec l’Afrique, qui viennent d’être rappelées – est encore peu perceptible.

Ainsi, le premier budget que vous avez présenté, même si vous avez eu peu de temps pour le préparer et s’il dépendait encore des choix du précédent gouvernement, a déçu. Les grandes orientations permettant une rupture avec la politique de Nicolas Sarkozy envers les pays du Sud n’avaient pas été annoncées, ni a fortiori mises en œuvre. Le changement, dans ce domaine aussi, tarde à venir.

Par exemple, l’objectif fondamental, parce qu’il conditionne tout le reste, de consacrer 0, 7 % du revenu national brut, le RNB, à l’aide publique au développement, ne pourra être atteint, vos crédits étant en baisse de 200 millions d’euros. En 2013, vous n’y consacrerez que 0, 46 % du RNB, soit un pourcentage de nouveau inférieur à celui de 2009.

Cette diminution venait encore accentuer la très fâcheuse pratique des gouvernements précédents d’inclure les annulations massives de dette dans les chiffres de l’aide publique au développement, artifice de dissimulation budgétaire qui permet de dissimuler la baisse de cette aide en gonflant artificiellement les statistiques officielles. Ces annulations de dette vont bientôt prendre fin.

Nous souhaitons que, pour votre prochain budget, vous ayez la volonté, ce dont nous ne doutons pas, mais surtout la possibilité, ce dont nous doutons quelque peu, de ne pas recourir aux mêmes artifices que vos prédécesseurs.

C’est une question fondamentale, qui détermine tout le reste. Car ce qu’il est convenu d’appeler la dette de ces pays provient en grande partie des politiques d’ajustements structurels qui leur sont imposées par les organismes internationaux bailleurs de fonds.

Enfin, dans votre budget, la part minime, soit 3, 75 %, des revenus de la taxe française sur les transactions financières affectée à la solidarité internationale ne tenait pas compte non plus des promesses faites pendant la campagne électorale.

Nous sommes cependant optimistes et espérons que les choses changeront pour le prochain budget, puisque vos efforts et ceux de dix autres pays pour instituer cette taxe au niveau européen sont en voie d’aboutir.

Ces critiques étant faites sur le passé récent, nous saluons votre volonté de procéder à une véritable refondation de notre politique d’aide au développement, non seulement parce que le contexte et les enjeux ont considérablement changé en une dizaine d’années, et parce que l’aide au développement a elle-même changé de nature, mais aussi parce que la politique de vos prédécesseurs en la matière manquait de clarté, de cohérence, de pilotage et de stratégie.

Nous souscrivons aux objectifs généraux que vous proposez et aux priorités thématiques et géographiques que vous avez retenues. Parmi ces dernières, la priorité accordée à l’Afrique subsaharienne, à qui est réservé l’essentiel de nos subventions et de nos prêts, me semble impérative au regard de sa situation et des récents événements.

Veillons bien cependant, par des actes concrets, à rompre avec l’image d’une France pilleuse des richesses minières ou pétrolières de l’Afrique. Nouons de nouveaux partenariats, de nouvelles relations économiques avec les États, débarrassés des arrière-pensées de simple préservation de nos intérêts économiques et stratégiques, de nos marchés, de notre accès à l’uranium ou au pétrole.

À cet égard, il faudrait procéder à une réorientation du rôle dévolu à ce « bras armé » de la politique d’aide au développement qu’est l’Agence française de développement. Cet établissement public, qui fonctionne comme une banque, entretient savamment le flou entre sa politique de prêts et les dons accordés aux États. Il est nécessaire que l’AFD cesse d’échapper au Quai d’Orsay et que soit tranchée la question de l’autorité des ambassadeurs sur ses responsables locaux.

Il faut également revoir la notion de « vision globale du financement », qui mélange des choses de nature différentes. Elle englobe en effet l’aide publique au développement, mais aussi les investissements directs des entreprises, les flux financiers des migrants et les recettes fiscales des pays en développement. À cet égard, il est grand temps de se donner les moyens de bien différencier l’aide publique au développement de l’intervention économique privée.

Nous espérons donc voir se concrétiser bientôt les promesses faites en matière de taxation financière ou d’encadrement des paradis fiscaux, dont le processus, il faut le reconnaître, avait été déjà entamé par le précédent gouvernement.

De la même façon, nous apprécions que le Gouvernement ait annoncé sa volonté de renégocier les accords de partenariats économiques imposés par l’Union européenne aux pays africains.

Nous apprécions aussi positivement que le Gouvernement ne veuille plus amalgamer les dispositifs de financement du développement avec ceux de contrôle des migrations.

Sur le fond, il faut une volonté politique, car tout cela dépend de la mise en œuvre de stratégies économiques débarrassées de l’exigence de la rentabilité à court terme, afin que les économies des pays les plus pauvres ne soient plus dépendantes de l’aide internationale.

Dans ce domaine, notre pays pourrait donner l’exemple et agir en ce sens dans les instances internationales.

Ainsi, pour combattre le pillage des ressources dans les pays du Sud, le Parlement européen nous montre la voie. Pour lutter contre l’opacité au sein des industries extractives et d’autres secteurs économiques en proie à la corruption et à l’évasion fiscale, il tente de faire adopter une loi introduisant des obligations de transparence de la part des multinationales européennes et de celles qui sont cotées dans l’Union européenne.

Monsieur le ministre, nous attendons beaucoup des conclusions des Assises du développement et de la solidarité internationale. Nous souhaitons que vous preniez véritablement en compte les propositions de réforme de structure de ce secteur qui auront pu vous être faites.

Certes, tout n’est pas affaire de crédits, mais, à l’heure de nouvelles restrictions budgétaires, nous craignons que vous ne disposiez pas des moyens suffisants pour mettre en œuvre la refondation de notre politique d’aide au développement. J’espère que vous nous apporterez en la matière des réponses rassurantes.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le ministre, vous avez déclaré à Helsinki il y a quelques jours que, pour financer le nouvel agenda du développement post-2015, « nous devrons être ambitieux et innovants ». C’est juste. L’aide au développement, c’est-à-dire son financement, a changé de nature. L’aide directe a vécu. Son efficacité mise en question, elle prend de nouvelles formes, plus adaptées à un monde en pleine mutation et aux défis de notre planète.

Les objectifs du Millénaire pour le développement fixent la feuille de route pour éradiquer l’extrême pauvreté dans le monde d’ici à 2015. Le retard accumulé compromet la réalisation du programme onusien dans les délais prévus, mais un effort intense de rattrapage est à l’œuvre, mobilisant toutes les ressources. En complément de l’aide publique au développement, deux axes me semblent fondamentaux : le microcrédit et les financements innovants.

En effet, une solution réside dans la réorientation d’une partie de l’aide publique au développement vers des microprojets de financement, en ouvrant ainsi l’accès aux services financiers pour les plus défavorisés. Des exemples concrets et efficaces sont source d’inspiration. Je pense à une initiative, certes ancienne mais très parlante, la création en 1776 en Écosse du premier établissement d’épargne, par un prêtre, pour permettre aux pauvres extrêmement nombreux à l’époque d’épargner une partie de leur salaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

On sait la place de premier rang qu’a su prendre la banque écossaise.

J’ai choisi cet exemple vieux de près de 250 ans pour illustrer l’affirmation de Muhammad Yunus, pour qui « une bonne théorie économique doit donner aux gens l’opportunité d’utiliser leurs talents. Il faut sortir du schéma traditionnel où les riches entreprennent et les pauvres dépendent de l’aide ou des dons pour survivre ». Il considère à juste titre les plus démunis comme des entrepreneurs potentiels, capables d’innover face à la nécessité.

En revanche, les outils pouvant leur permettre de transformer leur créativité en revenus durables ne leur sont toujours guère accessibles, et une grande partie des établissements de la microfinance nécessitent d’importants apports financiers extérieurs, surtout dans leurs premières années.

Selon les chiffres du Groupe consultatif d’assistance aux pauvres, moins de 16 % de la population ont accès aux services financiers dans les pays du Sud, contre 95 % dans les pays développés. Il est impératif de faire évoluer cette répartition et de donner aux hommes et aux femmes des pays émergents les outils pour gérer leurs petites économies, leur permettant de rassembler les sommes nécessaires à une capitalisation et donc à l’investissement. Cela constituerait une avancée majeure vers l’éradication de la pauvreté.

Bien que le microcrédit et la microfinance se soient répandus dans plus de 80 pays en trente ans, leur potentiel de développement est encore considérable. À titre d’exemple, sur 80 millions d’habitants en Éthiopie, il y a moins de 3 millions de clients de la microfinance ; à Madagascar, on dénombre 730 000 clients pour 20 millions d’habitants.

D’après les Nations unies, si les femmes avaient le même accès aux ressources productives que les hommes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Mme Nathalie Goulet. Elles feraient beaucoup mieux !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

... la production des pays en développement augmenterait de 20 % à 30 %, …

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

... ce qui serait suffisant pour sauver de la faim 100 millions à 150 millions de personnes.

Cette projection est confirmée par les experts de l’International Center for research on women, pour qui faciliter l’accès au crédit aux femmes générera un grand nombre d’entreprises et d’emplois. J’en suis convaincu, les femmes se montrent des entrepreneurs plus responsables et plus efficaces, madame Bouchoux, puisqu’elles remboursent quasiment toutes l’intégralité de leur prêt.

Mme Corinne Bouchoux acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Malheureusement, une grande partie de leurs projets est fragilisée pour la simple raison qu’elles ont un très faible accès à l’éducation et à la formation et un accès très limité aux services financiers.

La France et l’Union européenne ont un rôle très important à jouer dans la lutte contre la discrimination envers les femmes et dans la promotion de l’éducation, clef de la réussite de la plupart des projets de développement.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Hélas, ces trois dernières années, on constate une stagnation du nombre d’enfants scolarisés.

Soyons convaincus qu’une institutionnalisation des structures de microcrédit permettrait de combler l’absence d’un système bancaire stable dans de nombreux pays. Gardons à l’esprit que le microcrédit, concept encore innovant et indispensable, ne peut se substituer aux investissements massifs dans l’éducation et la santé, eux seuls pouvant lever les obstacles économiques et politiques qui entravent la réussite des bénéficiaires des prêts.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Une autre piste complétant l’aide publique au développement est constituée par les financements innovants, qui reposent sur le principe de l’implication des pays bénéficiaires dans les stratégies de mobilisation de financement pour le développement.

La France, secrétaire permanent du Groupe pilote sur les financements innovants pour le développement rassemblant une soixantaine de pays, des organisations régionales, des institutions internationales, des ONG, est une force motrice en la matière. La taxe sur les billets d’avion, la taxe sur les transactions financières permettent de lever des fonds significatifs. Je me contenterai de citer cet exemple probant : les partenariats contractuels entre donateurs et entreprises pharmaceutiques appelés « garanties d’achat futur » pallient les défaillances du marché des médicaments.

Monsieur le ministre, vous avez appelé à une mobilisation internationale pour ces financements lors de la 11e session plénière du Groupe pilote le 6 février dernier à Helsinki et, en lien avec la présidence finlandaise, vous avez défini des plans d’action ambitieux et emportant l’adhésion.

Le monde en développement représente 85 % de la population mondiale mais une très faible part du PNB de la planète, bien que la coopération Sud-Sud s’accentue et que les investissements du Sud dans les pays du Nord augmentent.

L’Agence française de développement elle-même diversifie ses domaines d’action et propose des prêts. Il est d’ailleurs absurde, dans un souci de bonne gestion et au regard du seul bon sens, d’octroyer des subventions à des pays émergents comme la Chine ou l’Inde, qui sont des pays concurrents à la croissance très forte et qui n’ont pas besoin de cet appui.

L’ambiance des conférences économiques internationales est révélatrice de l’évolution des esprits, les pays du Nord se morfondant sur leur situation économique, les pays du Sud voyant l’avenir s’ouvrir devant eux.

La physionomie du monde change, comme l’état d’esprit des populations. Le président tunisien Marzouki soulignait ainsi que les relations inégales seront de moins en moins acceptées par les nouvelles générations.

L’axe Nord-Sud reste-t-il aujourd’hui le plus pertinent ? La population mondiale atteindra près de 8 milliards en 2025 avec une croissance démographique très élevée en Afrique sub-saharienne, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, en Amérique latine et en Asie. En 2025, l’Europe constituera seulement 6 % de la population mondiale. J’ajoute que, dans les pays émergents, la population sera jeune, contrairement à celle des pays développés.

Créer une quantité suffisante d’emplois pour répondre à cette évolution démographique sera un défi majeur pour les pays du Sud et contribuera à éviter un potentiel conflit Nord-Sud. Ces pays devront absolument résoudre leurs problèmes de gouvernance économique et politique et améliorer leurs infrastructures afin de créer un environnement propice à l’investissement. La France, qui dispose d’un grand savoir-faire dans les domaines du transport, de l’énergie et de l’eau peut y jouer un rôle fondamental.

Ayons toujours à l’esprit que la prospérité économique est la seule arme efficace contre la propagation de l’extrémisme, qui plonge ses racines dans la désespérance.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, les Assises du développement et de la solidarité internationale que vous pilotez vont se conclure dans quelques jours. Je suis convaincu que les axes de votre politique de développement seront ambitieux et innovants.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Madame la présidente, mes chers collègues, je tenais tout d’abord à remercier M. le ministre pour l’organisation des Assises du développement et de la solidarité internationale, auxquelles j’ai la chance de participer. Les tables rondes qui rythment cette concertation permettront, j’en suis certain, de dégager des pistes pour rendre plus efficace, plus transparente et plus cohérente la politique d’aide au développement.

Aujourd’hui, je me réjouis de ce débat sur les relations Nord-Sud, organisé à la demande de nos amis écologistes. C’est pour moi l’occasion de revenir sur les engagements financiers de la France en matière d’aide publique au développement, des moyens que j’aurais dû commenter au mois de décembre dernier, en ma qualité de rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement. » Toutefois, vous connaissez le sort qui a été réservé, au Sénat, à la seconde partie du projet de loi de finances pour 2013, ce qui a eu pour conséquence de nous priver de l’examen des différentes missions budgétaires.

Je n’insisterai toutefois pas sur le passé : en matière de développement, il est intrinsèquement question d’avenir, de la promesse d’un avenir meilleur pour plus d’un milliard d’hommes, de femmes et d’enfants plongés dans une grande pauvreté.

Comment notre pays apporte-t-il sa contribution au grand défi du développement ? Pour répondre à cette question, nous disposons de nombreux outils. La France a la particularité de combiner des instruments financiers à long terme, par le biais de l’Agence française de développement, l’AFD – une institution que les Anglais veulent copier –, et des aides plus traditionnelles.

Pour les mettre en œuvre, l’État mobilise des moyens qui se révèlent de plus en plus contraints, alors qu’il faudrait au contraire les renforcer dans la perspective des fameux objectifs du Millénaire pour le développement.

Nous affectons en effet seulement 0, 46 % de notre revenu national brut à l’aide publique au développement, alors que la conférence de l’ONU de Monterrey, en 2002, préconisait d’y consacrer 0, 7 %. Ces moyens sont par ailleurs en stagnation, ce que vous devez être le premier à regretter, monsieur le ministre.

La France s’était engagée sur ce taux, mais il semble aujourd’hui loin de notre portée, tout particulièrement dans le contexte économique actuel.

Ce repli s’explique essentiellement par les contraintes budgétaires qui pèsent sur nos finances publiques, mais aussi – c’est une mince consolation – sur celles de nombreux autres États membres du Comité d’aide au développement, le CAD. Par exemple, les contributions de l’Espagne, de la Grèce et du Japon, en dollars constants, ont baissé respectivement de 32, 7 %, 39, 3 % et 10, 8 %.

On peut comprendre ces restrictions. Toutefois, d’autres pays considèrent que la crise ne doit pas nous écarter de nos responsabilités à l’égard des pays du Sud. Je pense en particulier au Royaume-Uni, qui consacre actuellement 0, 56 % de son revenu national brut à l’APD. Il est ainsi, au sein du CAD, le troisième pays contributeur, après les États-Unis et l’Allemagne, la France se situant au quatrième rang, ce qui n’est pas si mal, il faut le reconnaître, monsieur le ministre.

Avec quelques-uns de mes collègues rapporteurs, nous nous sommes rendus à Londres le 5 février dernier pour y rencontrer nos homologues britanniques. À cette occasion, nous avons bien entendu le message de Lynne Featherstone, ministre déléguée au développement international de Sa Gracieuse Majesté. Elle a rappelé, lors de l’entretien qu’elle nous a accordé, qu’il existait dans son pays un fort consensus populaire, malgré la crise économique, pour atteindre l’objectif de 0, 7 % du revenu national brut.

Les Anglais considèrent en effet que l’interdépendance des États nous oblige à redoubler d’efforts, quelle que soit la conjoncture économique mondiale. Suivons cet exemple et rappelons-nous aussi celui qui avait été donné par le président François Mitterrand. Lors de la conférence des Nations unies de 1981, il avait déclaré : « Aider le tiers monde, c’est s’aider soi-même à sortir de la crise ». Et il avait ajouté : « Qui pense encore à la croissance harmonieuse d’une moitié du monde sans se préoccuper de l’autre ? »

Monsieur le ministre, parce que l’enjeu du développement, c’est aussi celui d’une paix partagée, je crois utile de rappeler cette ligne qui doit être notre horizon : renforcer notre soutien aux pays du Sud, si possible par une aide bilatérale qui, selon moi, est plus éclairante quant au rôle de la France dans le monde.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une histoire brève du développement économique de la planète comporterait trois récits : celui de son incroyable accélération au Nord, à partir du XIXe siècle, avec la révolution industrielle ; celui de son basculement du Nord vers le Sud à la fin du XXe siècle, avec la crise économique au Nord et l’essor des pays émergents au Sud ; enfin, celui de la remise en cause de nos modèles de croissance au début du XXIe siècle, avec la diminution des ressources naturelles et les défis climatiques.

Dans ce contexte, les relations entre le Nord et le Sud de la planète subissent actuellement quatre mutations majeures.

L’inversion des pôles de croissance entre le Nord et le Sud, qui a débuté après le premier choc pétrolier, est la première d’entre elles.

En 2011, pour la première fois dans l’histoire, les économies du sud de la planète auront contribué plus que le Nord à la croissance mondiale.

La bonne nouvelle, c’est que la pauvreté recule ; la mauvaise nouvelle, c’est que nous reculons aussi. À ce rythme, l’Asie représentera, d’ici 25 ans, 60 % de l’économie mondiale. La part de l’Europe diminuera de moitié, pour descendre à 7 % du PIB mondial, quand celle de l’Afrique atteindra 12 %. Voilà le monde nouveau qui nous attend.

C’est la revanche du Sud, la fin du monopole occidental sur l’Histoire. C’est aussi un bouleversement qui a permis à des centaines de millions d’habitants du sud de la planète de sortir de la pauvreté. Pensez que, de 1980 à 2005, la proportion de la population mondiale vivant avec moins de 1 dollar a diminué de moitié dans le monde. La santé, elle aussi, a progressé de façon spectaculaire. Le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans a diminué de plus de 80 %. L’aide au développement a bien évidemment joué un rôle essentiel dans ce résultat.

Hélas, ces progrès ont des limites : un milliard d’êtres humains vivent encore aujourd’hui avec moins de 1 dollar par jour ; un milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau ; 900 millions de personnes souffrent de malnutrition. Ces limites se trouvent encore aujourd’hui essentiellement dans une Afrique qui comprend trente et un des trente-cinq pays les plus pauvres de la planète.

L’écart entre ces pays et le reste du monde se creuse, c’est là le deuxième phénomène majeur de ce début de siècle.

Il est vrai que l’Afrique au XXIe siècle est l’un des principaux réservoirs de croissance économique, avec la plus importante réserve de ressources naturelles et le plus grand marché en devenir. Il y a certes une Afrique, notamment anglophone, qui décolle, mais cette Afrique-là côtoie un continent de la misère et de l’inégalité, une Afrique sans eau courante, ni électricité, à l’agriculture soumise aux aléas du climat et des cours des matières premières, des territoires immenses qui, à l’image du Sahel, ont été désertés par des administrations impuissantes à en assurer le développement.

Le Mali, où nos militaires conduisent de façon exemplaire une opération périlleuse, nous montre que le terrorisme prospère dans des pays que le développement a déserté, où les structures étatiques sont exsangues et la jeunesse désespérée, livrée au fanatisme et aux trafics de toutes sortes. Cette dérive menace nos sociétés, mais détruit plus de vies encore au Sud, au Mali, en Somalie, en Afghanistan et en Irak.

C’est pour cette raison que la lutte contre le sous-développement constitue un instrument stratégique, une contribution majeure, avec notre diplomatie et notre défense, à un monde plus sûr.

La politique de développement est un outil de prévention des conflits qui se révèle en définitive peu coûteux par comparaison avec une intervention militaire. Nous en faisons l’expérience en ce moment même : alors que, en dix ans, nous avons dépensé moins de 200 millions d’euros de subventions pour le développement du Mali, l’opération militaire que nous conduisons actuellement dans ce pays coûtera, selon toute probabilité, 400 millions d’euros environ.

Le troisième phénomène est tout aussi inquiétant : c’est la délocalisation des emplois industriels du Nord vers les pays du Sud. On assiste depuis dix ans à une évolution dont on n’a pas encore mesuré les conséquences : le doublement de la population active à l’échelle mondiale.

La population active représente désormais 64 % de l’humanité, une proportion qu’elle n’a jamais connue et qu’elle ne connaîtra probablement plus jamais, contrainte par le vieillissement de la planète.

Cette croissance démographique, alliée à la mondialisation, à l’ouverture des marchés et à la montée en puissance des pays émergents, a conduit à la multiplication par deux de la population active sur le marché international du travail, et cela en une seule décennie.

D’environ 1, 3 milliard d’actifs à la fin des années quatre-vingt, l’humanité a dépassé les trois milliards d’actifs dans les années deux mille.

Les conséquences sont extrêmement lourdes. Dans un marché unifié, nous assistons à une mise en concurrence des systèmes sociaux, dont les industries des pays occidentaux sont les grandes perdantes. Nous le constatons tous les jours. Les Américains ont perdu, depuis 1995, quelque 25 % de leurs emplois industriels. En Europe, nous en avons perdu 8 %, mais ce n’est, hélas, qu’un début. Tant que le niveau des salaires et des systèmes sociaux du Sud ne rejoindra pas le niveau des pays développés, nous connaîtrons des vagues successives de délocalisations.

Or l’abondance de la main-d’œuvre au Sud va rendre le processus lent et sans doute douloureux. C’est l’enjeu de la question sociale globale qui est posé à notre planète, mais aussi celui de la survie de notre propre modèle social.

Face à cette explosion démographique, les ressources naturelles s’épuisent : c’est notre quatrième défi.

L’ère de l’infini touche à sa fin. Les 5 milliards d’habitants des pays du Sud arrivent au grand banquet de l’humanité à l’heure de la pénurie. Le modèle économique dominant, fondé sur les hydrocarbures, est non plus la solution, mais bien le problème.

L’urgence, la gravité, la complexité des crises et des menaces nous obligent à trouver au Nord comme au Sud des modes de développement soutenables, compatibles avec des ressources naturelles plus rares et la préservation de la planète.

En définitive, la question n’est donc pas celle du Nord et du Sud, quoique le présent débat nous invite à y réfléchir, mais celle de la cohabitation de trois types de populations, auxquels sont associées trois interrogations majeures.

D’un côté, les 4 milliards d’habitants du Sud émergent, qui aspirent légitimement à rattraper notre niveau de vie : comment peuvent-ils tirer la croissance mondiale sans épuiser les ressources naturelles de la planète ?

De l’autre, le milliard d’êtres humains qui vivent encore dans la misère, en Afrique et ailleurs : comment les aider à en sortir, alors qu’ils sont plus que jamais soumis aux aléas climatiques et aux variations subites des marchés mondiaux ?

Entre les deux, le milliard de personnes qui vivent dans les pays développés, dont nous sommes, et dont les économies, à l’image de celle de la France, sont aujourd’hui en difficulté : comment enrayer la crise et préserver leur modèle social dans un marché mondialisé ?

Voilà, me semble-t-il, les trois défis d’une politique de coopération internationale ambitieuse.

Il ne s’agit plus seulement de construire des puits dans le désert. Il s’agit de contribuer, avec nos partenaires du Sud et du Nord, à une mondialisation maîtrisée. C’est tout le sens d’une politique de coopération rénovée.

Somme-nous à la hauteur de ces enjeux, monsieur le ministre ? Pour ma part, je vous le concède, ceux-ci ne sont plus à la mesure d’un État, fût-il la France.

Pour lutter contre le réchauffement climatique, promouvoir un filet de sécurité sociale minimal et œuvrer en faveur de la sécurité alimentaire, il nous faut trouver des soutiens, constituer des coalitions d’acteurs au G 20, aux Nations unies, à la Banque mondiale et dans toutes les instances internationales pertinentes.

Le président Nicolas Sarkozy, avec l’aide de notre collègue Henri de Raincourt, dont je tiens ici à saluer l’action à la tête du ministère de la coopération, avait, au sommet de Cannes, fait émerger ces thèmes en haut de l’agenda international. Je n’ai pas toujours l’impression que nous connaissions à l’heure actuelle le même succès.

Il nous faut aussi, bien sûr, prioritairement mobiliser l’Europe. C’est en effet l’échelon de coopération le plus pertinent, et vous le savez. Il nous faut une politique européenne ambitieuse, coordonnée, volontariste. Or nous investissons des sommes considérables dans les instruments communautaires sans avoir toujours l’impression qu’elles soient bien utilisées.

Je sais que des expérimentations en matière de programmation conjointe sont en cours à l’échelon européen, mais tout cela progresse trop lentement par rapport aux enjeux. Le Sahel sera à cet égard un test pour savoir si l’Europe viendra enfin relayer la coopération française.

Les plus fervents soutiens de l’idée européenne se lassent de ne pas voir émerger au Sahel, comme ailleurs, une Europe du développement, une Europe de la défense, une Europe tout court !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Toutefois, pour convaincre nos partenaires, il nous faut disposer nous-mêmes d’une politique de coopération cohérente et efficace. Les Assises du développement que vous avez mises en place, monsieur le ministre, ont permis l’émergence d’un véritable débat sur ce sujet. Si nous nous en félicitons, il ne s’agit que d’un début.

La Cour des comptes a, de son côté, établi un diagnostic relativement sévère l’année dernière. Or nous venons de recevoir ces jours-ci le bilan évaluatif de la politique française de coopération au développement sur les dix dernières années : ces analyses convergent et confirment nos préconisations.

Ce bilan évaluatif, auquel j’ai moi-même participé, a permis d’aboutir à dix recommandations qui me paraissent essentielles pour améliorer le résultat de cette politique. Je voudrais n’en retenir ici que trois.

La première concerne le pilotage de cette politique. Nous souffrons, et les ministres antérieurs ont souffert eux aussi, de l’éclatement des centres de décision entre le Quai d’Orsay, le ministère des finances et l’Agence française de développement, l’AFD. Manifestement, la réforme de la coopération engagée en 1998 n’est pas arrivée à son terme.

Le bilan des dix dernières années conduit à préconiser une réforme institutionnelle d’ampleur, avec la création d’un ministère du développement de plein exercice, doté de pouvoirs budgétaires renforcés, notamment sur les programmes 209 et 110. Comme vous le voyez, monsieur le ministre, on peut être dans l’opposition et vous vouloir du bien ! §

La deuxième recommandation concerne l’évaluation. J’ai peine à répéter ici ce qu’avec mon collègue Jean-Claude Peyronnet nous disons dans toutes les enceintes où il nous est donné d’intervenir sur la coopération : il nous faut renforcer les moyens d’évaluation de cette politique si nous voulons qu’elle conserve sa crédibilité auprès de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Devant la pauvreté des territoires que traversent nos forces armées au Mali, on peut se demander où sont passés les millions que nous avons investis dans l’Office du fleuve Niger depuis cinquante ans ou dans le développement de l’agriculture rurale et pastorale des régions arides. Qu’est-il advenu de nos actions en faveur de l’éducation et de la santé, des infrastructures de transport et d’assainissement ? Que sont devenues nos contributions aux différents plans en faveur de la paix, de la sécurité et du développement dans le nord du Mali ?

Il nous faudra un jour dresser un bilan de notre action.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Nous ne cessons de le répéter en tant que rapporteurs du budget de la coopération et du développement. Bien sûr, il ne s’agit pas de jeter la pierre aux acteurs de cette coopération, qui ne ménagent ni leurs efforts ni leurs convictions, mais il convient de tirer les enseignements des erreurs passées.

Sur ce sujet, monsieur le ministre, nous avons, vous avez, des attentes précises, et nous espérons que vous nous apporterez des réponses rapidement.

La troisième recommandation concerne le rôle et l’information du Parlement. Une politique qui engage plusieurs milliards d’euros de deniers publics doit être débattue au Parlement. C’est pourquoi nous préconisons, depuis plusieurs années, l’adoption d’une véritable loi d’orientation et de programmation.

Il s’agit d’un engagement présidentiel. Nous attendons avec impatience d’en être saisis. Nous souhaitons non seulement discuter des orientations géographiques et sectorielles de cette politique, mais également en assumer les conséquences budgétaires. La reconstitution des fonds européens ou multilatéraux engage la France sur cinq ans, parfois plus. Dès lors, il est naturel que le Parlement puisse discuter de l’évolution à moyen terme des crédits consacrés au développement. Nous le savons bien dans cet hémicycle : les idées ne valent que par les moyens que l’on y consacre.

Monsieur le ministre, compte tenu du contexte financier, vous ne pourrez pas nous annoncer la création de moyens nouveaux. Toutefois, vous pouvez peut-être nous proposer une nouvelle méthode qui s’appuierait sur une politique de coopération débattue au Parlement, des indicateurs de résultats et les évaluations afférentes, des documents budgétaires revus et corrigés pour être en cohérence avec des objectifs lisibles par tous, des instances de dialogue associant tous les acteurs du développement et, enfin, un pilotage politique renforcé.

Voilà, monsieur le ministre, ce que nous attendons d’une politique de coopération rénovée. Si vous relevez ces défis, nous serons, bien entendu, à vos côtés ; mais cela voudra surtout dire que nous aurons réussi ensemble à renforcer le rôle de la France au cœur du dialogue Nord-Sud.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, un autre monde est possible ; pourtant, un quart de la population mondiale doit encore compter sur la solidarité internationale pour sortir des conditions d’extrême pauvreté dans lesquelles elle vit.

Les pays membres de l’OCDE allouent 90 % de l’aide publique au développement. Or, dans le rapport public thématique qu’elle a rendu en juin 2012 sur la politique française d’aide au développement, la Cour des comptes rappelait en introduction que, parmi les pays membres du comité d’aide au développement de l’OCDE, la France occupe, depuis 2010, la quatrième place, derrière les États-Unis, l’Allemagne et le Royaume-Uni, pour le montant de l’aide accordée. Sa contribution nette déclarée s’est élevée à 9, 35 milliards d’euros en 2011, soit près de 10 % du montant total. Cette aide représente, pour la France, un effort important et en progression : entre 2001 et 2011, son montant est passé de 0, 30 % à 0, 46 % du revenu national brut.

En dépit de l’importance de l’effort consenti, la politique française d’aide au développement connaît des problèmes d’efficacité. Je souhaiterais mettre en avant deux difficultés.

Tout d’abord, la politique d’aide au développement de très nombreux acteurs manque de cohérence et souffre d’une absence de coordination. Les politiques publiques sont donc parfois inadaptées et se caractérisent par un empilement institutionnel. De plus, ces différentes actions échappent pour la plupart à une véritable évaluation, comme l’ont déjà rappelé plusieurs de nos collègues.

Avant d’aller plus loin, je tiens à préciser que je ne cautionne pas un certain discours affirmant que des milliards de dollars d’aide étrangère ont été gaspillés depuis les années soixante. Nous ne devons pas perdre de vue que certaines formes d’aides ont considérablement contribué au développement de nombreux pays du Sud. Aussi l’utilité de cette aide n’est-elle pas à remettre en cause, bien au contraire.

Cela dit, le manque de cohérence et de coordination des politiques de développement, du fait du très grand nombre d’acteurs, existe bien. Cette situation pourrait être améliorée par une meilleure gouvernance. En effet, ces dernières décennies, les politiques d’aide au développement ont connu une double tendance à la prolifération et à la fragmentation.

Si l’on peut se réjouir de l’énergie et des ressources supplémentaires induites par ces évolutions, il en a également découlé une importante perte d’efficacité. Aussi l’enjeu de la gouvernance des politiques de développement réside-t-il aujourd’hui dans des processus incitant à la convergence d’actions engagées de façon décentralisée par de très nombreux intervenants.

Durant la plus grande partie de son existence, l’aide internationale au développement ressortissait aux États bailleurs. Ce modèle a été rendu caduc par l’intrusion de divers acteurs, publics et privés. En sus des agences, des fonds multi-bailleurs et des actions bilatérales des bailleurs traditionnels, des réseaux de collectivités locales prospèrent partout dans le monde et engagent leurs propres projets bilatéraux.

Ces programmes de coopération décentralisée lient une cité ou une région administrative dans un pays du Nord et son homologue dans un pays du Sud à travers des projets afférents à l’eau et l’hygiène publique, à l’éducation, à l’écologie ou à la santé.

Près de 3 800 collectivités territoriales en France déclarent être engagées dans des programmes de coopération décentralisée. Il faut y ajouter une myriade d’acteurs privés. La fin du monopole des États dans le domaine de l’aide au développement a en effet provoqué un essor de donations privées, activement encouragées par les gouvernements des pays riches au moyen de généreuses incitations fiscales.

Ainsi, toute une variété d’ONG a éclos dans les pays industrialisés et suscite désormais une part importante de transferts financiers Nord-Sud. Actuellement, ces bailleurs privés fournissent environ un tiers de l’aide internationale programmable. En deux décennies, les ONG internationales du monde entier sont devenues des acteurs centraux de l’aide au développement.

Par ailleurs, les fondations philanthropiques et les entreprises du secteur privé ont aussi vu leur importance croître dans le champ de la solidarité internationale. Cette montée sans précédent du nombre d’intervenants dans la gestion des défis globaux change fondamentalement la donne dans la sphère de la coopération internationale.

Cette masse d’acteurs, sans orientation clairement définie, entraîne deux difficultés qui font obstacle à l’efficacité de l’aide au développement : l’inadaptation des politiques et l’empilement institutionnel.

La première difficulté réside dans la disparité entre les interventions des bailleurs et les priorités du développement local. Ce paradoxe découle souvent de la concentration excessive du soutien public international : la tendance croissante à exiger une affectation des fonds offerts selon les priorités des bailleurs a rendu les flux financiers plus difficilement adaptables aux besoins fondamentaux des pays bénéficiaires. La lutte globale contre le VIH-sida et son empiètement sur le financement des programmes nationaux de santé, par exemple, en est une illustration.

La seconde difficulté est à trouver dans l’allocation inadaptée de l’aide internationale par secteur et par zone géographique. Dans cet univers de politiques morcelées et de plus en plus décentralisées, la majeure partie de l’aide est dirigée vers des sujets et des pays « à la mode ». Les apports de fonds vers certaines causes ou pays excèdent les besoins réels, tandis que d’autres politiques publiques cruciales et d’autres régions restent orphelines de l’aide internationale. Ces modes de fonctionnement génèrent de la duplication, des chevauchements et donc un gaspillage de ressources précieuses.

Enfin, je souhaitais pointer une dernière difficulté : la défaillance de l’évaluation, dont il a déjà été question au cours de ce débat. Aujourd’hui, les études et évaluations indépendantes font cruellement défaut. Trop peu est fait pour évaluer les performances des bailleurs sur la base de la qualité de l’aide fournie. De ce fait, des ONG fantômes errent dans les pays du Sud au nom du développement ou de l’aide humanitaire. Elles ajoutent à la charge de travail des autorités locales pour de piètres résultats en matière de développement.

Au vu de ces différents dysfonctionnements, il semble nécessaire de fournir un cadre d’action pour orienter les efforts de tous les acteurs de l’aide au développement et pour une plus grande efficacité. Les instances publiques ont un rôle fondamental à jouer pour remédier à cette complexité.

Une des meilleures façons d’éviter les choix de financement incohérents consisterait, selon moi, à œuvrer à la convergence des préférences des parties prenantes en communiquant plus activement avec les forces politiques intérieures sur les objectifs finaux de l’aide concernée, en donnant la parole à ses bénéficiaires, en bâtissant enfin de vrais indicateurs des contributions de l’aide à ces objectifs.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les Assises du développement et de la solidarité internationale devraient rendre très prochainement leurs conclusions. Le fruit de ce dialogue entre les acteurs étatiques et la société civile permettra sans doute à notre pays d’approfondir sa stratégie d’aide au développement, voire de la refonder, et, dans une perspective plus large, d’alimenter les concertations engagées dans les instances internationales à l’approche de l’échéance, fixée à 2015, pour la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement.

Dans ce contexte, l’inscription du présent débat sur les relations Nord-Sud à l’ordre du jour de nos travaux est une initiative bienvenue de nos collègues écologistes.

Plus qu’un Sud, il y a des Sud, qui connaissent des trajectoires de développement bien différentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Pour ma part, je centrerai mon propos sur l’Afrique, ce continent si proche de la France et avec lequel, dans le prolongement d’une histoire commune longtemps tourmentée, nous avons tissé des échanges privilégiés dans les domaines économique, culturel et migratoire. Les différents orateurs qui sont intervenus avant moi ont participé à la démonstration du lien qui existe entre nos deux continents.

L’Afrique, entrée hier dans le concert des nations, est aujourd’hui de plain-pied dans l’ère de la mondialisation, avec tous les défis que celle-ci lui impose, parfois avec brutalité. C’est en particulier dans la région subsaharienne que se trouvent encore les principaux enjeux du sous-développement. Le document-cadre de coopération au développement en a donc fait une zone prioritaire. C’est une bonne chose, car, au-delà de l’impérieuse nécessité de sortir la population de la misère, il faut que l’Afrique subsaharienne retrouve une stabilité politique, faute de quoi son développement accusera toujours un retard.

Comme l’a rappelé le Président de la République lors de son déplacement à Dakar : « Il n’y a pas de vrai développement économique, ni de vrai progrès social, sans démocratie ».

Je n’oublierai pas non plus, mes chers collègues, que le développement de l’Afrique est la condition d’un monde plus sûr. Notre intervention militaire au Mali et l’enlèvement, avant-hier, d’une famille française au Cameroun – j’ignore où en est ce dossier – nous rappellent de façon tragique que c’est bien sûr le terreau de l’extrême pauvreté, souvent pollué par les trafics et la corruption, que se développent le terrorisme et les extrémismes les plus violents.

Malgré ces difficultés, il convient d’éviter la posture de l’afro-pessimisme et les discours compassionnels, afin de regarder plutôt avec espoir et volontarisme une région qui dispose de grandes richesses naturelles et humaines.

Pour l’aider à valoriser ses atouts et à atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement, dont on sait qu’ils sont déjà hypothéqués, trois mots doivent guider, à mon sens, notre stratégie de coopération en faveur du développement : solidarité – cela va sans dire, mais il est préférable de le rappeler –, transparence et efficacité.

La solidarité consiste à maintenir et à amplifier l’aide publique au développement qui marque actuellement le pas. La réalisation du vœu d’y consacrer 0, 7 % de notre revenu national brut s’éloigne chaque année un peu plus. Je le regrette, d’autant que l’aide bilatérale régresse au profit de l’aide multilatérale.

La transparence implique notamment de porter une attention particulière à des mécanismes nuisibles au développement. Je pense à la question des flux illicites de capitaux qui quittent les pays du Sud. Des multinationales déplacent leur assiette fiscale dans des pays où les fonds ne sont pas taxés, privant in fine leur pays d’origine de ressources budgétaires potentielles.

Il s’agit d’un véritable pillage fiscal, qui s’ajoute au pillage des ressources naturelles et au pillage des terres agricoles pour un prix dérisoire, ce problème s’étant posé plus récemment. Sur ce dernier point aussi, je crois qu’il faudrait davantage sensibiliser la communauté nationale à un phénomène qui fait de l’Afrique un continent à louer.

On accuse souvent la Chine et l’Inde d’accaparer les terres, ce qui n’est pas faux, mais les Européens se sont également lancés dans cette pratique pour la production d’agro-carburants, au risque d’hypothéquer le défi alimentaire mondial, un sujet bien connu de mon ami Yvon Collin.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Enfin, je dirai quelques mots de l’efficacité de l’aide publique au développement, un thème tout à fait central des Assises du développement, monsieur le ministre.

Renforcer l’implication des bénéficiaires est une recommandation que j’ai souvent entendue. Le problème des capacités institutionnelles du pays récipiendaire de l’aide est fréquemment avancé comme un handicap à l’emploi efficace de celle-ci. C’est une réalité, certes, mais il faut également souligner qu’une majorité de bailleurs de fonds établissent un rapport aidé-aidant, alors qu’ils devraient s’évertuer à encourager l’appropriation locale des projets ou de l’aide.

En liaison avec nos partenaires européens, c’est bien un partenariat de type nouveau avec l’Afrique que nous devons engager. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai évoqué précédemment la nécessaire refondation de notre politique d’aide au développement.

Mes chers collègues, tels sont les quelques éléments que je souhaitais vous livrer.

En conclusion, je partage la certitude exprimée par notre ami Kofi Yamgnane dans son livre Nous grandirons ensemble : « Dans le monde du XXIe siècle, le développement séparé ne peut plus exister ». Aussi avons-nous la certitude que le Nord a autant besoin du Sud que le Sud a besoin du Nord.

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
Pascal Canfin

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord remercier l’ensemble des groupes politiques d’avoir participé à ce débat, avec une mention particulière pour le groupe écologiste, qui en a pris l’initiative.

La politique de développement est, certes, l’une des plus belles que l’on puisse mener. Nombre d’entre vous ont rappelé les chiffres qui attestent la dure réalité du monde : plus de 800 millions de personnes souffrent de malnutrition et 2 milliards vivent avec moins de 2 dollars par jour. Notre politique de développement vise précisément à essayer d’alléger cette grande pauvreté.

Ce débat a permis aux différents orateurs, pendant une heure et demie, d’aborder de manière assez complète diverses questions. Ne disposant pour ma part que d’un temps plus restreint, je vais tenter de répondre brièvement à quelques interrogations.

Le premier des enjeux qui ont été évoqués est d’ordre financier. Ce n’est pas très romantique, mais l’argent étant le nerf de la guerre, il faut bien en parler !

Certains intervenants ont soutenu que le budget affecté au développement avait diminué. Je ne peux que contester cette affirmation. En effet, l’effort financier que ce gouvernement a consacré au développement dans la loi de finances pour 2013 est parfaitement stable par rapport au budget antérieur si l’on prend en compte, comme l’impose la raison, l’affectation de 10 % de la taxe sur les transactions financières à ce poste. Si cette taxe est, pour des raisons techniques, dite « extrabudgétaire », c’est justement pour que son affectation soit fléchée sur le développement. En d’autres termes, le fait qu’elle ne soit pas, techniquement, intégrée au budget n’affecte nullement l’effort budgétaire véritablement fourni.

Sans doute d’autres pays font-ils mieux que nous, notamment la Grande-Bretagne, mais beaucoup font aussi moins bien : l’aide a diminué de 80 % en Espagne, de 25 % aux Pays-Bas, par exemple. C’est donc un choix volontariste du Gouvernement que de maintenir l’effort budgétaire accompli au service du développement.

Plusieurs d’entre vous ont parlé des financements innovants. Maintenant que la taxe française est en place, un grand débat est ouvert sur la taxe européenne, et notre pays est en pointe sur ce dossier. Ma responsabilité est de convaincre les autres gouvernements – les ministres chargés du développement, mais aussi les ministres des finances – d’affecter au développement une partie de la future taxe européenne sur les transactions financières.

Afin de vous donner une idée des chiffres qui sont en jeu, je citerai les 35 milliards d’euros mentionnés dans l’étude de la Commission européenne parue voilà une dizaine de jours sur une taxe à douze États membres, dans le cadre de la coopération renforcée. Si nous n’affections ne serait-ce que 10 % de ce montant au développement, nous pourrions presque doubler le fameux Fonds européen de développement.

Vous le constatez, les enjeux financiers sont extraordinairement importants. Ils vont faire l’objet d’une négociation déterminante cette année et constituent un élément clé de mon action.

Plusieurs parmi vous m’ont demandé d’apporter des précisions sur le Fonds européen de développement. Il est stabilisé en volume, et je crois pouvoir dire que nous n’y sommes pas pour rien. Ainsi, l’augmentation de la capacité d’engagement de ce fonds est à peu près équivalente à l’inflation anticipée ; cela signifie que, sur les sept prochaines années, nous allons sanctuariser la capacité d’aide publique au développement de l’Union européen dans les cent pays les plus pauvres au monde.

Lorsqu’on étudie les conclusions du débat budgétaire européen, on doit bien constater que le FED est, de fait, plutôt privilégié par rapport à d’autres politiques. Nous ne pouvons que nous en féliciter tous ensemble.

Cet après-midi, au-delà des enjeux financiers, d’autres grands sujets ont bien sûr été abordés, qui méritent effectivement, même s’ils ne sont pas nouveaux, de retenir l’attention.

En matière de pauvreté, des progrès ont été réalisés, mais il reste encore beaucoup à faire. Il existe une nouvelle équation du développement qui permet de prendre également en compte l’exigence d’un développement soutenable.

De ce point de vue, on peut mentionner de très nombreux sujets de tension : la ressource en eau, les ressources halieutiques, la biodiversité, etc. En cet instant, je me contenterai d’évoquer le climat, me référant au dernier rapport de la Banque mondiale, qui portait sur le changement climatique. La Banque mondiale emploie le mot « cataclysme » pour qualifier l’impact du changement climatique sur les pays les plus vulnérables, qui sont aussi les plus pauvres. Je ne suis pas sûr que cette institution utilise ce mot sur beaucoup de sujets…

Nous devons absolument être conscients de la convergence qui existe entre les politiques de développement et de développement soutenable, faute de quoi les 2 milliards d’habitants de la planète qui vivent avec moins de 2 dollars par jour ne pourront pas connaître quelque développement que ce soit en raison des conséquences du changement climatique qu’ils subiront.

Selon la Banque mondiale, tous les gains obtenus depuis une décennie en matière de lutte contre la mortalité infantile seraient annihilés par les sécheresses, par l’insécurité alimentaire et sanitaire liée aux chocs climatiques.

Cet important élément de réflexion doit orienter notre stratégie dans le domaine de l’aide publique. Nous avons d’ailleurs commencé à en tenir compte. Nous avons ainsi réorienté notre action en matière énergétique ; nous sommes en train de faire de même en matière alimentaire.

Le 1er mars, le Président de la République clôturera les Assises du développement et de la solidarité internationale et le discours qu’il prononcera à cette occasion lui permettra certainement de tracer de nouvelles perspectives. Cependant, une certaine prudence institutionnelle m’incitant à ne pas faire d’annonces avant lui, j’attendrai quelques jours avant de dérouler la nouvelle feuille de route relative au développement pour les quatre ans à venir, c'est-à-dire jusqu’à la fin du quinquennat. Aucun d’entre vous, j’imagine, ne songera à me le reprocher. §

La question de la légitimité de cette aide a également été soulevée. C’est bien parce qu’elle se doit d’être légitime qu’il faut qu’elle soit plus transparente et que l’on s’assure en permanence de son efficacité.

Le dernier sondage réalisé pour l’Agence française de développement sur l’opinion des Français quant à l’aide publique au développement fait apparaître que, pour 72 % d’entre eux, il faut soit maintenir, soit augmenter l’effort en faveur de la solidarité internationale. Et nous n’avions pas orienté la question en la formulant par exemple ainsi : « Tant d’enfants meurent encore de faim. Faut-il augmenter notre effort de solidarité ? » Nous avions même posé la question en sens inverse : « Dans un contexte budgétaire contraint, faut-il maintenir, baisser ou augmenter l’aide publique au développement ? » Eh bien, malgré cette formulation, je le répète, 72 % des Français répondent qu’il faut la maintenir ou l’augmenter.

Par conséquent, quels que soient les efforts qu’il reste à réaliser en matière de transparence et d’efficacité – ce à quoi je m’emploie –, nous bénéficions d’un soutien dans la société. C’est important, car il s’agit d’une des politiques qui permettent de tirer la mondialisation vers le haut, d’affirmer l’interdépendance entre les États et de donner l’image d’une société française ouverte sur le monde et non pas repliée sur elle-même.

J’en viens aux questions de genre qui, sachez-le, constituent l’une de mes priorités. Si une évaluation de la stratégie « genre » a été dressée, c’est parce que quelqu’un l’a demandé : mon prédécesseur, M. de Raincourt, que je tiens à saluer. Cette démarche nous permettra de faire un pas supplémentaire dans les prochains mois. Après l’évaluation rendue publique en janvier, nous en sommes donc à la construction d’une nouvelle stratégie renforcée qui, elle, sera dévoilée au mois de juin.

J’ai rencontré des militants de la cause LGBTI – lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués. La France est un des rares pays au monde à avoir mis en place, en faveur de la défense des droits des personnes intéressées, un fonds LGBTI, que j’ai relancé et renforcé, y compris sur le plan budgétaire.

Les militants que j’ai rencontrés venaient aussi bien d’Afrique noire, de Chine que d’Amérique latine. Partout dans le monde, ils sont reconnaissants à la France de l’effort que nous faisons pour promouvoir la lutte contre toutes les formes de discrimination.

Vous avez également évoqué à plusieurs reprises la question des nouvelles relations économiques et du pillage. Monsieur Robert Hue, je retiens l’expression de « triple pillage : fiscal, minier et des terres » : si vous n’exigez pas des droits d’auteur, je la reprendrai volontiers à mon compte dans mes prochains discours ! §

Qu’avons-nous fait concernant la fiscalité ? L’aide publique au développement représente 10 % de la totalité des flux financiers qui remontent du Sud vers le Nord et qui passent en partie par les paradis fiscaux. La France est le premier pays au monde à avoir soutenu des initiatives à cet égard.

Par exemple, en partenariat avec la Norvège, nous finançons le projet lancé par l’OCDE d’« inspecteurs des impôts sans frontières » ; je ne sais pas si cette appellation perdurera jusqu’au bout. Quoi qu'il en soit, l’objectif est précisément de mettre les compétences d’inspecteurs des impôts, soit actifs, soit retraités, en provenance des pays du Nord, au service des administrations fiscales des pays du Sud pour des cas concrets de montage fiscal opaque à l’origine de l’évasion de recettes fiscales que les États ne peuvent donc pas utiliser pour mener des politiques publiques en matière de santé ou d’éducation. Ce n’est qu’un exemple, mais je pourrais en citer d’autres qui témoignent de l’importance que nous accordons à ce sujet.

S’agissant des terres, nous sommes tout à fait conscients de l’importance qu’il y a à lutter contre leur accaparement. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à l’Agence française de développement – ce sera aussi valable pour sa filiale PROPARCO, qui traite les projets d’investissements privés – de n’accorder aucun prêt dans le domaine agricole pour des investissements qui ne respecteraient pas les principes de la FAO sur lesquels la communauté internationale s’est mise d’accord voilà quelques mois.

Il ne peut y avoir, d’un côté, une diplomatie française qui, quelle que soit la couleur du gouvernement, lutte contre l’accaparement des terres et, de l’autre, un outil public, l’AFD et sa filiale PROPARCO, qui ferait le contraire !

Debut de section - Permalien
Pascal Canfin, ministre délégué

J’ai donc demandé très clairement à cette agence et à sa filiale de mettre fin à tout investissement qui ne présenterait pas toutes les garanties en la matière.

Debut de section - Permalien
Pascal Canfin, ministre délégué

Enfin, s’agissant des mines, là encore, nous sommes plutôt leaders puisque la France est le premier État au monde à avoir donné son accord et un financement à un fonds nouveau de la Banque mondiale pour l’Afrique.

Ce fonds permettra aux États concernés d’acheter en quelque sorte des journées de fiscalistes, d’avocats, de consultants, pour négocier d’égal à égal avec les sociétés multinationales qui veulent exploiter – et cela n’est pas illégitime – leurs ressources minières.

Il permettra également de renforcer l’équité des contrats, donc d’abonder les royalties et les impôts qui seront payés par ces entreprises à ces États, tout en améliorant la transparence de l’utilisation de ces ressources. En effet, pour bénéficier d’un tel dispositif, la condition sera bien évidemment d’avoir une gestion transparente des ressources en question.

Voilà autant d’exemples concrets qui, je l’espère, vous convainquent que ces neuf premiers mois d’action au service du développement n’ont pas été inutiles.

Je souhaite à présent dire quelques mots sur la problématique de la mobilité et des migrations.

Demain, auront lieu les deux dernières tables rondes des Assises du développement et de la solidarité internationale. L’une d’elle s’intitule justement « migration et développement ».

Le précédent gouvernement avait établi un lien entre développement et émigration, et une partie du budget du développement avait été transférée au ministère de l’intérieur, de manière que l’aide soit versée en contrepartie, en quelque sorte, de la signature d’accords de gestion concertée des flux migratoires.

Nous avons délié les politiques migratoires des politiques de développement – c’est l’une des toutes premières décisions que nous avons prises –, de façon à donner à chacune d’elles sa rationalité propre. Par conséquent, les budgets et les équipes qui étaient partis du Quai d’Orsay vers le ministère de l’intérieur sont revenus au ministère du développement, afin que soient désormais menées des politiques de développement indépendamment des politiques migratoires.

Cela montre que le développement peut être un élément de la mobilité internationale et que les migrations n’équivalent pas à la mobilité, laquelle amène une personne à partir de son pays, puis à y revenir, avant de repartir ailleurs. L’immense majorité des migrants sont en fait des personnes mobiles. Il est important d’affirmer cette valeur de la mobilité internationale non comme une source de problèmes, mais, au contraire, comme une richesse pour notre pays et pour la communauté internationale.

J’en viens à la question des collectivités territoriales et surtout à leur action. Bien entendu, je ferai dans cette enceinte un point particulier sur ce sujet, car, cela ne nous a pas échappé, l’aide sous forme de coopération décentralisée est l’un des leviers intéressants, efficaces, près des populations et tournés vers les services de base.

Le rapport d’André Laignel faisait suite à d’autres rapports, dont certains étaient issus de votre assemblée. Avec Laurent Fabius, nous avons d’ores et déjà pris un certain nombre de décisions, parmi lesquelles le renforcement de ce que nous appelons les « réseaux régionaux multi-acteurs », c’est-à-dire les coordinations régionales. Aujourd’hui, neuf ou dix régions sont concernées, mais il n’y a pas de raison pour que cela ne soit pas étendu aux vingt-deux régions.

Bien sûr, il n’est pas question que les actions de coopération décentralisée soient coordonnées par une collectivité qui en chapeauterait d’autres : Dieu me préserve se songer à une telle configuration ! §En revanche, il faut coordonner les actions pour en améliorer l’efficacité grâce à un travail en synergie.

Nous avons également pris, avec Laurent Fabius, l’engagement de travailler sur la politique des visas, sujet toujours complexe. Nombre d’élus locaux nous sollicitent en nous expliquant qu’ils organisent un événement ou une manifestation impliquant la présence de partenaires étrangers, mais qu’ils ne savent toujours pas, vingt-quatre heures avant la date prévue, si ces derniers pourront venir !

Pour simplifier les procédures et éviter que des partenaires du Sud, identifiés par les collectivités locales, ne puissent en aucun cas se rendre en France pour des questions de visa, nous avons pris l’engagement d’infléchir les règles en travaillant sur une sorte de label spécifique pour les événements organisés par une collectivité locale dans le cadre d’une coopération décentralisée.

Ces propositions et d’autres sur les collectivités locales prendront corps très rapidement, dans quelques semaines je crois, dans le cadre du projet de loi de Marylise Lebranchu sur la décentralisation. J’aurai donc le plaisir de commenter ces propositions lorsqu’elles seront rendues publiques.

Pour conclure, je ferai un point sur le Mali.

J’étais à Bamako lundi et mardi pour la reprise opérationnelle de l’aide. L’Agence française de développement avait partiellement arrêté son activité. Le directeur de l’AFD nouvellement nommé est en place et un directeur adjoint va arriver dans les prochaines semaines.

Concrètement, quelles sont les urgences ? Par exemple, rétablir l’eau et l’électricité à Tombouctou, faire en sorte que les personnes déplacées et réfugiées puissent rentrer chez elles et y trouver de quoi préparer la future campagne agricole. En effet, si les personnes ne peuvent pas rentrer, si elles n’ont pas de semences et si les champs ne sont pas déminés, le risque d’insécurité alimentaire au Mali l’année prochaine sera énorme.

De même, les banques ont été pillées par les groupes qui ont occupé les villes du nord pendant plusieurs mois. Non seulement l’argent n’est plus disponible, mais il faut remettre l’infrastructure bancaire en place.

Voilà quelques exemples concrets de ce sur quoi nous, Français, travaillons. Mais il y a surtout les 20 millions d’euros qui sont susceptibles d’être déployés au travers de la « Facilité de Paix pour l’Afrique » de l’Union européenne. Le 26 février, se tiendra à Bruxelles une réunion qui nous permettra de nous mettre d’accord sur une liste de vingt ou trente priorités que ces 20 millions d’euros serviront à financer.

Nous sommes vraiment mobilisés sur ce point pour gagner là où l’on échoue la plupart du temps, à savoir ce qui relève non de l’urgence humanitaire ou du développement à moyen et long terme, mais de la reprise de l’aide à l’horizon de trois à six mois. Je suis personnellement très impliqué sur cette question et vous pouvez me faire confiance.

D’autres initiatives ont été prises concernant le Mali, que j’ai eu l’occasion d’évoquer hier à l’Assemblée nationale : une conférence de donateurs pour le développement du Mali, que la France organisera au mois de mai avec l’Union européenne à Bruxelles ; une rencontre qui aura lieu à Lyon le 19 mars et qui réunira les 100 villes françaises ayant des coopérations décentralisées avec le Mali ; une réunion, fin mars, à Paris ou en Île-de-France, avec des représentants de la diaspora franco-malienne. Il faut savoir que l’on compte en France 120 000 personnes maliennes ou franco-maliennes, qui peuvent évidemment contribuer à la reprise du développement dans leur pays.

En conclusion, les politiques de développement, particulièrement au Mali, sont aujourd’hui vraiment indispensables pour gagner la paix et c’est, je crois, un objectif que nous partageons tous ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Nous en avons terminé avec le débat sur le développement dans les relations Nord-Sud, un débat qui fut non seulement beau, mais utile, et pour lequel je vous remercie, monsieur le ministre, mes chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 21 février 2013, une décision du Conseil sur une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article VII des articles organiques des cultes protestants de la loi du 18 germinal an X relative à l’organisation des cultes (n° 2012 297 QPC ).

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 26 février 2013, de quatorze heures trente à dix-huit heures trente :

1. Désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage.

2. Proposition de loi tendant à modifier l’article 689-11 du code de procédure pénale relatif à la compétence territoriale du juge français concernant les infractions visées par le statut de la Cour pénale internationale (753, 2011-2012) ;

Rapport de M. Alain Anziani, fait au nom de la commission des lois (353, 2012 2013) ;

Texte de la commission n° 354 (2012 2013).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.