Intervention de Didier Migaud

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 27 février 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Didier Migaud premier président de la cour des comptes

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

Pour répondre au rapporteur général, le traitement comptable de l'opération Dexia ne relève pas de la compétence de la Cour mais de celle de l'Insee sous le contrôle d'Eurostat. Nous avons en revanche estimé qu'elle se rattachait à l'exercice 2012 puisqu'aussi bien le vote de la loi de finances rectificative qui a ouvert les crédits nécessaires, l'assemblée générale de Dexia qui a approuvé l'augmentation du capital et le versement de l'État ont eu lieu en décembre 2012. Le dossier de presse du Gouvernement avait sans doute été préparé avant que l'on ne sache si l'opération serait réalisée pour la fin de l'année.

Nous avons écrit que le déficit pour 2012 devrait être proche de l'objectif de 4,5 %, un déficit supérieur n'étant cependant pas exclu du fait de recettes plus faibles que prévues. La Commission européenne retient une estimation à 4,6 % du PIB et le déficit public mesuré selon les normes de la comptabilité nationale sera publié par l'Insee à la fin du mois de mars. Il est pour l'heure difficile d'être plus précis d'autant que selon la décision prise de l'Insee et d'Eurostat sur Dexia, le solde pourrait varier de 0,2 point de PIB.

La poursuite coûte que coûte de l'objectif des 3 % pourrait avoir des effets négatifs trop importants sur la croissance dans une conjoncture économique durablement dégradée en France et chez nos partenaires européens. Le raisonnement symétrique vaut pour les périodes de forte croissance, car l'on y atteint plus facilement ses objectifs de solde sans avoir à prendre de mesures de redressement à long terme. On ne peut donc pas se contenter de raisonner en termes de déficit effectif ; il faut prendre en compte le solde structurel, comme le traité européen et la loi organique le prévoient. A charge pour les décideurs politiques de déterminer le poids relatif de chacun de ces objectifs.

La Cour estime que les recettes publiques, fiscales et sociales, de 2013, seront inférieures aux prévisions du projet de loi de finances. Ce sera tout d'abord le cas si la croissance n'est pas au rendez-vous des 0,8 % car un demi-point de croissance en moins réduit les recettes publiques de 4 à 5 milliards d'euros. Ensuite, la prévision pour 2013 repose sur des élasticités de prélèvements obligatoires à l'évolution de leurs assiettes vraisemblablement trop optimistes, en particulier pour l'impôt sur les sociétés ; la différence pourrait là aussi être de 4 milliards d'euros. Des recettes fiscales de 2012 - notamment la TVA - inférieures aux prévisions pourraient avoir un effet en base sur celles de 2013, encore difficile à évaluer. Ces observations valent aussi pour les recettes de la sécurité sociale. Autre facteur d'incertitude sur les recettes fiscales : le chiffrage des mesures nouvelles et le coût en 2013 des contentieux fiscaux communautaires qui vient s'imputer sur les remboursements et les dégrèvements.

S'agissant des recettes non fiscales, les dividendes des entreprises publiques pourraient être inférieurs aux prévisions.

Les contentieux que j'évoquais représentent aussi un aléa en matière de dépenses. Le coût du contentieux relatif au précompte inscrit dans la loi de programmation des finances publiques est de 1,8 milliard d'euros en 2013, alors qu'il était de 200 millions en 2012. Celui relatif aux organismes de placements collectifs en valeurs mobilières (OPCVM) devrait coûter 1,8 milliard en 2013 contre 1,5 milliard en 2012. Si les décisions du Conseil d'État de décembre 2012 sur le premier contentieux ont été finalement plus favorables que prévus, la direction générale des finances publiques n'était pas, début février, en mesure d'en tirer toutes les conséquences financières.

Pour ce qui concerne le contentieux relatif aux OPCVM, les remboursements prévus en 2012 sont reportés en 2013 et ceux prévus pour 2013 seront vraisemblablement reportés en 2014. Le rapport sur l'exécution budgétaire de 2012 reviendra sur cette question.

J'en arrive aux principaux aléas sur les dépenses. L'indemnisation du chômage fait l'objet d'une divergence d'estimations entre Bercy, qui prévoit une augmentation des indemnisations de 1,8 % et l'Unedic qui, pour sa part, s'attend à une progression des indemnisations de 8 %, soit un décalage de l'ordre de 2 milliards d'euros.

En outre, un prélèvement supplémentaire de 800 millions d'euros a été ajouté par amendement en loi de finances en faveur de l'Union européenne et des dépenses non encore budgétées devront être couvertes pour financer le plan pauvreté et les contrats de génération.

Les prévisions de dépense des collectivités locales sont toujours difficiles à établir, des aléas pouvant les affecter à la hausse, comme à la baisse.

Compte tenu de ces incertitudes, la Cour des comptes appelle à une stricte vigilance et à des mesures d'ajustement tout au long de l'année, afin de concrétiser les efforts structurels prévus en loi de finances initiale. Nous reviendrons sur cette question en juin à l'occasion de la présentation de notre rapport sur les perspectives des finances publiques.

Le déséquilibre entre les efforts portant sur les recettes et ceux sur les dépenses est réel : en 2011, les efforts portent entièrement sur les prélèvements obligatoires. En 2012 et en 2013, ces efforts portent à 75 % sur les prélèvements obligatoires et à 25 % sur les dépenses.

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