Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 28 février 2013 à 9h00
Application de l'article 11 de la constitution — Adoption d'un projet de loi organique et d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié, amendements 526 11

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

En 2008, M. Arnaud Montebourg, qui était l’un des porte-parole du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, avait proposé un amendement n° 526 reprenant le principe d’une initiative strictement populaire. Il retira son amendement au profit de celui du rapporteur de la commission des lois, à l’époque M. Warsmann, texte qui devint après quelques modifications le dispositif d’initiative partagée inclus actuellement dans l’article 11 de la Constitution.

Le deuxième point qui suscite notre opposition de principe au dispositif inscrit à l’article 11 de la Constitution tient au nombre élevé tant de parlementaires pour lancer la procédure d’initiative – plus de 180 – que d’électeurs inscrits nécessaires pour soutenir cette initiative parlementaire – un dixième, soit près de 4, 5 millions.

Tous les observateurs ont noté le caractère rédhibitoire de ces deux conditions réunies, surtout au regard du délai prévu pour recueillir les soutiens : trois mois selon le projet de loi initial, six mois selon le texte de la commission des lois du Sénat.

Ceux qui connaissent la vie politique de notre pays savent bien que, pour réunir 4, 5 millions de signatures, y compris sur papier comme le propose maintenant notre commission et non plus exclusivement par voie numérique, le délai, même porté de trois à six mois, demeure extrêmement bref.

À ces conditions drastiques s’ajoute un double contrôle du Conseil constitutionnel qui, d’emblée, limitera l’initiative parlementaire si elle a lieu un jour – permettez-moi d’en douter…

Notre discours ne souffre donc d’aucune ambiguïté : nous avons souligné le caractère manipulateur – pour ne pas dire « truqueur » – de cette disposition proposée par l’UMP de Nicolas Sarkozy, qui n’a d'ailleurs jamais fait adopter les lois organique et ordinaire nécessaires à son application.

C’est seulement à la fin du mois de décembre 2011 que François Fillon soumit à l’Assemblée nationale les deux textes dont nous discutons aujourd’hui au Sénat, cinq ans après l’adoption de la révision constitutionnelle créant les dispositions de référence. M Michel Vauzelle, ancien garde des sceaux, avait, à l’occasion du débat du 21 décembre 2011, dénoncé l’examen en catimini de ces projets de loi par les députés. Il avait par ailleurs martelé que l’initiative référendaire ne se partageait pas.

Pourquoi avoir opté aujourd’hui pour l’adoption de ces projets, même légèrement améliorés – mais étaient-ils améliorables ? Est-il acceptable que la gauche fasse sienne aujourd’hui un projet hier décrié, dont les limites démocratiques sont relativement évidentes ?

Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen sont partisans d’une profonde réforme des institutions qui fasse la part belle à l’initiative citoyenne.

Toutes les études le montrent, et les discussions des uns et des autres avec la population l’attestent : la fracture entre représentants et représentés est réelle et s’accentue d’année en année.

Notre peuple, pourtant particulièrement attentif à la chose publique et passionné de débats, perd confiance – tout le monde devrait s’en inquiéter – et croit de moins en moins à l’action politique. L’éloignement des centres de décision, leur éparpillement, accroît ce fossé.

Le peuple veut participer directement au pouvoir. À l’heure de la révolution numérique, il paraît paradoxal que l’intervention des citoyens sur les choix politiques, économiques et sociaux soit de plus en plus faible.

Si l’illusion peut parfois exister d’une meilleure information et d’une grande réactivité grâce aux réseaux sociaux, la réalité est bien là : la politique s’affaiblit, et le grand labyrinthe du marché donne la gouvernance des pays et écrase toujours plus la vie de chacun.

Révolutionner les institutions est donc une exigence démocratique urgente. Des faits, tel le résultat des dernières élections italiennes, devraient une fois pour toutes alerter ceux qui détiennent le pouvoir sur les risques d’une dérive dangereuse de nos vieilles démocraties occidentales. De quel monstre va accoucher l’asservissement actuel de la vie politique à la loi du marché, qui induit bien entendu une mise à l’écart de la grande masse de nos concitoyens ?

Depuis plusieurs années, nous préconisons l’instauration d’un référendum d’initiative populaire, à l’échelon tant national que local. La gauche au pouvoir devrait aussi changer les institutions et ne pas se satisfaire de la poudre aux yeux, méthode si chère hier à Nicolas Sarkozy.

La réforme constitutionnelle annoncée ne peut se contenter des quelques points envisagés. Nous devons nous atteler à un véritable renouveau démocratique, quitte à convoquer – j’ose employer de grands mots ! – une véritable assemblée constituante.

Il faut aujourd'hui nourrir de l’ambition et écouter avec courage la colère qui monte des quartiers, des villes, des campagnes, dévastés par la crise.

Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, qui furent et sont toujours opposés à l’article 11 de la Constitution dans sa nouvelle rédaction, ne peuvent approuver les lois d’application qui nous sont aujourd’hui soumises dans des conditions d’examen quelque peu rocambolesques.

Ils ne participeront donc pas à ce vote, continuant à réclamer l’ouverture d’un véritable débat sur l’avenir de nos institutions, sur la profonde rénovation de ces dernières et sur la place de l’initiative populaire et citoyenne en leur sein. §

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