La commission auditionne M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, suite au dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes.
Monsieur le Premier président, vous étiez venu le 13 février dernier présenter solennellement le rapport public annuel de la Cour des comptes devant un hémicycle particulièrement rempli, signe des temps mais aussi de l'impact tout à fait réel de ce rapport. Je vous propose de mener ce matin une réunion interactive : après votre intervention liminaire revenant de façon globale sur la consolidation budgétaire de notre pays, le rapporteur général vous interrogera, ainsi que plusieurs de nos rapporteurs spéciaux. Je salue les présidents de la première chambre, Raoul Briet, de la deuxième chambre, Gilles-Pierre Levy, de la troisième chambre, Patrick Lefas, les présidentes des cinquième et septième chambres, Anne Froment-Meurice et Evelyne Ratte, ainsi que Jean-Marie Bertrand, rapporteur général - fonction qui existe aussi à la Cour ! - et Jean-Philippe Vachia, président de la formation inter-juridictions chargée des finances locales.
La contrainte des 3 % de déficit effectif doit-elle être mise au placard ? Ou alors doit-elle être maintenue parallèlement à celle du solde structurel, notion macroéconomique certes moins mobilisatrice et moins facile à expliquer à l'opinion publique mais retenue par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) et par la récente loi organique, relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ?
Que peut-on attendre du Haut Conseil des finances publiques créé par la loi organique, dont vous assurerez la présidence ? Sera-t-il seulement chargé d'apprécier la sincérité des prévisions du Gouvernement ou bien sera-t-il un jour amené à formuler des recommandations en faveur d'autres hypothèses que celles retenues par l'exécutif ? De quels moyens disposera-t-il pour assurer une mission aussi évolutive ? C'est une instance paritaire et vous avez procédé il y a quelques jours à un tirage au sort avec de nombreux témoins ; le procès verbal en fait foi.
Ayant déjà eu le plaisir de présenter notre rapport public annuel en séance publique le 13 février, je ne reviendrai pas sur les 45 sujets dont il traite. Je suis très heureux que nous ayons cet échange car, si nous dressons des constats et si - comme le législateur l'a souhaité - nous formulons des recommandations, c'est bien entendu aux décideurs politiques que revient le dernier mot.
Comme l'indique le rapport, le redressement des comptes engagé en 2011 s'est poursuivi en 2012 par un effort structurel très important : il faut remonter aux années à celui des années 1993 et 1994 pour trouver un effort comparable ; l'amélioration de 1,9 % du PIB prévue pour 2013 est sans précédent. Quant à l'objectif de 3 %, il a peu de chances d'être atteint compte tenu des incertitudes pesant sur la prévision de croissance de 0,8 % et sur les recettes et les dépenses. Ce n'est pas pour autant qu'il doit être mis eu placard. Nous considérons simplement qu'à partir du moment où le TSCG et la loi organique ont mis en avant un objectif de solde structurel, il revient aux responsables politiques de préciser quelle pondération ils comptent donner à ce solde effectif par rapport au solde structurel. La Cour ne recommande pas de mesures supplémentaires visant à atteindre à tout prix l'objectif des 3 %. Mais il est très important que l'effort structurel envisagé pour 2013 soit bien accompli, d'où la nécessité de lever les incertitudes pesant sur les dépenses comme sur les recettes.
Alors que l'essentiel de l'effort porte sur les recettes, nous estimons nécessaire que la dépense soit davantage sollicitée. C'est tout à fait possible, comme notre rapport public annuel tend à le démontrer à la suite de nombreux autres rapports publics. Les dépenses publiques de la France - reflets de nos choix collectifs - comptent parmi les plus élevées au monde, de même que nos prélèvements. Or les évaluations - hélas trop peu nombreuses - dont nous disposons, démontrent que l'efficacité des politiques publiques ne dépend pas du niveau de dépenses. Les responsables politiques disposent donc de marges de manoeuvre sans pour autant remettre en cause ce que l'on appelle le modèle social français. Il faudrait en particulier veiller à ce que les politiques publiques se concentrent effectivement sur ceux qui doivent en être les cibles. Car, là où il paraît nécessaire d'arroser quelques fleurs, nous avons tendance à arroser tout le jardin.
Je vois que vous avez le sens des économies... Ces exemples ne concernent pas seulement l'Etat mais aussi ses opérateurs, les collectivités territoriales et la sécurité sociale.
Le Haut Conseil des finances publiques sera prochainement mis en place. La parité n'y sera pas totale puisque les deux membres de droit - le Premier président de la Cour des comptes et le directeur général de l'Insee - sont aujourd'hui des hommes. Ce principe sera en revanche vérifié pour les magistrats - deux hommes et deux femmes - que je vais désigner et pour les personnalités qualifiées nommées par le président du Sénat, le président de l'Assemblée nationale, les présidents des commissions des finances des deux assemblées ainsi que par le président du Conseil économique, social et environnemental. J'ai tiré au sort qui du président du Sénat ou du président de votre commission des finances devra désigner un homme et qui devra désigner une femme. J'ai fait de même pour l'Assemblée nationale. Autre raison du non respect de la parité dans un premier temps : le sort a décidé que le président du Conseil économique, social et environnemental devait désigner un homme. Comme vous l'avez souhaité, nous procéderons à un deuxième tirage au sort pour définir la durée des mandats de chacun puisque ce Haut Conseil devra être renouvelé par moitié au bout de deux ans et demi. Le tirage désignera les titulaires de mandats de trente mois et de cinq ans, étant entendu que dans l'ensemble, la parité devra là aussi être respectée. Le président du Conseil économique, social et environnemental devra ainsi désigner une femme la prochaine fois qu'il devra procéder à une nomination.
Tout ceci résulte de la loi organique que vous avez votée. Les nominations des personnalités devraient être effectuées avant ce soir et nous pourrons les rendre publiques dans les prochains jours. Il reviendra ensuite à votre commission des finances d'auditionner les personnes désignées par le président du Sénat et par celui de la commission. Ces auditions devraient intervenir dans la semaine du 10 mars.
Une première réunion d'installation du Haut Conseil devrait intervenir le 21 mars et la première saisine de cet organe devrait concerner le projet de programme de stabilité qui doit être adressé par le Gouvernement français à la Commission européenne d'ici le 30 avril. Il faudra donc que l'avis soit rendu d'ici le 15 avril.
Le texte organique a bien précisé les missions de ce Haut Conseil, organe indépendant placé auprès de la Cour des comptes : il donne un avis sur les hypothèses macro-économiques retenues par le Gouvernement dans le programme de stabilité, les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale ainsi que sur les conséquences qu'il en tire, par exemple quant à l'élasticité des recettes par rapport à ces hypothèses. Il donnera également un avis sur le respect de la trajectoire de redressement des finances publiques. Il ne s'agit que d'un avis, la décision revenant au final au Parlement.
Je ferai en sorte que le Haut Conseil exerce pleinement ses missions. Je ne peux en revanche pas vous répondre complètement sur la façon dont les avis seront formulés. J'en parlerai aux membres de cette instance, mais rappelons que l'on n'attend pas d'elle qu'elle produise des rapports. Il nous reviendra de définir de quelle façon ces avis pourront être les plus utiles possibles au Gouvernement et au Parlement.
Merci pour votre exposé et pour le rapport très conséquent sur lequel les sénateurs ne vont pas manquer de se pencher.
A quel niveau évaluez-vous le déficit public de 2012 au sens du pacte de stabilité ? Quid du traitement comptable de Dexia ? Dans votre rapport, vous estimez que sa prise en compte comme une dépense au sens de la comptabilité nationale aurait un impact sur le solde de 2012, alors que, selon le dossier de presse du Gouvernement sur le collectif de fin d'année, « la décision d'Eurostat sur le traitement en comptabilité nationale de cette opération de recapitalisation et sur son année de rattachement n'est pas encore connue ». Quels éléments conduisent la Cour des comptes à rattacher cette opération de l'exercice 2012 ?
Pour 2013, quelles seront, d'après vous, les recettes les plus susceptibles d'être inférieures aux prévisions, pour quelles raisons et dans quelles proportions ? En dépense, qu'en sera-t-il des aléas relatifs aux contentieux fiscaux et aux mesures nouvelles ?
Vous considérez - je cite - que « l'effort structurel pour 2013 est déséquilibré : il repose pour moins de 25 % sur la maîtrise des dépenses et pour plus de 75 % sur des hausses de prélèvements obligatoires ». Cette affirmation a largement fait débat parmi les sénateurs, d'autant que son bien-fondé économique ne va pas de soi. Les estimations économétriques habituelles - en particulier celles du modèle économétrique de simulation et d'analyse générale de l'économie (Mésange) du Trésor - suggèrent en effet que, si à long terme une réduction des dépenses ne réduit pas le PIB, c'est le contraire à court terme. La stratégie du Gouvernement, consistant à faire porter principalement l'effort sur les dépenses entre 2013-2017 tout en le concentrant sur les recettes en 2013 - où la croissance devrait être nulle - paraît donc la plus adaptée. Le Gouvernement a retenu le meilleur levier possible au regard de notre objectif de croissance. La Cour des comptes s'appuie-t-elle sur des travaux économétriques pour contester cette stratégie ? Faire porter l'effort pour 2013 essentiellement sur les dépenses n'augmenterait-il pas inutilement les risques de croissance négative, rendant encore plus difficile la réduction du déficit ? Quelles pistes de réduction des dépenses publiques vous semblent-elles les plus prometteuses ?
Je partage votre constat selon lequel les fonds d'urgence ne suffiront pas à résoudre les difficultés des départements. Vous proposez un renforcement de la péréquation au niveau départemental, notamment pour le fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et pour le fonds départemental de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Cela semble d'autant plus justifié que les modifications des règles relatives au fonds de péréquation des DMTO apportées par la loi de finances pour 2013 inquiètent les départements les plus pauvres : les Bouches-du-Rhône bénéficient de millions supplémentaires, tandis que la Creuse ou le Cantal en perdent deux. Le critère du potentiel financier vous semble-t-il l'indicateur de richesse le plus pertinent, alors que depuis la réforme de la taxe professionnelle, y sont intégrées des compensations, y compris virtuelles ? Le revenu par habitant constitue-t-il pour vous un indicateur synthétique de charges ? Dans la perspective de nouvelles restrictions des dotations de l'Etat, comment parvenir à un classement de richesses sur lequel nous pourrons fonder des péréquations horizontales ?
Vous avez indiqué devant le Sénat que, selon la Cour, il existait des marges de manoeuvres importantes dans les communes et les intercommunalités. Ce jugement est recevable quoique discutable.
Vous poursuivez par une proposition de réallocation d'une partie de la fiscalité locale entre départements et bloc communal consistant en un échange entre DMTO et foncier bâti afin de dégager des marges pour les finances départementales. Ce faisant, n'excédez-vous pas les compétences de la Cour ? N'empiétez-vous pas sur celles du comité des finances locales (CFL) ? Sur le fond, cette proposition, est-elle conciliable avec le doublement de la diminution des dotations de l'Etat, qui risque de peser essentiellement sur cet échelon ? Je rappelle que les collectivités territoriales réalisent une grande partie de l'investissement public civil. Lorsque l'on aborde ces questions, il faut donc le faire en cohérence avec nos objectifs de croissance, de création d'emplois et de constructions de nouveaux logements.
A la suite de la conférence nationale de lutte contre la pauvreté de décembre dernier, le Gouvernement a annoncé une revalorisation du revenu de solidarité active (RSA) de 10 % sur 5 ans. Comment faire, alors que l'équilibre financier de nombre de départements est particulièrement fragile ?
Dans quelle mesure cette revalorisation bénéficiera-t-elle au RSA « activité » ? Répondra-t-elle aux critiques de votre rapport quant au faible impact de ce dernier sur le taux de pauvreté ?
Votre constat s'applique-t-il au RSA « jeunes », dispositif qui n'a pas réussi à décoller ? Des problèmes spécifiques expliquent-ils l'échec de cette prestation ?
Dans votre rapport, la Fondation du Patrimoine est décrite comme un « organisme juridiquement hybride, largement financé par des fonds publics » : voilà une définition intéressante... Vous estimez que la Fondation a répondu aux objectifs de sa mission, dans la mesure de ses moyens, selon des modalités d'actions originales et dans des conditions de gestion satisfaisantes. Pensez-vous que ce modèle singulier soit transposable à d'autres domaines de politique publique ? Vous regrettez néanmoins que, du fait de son régime juridique, la dépense publique de la Fondation reste mal cernée dans son montant et peu lisible dans son fléchage. Comment améliorer cette situation et, notamment, l'information du Parlement ?
Le rapport public comporte une insertion plus critique sur les suites données à votre contrôle de 2010 sur le centre des monuments nationaux (CMN) réalisé à la demande de notre commission des finances dans le cadre de l'article 58-2° de la LOLF.
Vous estimez que les réformes intervenues sont insuffisantes : l'établissement public n'a pas pris en compte la réforme du régime de la domanialité publique de 2008 et sa gestion reste encore insuffisamment rigoureuse. Une incertitude préjudiciable demeure en outre quant au champ d'action du CMN et la sous-consommation des crédits d'entretien et de restauration perdure, malgré quelques progrès constatés récemment.
Quelles sont selon vous les causes de cette inertie ? La tutelle exerce-t-elle pleinement ses missions ? La réponse de la ministre est-elle de nature à vous rassurer quant à la mise en oeuvre prochaine des réformes préconisées et à une remobilisation de cette tutelle ? Comment expliquer l'absence durable de contrat avec l'Etat ? Quel serait le niveau adéquat et réaliste des ressources propres du Centre ? Enfin, que seraient de bons indicateurs de performance ?
Le cinéma est en bonne santé en particulier grâce au Centre national du cinéma (CNC). Mais les finances de ce dernier sont encore plus florissantes puisqu'il dispose de 750 millions de réserves, ce qui dans la période actuelle, fait figure d'anomalie. Comment faire évoluer le financement du CNC ?
Pour répondre au rapporteur général, le traitement comptable de l'opération Dexia ne relève pas de la compétence de la Cour mais de celle de l'Insee sous le contrôle d'Eurostat. Nous avons en revanche estimé qu'elle se rattachait à l'exercice 2012 puisqu'aussi bien le vote de la loi de finances rectificative qui a ouvert les crédits nécessaires, l'assemblée générale de Dexia qui a approuvé l'augmentation du capital et le versement de l'État ont eu lieu en décembre 2012. Le dossier de presse du Gouvernement avait sans doute été préparé avant que l'on ne sache si l'opération serait réalisée pour la fin de l'année.
Nous avons écrit que le déficit pour 2012 devrait être proche de l'objectif de 4,5 %, un déficit supérieur n'étant cependant pas exclu du fait de recettes plus faibles que prévues. La Commission européenne retient une estimation à 4,6 % du PIB et le déficit public mesuré selon les normes de la comptabilité nationale sera publié par l'Insee à la fin du mois de mars. Il est pour l'heure difficile d'être plus précis d'autant que selon la décision prise de l'Insee et d'Eurostat sur Dexia, le solde pourrait varier de 0,2 point de PIB.
La poursuite coûte que coûte de l'objectif des 3 % pourrait avoir des effets négatifs trop importants sur la croissance dans une conjoncture économique durablement dégradée en France et chez nos partenaires européens. Le raisonnement symétrique vaut pour les périodes de forte croissance, car l'on y atteint plus facilement ses objectifs de solde sans avoir à prendre de mesures de redressement à long terme. On ne peut donc pas se contenter de raisonner en termes de déficit effectif ; il faut prendre en compte le solde structurel, comme le traité européen et la loi organique le prévoient. A charge pour les décideurs politiques de déterminer le poids relatif de chacun de ces objectifs.
La Cour estime que les recettes publiques, fiscales et sociales, de 2013, seront inférieures aux prévisions du projet de loi de finances. Ce sera tout d'abord le cas si la croissance n'est pas au rendez-vous des 0,8 % car un demi-point de croissance en moins réduit les recettes publiques de 4 à 5 milliards d'euros. Ensuite, la prévision pour 2013 repose sur des élasticités de prélèvements obligatoires à l'évolution de leurs assiettes vraisemblablement trop optimistes, en particulier pour l'impôt sur les sociétés ; la différence pourrait là aussi être de 4 milliards d'euros. Des recettes fiscales de 2012 - notamment la TVA - inférieures aux prévisions pourraient avoir un effet en base sur celles de 2013, encore difficile à évaluer. Ces observations valent aussi pour les recettes de la sécurité sociale. Autre facteur d'incertitude sur les recettes fiscales : le chiffrage des mesures nouvelles et le coût en 2013 des contentieux fiscaux communautaires qui vient s'imputer sur les remboursements et les dégrèvements.
S'agissant des recettes non fiscales, les dividendes des entreprises publiques pourraient être inférieurs aux prévisions.
Les contentieux que j'évoquais représentent aussi un aléa en matière de dépenses. Le coût du contentieux relatif au précompte inscrit dans la loi de programmation des finances publiques est de 1,8 milliard d'euros en 2013, alors qu'il était de 200 millions en 2012. Celui relatif aux organismes de placements collectifs en valeurs mobilières (OPCVM) devrait coûter 1,8 milliard en 2013 contre 1,5 milliard en 2012. Si les décisions du Conseil d'État de décembre 2012 sur le premier contentieux ont été finalement plus favorables que prévus, la direction générale des finances publiques n'était pas, début février, en mesure d'en tirer toutes les conséquences financières.
Pour ce qui concerne le contentieux relatif aux OPCVM, les remboursements prévus en 2012 sont reportés en 2013 et ceux prévus pour 2013 seront vraisemblablement reportés en 2014. Le rapport sur l'exécution budgétaire de 2012 reviendra sur cette question.
J'en arrive aux principaux aléas sur les dépenses. L'indemnisation du chômage fait l'objet d'une divergence d'estimations entre Bercy, qui prévoit une augmentation des indemnisations de 1,8 % et l'Unedic qui, pour sa part, s'attend à une progression des indemnisations de 8 %, soit un décalage de l'ordre de 2 milliards d'euros.
En outre, un prélèvement supplémentaire de 800 millions d'euros a été ajouté par amendement en loi de finances en faveur de l'Union européenne et des dépenses non encore budgétées devront être couvertes pour financer le plan pauvreté et les contrats de génération.
Les prévisions de dépense des collectivités locales sont toujours difficiles à établir, des aléas pouvant les affecter à la hausse, comme à la baisse.
Compte tenu de ces incertitudes, la Cour des comptes appelle à une stricte vigilance et à des mesures d'ajustement tout au long de l'année, afin de concrétiser les efforts structurels prévus en loi de finances initiale. Nous reviendrons sur cette question en juin à l'occasion de la présentation de notre rapport sur les perspectives des finances publiques.
Le déséquilibre entre les efforts portant sur les recettes et ceux sur les dépenses est réel : en 2011, les efforts portent entièrement sur les prélèvements obligatoires. En 2012 et en 2013, ces efforts portent à 75 % sur les prélèvements obligatoires et à 25 % sur les dépenses.
La baisse des dépenses étant plus douloureuse, on trouve toujours de bonnes excuses !
Et les effets sont moins immédiats.
M. Raoul Briet, président de la 1ère chambre. - Nous ne nous fondons pas sur des modèles macroéconomiques pour élaborer nos analyses. Les modèles macroéconomiques ne distinguent pas de manière binaire les dépenses d'un côté et les recettes de l'autre. Les effets macroéconomiques de la réduction de certaines dépenses sont équivalents à ceux de certaines hausses de prélèvements obligatoires. Une pesée sur les dépenses sociales ou une augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) ont macroéconomiquement les mêmes impacts. Comme l'OCDE, nous constatons que les ajustements budgétaires les plus efficaces et les plus durables sont ceux qui portent plutôt sur les dépenses que sur les recettes.
La France rencontre des problèmes de déficits publics et la compétitivité est grevée par les prélèvements. Les marges de manoeuvre en matière de prélèvements sont donc réduites.
Enfin, notre niveau de dépenses publiques est l'un des plus élevé de l'OCDE, mais nous n'avons pas de contrepartie en termes d'efficacité des politiques publiques à hauteur de cette deuxième place en matière de dépenses. L'efficience de la dépense publique pourrait donc encore s'améliorer.
Nous avons créé le Haut Conseil des finances publiques en l'adossant à la Cour des comptes. Ce Haut Conseil pourra s'appuyer sur des modèles économétriques et il devra motiver ses avis sur le PIB potentiel. De manière générale, sa méthodologie devra être fiable. Sur quels critères vous fondez-vous pour estimer que la politique du Gouvernement n'est pas la plus équilibrée ? J'ai indiqué qu'il y avait une volonté d'équilibrage à long terme entre la dépense et les recettes mais que, à court terme, le modèle Mésange démontrait que l'effet récessif était plus faible dans les cas des recettes.
Le Haut Conseil sera à même de vérifier cela, mais les propos des uns et des autres ne se contredisent pas en ce qui concerne le long terme.
M. Jarlier m'a interrogé sur la situation des départements. Comme on pouvait s'y attendre, l'effet de ciseau est réel entre des dépenses qui progressent vite alors que les recettes stagnent. Les dépenses sociales continuent à s'accroître : elles représentent à elles seules un peu plus de la moitié des charges réelles. Les recettes au titre des droits de mutation à titre onéreux diminueraient de 800 millions en 2012, alors qu'elles avaient fortement augmenté en 2011.
L'épargne brute, qui avait progressé entre 2099 et 2011, décroît de 5,55 %. La contraction des investissements se poursuit : près de 19 % de moins en trois ans et les chiffres de 2012 confirment les analyses précédentes.
Concernant la redistribution des ressources en fonction des niveaux de collectivités, nous proposons de transférer les droits de mutation à titre onéreux des départements vers le bloc communal en contrepartie du transfert d'une part de la taxe sur le foncier bâti vers les départements. Cette réforme ne réduirait pas les ressources du bloc communal, mais nous estimons qu'il serait utile d'augmenter la part modulable de la fiscalité des départements, puisque leur fiscalité indirecte représente plus de la moitié de leurs ressources. En jouant sur ces droits de mutations, leur capacité fiscale en serait renforcée.
A long terme, la dynamique des DMTO pourrait être plus avantageuse pour le bloc communal. Quelle est la légitimité de la Cour des comptes à formuler de telles propositions ? Nous ne décidons rien, mais nous nous permettons de vous présenter des pistes, étant bien entendu que le Parlement décide. N'y voyez nulle concurrence avec le Comité des finances locales, d'autant que nos missions ne sont pas comparables.
Nous avons proposé de renforcer la péréquation pour les départements, péréquation qui n'est déjà pas négligeable, notamment grâce au fonds de péréquation des DMTO. Très rapidement, nous avons buté sur les notions de potentiels fiscaux et financiers. Si la définition est la même, la composition diffère profondément, et des différences de classements apparaissent. Nous ne proposons pas de nouvelles définitions ou de nouvelles compositions du potentiel fiscal ou financier, mais il faudra bien revoir ces critères qui ne répondent plus aux besoins actuels et qui ne permettent pas de redistribuer judicieusement les ressources entre les départements.
Nous constatons la montée en puissance du critère de revenu, la loi de finances pour 2013 ayant intégré ce critère au calcul des versements du fonds DMTO. Au-delà, les critères de répartition ne sont plus les mêmes pour les fonds DMTO et CVAE. Une troisième série de critères devrait être pris en compte, à savoir les charges relatives aux allocations universelles de solidarité. En croisant ces critères, il serait possible de déterminer des niveaux de fragilité. Nous n'avons pas de formule toute faite à vous proposer, mais il serait bon que la direction générale des collectivités locales (DGCL) fasse tourner ses modèles afin que revenus et charges soient pris en compte pour déterminer les péréquations verticales et horizontales.
Le plan quinquennal de lutte contre la pauvreté prévoit une augmentation du barème du RSA, ce qui aura une incidence sur toutes les composantes de cette allocation. Je rappelle que beaucoup de personnes qui pourraient bénéficier du RSA ne le perçoivent pas, en dépit de la réflexion menée sur une meilleure articulation entre le RSA et la prime pour l'emploi (PPE). Le RSA « socle » est à la charge des départements : bien qu'aucune estimation officielle ne soit disponible, la revalorisation annoncée par le Premier ministre pourrait coûter 180 millions d'euros en année pleine, revalorisation compensée par l'Etat, même si les modalités de financement n'ont pas encore été arrêtées. Si la compensation annoncée n'avait pas lieu, il est bien évident qu'il en résulterait des tensions supplémentaires sur les finances des départements.
Pour le RSA « activité » et pour le RSA « jeunes », nous faisons le même constat, à savoir que le nombre de bénéficiaires est extrêmement réduit par rapport au public visé. Une meilleure articulation entre le RSA et la PPE est donc indispensable.
M. Patrick Lefas, président de la 3ème chambre. - Comme l'a dit Yann Gaillard, la Fondation du patrimoine est une structure juridique hybride puisqu'il s'agit d'une fondation de statut privé, créée par la loi en 1996 et placée sous contrôle de la Cour des comptes. La gouvernance de cette structure originale est entre les mains des fondateurs qui, après leur mise de fonds initiale, n'ont plus apporté de cotisations additionnelles. Enfin, la Fondation du patrimoine délivre des agréments et dispose, depuis 2003, d'une recette propre grâce au produit des successions en déshérence. Le Gouvernement devrait vous présenter à l'automne prochain un projet de loi sur le patrimoine ; vous aurez donc l'occasion de vous pencher une nouvelle fois sur ce dossier.
Entre 2002 et 2011, 18 000 projets de rénovation ont été menés à bien, dont 14 000 privés et 4 000 publics. Ce modèle singulier est-il transposable aux monuments historiques ? Le problème tient au fait que, chaque année, 400 monuments supplémentaires sont portés à l'inventaire national ou régional, ce qui entraîne des avantages fiscaux importants mais aussi des obligations non négligeables. L'outil fondation est utilisé dans d'autres domaines de l'action publique, notamment en matière de coopération scientifique et pour les fondations partenariales. Il est effectivement légitime que la représentation nationale soit mieux informée dans la mesure où cette fondation bénéficie d'une recette affectée.
Vous aviez demandé un rapport sur le Centre des monuments nationaux : nous vous l'avons remis à l'automne 2010 et nous assurons son suivi. Nous avions émis des critiques à l'époque à l'égard de la tutelle mais aussi de la direction générale de l'établissement : le Gouvernement en a tiré les conséquences en nommant un nouveau président. Faut-il reprendre le mouvement amorcé de transfert de monuments nationaux aux collectivités locales ? Mais comment mutualiser pour assurer le financement des travaux de restauration ? De tous les établissements publics culturels, c'est celui qui a les ressources propres les plus élevées et il convient de poursuivre dans cette voie. Le chantier de restauration prioritaire concerne le dôme du Panthéon. La crise interne et le transfert des emplois entre les Drac et le centre des monuments nationaux avaient retardé les décisions.
M. de Montesquiou nous a interrogés sur la situation du cinéma, mais cette question n'est pas traitée dans le rapport annuel. En revanche, un rapport sur le financement du CNC a été rédigé et le Gouvernement en a tiré les conséquences puisque le fonds de roulement a été amputé.
Le fonds de garantie versé chaque année à l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles a été contrôlé : il n'y aura désormais plus de versement du fonds de garantie car l'étiage est suffisant.
Nous reviendrons sur ce sujet dans un rapport thématique sur l'ensemble des problématiques du cinéma, qu'il s'agisse des soutiens, des crédits d'impôt, des obligations d'achat, des obligations règlementaires, du CNC ou des aides aux collectivités locales.
Des économistes européens et français estiment que pour sortir de la crise, il faut investir. Pour votre part, vous prônez toujours plus d'austérité, ce qui s'apparente à une purge. Vous estimez que le niveau des dépenses de l'Etat et des collectivités locales est trop élevé, mais qui dit dépenses publiques, dit investissements, ce que vous ne semblez pas prendre en compte, alors que 70 % des investissements publics sont effectués par les collectivités.
La région que je préside a beaucoup investi - 44 % de son budget - pour sortir de la crise. Comment expliquez-vous les différences d'analyses entre les économistes et les experts de la Cour des comptes ?
Vous n'abordez pas dans votre rapport les engagements hors bilan de l'Etat. Nous vous avons demandé un rapport sur cette question au titre de l'article 58-2 que vous devriez nous remettre début mai. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Nous avions dit, naguère, que nous ne partagions pas les analyses de notre rapporteur général : l'augmentation des prélèvements sur les entreprises ne nous semblait pas être de nature à relancer la croissance. Plutôt que 0,8 % du PIB en 2013, nous serons proches de zéro... Le Gouvernement prétend qu'avec le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), les charges des entreprises seront allégées mais, pour 2013, cette mesure sera neutre pour les finances publiques. Un ministre a dit que la Banque publique d'investissement (BPI) allait intervenir, mais est-ce le rôle de cette banque de faire des avances aux entreprises ? Enfin, comment trouver les 10 milliards d'euros pour financer ce dispositif en régime de croisière.
Le Gouvernement précédent avait asséché les ressources du 1 % logement pour financer l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), puis avait autorisé le 1 % logement à emprunter 3 milliards d'euros auprès de la Caisse des dépôts pour financer la politique du logement. Que pensez-vous de cette « délocalisation » de la dette ? Certains ont également préconisé le recours à l'emprunt pour financer l'ANRU II.
Il y a quelques années, la Cour des comptes avait lancé deux référés à l'encontre de l'EPAD du fait du manque de transparence dans la comptabilité de cet établissement public et de la nécessité de séparer ce qui relevait de l'aménagement de ce qui relevait de la gestion des équipements publics que cet établissement avait créé au fil du temps. Même si des efforts ont été faits, puisqu'un établissement public local destiné à gérer ces équipements publics, dénommé assez ironiquement Defacto, a été créé, il semble que le transfert de tous ces équipements n'ont pas encore été réalisés car les collectivités - qui bénéficient de la manne financière versée par les entreprises de la Défense - s'y opposent, prétextant qu'il faut remettre en état ces équipements et la voirie avant tout transfert. Dans le tome II, consacré aux suites réservées aux contrôles de la Cour des comptes, ce sujet est marqué dans la série des points orange. Pourquoi pas en rouge ?
Je veux rendre hommage à votre sens éthique et au rôle de la Cour des comptes. En outre, je salue votre travail avec les chambres régionales des comptes, qui connaissent bien les réalités du terrain.
Tout d'abord, une certitude scientifique : il n'y a aucune corrélation entre le niveau des prélèvements obligatoires, la croissance et l'emploi. Cette loi est constante depuis 50 ans, qu'il s'agisse de la France mais aussi d'autres pays comme les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Japon ou l'Allemagne.
Deuxième certitude, politique celle-là : le temps où l'on distinguait fiscalité de l'Etat, fiscalité des collectivités et fiscalité sociale est révolu. N'oublions pas que le deuxième ou troisième budget de l'Etat est consacré aux collectivités locales et que 30 % des ressources de la sécurité sociale proviennent des impôts. Les notions de pacte, de contrat, de négociations sont donc essentielles.
Un des engagements du candidat François Hollande portait sur le rapprochement de l'impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée (CSG), ce qui est essentiel tant pour des raisons de justice fiscale que de compétitivité. En outre, les départements et les communes bénéficieraient de cette réforme au travers de la taxe d'habitation. En 1990, il avait été question d'instaurer une taxe départementale sur les revenus, idée qui avait été assassinée par certains de nos collègues et par de hauts fonctionnaires qui qualifiaient cette taxe de poll tax, ce qui démontrait leur ignorance. La Cour travaille-t-elle sur le rapprochement et l'extension de ces assiettes ?
Enfin, nous aurons beau avoir les ressources suffisantes, sans esprit d'entreprendre et sans optimisme, nous n'y arriverons pas. Prenons donc garde à nos propos !
Je vous félicite pour votre excellent rapport et je me désole que le Gouvernement n'en tienne aucun compte. A mots prudents, vous évoquez la remontée des taux d'intérêt, ce qui ne semble gêner personne. Quand cela arrivera, on s'apercevra que la politique menée par le Gouvernement mène la France au désastre, mais il sera trop tard et notre pays sera en cessation de paiement, comme la Grèce. Il ne faudra pas compter sur l'Europe pour nous venir en aide ; elle n'en aura pas les moyens. Plutôt que de mener une politique de gauche, c'est à droite qu'il faut aller pour motiver les entrepreneurs et éviter qu'ils aillent payer leurs impôts ailleurs.
La perspective de 3 % de déficit par rapport au PIB pour 2013 est en train de s'éloigner alors que la croissance est atone. Or, un pays sans croissance s'appauvrit. Je reviens sur quelques chiffres que j'ai cités la semaine dernière lorsque nous avons reçu le directeur des études fiscales de l'OCDE. Avec 46 % du PIB, notre pays a le plus fort taux de prélèvements obligatoires et certains, au Gouvernement, voudraient aller encore plus haut. Les dépenses publiques, pour leur part, se montent à 56 % du PIB, alors qu'aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, cette proportion n'est que de 41 %. Or, dix points de différence, cela représente 200 milliards d'euros. Il faut faire des économies, mais ce sont souvent les dépenses en faveur de l'investissement et des collectivités territoriales qui sont gelées.
Dans un article de 2012, le candidat François Hollande avait écrit : « La dépense publique atteint 56 % de la richesse nationale. Elle était de 52 % il y a cinq ans. Vit-on mieux pour autant ? Non. Il faut faire mieux en dépensant moins ». Quelles solutions préconisez-vous ?
En 2012, la question de la dette publique a été au centre du débat : il s'agit désormais du premier poste de dépenses publiques qui équivaut au rendement de l'impôt sur le revenu. En 2011, la dette s'élevait à 86 % du PIB et en 2012 à 89,9 % du PIB. Cette année, le seuil des 90 % devrait être allègrement franchi, seuil considéré par les économistes comme dangereux. Or, votre rapport n'y consacre pas de développement particulier. Pourquoi ?
Les départements sont dans une situation extrêmement difficile, du fait de transferts de charges mal compensées, qu'il s'agisse des trois allocations, des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) ou des personnels. La Cour dit qu'il faut éviter les cofinancements d'investissements entre les départements et les régions ou entre les départements et l'Etat. Cela ne revient-il pas à remettre en cause la clause de compétence générale ?
Vous avez également affirmé que la réallocation de la fiscalité devait être neutre pour l'Etat. Si c'est le cas et si cette réallocation profite aux départements, cela implique que le bloc communal sera pénalisé.
Ce n'est pas la Cour des comptes qui a fixé les objectifs de Maastricht ni le respect des déficits effectifs ou structurels, monsieur Christian Bourquin. Elle se contente de dresser des constats à partir d'objectifs fixés par les responsables politiques européens ou nationaux, même si elle peut avoir des idées sur les principes d'équilibre des comptes publics. L'objectif de 3 % de déficit par rapport au PIB ne sera vraisemblablement pas atteint mais l'effet structurel des mesures prises est déjà très important, même si je me suis interrogé sur la capacité de la France à respecter ces efforts structurels.
L'endettement d'un pays mesure-t-il ses investissements ? Si tel était le cas, la France figurerait sur le podium des pays investisseurs, ce qui n'est malheureusement pas le cas. L'endettement d'un pays n'équivaut pas non plus à des dépenses supplémentaires en matière de recherche ou d'innovation. Bref, l'endettement croissant est loin d'être gage d'augmentation de l'investissement productif. Pour investir, il est nécessaire de maîtriser les dépenses de fonctionnement, y compris celles des collectivités locales.
En outre, la Cour s'interroge sur la pertinence de certaines dépenses d'investissement. Ainsi en est-il lorsque deux stations d'épuration sont construites côte à côte ou lorsque deux gares de TGV, coûtant 70 millions d'euros chacune, se trouvent à 20 kilomètres l'une de l'autre. Je pourrais multiplier les exemples... C'est pourquoi il convient d'examiner à chaque fois la pertinence exacte des investissements.
En tant qu'ancien rapporteur de la LOLF, ne pensez-vous pas que celle-ci a eu des effets profondément pernicieux, dans la mesure où la présentation des crédits par mission a éclipsé le débat sur les crédits par nature. A l'inverse, les investissements sont clairement identifiés dans le budget de chaque collectivité locale. Cela dit, est-il possible de remettre en cause ce qui s'apparente à une vache sacrée ?
Je ne partage pas votre point de vue, car les dépenses d'investissement de l'Etat figurent dans les annexes de la loi de finances. En outre, on a toujours buté sur une définition précise des dépenses d'investissement.
Chaque fois que la question a été posée aux parlementaires, des réponses différentes ont été obtenues.
Cela dit, les dépenses d'investissement peuvent être utiles, à condition qu'elles aillent de pair avec la maîtrise des dépenses de fonctionnement. Nous avons aussi invité les pouvoirs publics à hiérarchiser les priorités dans les schémas nationaux d'infrastructure ferroviaires et routières.
Monsieur Frécon, le rapport sur les engagements hors bilan de l'Etat est en cours de rédaction et nous vous le présenterons début mai, avec des comparaisons internationales.
Vos questions, monsieur Delattre, ne relèvent pas de la compétence de la Cour des comptes : seul le Haut Conseil pourra donner son avis sur les hypothèses de croissance retenues par le Gouvernement. Le pacte pour la compétitivité et l'emploi, ainsi que le CICE, voulus par le Gouvernement, n'ont pas encore été étudiés par la Cour mais ce sera chose faite dès qu'ils entreront en vigueur.
Action logement a effectivement été autorisée à emprunter 3 milliards auprès de la Caisse des dépôts, avec la garantie de l'Etat, monsieur Dallier. Cette débudgétisation de la construction de logements ne correspond pas aux attentes de la Cour, puisque ce recours à l'emprunt va permettre à l'Etat de la faire financer sans solliciter de moyens budgétaires, mais cela s'appelle une débudgétisation, comme pour l'ANRU et l'ANAH. Le fait d'autoriser Action logement à utiliser ces fonds sous forme de subventions et non de prêts signifie que cet organisme ne disposera pas d'actifs en contrepartie des prêts qu'il va contracter auprès de la Caisse des dépôts ni de produits pour rembourser sa dette, ce qui est problématique. Si l'Etat garantit des emprunts dont il anticipe qu'ils ne seront pas remboursés, cela augmentera les engagements hors bilan de l'Etat.
Mme Evelyne Ratte, présidente de la 7ème chambre. - M. Dallier nous a interrogés sur l'Epad. La Cour a apprécié qu'une de ses recommandations récurrentes sur la séparation des activités d'aménagement et d'exploitant de cet établissement public soit enfin suivie d'effet. L'établissement s'est donc recentré sur sa mission d'aménageur en se donnant les moyens de mieux l'exercer, en élaborant un plan de renouveau du site et en s'intégrant dans toutes les discussions sur le projet du Grand Paris.
Cette réforme n'a pas encore abouti totalement et c'est pourquoi notre appréciation est marquée d'orange. Les opérations de transfert des équipements à Defacto se sont opérées depuis 2008 dans des conditions ambigües, d'où des contentieux entre les deux établissements et de fortes incertitudes sur les équilibres financiers de l'Epad. C'est pourquoi il faut aller jusqu'au bout de la démarche et régler définitivement les conditions de partage.
Présidence de M. Jean-Claude Frécon, vice-président
Nous poursuivrons, monsieur Hervé, notre collaboration avec les chambres régionales des comptes, ce qui nous permettra d'avoir une appréciation plus exacte de la situation des finances locales. Il est en effet de plus en plus nécessaire d'avoir une vision globale des finances publiques, qu'il s'agisse de l'Etat, des collectivités territoriales ou de la sécurité sociale. Nous poursuivrons donc notre travail commun, dans le respect bien sûr de l'indépendance de chacun. Comme vous, nous appelons de nos voeux le meilleur pilotage possible des comptes publics et une gouvernance appropriée, ce qui n'est pas toujours le cas. Il est donc indispensable que les évaluations des politiques publiques se fassent dans les meilleures conditions possibles. En revanche, la Cour n'a pas travaillé sur le rapprochement de l'impôt sur le revenu et de la CSG. Le Conseil des prélèvements obligatoires pourrait se pencher sur ce dossier sensible. Dans une vie antérieure, je me suis d'ailleurs exprimé sur ce sujet.
M. Dassault et Mme Des Esgaulx ont rappelé la sensibilité de nos comptes publics à tout alourdissement des taux d'intérêt que nous payons pour financer notre dette qui dépassera, cette année, 90 % du PIB et qui va encore s'accroître en 2014. Une augmentation d'un point du taux d'intérêt coûterait au budget de l'Etat 2,5 milliards d'euros la première année, 8,5 milliards d'euros au bout de cinq ans et 14 à 15 milliards d'euros au bout de dix ans, ce qui constituerait autant de marges de manoeuvre en moins pour investir. Nous devons donc être extrêmement vigilants à l'égard du ratio taux d'endettement - PIB et tout faire pour réduire notre dette.
Yannick Botrel m'a interrogé sur la clause de compétence générale : ce n'est pas à la Cour des comptes de se prononcer mais aux élus, qui seront d'ailleurs appelés à le faire prochainement. Nous ne pouvons que vous inviter à clarifier ces compétences. La clause de compétence générale va-t-elle dans le bon sens ?
L'organisation territoriale mériterait certainement d'être revue.
Il ne m'appartient pas, M. Emorine, de commenter les propos du Président de la République, même lorsqu'il s'est exprimé en tant que candidat. Notre pays connaît certes un fort taux de dépenses publiques et le rapport coût - efficacité de ces dépenses n'est pas toujours démontré, d'où la nécessité d'évaluations constantes. Il ne suffit pas d'augmenter les moyens pour qu'une politique publique soit efficace, sinon la France serait en première place.
Nous devons donc nous interroger sur la répartition et sur l'organisation de ces moyens. Je souhaite qu'en juin nous puissions vous présenter des pistes d'économies possibles tant au niveau de l'Etat que pour les comptes sociaux afin d'alimenter vos débats. Nous sommes persuadés que l'on peut faire mieux avec moins.
Merci, monsieur le Premier président, pour toutes ces précisions. Une fois de plus, vous avez pu constater l'intérêt de nos collègues pour votre rapport.