Intervention de Patrice Gélard

Réunion du 26 février 2013 à 14h30
Compétence territoriale du juge français concernant les infractions visées par le statut de la cour pénale internationale — Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard :

Cela dit, nous ratifions ce traité en juin 2000. Le nombre nécessaire d’États signataires est rapidement atteint et le traité devient applicable. Nous sommes donc contraints de compléter notre législation en ce qui concerne l’application des dispositions du traité de Rome. Ainsi, nous adoptons le 26 février 2002 une loi sur la coopération avec la Cour pénale internationale puis, le 9 août 2010, une loi sur l’adaptation du droit pénal aux nécessités de la CPI. Enfin, cette proposition de loi nous est présentée aujourd’hui et va, je l’espère, aboutir prochainement.

Je tiens ici à rappeler le travail exemplaire accompli par Robert Badinter, dans l’esprit de la défense des droits de l'homme qui a toujours été le sien et que nous partageons tous ici. En effet, la lutte contre le génocide, le crime de guerre, les atrocités commises contre l’humanité, relèvent naturellement de la défense des droits de l'homme.

Nous nous trouvons donc à l’issue d’une longue évolution, puisque quinze années se sont écoulées depuis l’adoption de la convention de Rome.

Je pense que le Parlement a fait preuve de sagesse en ne mettant pas trop vite en place la CPI. Cela nous a préservés des erreurs commises par la Belgique ou par l’Espagne.

En effet, pour la mise en œuvre du traité de Rome, nous avons d’abord bénéficié d’une réserve de sept ans. Cette réserve, objet de très vives critiques à l’époque, avait été introduite pour protéger nos corps expéditionnaires alors engagés dans des interventions militaires et, ainsi, éviter que des poursuites ne soient ouvertes contre eux.

Ce délai une fois écoulé, nous avons effectivement mis en place, non pas un, mais quatre filtres, pour empêcher une trop grande abondance de recours. L’expérience de la Belgique nous montrait alors ce qu’il ne fallait pas faire.

Cela dit, je pense que la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui vient à temps. Tout d’abord, ces filtres, comme l’ont souligné le président Jean-Pierre Sueur et le rapporteur Alain Anziani, étaient excessifs, inapplicables ou inadéquats. Comme cela a également été très bien expliqué par Mme la garde des sceaux, c’était bien le cas de la condition tenant à la résidence habituelle ― le terme « habituelle » n’est d’ailleurs pas complètement approprié ―, de l’exigence d’une double incrimination et de la nécessité d’un déclinatoire de compétence de la Cour.

Il reste cependant, d’ailleurs plus aux yeux de l’opinion publique que dans l’état actuel du droit, quelques imperfections.

L’existence de deux tribunaux pénaux internationaux spécialisés, respectivement pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, ainsi que d’un tribunal pénal partiellement international au Cambodge compliquent la perception de la CPI par le grand public.

En effet, les procédures en cours devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie n’ont pas toujours été bien comprises et certains jugements ont parfois surpris. Par ailleurs, personne n’a véritablement suivi le déroulement des actions devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda, tant il était éloigné. Quant au tribunal sur le Cambodge, la moitié de ses juges étant cambodgiens, sa situation ne correspond pas aux règles qui ont été fixées par le traité de Rome.

Madame le garde des sceaux, je pense qu’il devient nécessaire aujourd’hui, de façon pédagogique, de faire mieux connaître l’action de la Cour pénale internationale et la portée des jugements qu’elle est amenée à prononcer. Il me semble important de mener cet effort en direction des médias, où il est pratiquement impossible pour le grand public de trouver la moindre information sur la juridiction pénale internationale.

Tout a été dit dans les trois exposés qui viennent de nous être présentés, mais je voudrais tout de même faire état d’une petite divergence de vues avec le président de la commission des lois et le rapporteur.

Je ne suis pas en harmonie avec eux en ce qui concerne les procureurs et les perspectives d’évolution qu’ils ont dessinées à cet égard. Il s’agit d’une question complexe, difficile à régler, comme Mme le ministre l’a souligné, et le statut des procureurs mérite une analyse fine. Aussi l’affirmation selon laquelle les procureurs doivent être exactement traités comme les autres magistrats n’emporte pas forcément un soutien unanime sur nos travées.

Il faudra donc étudier cette question en profondeur à l’occasion de la réforme constitutionnelle, mais il n’est pas certain que nous parvenions à trouver un consensus. Je voulais le souligner, même si cela est sans rapport direct avec le texte en discussion.

En conclusion, notre groupe votera naturellement cette proposition de loi, qui vient en son temps et qui fait de la France, une fois de plus, tout à la fois un pilote, un modèle et un exemple pour la défense des droits de l'homme !

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