Le domaine des politiques du développement économique ressemble à bien des égards à celui des politiques de l'emploi, qu'a récemment étudié notre collègue Patricia Schillinger au sein de notre Délégation. Il se caractérise par une responsabilité désormais partagée entre l'Etat et les collectivités territoriales, mais aussi l'échelon de l'Union européenne.
Dans ce domaine, la plus-value des collectivités territoriales réside dans leur capacité à imaginer et mettre en oeuvre des politiques adaptées aux besoins de leurs territoires, en lien avec les autres politiques menées à cette échelle. On connaît l'importance que revêtent aujourd'hui les PME et l'innovation dans notre économie. Or, leur développement passe souvent par un accompagnement au niveau local, que ce soit en termes de financement, d'infrastructures, de prestations de conseil, d'offre foncière, etc.
Les collectivités peuvent agir seules, soutenir des organismes spécialisés, tels que les agences de développement économique, ou s'appuyer sur les réseaux consulaires avec qui elles concluent des partenariats... Je ne reviens pas sur le détail de leur action, dont vous trouverez quelques éléments dans le rapport. Au niveau global, ces politiques sont considérées comme un atout pour les territoires.
Cependant, et comme dans le domaine des politiques de l'emploi, la multiplication des acteurs est source de difficultés, qui sont d'ailleurs bien connues : risques de redondances ou d'incohérences entre les différentes initiatives, d'illisibilité des dispositifs, d'inefficience, compte tenu de la dispersion des moyens, voire d'inefficacité lorsque des phénomènes de concurrence sont à l'oeuvre... Sans compter les risques juridiques liés à l'accumulation non contrôlée d'aides publiques, au regard de la réglementation européenne.
Ces difficultés ne sont pas nouvelles. La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a tenté d'y apporter quelques réponses. Elle a affirmé le rôle majeur des régions dans le domaine des aides aux entreprises. Elle a rendu possible, à titre expérimental, l'adoption de schémas régionaux de développement économique (SRDE) par les régions, afin de favoriser la coordination des différents acteurs. Ces derniers ont par ailleurs déployé de nombreux efforts pour coordonner leurs actions respectives et mutualiser leurs moyens.
Mais ces initiatives ne sont pas allées assez loin. Le SRDE comporte les mêmes limites que le SRADDT : sa mise en oeuvre et ses effets en termes de coordination des acteurs varient selon les territoires. Dans certains d'entre eux, il a permis des avancées notables, qui expliquent d'ailleurs que certaines régions aient adopté un nouveau SRDE à l'issue du premier, malgré l'absence de prolongation du dispositif expérimental prévu par la loi. Ces nouveaux schémas ont souvent été élargis aux problématiques de l'innovation : je citerai la stratégie régionale de l'économie et de l'innovation adoptée en Ile-de-France, par exemple, ou celle adoptée en région Rhône-Alpes.
Afin de remédier aux difficultés que j'évoquais à l'instant, la piste d'un renforcement de l'action des régions fait consensus, compte tenu de leur expérience dans ce domaine, de leurs responsabilités en matière de formation, de recherche, d'innovation et d'aménagement du territoire. Mais il ne s'agit pas de leur confier une compétence exclusive, concept dont les limites ont été soulignées ici-même à plusieurs reprises : cela reviendrait à priver les territoires du savoir-faire développé par les autres collectivités, en lien avec leurs compétences, et entraînerait une recentralisation de politiques de proximité.
Il s'agirait en fait de réaffirmer le rôle de chef de file de la région. En premier lieu, un rôle prépondérant devrait lui être reconnu dans le domaine des aides aux entreprises : les autres collectivités ne pourraient intervenir qu'en complément et dans le cadre du régime d'aides adopté par la région, qui pourrait toutefois déléguer la gestion de certaines aides. Les aides à l'immobilier pourraient en revanche rester aux mains des intercommunalités, qui ont développé une certaine expertise dans le domaine.
S'agissant des autres types d'actions menées, nous proposons de généraliser l'expérience des schémas régionaux de développement économique en les élargissant aux problématiques de l'innovation, comme cela a déjà été fait dans certains territoires. Leur dimension stratégique devrait être réaffirmée, afin qu'ils ne soient plus considérés, comme par le passé, comme un catalogue d'aides régionales. Ils devraient être le lieu d'une réflexion à moyen long terme sur les façons de valoriser au mieux les spécificités de chaque région, en lien avec les politiques d'aménagement, de formation, d'emploi et d'insertion menés à leur échelle. Une articulation devra également être recherchée avec les stratégies nationale et européenne de développement économique.
Là encore, il conviendra toutefois d'associer les autres collectivités en amont de l'élaboration du schéma et dans le cadre de son suivi : il ne s'agit pas d'opérer une « recentralisation » à l'échelon régional. Ce qui fonctionne bien au niveau local doit y rester. L'ensemble des acteurs économiques, agences de développement économique, chambres consulaires, CESER, etc. devront en outre être associées à la démarche.
Il nous semble également indispensable d'opérer un véritable partage des rôles entre l'Etat et les collectivités. La pertinence d'un dédoublement au niveau des aides aux entreprises a été remise en cause à plusieurs reprises.
Enfin, il nous semble nécessaire de développer davantage la culture de l'évaluation. Elle pourrait constituer l'une des réponses aux doutes exprimés lors du vote de la loi sur la banque publique d'investissement sur l'efficacité de l'action des collectivités en matière de développement économique. Il faut cependant replacer ces réserves dans leur contexte politique, et je tiens d'ailleurs à préciser que l'évaluation est déjà largement présente dans nos collectivités. Il s'agit de la généraliser, sans tomber dans ses excès.
Enfin, nous ne pouvons qu'encourager la poursuite des efforts réalisés par l'ensemble des acteurs pour mutualiser leurs moyens, simplifier les procédures, et coordonner leurs actions.