Séance en hémicycle du 28 février 2013 à 9h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe UMP, l’examen du projet de loi organique (242 [2011-2012]) et du projet de loi (243 [2011-2012]), adoptés par l’Assemblée nationale, portant application de l’article 11 de la Constitution (textes de la commission n° 374 et 375, rapport n° 373) (demande du groupe UMP).

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Mes chers collègues, je vous indique que, conformément à la décision de la conférence des présidents, la séance devra être impérativement suspendue à treize heures.

Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira

pour examiner deux projets de loi faisant suite à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et relatifs à la mise en œuvre du référendum d’initiative partagée.

Aux termes de l’article 3 de la Constitution, « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». C’est l’une de ces phrases incisives de la Constitution qui, dans leur sobriété, en disent long, en l’occurrence sur la double filiation de la démocratie française : celle de Montesquieu, pour la démocratie représentative, et celle de Rousseau, pour la souveraineté populaire, affirmée dans Du Contrat social.

La Constitution contient deux articles précisant dans quelles circonstances il peut être recouru à la voie référendaire.

Premièrement, l’article 89 énonce les conditions dans lesquelles une révision constitutionnelle peut être entreprise. Si le Président de la République a la faculté de soumettre au référendum un projet de loi de révision constitutionnelle, il s’agit d’une obligation pour une proposition de loi de révision constitutionnelle.

Deuxièmement, aux termes de l’article 11, le Président de la République peut, sur proposition du Gouvernement ou sur proposition conjointe des deux assemblées, soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions. Le champ de cette procédure est ainsi bien défini.

Les deux projets de loi que nous examinons aujourd’hui tendent donc à mettre en œuvre les dispositions de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 relatives au référendum d’initiative partagée – et non d’initiative populaire, comme on l’entend parfois dire improprement.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

La discussion de ces deux textes a été demandée par le groupe UMP, …

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

… dans une perspective tout à fait particulière, puisque l’objectif était de faire échec à l’examen par le Parlement du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Ce n’est pas exact ! Il s’agissait d’autre chose ! Ce n’était pas pour faire échec à l’examen par le Parlement du texte dont vous parlez !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Ne vous laissez pas interrompre, madame la ministre !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Nous pouvons diverger sur les circonstances dans lesquelles cette demande a été formulée par le groupe UMP de l’Assemblée nationale, mais il n’en reste pas moins qu’elle l’a été avec beaucoup de vigueur, avant et pendant la discussion du texte que je viens d’évoquer.

En tout état de cause, l’instauration du référendum d’initiative partagée ne modifiera en rien le champ d’application déterminé par l’article 11 de la Constitution.

La commission des lois du Sénat a remanié de manière assez substantielle les deux projets de loi qui nous occupent aujourd’hui.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Les défauts des textes adoptés par l’Assemblée nationale en janvier 2012 étaient tels, à mes yeux, que j’aurais préféré que nous travaillions sur un autre projet. M. Sueur, à qui j’avais fait part de mon point de vue, m’a répondu que la commission des lois du Sénat allait procéder à leur réécriture. Je constate que ce travail a été réel et substantiel.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je ne suis pas tout à fait certaine que tous les défauts des textes adoptés par vos collègues députés aient été gommés, mais il est incontestable que ceux-ci ont été considérablement améliorés.

Les principales modifications apportées par la commission des lois du Sénat concernent les conditions dans lesquelles seront recueillis les signatures de parlementaires et les soutiens des électeurs.

La rédaction adoptée par l’Assemblée nationale prévoyait qu’une commission indépendante recueillerait les signatures de parlementaires et les soutiens des électeurs. La commission des lois du Sénat a amélioré ce dispositif, en proposant de confier au ministère de l’intérieur le soin de contrôler ces soutiens, sous l’autorité du Conseil constitutionnel. Par ailleurs, le délai ouvert pour recueillir les soutiens des électeurs, fixé à trois mois par l’Assemblée nationale, serait porté à six mois. Enfin, la commission des lois du Sénat a prévu que ces soutiens pourraient être recueillis non seulement par voie électronique, mais également sur papier.

Ces modifications substantielles améliorent les conditions dans lesquelles le référendum d’initiative partagée pourra être mis en œuvre. Objectivement, il s’agit non pas d’un référendum d’initiative populaire, …

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

… mais d’un référendum d’initiative parlementaire soutenu par au moins un dixième des électeurs. Ces dernières semaines, on a beaucoup entendu dire qu’il fallait donner la parole au peuple, en revenir à la souveraineté populaire…

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Monsieur le sénateur, nous devons respecter la Constitution, qui n’est pas un texte à géométrie variable ! J’ai rappelé le champ défini par son article 11 : les sujets de société n’en font pas partie. Il ne s’agit pas d’une omission, car la question de savoir s’il fallait inclure les réformes portant sur des sujets de société parmi celles pouvant être soumises au référendum a bien été posée par le législateur.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le constituant a finalement considéré que les sujets de société ne devaient pas être inclus dans le champ référendaire. Il a exposé les raisons de son choix. Par conséquent, il n’y a pas lieu de redonner la parole au peuple sur de tels sujets, monsieur Revet, même si nous aurions spontanément tendance à vouloir le faire en toutes circonstances. Comme l’a si bien expliqué Montesquieu, si la souveraineté appartient au peuple, celui-ci n’est pas à même de l’exercer au quotidien et en toute matière : c’est pourquoi il donne mandat à ses représentants.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Incontestablement, mais le bon sens ne produit pas nécessairement du bon droit. Vous savez ce qu’en dit René Char : « La bêtise aime à gouverner. Lui arracher ses chances. Nous débuterons en ouvrant le feu sur ces villages du bon sens. »

Tel est donc le fondement de la démocratie représentative. Jean-Jacques Rousseau considérait d’ailleurs lui aussi que, le peuple ne pouvant exercer sa souveraineté au quotidien, il peut la confier à ses représentants. Toutefois, sa position différait de celle de Montesquieu en ce que, à ses yeux, le mandat de ces derniers était impératif.

Quoi qu’il en soit, la procédure qui nous intéresse relève davantage du droit de pétition que de la voie référendaire.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le peuple est ici appelé à soutenir une initiative parlementaire qui aura été débattue par le Parlement, lequel peut décider de modifier, d’adopter ou de rejeter la proposition de loi référendaire présentée. Selon le texte adopté par l’Assemblée nationale, si chacune des deux chambres n’a pas examiné celle-ci au moins une fois dans un délai de douze mois – la commission des lois du Sénat propose de ramener cette échéance à neuf mois –, le Président de la République la soumettra au référendum dans les quatre mois suivant l’expiration de ce délai.

Je le répète, il ne s’agit pas d’un référendum d’initiative populaire : le peuple est invité à apporter son soutien à une initiative parlementaire. Le peuple ne sera interrogé directement par voie référendaire que si le Parlement ne se saisit pas du texte traduisant cette initiative. Dans cette perspective, la commission des lois a prévu l’élaboration d’un type particulier de propositions de loi. Un texte de cette nature pourrait être cosigné par des membres des deux chambres et serait transmis au Conseil constitutionnel par l’assemblée sur le bureau de laquelle il aura d’abord été déposé. Le Conseil constitutionnel disposerait d’un mois pour constater le respect du champ référendaire défini par l’article 11 de la Constitution, puis d’un mois supplémentaire pour vérifier que la proposition de loi a bien obtenu le soutien d’au moins un dixième des électeurs.

Une proposition de loi référendaire devra avoir été signée par un cinquième des parlementaires, ce qui signifie que le recours à la procédure du référendum d’initiative partagée sera en pratique réservé aux grands groupes, seuls en mesure de recueillir quelque 185 signatures.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

C’est là un défaut significatif, qui entache la révision constitutionnelle de 2008.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. À l’époque, l’admirable Robert Badinter, citant Giraudoux, avait affirmé que l’imagination est la première forme du talent juridique, tout en rappelant la formule sarcastique de Clemenceau : « Un chameau, c’est un cheval dessiné par une commission parlementaire. »

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Ce n’est guère élogieux pour le Parlement !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

J’espère que nos travaux de ce jour permettront de redonner son véritable aspect à cet animal souvent maltraité qu’est le chameau ! Le dispositif qui vous est soumis devra à mon sens être sérieusement amendé pour améliorer la possibilité de recourir au référendum, sachant que la consultation du peuple est tout de même précédée d’une course de haies…

De ce point de vue, la manœuvre de l’UMP, …

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Ce n’est pas une manœuvre, madame la ministre !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

… ou plus précisément du groupe UMP de l’Assemblée nationale, aura abouti à une impasse : même si les deux textes sont adoptés rapidement, il ne sera pas possible de soumettre au référendum le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ! En tout état de cause, je sais que c’est dans la sérénité…

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … et avec un sens rigoureux du droit que ce projet de loi sera très prochainement examiné par le Sénat.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame le garde des sceaux, vous avez évoqué d’emblée la question principale. Ces projets de loi ont été inscrits par le groupe UMP du Sénat à son ordre du jour réservé. De peur que nous ne puissions mener leur examen à son terme aujourd’hui, nos collègues les ont même inscrits également à leurs deux prochains ordres du jour réservés !

En tant que rapporteur, j’aurais pu proposer à la commission de considérer qu’il y avait là quelque manœuvre, visant à faire en sorte que l’on parle de référendum au moment même où d’aucuns souhaitent qu’un certain projet de loi soit soumis à une telle consultation populaire… Nous aurions pu alors décider que, dans ces conditions, il était souhaitable de renvoyer les textes à la commission ou de voter une motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En effet, je revendique une attitude foncièrement et profondément républicaine.

L’article 11 de la Constitution a été modifié en 2008. Certains, ici, n’étaient pas d’accord avec la révision constitutionnelle votée cette année-là, et s’étaient en particulier opposés à cette modification de l’article 11. Toutefois, quelles qu’aient été alors nos convictions, il est désormais écrit dans notre Constitution, celle de tous les Français, qu’une loi organique est nécessaire. Dès lors, le législateur ne peut pas prétendre qu’il n’y a pas lieu de voter une loi organique. C’est cette attitude républicaine que je revendique.

L’article 11 nouveau de la Constitution est en trompe-l’œil. Beaucoup de nos concitoyens croient qu’il a instauré un référendum d’initiative populaire, or cela est faux : comme vous l’avez très bien dit, madame la ministre, il a en réalité instauré un référendum d’initiative partagée. Encore faut-il être prudent : vous avez à juste titre rappelé que Robert Badinter estimait que ce dispositif s’apparente davantage à un droit de pétition qu’à un référendum d’initiative partagée.

En effet, à la lecture de l’article 11 de la Constitution, il apparaît qu’un cinquième des parlementaires, députés ou sénateurs, doivent être à l’origine d’une initiative prenant la forme d’une proposition de loi. Le Conseil constitutionnel en est alors saisi : il est certes préférable de vérifier la conformité du texte à la Constitution avant que l’on ne cherche à obtenir le soutien d’un dixième de l’électorat, soit quelque 4, 5 millions de personnes…

Ensuite, toujours aux termes de l’article 11, « si la proposition de loi n'a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum ». Cela signifie que les 4, 5 millions de signatures recueillies pour soutenir l’initiative d’un cinquième des parlementaires ont pour seul effet d’indiquer au Parlement qu’il doit examiner la question soulevée. Si la proposition de loi n’a pas été débattue par les deux assemblées dans le délai imparti, le Président de la République est alors tenu de la soumettre au référendum.

Parlons clair, mes chers collègues : il y a six groupes parlementaires au Sénat et autant à l’Assemblée nationale, chacun d’entre eux disposant de créneaux réservés dans l’ordre du jour ; il suffit donc qu’un groupe inscrive la proposition de loi à son ordre du jour réservé pour qu’elle soit considérée comme ayant été examinée, quelle que soit l’issue du vote… Une fois que le même processus se sera déroulé dans l’autre assemblée, le Président de la République ne pourra plus, en vertu de la Constitution, organiser de référendum ! En effet, aux termes de l’article 11 nouveau, il ne peut soumettre la question posée au référendum que si les deux assemblées n’ont pas examiné la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En effet, mon cher collègue.

Il y a donc très peu de chances, en réalité, qu’un référendum soit organisé sur cette base : il y aura toujours un groupe, dans chaque assemblée, pour inscrire le sujet à l’ordre du jour, et le Gouvernement pourra tout aussi bien le faire, le cas échéant. Il s’agit, en somme, d’une procédure assez compliquée pour faire en sorte que le Parlement traite d’un sujet.

Nous sommes donc, je le répète, en présence d’un dispositif en trompe-l’œil. En inscrivant son examen à l’ordre du jour au moment même où l’on débat du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, nos collègues du groupe UMP appliquent finalement ce trompe-l’œil à un faux-semblant ! En effet, certaines personnes penseront que si les textes qui nous sont soumis aujourd’hui sont adoptés – ce que je proposerai au Sénat de faire –, alors un référendum sur la question du mariage pour tous pourra être organisé. Or nous savons très bien qu’il n’en est rien : bien des gardes des sceaux ou premiers ministres, bien des constitutionnalistes et le Conseil constitutionnel lui-même l’ont dit et répété, ce type de sujet n’entre pas dans le champ défini par l’article 11 de la Constitution.

Pour ne pas être trop long, je me bornerai à citer, à cet égard, M. Jacques Toubon. Alors qu’il était garde des sceaux, il a déclaré que, « en limitant l’extension du champ référendaire aux matières économiques et sociales, le Gouvernement a choisi d’exclure les sujets touchant à la souveraineté, comme la défense et la justice, ou ce qu’il est convenu d’appeler les questions de société ». Cela est très clair !

Nous allons pourtant examiner ces deux textes, car, quels que soient les sentiments que nous inspirent cette disposition de la Constitution et l’effet tout relatif de sa mise en œuvre, nous avons le devoir républicain de respecter la Constitution et d’élaborer la loi organique.

La plupart des amendements que j’ai proposés ont été adoptés par la commission et sont par conséquent intégrés dans les textes en discussion. Je remercie mes collègues d’avoir très largement suivi mes suggestions.

Quelles sont les modifications que j’ai proposé d’introduire dans le texte adopté par l’Assemblée nationale ?

Premièrement, j’ai recommandé de prendre à la lettre la Constitution, selon laquelle il s’agit d’une initiative prise par un cinquième des parlementaires qui « prend la forme d'une proposition de loi ». Cela nous conduit à prévoir l’instauration d’un nouveau type de proposition de loi, la proposition de loi référendaire, qui présentera la particularité de pouvoir être signée à la fois par des sénateurs et des députés. Il est impossible de faire autrement ; le dispositif élaboré naguère par l’Assemblée nationale n’était pas conforme à la Constitution : l’initiative prenant la forme d’une proposition de loi, ce texte unique doit pouvoir être signé à la fois par des députés et des sénateurs.

Toutefois, nous demandons que les signataires précisent sur le bureau de quelle assemblée ils choisissent de déposer leur proposition de loi, de sorte que le contrôle de sa recevabilité au regard des articles 40 et 41 de la Constitution puisse s’exercer sous la responsabilité du bureau de l’une des assemblées.

Deuxièmement, j’ai proposé de revoir les phases de la procédure.

Il a souvent été indiqué, lors des débats à l’Assemblée nationale, que, pour recueillir les 4, 5 millions de signatures, trois mois ne suffiraient pas. La commission suggère donc de porter ce délai à six mois. Mais afin de ne pas allonger les délais, elle prévoit de réduire la période durant laquelle le Parlement doit examiner le sujet – cela relève de la compétence du législateur organique en vertu de la Constitution – de douze mois à neuf mois.

De l’avis de la commission des lois, les deux assemblées peuvent tout à fait procéder en neuf mois à un examen du texte.

Je vous proposerai ensuite de supprimer le délai de quatre mois, instauré à tort par les députés, pour l’organisation par le Président de la République du référendum à l’issue du temps réservé à l’examen parlementaire. Un tel délai n’est aucunement prévu par la Constitution, et, en décidant cela, les députés ont excédé les pouvoirs du législateur organique.

Si vous suivez la commission des lois, mes chers collègues, le Président de la République, dans le cas où les deux assemblées du Parlement n’auront pas étudié le texte, pourra soumettre ce dernier au référendum dès le lendemain des neuf mois prévus pour l’examen parlementaire. Bien entendu, ce qui est inscrit dans la Constitution sera strictement respecté : une fois que le référendum aura eu lieu, le Président de la République disposera de quinze jours pour promulguer la loi ainsi adoptée par le peuple.

Troisièmement, la commission des lois considère que le recueil des soutiens, soit les 4, 5 millions de signatures, doit se faire non par voie électronique, comme l’ont prévu les députés, mais au moyen d’un formulaire écrit sur lequel les électeurs doivent apposer leur signature. Sera-ce auprès de la mairie, ce qui serait le plus simple, ou auprès de la sous-préfecture ? Nous ne sommes pas entrés dans les détails, laissant au décret le soin de fixer les modalités concrètes. En tout cas, il nous paraît exorbitant d’obliger les Français dans leur totalité à s’exprimer par voie électronique.

En conséquence, nous supprimons l’obligation qui avait été créée par l’Assemblée nationale d’installer une borne électronique dans chaque chef-lieu de canton, et ce pour deux raisons : d’abord, ce serait un coût que nous pouvons éviter ; ensuite, il est possible qu’à la suite de quelque autre texte dont nous avons le bonheur de délibérer la notion de chef-lieu de canton puisse donner lieu à quelques discussions…

Par conséquent, mes chers collègues, si vous suivez la commission, nos concitoyens pourront s’exprimer par écrit.

Quatrièmement, il est indiqué dans le texte adopté par l’Assemblée nationale que le contrôle du dispositif, qu’il s’agisse de la signature de la proposition de loi référendaire par le cinquième des parlementaires en fonction ou du contrôle des 4, 5 millions de signatures, est exercé par le Conseil constitutionnel. Les députés ont créé une commission ad hoc, mais je ne vois pas quel en est le fondement. Là encore, ils ont excédé les prérogatives du législateur organique que nous sommes.

Par conséquent, nous vous proposons tout simplement de maintenir la totalité des prérogatives du Conseil constitutionnel. Celui-ci pourra tout à fait s’adjoindre des rapporteurs, des rapporteurs-adjoints, des personnels de toute nature de manière à assumer sa tâche. Cependant, l’idée de créer une commission qui serait sous le contrôle du Conseil constitutionnel – où d’ailleurs le ministère de l’intérieur interviendrait on ne sait pas très bien pourquoi alors qu’il s’agit de la prérogative exclusive dudit Conseil – est une fabrication qui n’a rien à voir ni avec la lettre ni avec l’esprit de la Constitution.

Cinquièmement, nous vous proposons de clarifier et de mieux codifier les dispositions pénales qui doivent être prévues afin de sanctionner toute fraude relative au recueil des signatures et à l’usage qui pourrait en être fait. À cet égard, nous avons rencontré Mme la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, dont je tiens à souligner le concours très précieux.

Sixièmement, la commission des lois a décidé de tirer toutes les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel datant de l’an 2000 : le Conseil constitutionnel a fait à juste titre remarquer que les dispositions mises en œuvre pour organiser un référendum étaient à chaque fois fixées par décret. Nous vous proposons donc, conformément à la suggestion du Conseil constitutionnel en 2000, d’instaurer un titre nouveau dans le code électoral s’agissant des référendums et de leur organisation.

Telles sont les six modifications substantielles que la commission des lois présente.

Pour être tout à fait complet, je dois évoquer la question du financement de la campagne visant à recueillir les signatures, sur laquelle j’ai interrogé la commission. Certains avaient émis l’idée que diverses instances – partenaires sociaux, associations, etc. – puissent intervenir, voire apporter des financements. Il est apparu à la commission, dans sa grande majorité, qu’il était sage de s’en tenir aux dispositions existantes, c’est-à-dire au plafonnement des apports financiers des personnes physiques et à l’intervention des partis politiques selon la loi commune. Nous n’avons pas souhaité aller plus loin, considérant qu’il pouvait se produire des détournements, voire des opérations de lobbying, et qu’il fallait respecter tout simplement le bénévolat citoyen. Après tout, les citoyens qui seraient attachés à la cause pourraient tout à fait se mobiliser pour recueillir les signatures.

Mes chers collègues, notre philosophie est claire, elle est républicaine : le texte de la Constitution est ce qu’il est, et nous le respectons. Par ces amendements, nous changeons profondément le texte adopté par l’Assemblée nationale de telle manière qu’il soit le plus possible fidèle à la lettre et à l’esprit de la Constitution.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.– Mme Hélène Lipietz applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les projets de loi organique et ordinaire dont nous abordons la discussion ce matin visent à permettre la mise en application des modifications apportées à l’article 11 de la Constitution par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

Le groupe UMP a inscrit ce débat dans sa niche parlementaire, espérant sans doute donner vie à des dispositions que nous avions dénoncées dès l’origine comme mort-nées du fait de leur complexité de mise en œuvre.

Un référendum portant sur les sujets déjà encadrés par la Constitution pourrait ainsi être organisé sur l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenus par un dixième des électeurs inscrits.

D’emblée, je tiens à m’arrêter sur deux points.

Comme l’a confirmé la commission des lois par la voix de son président, Jean-Pierre Sueur, nous débattons non pas d’une nouvelle forme de consultation populaire, donc d’un pas vers la démocratie citoyenne, mais bien d’une nouvelle forme d’initiative parlementaire, soutenue par le droit de pétition.

Cette remarque est importante, pour ne pas dire fondamentale. Elle souligne en quelque sorte le leurre lancé par Nicolas Sarkozy en 2008 en affichant une démocratisation profonde de nos institutions par l’intermédiaire de cette nouvelle disposition. La réforme était alors présentée comme un pas en avant vers une nouvelle forme d’initiative citoyenne. Les choses sont maintenant claires : il ne s’agit même pas d’une initiative partagée, comme cela a souvent été dit ; il s’agit d’une initiative parlementaire validée par une forme de pétition !

Je rappellerai sur ce point que si le comité consultatif pour la révision de la Constitution, institué par François Mitterrand en décembre 1992, dit « comité Vedel », avait proposé un dispositif similaire, le gouvernement de l’époque avait déposé un projet de loi constitutionnelle qui prévoyait un référendum d’initiative populaire excluant le volet d’initiative parlementaire. Ce projet de loi constitutionnelle ne fut jamais présenté au Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

En 2008, M. Arnaud Montebourg, qui était l’un des porte-parole du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, avait proposé un amendement n° 526 reprenant le principe d’une initiative strictement populaire. Il retira son amendement au profit de celui du rapporteur de la commission des lois, à l’époque M. Warsmann, texte qui devint après quelques modifications le dispositif d’initiative partagée inclus actuellement dans l’article 11 de la Constitution.

Le deuxième point qui suscite notre opposition de principe au dispositif inscrit à l’article 11 de la Constitution tient au nombre élevé tant de parlementaires pour lancer la procédure d’initiative – plus de 180 – que d’électeurs inscrits nécessaires pour soutenir cette initiative parlementaire – un dixième, soit près de 4, 5 millions.

Tous les observateurs ont noté le caractère rédhibitoire de ces deux conditions réunies, surtout au regard du délai prévu pour recueillir les soutiens : trois mois selon le projet de loi initial, six mois selon le texte de la commission des lois du Sénat.

Ceux qui connaissent la vie politique de notre pays savent bien que, pour réunir 4, 5 millions de signatures, y compris sur papier comme le propose maintenant notre commission et non plus exclusivement par voie numérique, le délai, même porté de trois à six mois, demeure extrêmement bref.

À ces conditions drastiques s’ajoute un double contrôle du Conseil constitutionnel qui, d’emblée, limitera l’initiative parlementaire si elle a lieu un jour – permettez-moi d’en douter…

Notre discours ne souffre donc d’aucune ambiguïté : nous avons souligné le caractère manipulateur – pour ne pas dire « truqueur » – de cette disposition proposée par l’UMP de Nicolas Sarkozy, qui n’a d'ailleurs jamais fait adopter les lois organique et ordinaire nécessaires à son application.

C’est seulement à la fin du mois de décembre 2011 que François Fillon soumit à l’Assemblée nationale les deux textes dont nous discutons aujourd’hui au Sénat, cinq ans après l’adoption de la révision constitutionnelle créant les dispositions de référence. M Michel Vauzelle, ancien garde des sceaux, avait, à l’occasion du débat du 21 décembre 2011, dénoncé l’examen en catimini de ces projets de loi par les députés. Il avait par ailleurs martelé que l’initiative référendaire ne se partageait pas.

Pourquoi avoir opté aujourd’hui pour l’adoption de ces projets, même légèrement améliorés – mais étaient-ils améliorables ? Est-il acceptable que la gauche fasse sienne aujourd’hui un projet hier décrié, dont les limites démocratiques sont relativement évidentes ?

Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen sont partisans d’une profonde réforme des institutions qui fasse la part belle à l’initiative citoyenne.

Toutes les études le montrent, et les discussions des uns et des autres avec la population l’attestent : la fracture entre représentants et représentés est réelle et s’accentue d’année en année.

Notre peuple, pourtant particulièrement attentif à la chose publique et passionné de débats, perd confiance – tout le monde devrait s’en inquiéter – et croit de moins en moins à l’action politique. L’éloignement des centres de décision, leur éparpillement, accroît ce fossé.

Le peuple veut participer directement au pouvoir. À l’heure de la révolution numérique, il paraît paradoxal que l’intervention des citoyens sur les choix politiques, économiques et sociaux soit de plus en plus faible.

Si l’illusion peut parfois exister d’une meilleure information et d’une grande réactivité grâce aux réseaux sociaux, la réalité est bien là : la politique s’affaiblit, et le grand labyrinthe du marché donne la gouvernance des pays et écrase toujours plus la vie de chacun.

Révolutionner les institutions est donc une exigence démocratique urgente. Des faits, tel le résultat des dernières élections italiennes, devraient une fois pour toutes alerter ceux qui détiennent le pouvoir sur les risques d’une dérive dangereuse de nos vieilles démocraties occidentales. De quel monstre va accoucher l’asservissement actuel de la vie politique à la loi du marché, qui induit bien entendu une mise à l’écart de la grande masse de nos concitoyens ?

Depuis plusieurs années, nous préconisons l’instauration d’un référendum d’initiative populaire, à l’échelon tant national que local. La gauche au pouvoir devrait aussi changer les institutions et ne pas se satisfaire de la poudre aux yeux, méthode si chère hier à Nicolas Sarkozy.

La réforme constitutionnelle annoncée ne peut se contenter des quelques points envisagés. Nous devons nous atteler à un véritable renouveau démocratique, quitte à convoquer – j’ose employer de grands mots ! – une véritable assemblée constituante.

Il faut aujourd'hui nourrir de l’ambition et écouter avec courage la colère qui monte des quartiers, des villes, des campagnes, dévastés par la crise.

Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, qui furent et sont toujours opposés à l’article 11 de la Constitution dans sa nouvelle rédaction, ne peuvent approuver les lois d’application qui nous sont aujourd’hui soumises dans des conditions d’examen quelque peu rocambolesques.

Ils ne participeront donc pas à ce vote, continuant à réclamer l’ouverture d’un véritable débat sur l’avenir de nos institutions, sur la profonde rénovation de ces dernières et sur la place de l’initiative populaire et citoyenne en leur sein. §

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

juillet 2008, le principe du référendum d’initiative partagée avec le peuple ayant connu une gestation longue et progressive pendant plus de vingt ans.

On se souvient en effet des propositions formulées par le doyen Vedel en 1992, lesquelles n’avaient pu trouver à l’époque de traduction juridique, ou encore du travail du comité Balladur, qui avait également abordé cette question.

C’est certainement grâce à ce long travail de maturation que nous sommes aujourd’hui en mesure de donner tout son relief à l’extension – relative – du référendum, même si, comme cela a déjà été dit, sa mise en œuvre ne sera pas chose aisée.

Avant l’avènement de la Ve République, seuls les représentants élus du peuple pouvaient se faire l’expression de la volonté générale en votant la loi. Le référendum rappelait évidemment trop l’usage plébiscitaire qu’en avaient fait les deux empereurs Napoléon Ier et Napoléon III.

La Ve République a donné une place au peuple dans la procédure législative par le moyen du référendum. Il s’agit toujours d’une prérogative de l’exécutif : prérogative propre du Président de la République selon les dispositions de l’article 11 et de l’article 19 de la Constitution, prérogative partagée selon les dispositions de l’article 89 lorsqu’il s’agit de réviser la Constitution.

Nos concitoyens ont une place éminente puisque le Conseil constitutionnel a estimé, dans sa décision de novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République, que l’adoption d’un projet de loi par le peuple à l’occasion d’un référendum valait expression directe du pouvoir constituant originaire.

Cette place doit néanmoins être relativisée.

L’originalité référendaire de notre Constitution a des causes historiques bien identifiées. Le constituant de 1958 a souhaité laisser à l’exécutif les moyens suffisants pour agir et pour légiférer en dépit de l’opposition du Parlement. Le mécanisme du référendum relevait donc du parlementarisme rationalisé puisque le Président de la République pouvait ainsi consulter directement le peuple, le cas échéant contre ses représentants et par-dessus l’opposition des assemblées parlementaires. Cela n’a pas toujours été couronné de succès, on le sait. Le peuple était d’une certaine manière l’organe constitutionnel suprême pour résoudre les litiges institutionnels qui pouvaient survenir entre les assemblées et le Gouvernement.

Mais les citoyens ont toujours été passifs dans une telle conception de l’association du peuple à la procédure législative.

Notre collègue Jean-Pierre Sueur a très justement pointé dans son rapport que le référendum d’initiative populaire porte bien maladroitement son nom puisqu’il s’agit en réalité d’un référendum d’initiative parlementaire, appuyé par le soutien populaire. Plusieurs orateurs l’ont également rappelé.

La nouvelle rédaction de l’article 11 permet au Parlement de disposer des moyens d’imposer au Gouvernement son agenda, quitte à conduire le Président de la République à organiser un référendum.

Une telle opération, lancée sur l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, pourrait donc constituer un moyen à la disposition des groupes minoritaires ou des groupes d’opposition reconnus par l’article 51-1 de la Constitution, également introduit par la révision constitutionnelle de 2008, dans la lignée de la révision de 1974, laquelle a étendu le droit de saisine du Conseil constitutionnel à soixante députés ou soixante sénateurs. Le référendum peut donc désormais constituer un moyen supplémentaire pour l’opposition politique d’invoquer la volonté du peuple face à la résistance du pouvoir en place.

Comme nombre d’entre nous, j’ai cependant quelques doutes quant à l’applicabilité réelle de ce dispositif. On l’a dit, la procédure prévue est particulièrement lourde et contraignante. Une proposition de loi devra d’abord être rédigée et soutenue par près de 180 parlementaires. Ce ne sera pas le plus difficile ! Une large mobilisation de la population devra ensuite être organisée afin d’obtenir les quelque 4, 5 millions de signatures nécessaires, ce qui sera certainement plus compliqué. Enfin, il faudra que le texte satisfasse aux différents contrôles de recevabilité du Conseil constitutionnel, qu’il soit inscrit à l’ordre du jour des assemblées, ou, à défaut, que le Président de la République organise un référendum pour soumettre cette proposition de loi au vote des citoyens.

Chaque étape de cette procédure, on le constate, agit comme un filtre puissant qui, de fait, devrait grandement limiter l’applicabilité de cette procédure.

Le référendum dit d’ « initiative populaire » aura donc le mérite d’exister juridiquement, mais je doute qu’il devienne une réalité. Pour autant, on ne peut jurer de rien, et il n’est pas interdit d’imaginer différentes hypothèses qui pourraient conduire une telle initiative parlementaire ou populaire à prospérer jusqu’à son terme.

Peut-être nous faudra-t-il revenir sur cet article 11 dans quelques années afin de le rendre plus opérant et de faciliter la mise en œuvre de cette nouvelle forme d’initiative législative ? Telle n’est cependant pas la question qui nous est posée aujourd’hui.

Le groupe UDI-UC soutient la démarche quasi consensuelle et très réfléchie de la commission des lois, sur l’initiative de son président-rapporteur.

Nous soutenons le principe de l’édiction de textes d’application plus conformes à l’esprit et à la lettre de l’article 11. Bien évidemment, nous voterons ces textes, comme nous avions soutenu la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, laquelle, malgré l’étroitesse de la majorité alors constatée à Versailles, malgré les critiques virulentes proférées à l’époque et le relatif désintérêt observé alors, à l’instar de ce que l’on constate parfois pour les semaines d’initiative parlementaire ou de contrôle de l’action du Gouvernement, a réellement renforcé les pouvoirs du Parlement et fait avancer notre démocratie.

Applaudissements sur les travées de l'UMP . – M. le rapporteur et M. Jean-Yves Leconte applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les radicaux que nous sommes ont toujours pensé le plus grand mal de la Constitution de la Ve République. Elle existe, il faut l’appliquer, et nous voterons les textes de la commission, ainsi que les excellents amendements élaborés sur l’initiative de M. Jean-Pierre Sueur.

« Un référendum, c’est une excitation nationale où on met tout dans le pot. §

Cette citation de Michel Rocard résume parfaitement l’évolution de la nature du référendum sous la Ve République.

Ici, il s’agit d’un référendum d’initiative partagée : c’est déjà la définition d’un problème et une mauvaise réponse à une question biaisée.

D’une consultation réellement plébiscitaire, voulue par le général de Gaulle lorsqu’il rétablit la pratique référendaire en 1958, le référendum, qui s’est peu à peu délité, est devenu un outil de consultation électorale dont les gouvernants ne se servent que s’ils pensent connaître le résultat à l’avance. Il leur arrive d’ailleurs de se tromper lourdement. Je pense ainsi au référendum de 2005. §

La question posée n’a pas au final tellement d’importance puisque l’essentiel réside dans l’association apparente du peuple à des décisions toutes faites.

L’article 11, tel qu’il résulte de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, devait être une innovation majeure, un progrès démocratique – nous avons failli y croire, en tout cas certains d’entre nous, heureusement pas tous ! – : il s’agissait de mieux associer le peuple aux prises de décision.

Comme l’expliquait le député centriste Bertrand Pancher lors de la discussion de la révision constitutionnelle à l’Assemblée nationale, ce nouveau type de référendum a pour but de « combler le fossé infranchissable qui sépare une opinion publique de plus en plus éclairée et les décideurs, notamment le législateur, [pour] l’associer et la responsabiliser, donc l’amener à participer. »

Définir le prétendu fossé de cette manière-là pose un véritable problème.

Ces réflexions synthétisent en tout cas très bien la problématique que soulève en filigrane l’institution d’une initiative référendaire échappant aux seuls parlementaires : de qui relève in fine la légitimité de la décision politique ?

L’article 3 de la Constitution répond clairement à cette question en posant le principe selon lequel « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». En d’autres termes, il n’appartient pas aux mouvements associatifs et autres groupes de pression de jouer un rôle d’entraînement de l’opinion publique pour défendre des intérêts particuliers en instrumentalisant l’initiative populaire.

Et puis, mes chers collègues, qu’est-ce que l’opinion publique ? Depuis les travaux d’éminents sociologues, on sait, grâce à Pierre Bourdieu, que « l’opinion publique n’existe pas », mais – et je vous renvoie à cet égard aux travaux de Patrick Champagne – qu’elle se fabrique.

Selon nous, le référendum d’initiative populaire est potentiellement un trompe-l’œil dangereux, susceptible d’être instrumentalisé à des seules fins politiciennes adaptées à la médiatisation sans frein de la société moderne. Il faut dire que nous avons d’excellents spécialistes dans ce domaine, même si l’Italie vient encore de démontrer que nous n’étions toutefois pas les meilleurs en la matière.

« Agiter le peuple avant de s’en servir », disait Talleyrand. §

Pour autant, le référendum conserve naturellement toute son utilité dans notre République, à condition qu’il réponde à ce qui devrait être son objectif premier : l’approbation ultime par le peuple, et non par l’opinion publique, des grandes décisions affectant l’avenir de la Nation. En dehors de cette hypothèse, remettons-nous-en à la logique éprouvée – elle a fait ses preuves – de la démocratie représentative, même si elle appelle nécessairement des évolutions et des améliorations. Les citoyens électeurs sont d’ores et déjà en mesure de donner leur avis à chaque scrutin, en renouvelant – ou non ! – leur confiance aux élus. Entre les différents scrutins, les occasions de conforter ou de sanctionner ne manquent guère. Cela, nous le savons tous, quelles que soient nos sensibilités politiques.

Évitons également, mes chers collègues, de trop modifier les modes de scrutin. En la matière, le changement n’est pas toujours synonyme de progrès ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

En tout état de cause, les deux textes dont nous sommes saisis arrivent bien tard : près de cinq ans après la révision constitutionnelle ! L’euphorie de l’ancienne majorité à présenter ce nouveau référendum comme un approfondissement de la démocratie ne s’est pas traduite par une grande célérité à en permettre l’application !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

En effet, mon cher collègue !

Le référendum d’initiative populaire, même partielle – ou plutôt « partagée » –, est une innovation au regard de notre histoire constitutionnelle. Le comité Vedel, en 1992, puis la commission Balladur, en 2007, avaient tous deux proposé l’introduction d’un mécanisme de cette nature. Toutefois, le texte de l’article 11 adopté en 2008 diffère des propositions formulées.

Si nous approuvons les modifications justement apportées par la commission des lois sur ces deux textes, nous ne pouvons néanmoins que constater le caractère difficilement opérationnel du dispositif, tel qu’il a toutes les chances d’être adopté. Je n’ose dire que nous avons affaire à un trompe-l’œil, mais cela y ressemble fort ! L’ensemble des conditions posées s’apparente en effet à une course d’obstacles quasiment infranchissables pour les pétitionnaires, et entraînera donc, une fois le processus lancé, de profondes insatisfactions démocratiques. Un système d’initiative partagée qui ne fonctionne pas, c’est l’assurance d’un nouveau conflit avec nos concitoyens. Voilà pourquoi ce système était à notre sens vicié, et ce dès l’origine.

En premier lieu, ce dispositif autoriserait une initiative qui n’a de populaire que le nom, puisque la lettre de l’article 11 prévoit que le déclenchement de la procédure ne peut relever que des parlementaires. À cet égard, l’obligation de recueillir la signature d’un cinquième des membres du Parlement, ce qui correspond aujourd’hui à 185 parlementaires, revient en réalité à ne confier l’opportunité du déclenchement de la procédure à l’« UMPS », c’est-à-dire aux deux grands partis politiques. En ce sens, elle ne fait que renforcer le caractère bipartisan, artificiel et manichéen de la bipolarisation, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

… qui est l’essence même de la Ve République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

À l’heure actuelle, les six groupes de la majorité des deux assemblées, hors groupes socialistes, représentent 97 parlementaires, soit à peine la moitié du seuil requis. Dans l’opposition, les parlementaires n’appartenant pas à l’UMP ne sont qu’un peu plus d’une soixantaine, soit moins de la moitié des signatures nécessaires. Nous ne pouvons donc que constater l’impossibilité, dans les faits, d’échapper au fait majoritaire. Où est le progrès pour les minorités politiques, et donc pour le peuple, pris dans sa diversité ?

En outre, ce même fait majoritaire rend très improbable qu’une proposition de loi référendaire parvienne au stade de la consultation nationale, puisque l’adoption d’une motion de rejet vaut examen par une assemblée, au sens de la loi organique. Dans les faits, les questions soumises au Parlement se transformeront le plus souvent en simple débat parlementaire, permettant à chacun d’exprimer ses positions. Ce n’est pas si mal, mais un certain nombre de procédures le permettent déjà !

Vous comprendrez que les élus des groupes minoritaires voient d’un œil perplexe ce schéma, qui leur ôte tout droit d’initiative et revient à ne faire d’eux que des élus d’appoint ou de témoignage. Certes, nous en avons pris l’habitude, mais on peut toujours se lasser.

En second lieu, le référendum d’initiative partagée vise, dans son essence, à rapprocher les citoyens des prises de décision, en leur permettant de s’approprier, en partie, les choix politiques. D’aucuns ont appelé cela la « démocratie participative », comme si la démocratie pouvait être ainsi divisée !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il est certain que les évolutions de la société vers l’hypermédiatisation et l’immédiateté ad nauseam ont conduit à désacraliser les élus, dont les moindres paroles ou actes sont scrutés, analysés, remis en question à tout instant, pour alimenter un sentiment diffus de méfiance, contraire à l’essence même de la démocratie.

Pour autant, s’il est légitime de vouloir stimuler l’intérêt pour la chose publique, nous ne souhaitons pas que des groupes de pression profitent de la fenêtre ainsi ouverte pour s’immiscer dans la vie publique en dehors des cadres existants. Le risque, bien réel, est qu’un quelconque lobby soit tenté de se lancer dans une grande campagne auprès de l’opinion dans le seul but de faire connaître sa cause, quel que pourrait être le résultat. De même, on imagine aisément les pressions auxquelles pourraient être exposés les élus, et en particulier les députés, plus fragiles. Prenons garde à ne pas signer, à notre corps défendant, le retour du mandat impératif, lequel est interdit par l’article 27 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

La commission a ainsi choisi la sagesse, en limitant les possibilités de financement des campagnes de recueil des signatures aux seuls partis et groupements politiques, entendus au sens de la loi. La mise en œuvre du référendum d’initiative partagée supposera une mobilisation massive des électeurs – 4, 5 millions de personnes environ –, ce qui requiert, comme toute campagne de communication et sensibilisation, nous le savons bien, des moyens financiers considérables. Il ne saurait y avoir, d’ailleurs, de campagne sans action politique : c’est précisément le rôle des partis que de mener et d’exprimer, dans un cadre institutionnel, l’expression des citoyens. S’affranchir des règles actuelles en ouvrant le financement à d’autres groupements serait non seulement un recul, mais également un danger majeur pour la démocratie.

Dans tous les cas, ce dispositif n’empêchera pas les associations de s’exprimer et de se mobiliser pour recueillir les signatures. Le plus important demeure l’identification et la traçabilité des fonds des partis politiques.

S’agissant du recueil des signatures à proprement parler, nous approuvons le choix de la commission d’ouvrir ce processus, par définition complexe et fastidieux, aux signatures sur papier. Les sirènes du modernisme sont tentantes, mais n’oublions pas que des millions de nos concitoyens sont encore victimes de l’enclavement numérique, ou ne sont tout simplement pas sensibilisés à l’utilisation d’Internet.

La commission a renforcé l’encadrement des modalités de recueil des soutiens par voie électronique, mais ces garanties ne suffiront peut-être pas à rassurer certains de nos concitoyens.

Nous approuvons tout autant le fait que la commission ait confié au seul Conseil constitutionnel l’ensemble de la procédure de contrôle des opérations de recueil des signatures.

Enfin, nous appuyons l’initiative du rapporteur, qui a eu l’heureuse idée de donner une base légale aux dispositions relatives à l’organisation des référendums, comme l’y invitait depuis longtemps le Conseil constitutionnel. Ces dispositions n’ont aujourd’hui qu’une valeur réglementaire. Vu l’importance de ces règles, qui participent de l’expression du suffrage, il était devenu impératif de leur donner une base juridiquement plus stable.

Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le groupe du RDSE n’est pas un thuriféraire de la démocratie participative, déclinée à l’infini. Nous faisons d’abord et avant tout confiance au peuple, dont l’expression civique donne légitimité à ses représentants, et non à l’opinion publique, fabriquée à coups de sondages et d’études. Comme tous les élus, nous devons rendre des comptes à nos électeurs à chaque scrutin. Nous n’oublions jamais que nous représentons la Nation, et que celle-ci ne saurait être fractionnée. La sanction du scrutin – fût-elle positive ou négative – est la seule qui soit indiscutable, aussi injuste qu’elle puisse parfois paraître.

La commission des lois, et son président en premier lieu, a fourni un excellent travail sur ces textes, en simplifiant et en rationalisant les dispositions issues de l’Assemblée nationale. Par conséquent nous les voterons de manière unanime. §

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais d’abord, comme d’autres orateurs l’ont fait, saluer le rapporteur et président de la commission de lois, Jean-Pierre Sueur. Il a effectué sur le projet de loi organique et le projet de loi portant application de l’article 11 de la Constitution un travail de clarification et de codification qui mérite réellement d’être souligné.

Nous pourrions d’ailleurs nous interroger sur notre promptitude très relative à mettre en application la loi fondamentale : cinq ans pour mettre en œuvre les modifications actées par le Congrès, c’est peut-être un peu long !

Je ne dis pas qu’il fallait se précipiter pour le faire, car les lois d’application doivent être rédigées sereinement, mais nous devons néanmoins garantir l’application de notre Constitution dans des délais raisonnables, que celle-ci nous agrée ou non.

La longueur de ce délai a d’ailleurs permis tous les fantasmes sur le contenu de l’article 11. Allions-nous enfin faire de notre pays une démocratie directe, grâce à l’instauration d’un référendum d’origine populaire ? Las ! L’article 11 règle la tenue d’un référendum d’initiative non pas populaire mais parlementaire. Cela explique que la proposition faite par M. le rapporteur d’un changement d’appellation ait été approuvée. Nous parlons non plus d’une « initiative référendaire », mais d’une « proposition de loi référendaire », ce qui limite la confusion avec le concept de référendum d’« initiative populaire ».

Comme pour d’autres articles de notre Constitution, les conditions posées à « la proposition de loi référendaire » ont pour effet de limiter de manière drastique les cas d’application effective du mécanisme.

La portée du processus démocratique direct est donc bien inférieure à ce que les écologistes ont toujours appelé de leurs vœux.

Ainsi, la Constitution, en prévoyant que l’initiative doit être soutenue par 10 % des électeurs inscrits sur les listes électorales, soit plus de 4, 5 millions de signatures à recueillir, fait de la tenue de ce référendum un véritable exploit. Malgré une couverture médiatique intense, les opposants au « mariage pour tous » peinent à réunir un million de signatures contre ce projet. On peut donc douter qu’une proposition réunisse un jour les signatures nécessaires.

L’initiative citoyenne européenne obéit à des critères de recevabilité nettement moins restrictifs, puisqu’il suffit d’un million de signatures, réunies dans sept pays de l’Union européenne, pour qu’elle soit valide.

Les rares parlementaires qui rassembleront ces 4, 5 millions de signatures mériteront de voir leur statue exposée dans notre hémicycle ou au musée Grévin ! Cette statue, de toute façon, ne sera certainement pas de marbre vert ou rouge, compte tenu de la difficulté pour les groupes écologistes et communistes à réunir un nombre suffisant de parlementaires pour satisfaire aux exigences de l’article 11.

Une fois cet écueil évité, le travail parlementaire restera la norme. Il semble évident, en effet, que le texte initial sera passé à la moulinette parlementaire dans le délai d’un an prévu par la Constitution, afin d’éviter à tout prix que la proposition de loi ne soit soumise au référendum par le Président de la République.

Tout au plus, cette proposition de loi d’un genre nouveau aura pour avantage de faire travailler en commun, en amont même de son dépôt, les parlementaires des deux chambres, puisque rien n’empêchera que ses initiateurs soient des sénateurs et des députés.

Il n’y a que peu de chose à dire sur la proposition elle-même. J’attire seulement votre attention, mes chers collègues, sur les risques et les dérives potentiels du recueil des signatures de soutien par voie électronique.

Au risque de paraître quelque peu archaïque – cela m’a déjà été reproché –, je tiens à rappeler l’existence avérée, que nous déplorons d’ailleurs, de la fracture numérique dans notre pays. Elle s’explique par le manque d’infrastructures dans certaines régions, mais aussi et surtout par la fracture culturelle, éducative et parfois encore générationnelle en matière d’utilisation des outils numériques.

En outre, la machine n’est pas gage de rapidité et/ou d’efficacité, comme nous avons pu le constater pour le vote des Français de l’étranger.

La Suisse, de son côté, a appelé ses électeurs aux urnes référendaires 49 fois entre 1995 et 2011, pour répondre à 140 questions, dans le cadre du référendum d’initiative populaire mais aussi du droit d’initiative des citoyens pour modifier leur propre Constitution.

Encore aujourd’hui, deux recueils de signatures pour la tenue de référendums y sont en cours.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Cela permet aux personnes qui recueillent les signatures d’aller à la rencontre des citoyens, en faisant du porte-à-porte ou en les sollicitant dans les gares, par exemple, afin de nouer et d’entretenir un véritable lien civique. Comme quoi, le papier et les rapports humains ne constituent pas un frein à la démocratie !

C’est pourquoi j’assume totalement le prix de la démocratie : demander à un citoyen son soutien pour faire la loi relève d’un rapport de citoyen à citoyen, et non de citoyen à machine. D’ailleurs, nous savons que les machines peuvent faire l’objet de détournements. Même l’armée américaine en a été victime : souvenez-vous des drones Predator américains piratés en Irak à l’aide d’un logiciel qui coûte 30 dollars sur Internet !

La démocratie a un coût, mais ce n’est pas un luxe. À nous de savoir la faire vivre en ne la déshumanisant pas. Il faut même aller plus loin.

Nous, écologistes, sommes profondément attachés à toutes les formes de démocratie citoyenne, sans avoir peur d’aucun lobbyisme. Et nous regrettons les restrictions constitutionnelles à l’émergence de telles formes à un échelon national ou territorial.

Notre Constitution pourrait être bien plus ambitieuse que nous ne le sommes actuellement en actant un droit d’initiative citoyenne, et non plus seulement parlementaire. Voilà une belle et moderne proposition pour une future réunion du Congrès, n’est-ce pas ? Le droit d’initiative citoyenne fonctionne au niveau européen. Il est étonnant qu’il soit impossible de l’appliquer en France.

Pour mémoire, voire in memoriam, je rappelle que le droit de pétition auprès des assemblées parlementaires est consacré par l’article 4 de l’ordonnance du 17 novembre 1958.

Lors de la précédente législature, sur les trente-six pétitions reçues à l’Assemblée nationale, aucune ne fut renvoyée à un ministre ou à une commission permanente.

L’information fut plus difficile à trouver pour le Sénat, mais je peux vous dire que nous ne respectons pas l’article 88 de notre règlement, selon lequel les pétitions sont renvoyées à la commission des lois pour instruction !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Je suis ravie de l’apprendre. Figurez-vous que les pétitions ne sont même pas archivées sur le site du Sénat…

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

… alors même que nous devrions faire confiance aux machines pour récolter les signatures !

Ce que souhaitent les écologistes, ce sont de véritables initiatives citoyennes permettant d’inscrire à l’ordre du jour d’une assemblée nationale ou locale des sujets dont l’importance mobilise non pas simplement les lobbyistes, mais nos concitoyens, lesquels sont suffisamment intelligents pour décider eux-mêmes des textes qu’ils veulent voir débattus. Il ne s’agit pas seulement de soutenir une proposition de loi, comme le prévoit l’article 11 de la Constitution.

Ce que nous voulons, c’est un système qui permette d’adresser au Parlement un texte législatif réunissant les signatures d’un certain nombre de citoyens issus de l’ensemble des territoires de la République, à l’instar, encore une fois, de ce qui existe au niveau européen.

C’est également la possibilité de référendums locaux d’initiative citoyenne. L’élément déclencheur du retour aux urnes, ce ne sera ni l’interdiction du cumul des mandats ni la timide reconnaissance du vote blanc à laquelle nous invitent les auteurs d’un texte que nous examinerons tout à l’heure ; ce sera l’affirmation que la signature des citoyennes et des citoyens comptera, que leur voix sera entendue et que nous ne craignons nullement les lobbys !

Nous devons donc rendre nos concitoyens réellement acteurs de la vie politique, locale et nationale, et pas seulement lorsque nous les appelons aux urnes.

Madame la garde des sceaux, à mon sens, la démocratie telle que la concevaient voilà deux siècles Montesquieu et même Rousseau ne correspond plus à notre vision d’aujourd'hui. Montesquieu, que je me permets de critiquer très respectueusement et humblement, ignorait que les femmes faisaient partie du peuple ; c’était juste un petit oubli…

Sourires.

Mouvements divers.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

J’en profite pour saluer une initiative qui, je pense, fera parler d’elle dans les mois et années à venir : le projet « Parlement et citoyens » vise à rapprocher les citoyens et les parlementaires, dans un esprit d’enrichissement mutuel et de coopération pour l’élaboration des lois de notre pays.

Je vous remercie de votre écoute, que je sais attentive.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste . – M. le rapporteur et M. Jean-Yves Leconte applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est un texte d’initiative partagée, dans son contenu comme dans sa procédure. À titre personnel, je m’en réjouis.

Ainsi que Mme le garde des sceaux l’a noté, notre débat intervient au cours de la semaine d’initiative parlementaire, dans le cadre de ce que l’on appelle la « niche » de l’UMP. Personnellement, je n’y vois aucun inconvénient.

Nous sommes au Sénat, et non à l’Assemblée nationale, madame le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je connais la différence.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Nous n’avons pas demandé ce débat pour détourner une procédure législative en cours. Je vous rappelle d’ailleurs que l’examen du projet de loi sur le mariage pour les personnes du même sexe débutera dans le cadre de la niche du groupe socialiste, le 4 avril.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Il s’agit donc d’un échange de bons procédés…

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Que je salue !

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

… qui ne me dérange nullement.

J’ai parlé d’une « initiative partagée » parlementaire. En effet, nous saluons la qualité du travail effectué par notre président de commission et rapporteur, qui a examiné le texte avec beaucoup de loyauté et de rigueur intellectuelle. D’ailleurs, nous approuvons la version adoptée à la quasi-unanimité de la commission des lois. Ce travail est d’excellente qualité, et nous n’avons rien à y redire.

Mais puisque nous sommes là pour discuter, nous allons discuter ! Rassurez-vous cependant, mes chers collègues, je me contenterai de rappeler quelques éléments.

Le texte que nous examinons est une loi organique. Son objet est donc simple : il s’agit de faire appliquer la Constitution, et rien que la Constitution, une loi organique ne pouvant pas innover en la matière.

Chacun peut bien avoir son sentiment sur la modification de l’article 11 de la Constitution intervenue en 2008. Pour ma part, j’étais extrêmement réservé à l’égard d’une disposition qui n’apporte pas grand-chose à mes yeux et qui, de surcroît, est contradictoire.

Ayant été l’élève, dans une université située près d’ici, de René Capitant, …

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

… j’ai suivi son enseignement sur Jean-Jacques Rousseau, qu’il vénérait.

Sachez que, avec une telle disposition, nous sommes très loin de la démocratie directe.

Cela étant, lorsque Jean-Jacques Rousseau lui-même a fait œuvre de constituant, en élaborant une loi fondamentale pour la Pologne, il a soigneusement rangé Du contrat social dans sa poche ; son projet de constitution n’avait en effet pas non plus, loin s’en faut, grand-chose à voir avec la démocratie directe.

La loi organique vise donc à faire appliquer la Constitution. Comme vous l’avez souligné à juste titre, il a fallu attendre près de cinq ans pour donner une traduction législative organique à une disposition constitutionnelle. C’est bien évidemment trop long. Il n’est pas normal que nous ayons dû attendre aussi longtemps.

Cela dit, on peut faire encore mieux : la révision constitutionnelle relative à la responsabilité du chef de l’État, adoptée en février 2007, ne s’applique toujours pas ! C’est d’autant plus scandaleux que la seule disposition en vigueur aujourd'hui concerne l’immunité du Président de la République, qui est d’applicabilité directe, quand les dispositions relatives à sa responsabilité n’ont toujours pas de traduction concrète. Je regrette pour ma part que, pendant toutes ces années, nous n’ayons jamais trouvé le temps d’examiner une loi organique sur le sujet !

Pourtant, un projet de loi organique avait été rédigé dès 2007. Il n’a été examiné à l’Assemblée nationale qu’en 2011. À ce propos, monsieur Sueur, le Sénat pourrait me semble-t-il examiner le texte voté au sein de la chambre basse et l’amender substantiellement, car la version adoptée par nos collègues députés ne me paraît pas vraiment satisfaisante.

Les lois organiques sont faites pour être examinées et votées dans des délais raisonnables après modification de la Constitution. En l’occurrence, tel n’a pas été le cas.

J’en viens au contenu du projet de loi organique. Comme nous l’avons indiqué en commission, nous souscrivons aux modifications qui ont été proposées par M. le rapporteur ; d’ailleurs, nous les avons toutes votées. Le débat porte donc sur les modalités de mise en œuvre.

D’abord, la loi référendaire sera, il est vrai, d’initiative parlementaire. Elle devra être signée par de très nombreux parlementaires. Autrement dit, les groupes réellement « minoritaires » ne pourront pas faire usage d’une telle disposition, qui sera de facto réservée aux grands partis politiques fortement représentés au Parlement. C’est dommageable.

Ensuite, le contrôle du Conseil constitutionnel est, à mon avis, doublement intéressant.

D’une part, il est important que le juge constitutionnel puisse vérifier le contenu matériel de la loi organique, et pas seulement les signatures ; à cet égard, la suppression de la commission de contrôle est une excellente initiative.

D’autre part, l’article 11 ne se limite pas aux dispositions auxquelles nous allons, je l’espère, donner une traduction législative organique aujourd'hui. D’autres alinéas de l’article s’appliquent déjà. Et, comme vous le savez, le débat sur le contenu de l’article 11 dure depuis 1962.

Concrètement, qu’est-ce que « l’organisation des pouvoirs publics » ? En 1962, lorsque le président du Sénat de l’époque, Gaston Monnerville, avait demandé aux Sages de vérifier la conformité à la Constitution du projet de loi que le général de Gaulle voulait soumettre à référendum, le Conseil constitutionnel s’était déclaré incompétent, déclarant qu’il ne pouvait se prononcer que sur « les lois votées par le Parlement ».

Désormais, s’il venait à l’idée de parlementaires de déposer une proposition de loi référendaire organique portant sur l’organisation des pouvoirs publics, le Conseil constitutionnel serait obligé de se prononcer et de préciser, cinquante ans après le référendum de 1962, ce qui relève de ce domaine et ce qui n’en relève pas.

Lors de la révision constitutionnelle de 1995, la notion de « réformes relatives à la politique économique ou sociale de la Nation » a été bien précisée. La définition est assez claire. Mais il manque encore la pratique. Depuis 1995, on n’a pas trouvé une seule occasion de soumettre à référendum des réformes à caractère économique ou social. Pourtant, entre la durée du temps de travail et les retraites, ce ne sont pas les sujets qui manquaient !

Il est un autre sujet d’importance : les signatures. Une proposition de loi référendaire devra être soutenue par 4, 5 millions de citoyennes et de citoyens. M. le rapporteur a eu raison de proposer à la commission des lois d’allonger la période de recueil des soutiens. D’ailleurs, je me demande si cela sera encore suffisant : six mois pour réunir 4, 5 millions de signatures, même sous forme papier, ce n’est pas évident.

Les signatures seront évidemment un moyen de conditionner, dans une certaine mesure, les parlementaires. Si une proposition de loi obtient le soutien de 4, 5 millions de signataires, les parlementaires chargés de l’examiner ne pourront pas faire comme si cela n’existait pas. Ils ne pourront pas mettre de chausse-trappes pour empêcher le référendum.

Dès lors, le risque est à mon avis qu’aucune proposition de loi référendaire ne soit déposée, les parlementaires craignant de voir l’épée de Damoclès des 4, 5 millions de signatures citoyennes planer au-dessus de leur tête.

Quoi qu’il en soit, l’idée d’associer travail parlementaire et initiative citoyenne peut se révéler très intéressante.

La commission des lois a amendé le texte. J’aimerais évoquer une modification qui a été apportée et une qui ne l’a pas été…

La commission a changé l’intitulé du texte soumis à référendum, qui sera désormais une « proposition de loi référendaire ». J’ai voté en ce sens, comme tous mes collègues. Toutefois, après coup, je suis saisi d’un doute, et ce pour une raison simple.

Imaginons que des parlementaires déposent une proposition de loi référendaire, que le Conseil constitutionnel la valide et qu’elle recueille 4, 5 millions de signatures. Si le texte est examiné par le Parlement et que ce dernier l’adopte – cela peut se produire –, il s’agira d’une loi ordinaire. Elle ne sera donc pas plus référendaire que les lois prévues dans le reste de l’article 11 !

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Pourquoi accoler l’adjectif « référendaire » à un texte de même nature que les textes qui figurent à l’article 11 de la Constitution, que nous n’avons pas le droit de réviser ? Soyons donc prudents dans le libellé, car le Conseil constitutionnel n’appréciera peut-être pas cet ajout.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Par ailleurs, nous avons eu en commission un débat sur le financement des actions relatives au recueil des soutiens par des personnes autres que des citoyens et des partis politiques. J’ai émis à ce sujet des réserves, qui sont partagées par un grand nombre de nos collègues.

Faire signer 4, 5 millions de personnes, c’est déjà enclencher une campagne d’opinion non négligeable.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Et ce n’est pas donné à n’importe qui !

Avec une telle procédure, le risque est réel que des groupes d’intérêt puissants se mettent en branle. Il vaut donc mieux limiter le danger et ne pas permettre à d’autres personnes qu’aux citoyens de faire campagne. Ne tentons pas le diable ! Voyez ce qui se passe dans les pays qui ont une tradition de démocratie directe beaucoup plus forte que la nôtre. On sait bien comment les référendums sont organisés et par qui ils peuvent éventuellement être financés.

Soyons prudents, je le répète, et ne remettons pas en cause les acquis de la loi de 1993, notamment, qui interdit aux groupes d’intérêt économique de participer à la vie politique française.

Pour conclure, je dirai que les dispositions que nous nous apprêtons à voter ont peu de chance d’entrer en vigueur un jour. Quoi qu’il en soit, comme Hélène Lipietz, j’appelle de mes vœux l’avènement d’une vraie démocratie directe dans ce pays, car je ne suis pas un thuriféraire de la démocratie représentative à la française, dont nous avons payé le prix à plusieurs reprises, notamment en 1940.

La démocratie représentative n’a pas que des vertus, non plus que la démocratie directe, d’ailleurs. Néanmoins, une expérience de démocratie directe dans le cadre imposé par la Constitution, notamment le respect des droits fondamentaux, vaudrait le coup d’être tentée.

Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP, du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je formulerai d’abord quelques observations sur le contexte dans lequel s’inscrivent ces projets de loi. Je donnerai ensuite la position de mon groupe, puis je ferai des remarques sur les textes eux-mêmes, ainsi que sur le travail de la commission des lois.

Le contexte est, il est vrai, assez particulier. Comme l’a souligné notre excellent collègue Hugues Portelli, les lois organiques sont faites pour appliquer la Constitution. Notons, néanmoins, que l’ancien gouvernement a attendu cinq ans pour présenter ces projets de loi à l’Assemblée nationale, …

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quatre ans !

Souriressur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

… et qu’ils ont été votés dans une certaine précipitation, juste avant la fin de la législature. En outre, il n’a jamais voulu mettre en œuvre les dispositions de 2007 relatives à la responsabilité pénale du chef de l’État. Il aura fallu attendre une initiative de Robert Badinter, de François Patriat et des membres du groupe socialiste pour qu’une proposition de loi organique soit adoptée au Sénat. L’ancien gouvernement s’est ensuite empressé de faire voter un projet de loi organique à l’Assemblée nationale. Mais les choses sont restées en l’état.

Nous le savons, le nouveau chef de l’État veut réexaminer intégralement la question de l’irresponsabilité totale – sur le plan civil, pénal et administratif – du Président de la République lorsqu’il est en fonction. J’avoue d’ailleurs que cela pose des problèmes importants.

L’inscription des projets de loi portant application de l’article 11 de la Constitution dans le cadre de la niche de l’UMP vient après les vitupérations d’un récent député – mieux inspiré lorsqu’il était conseiller de l’ancien Président de la République –, qui a réclamé à cor et à cri, de façon quelque peu légère, l’organisation d’un référendum sur la question du mariage pour tous. Il oubliait, volontairement ou pas, je l’ignore, que les textes que nous examinons aujourd’hui ne pourraient absolument pas s’appliquer au mariage pour les couples de même sexe…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

… puisqu’ils ne modifient pas le champ d’application de l’article 11.

La question s’était déjà posée en 1984 – je m’étonne que mon collègue Hugues Portelli, constitutionnaliste et historien du droit, ne l’ait pas rappelé – au sujet de l’école, après les manifestations importantes que notre pays a connues. Dans une allocution télévisée du 12 juillet 1984, François Mitterrand n’avait pas considéré comme illégitime ou choquant de songer à soumettre à référendum des dispositions sur l’école. Néanmoins, relevant qu’en l’état du droit ce n’était pas possible, il avait annoncé qu’il saisirait le Parlement d’un projet de loi en ce sens.

Le garde des sceaux ayant une commande, le Conseil des ministres a adopté, le 19 juillet 1984, le projet de loi constitutionnelle portant révision de l’article 11 de la Constitution pour permettre aux Français de se prononcer par referendum sur les garanties fondamentales en matière de libertés publiques. En première lecture, le texte a été rejeté au Sénat par l’adoption d’une question préalable, le 8 août 1984, et adopté par l’Assemblée nationale, le 23 août 1984. Le Sénat a de nouveau rejeté le texte en deuxième lecture le 5 septembre 1984. Notre assemblée, certes constituée différemment, mes chers collègues, a mis fin à l’initiative du Président François Mitterrand. Le parlementaire auquel j’ai fait référence et dont je préfère oublier le nom…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

… aurait donc mieux fait de se taire.

Chacun le sait, les socialistes, dans leur grande majorité, n’ont pas voté la réforme de 2008, sauf quelques exceptions qui ont d’ailleurs permis son adoption. Mais, en ce qui concerne l’article 11, il faut le dire, nous sommes assez divisés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

À l’Assemblée nationale, par voie d’amendement, Arnaud Montebourg avait proposé la solution de 1984, c'est-à-dire la création d’un référendum réellement d’initiative populaire dont le champ d’application aurait été plus large que celui actuellement prévu par la Constitution. Finalement, cette initiative a été repoussée.

Au Sénat, deux voix contradictoires se sont fait entendre : Bernard Frimat approuvait les dispositions de l’article 11 et Robert Badinter était contre, et s’en moquait.

Que Jean-Jacques Rousseau triomphe dans la Confédération helvétique, ma chère collègue Hélène Lipietz, c’est bien le moins que lui doit ce pays ! Mais il n’y a rien d’illogique à ce que la France lui préfère Montesquieu, même s’il a eu quelques mots datés sur les femmes, qui, à part être les maîtresses des rois, ne servaient pas à grand-chose d’autre à cette époque. (

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Oh !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

J’approuve donc totalement ce qu’a dit notre collègue Jacques Mézard.

Cela étant, je doute que les souhaits d’Hugues Portelli soient exaucés. Au vu de ce qui se passe à l’étranger, notamment en Suisse, il me paraît aléatoire de pouvoir introduire l’expression directe des citoyens dans le cadre d’une démocratie parlementaire. Il n’y a qu’à regarder pour s’en convaincre les sujets qui font l’objet de référendums d’initiative populaire, les résultats des votes et leur non-répercussion par les gouvernements de la Confédération helvétique.

Le rapporteur Jean-Pierre Sueur l’a rappelé : nous appliquons aujourd’hui la Constitution. Le groupe socialiste a majoritairement rejeté la réforme constitutionnelle de 2008, sauf un ou deux élus qui l’ont votée ou qui se sont abstenus, ce qui leur a valu des destins glorieux par la suite… Malgré cela, nous souhaitons voter les projets de loi portant application de l’article 11 de la Constitution, afin que soient enfin promulguées toutes les lois organiques nécessaires à la mise en œuvre de la réforme de 2008. C’est la dernière pierre de l’édifice. Ce faisant, nous accomplissons un travail républicain !

Dans ces conditions, je m’étonne d’entendre les représentants des principaux partis politiques de l’opposition affirmer qu’ils ne voteront en aucun cas quelque disposition que ce soit d’une future réforme constitutionnelle. J’en reste même pantois ! Autant je peux comprendre que certains textes nécessitant une révision constitutionnelle ne fassent pas consensus, autant je ne vois pas pourquoi nous ne serions pas d’accord au Sénat sur la réforme du CSM, sur la réforme du statut du parquet, sur celle de la responsabilité du chef de l’État, voire sur la réforme du Conseil constitutionnel ! Cette opposition frontale à la majorité en place est assez dérisoire…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

… et antirépublicaine.

J’en viens maintenant aux textes qui nous occupent.

Le rapporteur a accompli un travail remarquable puisqu’il a « redressé » le texte. Pourquoi le projet initial était-il aussi mal rédigé et aussi bâclé ? Le gouvernement de l’époque, qui avait fait voter la réforme constitutionnelle de 2008, ne croyait-il pas à celle de l’article 11 ?

Quoi qu’il en soit, il apparaît clairement que la rédaction retenue à l’Assemblée nationale était mauvaise. Nous avons essayé de l’améliorer, madame la garde des sceaux, même si, j’en conviens, elle reste perfectible.

Le rapporteur Jean-Pierre Sueur, qui ne manque pas d’imagination législative – avec la formation qui est la sienne, il met au profit du droit la littérature, les arts et les lettres –, a « inventé » une nouvelle proposition de loi : la proposition de loi référendaire. Le Sénat en est fier. Il y avait des propositions parlementaires, il y aura maintenant des propositions référendaires.

Mon groupe présentera un amendement, adopté hier matin en commission, pour éviter que le dépôt d’une telle proposition de loi n’entre en concurrence avec une initiative gouvernementale ou parlementaire sur le même sujet.

Deux autres points me paraissent importants.

Tout d’abord, la commission des lois a voulu respecter, contrairement à ce qui était prévu initialement, les pouvoirs du Président de la République. Il est assez bizarre que le gouvernement de M. Fillon ait imaginé des délais contraignants, alors que ce n’est pas prévu par la Constitution. Nous avons donc fait sauter ce verrou. Le Président de la République ne doit pas être enserré dans des délais pour mettre en œuvre la procédure de l’article 11.

Ensuite, nous avons supprimé la commission de contrôle indépendante. Je dois dire que, lorsque j’entends le mot « indépendant », je dresse l’oreille, car je ne sais pas ce que cela veut dire, ou plutôt je le sais trop bien… Je ne donnerai pas ici d’exemples personnels, mais je pourrais citer les noms de personnalités « indépendantes », qui, après avoir fait partie de commissions « indépendantes », ont été largement récompensées à la sortie. Je préfère le Conseil constitutionnel, même si on peut s’interroger sur sa composition politique. Mais, en général, l’habit fait le moine.

Le rapporteur a donc proposé avec sagesse de supprimer cette commission indépendante. Comment aurait-elle été composée, par qui, de qui ? Personne n’en savait rien. C’est d'ailleurs la raison pour laquelle elle aurait été très indépendante… Cette suppression vise à redonner au Conseil constitutionnel les pouvoirs qui sont les siens de contrôle des élections. En l’occurrence, il contrôlera la façon dont seront recueillis les soutiens de nos concitoyens à la proposition de loi référendaire.

Mes chers collègues, le groupe socialiste votera évidemment sans réserve ces deux projets de loi, qui ont été utilement amendés et enrichis par notre rapporteur Jean-Pierre Sueur et par la commission des lois.

Au-delà des calculs politiciens des uns et des autres, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

… – je ne parle pas du débat qui nous occupe en cet instant, mais ils peuvent exister sur d’autres textes qui nous sont présentés –, il est de notre intérêt à tous de montrer, comme nous l’avons d'ailleurs fait souvent, que le Sénat a toute sa place dans l’élaboration législative…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

… et de ne pas le condamner à rester muet en commission mixte paritaire, les sénateurs se retrouvant face aux députés sans pouvoir rien dire et donc sans pouvoir exercer la moindre influence sur la suite des événements.

Mes regards, mon cher collègue Jean-Jacques Hyest, se portent vers l’ensemble de nos travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel. Le Parlement, notamment le Sénat, vous le savez, est très critiqué ; la seconde chambre l’a d'ailleurs été par des autorités au sommet de l’État, ce qui ne leur a pas porté chance – critiquer le Sénat ne porte jamais chance ! Mais il appartient aussi au Sénat de montrer quelle est son utilité ainsi que son apport dans la procédure législative. C’est ce que nous faisons ce matin, et je m’en félicite.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, il y a quelques minutes, Hélène Lipietz a souligné le caractère peu ambitieux et très restrictif du projet de loi portant application de l’article 11 de la Constitution qui nous est soumis aujourd’hui.

Le débat sur le mécanisme dit de référendum d’initiative partagée ne suscite pas, ce matin, véritablement un grand enthousiasme. Pourtant – je pense que la consultation de la revue de presse afférente étonnerait plus d’un sénateur présent aujourd’hui par sa densité –, ce projet de loi a suscité en Bretagne un débat riche et passionné, qu’il convient de saluer, tant nous sommes ici prompts à nous désoler, à quelques discussions près, de l’atonie du débat public sur nos travaux parlementaires.

Cet enthousiasme et ces échanges passionnés et étayés résultaient d’un amendement voté à l’Assemblée nationale, au-delà des clivages politiques classiques, déclinant le mécanisme du référendum d’initiative partagée à l’échelle d’un département et d’une région pour permettre la modification des limites administratives régionales.

En permettant enfin qu’un processus démocratique précis réponde à une question qui suscite depuis maintenant des décennies en Loire-Atlantique manifestations, sondages, livres et milliers d’articles de presse et prises de position publiques, cet amendement dit « Le Fur-de Rugy » répondait de fait à une véritable attente de débat démocratique, sans quoi il n’aurait pas suscité un tel intérêt.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

On peut être pour ou contre la réunification administrative de la Bretagne historique ; ce n’est pas la même chose de refuser qu’une loi permette de lui donner une réponse démocratique.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Le référendum est sans nul doute ici la bonne réponse, les positions ne recoupant pas les clivages politiques habituels et ne pouvant donc pas être traitées dans les cadres électoraux classiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

À l’heure de la création d’un pôle métropolitain unique réunissant pour la première fois les grandes villes bretonnes de Nantes, Rennes et Brest, il apparaît évident que cette question n’est pas un problème de nostalgie historique, comme certains voudraient le caricaturer, mais bien d’abord une question d’efficacité de l’action publique, de renforcement de la solidarité territoriale. Or il est de plus en plus compliqué d’expliquer à des citoyens à qui l’on parle du matin au soir de MAP, ou modernisation de l’action publique, que, d’un côté, l’avenir est au renforcement des axes Nantes-Rennes et Nantes-Brest, et que, de l’autre, il faut les chapeauter par deux régions administratives différentes. Une certaine contradiction saute aux yeux, et il y a donc bien là de vraies questions politiques qui méritent d’être approfondies.

Les quatre minutes qui m’ont été imparties dans cette discussion générale ne me permettent pas de détailler plus avant mon argumentation, mais, chers collègues, je ne crois pas que notre rôle consiste à opposer à l’envie de débat et de processus démocratique collectif une fin de non-recevoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

La suppression en commission de l’article 3 ter – au motif très discutable, j’y reviendrai tout à l'heure, qu’il s’agissait d’un cavalier – suscite déjà en Bretagne beaucoup de réactions et de déceptions.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

M. Ronan Dantec. Notre rôle n’est pas de décevoir mais bien d’encourager le débat public. C’est le sens du renforcement, pour rejoindre le propos tenu par notre collègue Hugues Portelli, d’une part raisonnable de démocratie participative. Aussi, nous vous proposerons, chers collègues, le rétablissement d’un article démocratiquement vivifiant.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, en inscrivant dans le cadre de sa niche parlementaire le projet de loi organique et le projet de loi relatifs à l’application de l’article 11 de la Constitution et aux modalités d’organisation du référendum d’initiative partagée, le groupe UMP nous offre deux opportunités.

La première, c’est de revenir précisément sur le cadre prévu par la réforme constitutionnelle, sa signification et son ampleur.

La seconde, c’est, en républicains, de travailler à la traduction législative la plus adéquate possible d’un aspect de la réforme constitutionnelle de 2008 qui avait été négligé depuis lors. Il s’agit en effet d’offrir aux Français la possibilité de jouir de droits prévus par la Constitution dont ils sont privés depuis plus de quatre ans.

Revenons d’abord sur la signification de cette disposition constitutionnelle.

Il y a un an, soit trois ans après le vote de la réforme constitutionnelle, alors que nous étions en pleine campagne pour l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy déclarait, le 15 février 2012, en annonçant qu’il briguait un second mandat : « Il y a une idée centrale dans mon projet, c’est redonner la parole au peuple français par le référendum ». Celui qui prétendait être « le candidat du peuple » entendait « faire trancher » les Français sur « les grands arbitrages », et ce « chaque fois qu’il y aurait un blocage », lors de son éventuel second mandat.

Pensait-il à une nouvelle réforme constitutionnelle ? Avait-il oublié que la précédente n’avait pas encore été mise en œuvre ? Avait-il en tête que la réforme de 2008 portait exclusivement sur le processus pour arriver à un référendum et non sur les sujets législatifs qui peuvent être soumis à un tel scrutin ?

En effet, ceux-ci sont stables depuis la réforme constitutionnelle de 1995. À cette époque, le garde des sceaux qui avait porté cette réforme, Jacques Toubon, expliquait : « En limitant l’extension du champ référendaire aux matières économiques et sociales, le Gouvernement a choisi d’exclure [...] ce qu’il est convenu d’appeler les questions de société avec les libertés publiques, le droit pénal [...]. Il doit donc être clair qu’il ne saurait y avoir de référendum sur des sujets tels que la peine de mort, la repénalisation de l’avortement ou l’expulsion des immigrants clandestins, le référendum n’étant pas – et ne devant pas être – un instrument de démagogie. »

Nous n’aurons pas les réponses à ces questions. Il convient toutefois de souligner que, premièrement, notre Constitution n’envisage pas actuellement de référendum d’initiative populaire. Deuxièmement, ce que la Constitution nous permet, depuis 2008, avec la mise en place des projets de loi qui sont soumis à nos votes aujourd’hui, c’est de mettre en place un droit pour un cinquième des parlementaires accompagné de 4, 5 millions d’électeurs de forcer à la discussion dans les deux chambres du Parlement d’une proposition de loi sur un thème obligatoirement restreint par le cadre évoqué par Jacques Toubon en 1995.

C’est une disposition timide lorsque l’on sait que tout groupe parlementaire – au minimum quinze députés à l’Assemblée nationale ou dix sénateurs au Sénat – a la possibilité d’inscrire en quelques semaines une proposition de loi sur un sujet quelconque à l’ordre du jour d’une chambre du Parlement.

C’est une disposition timorée si l’on souligne que, malgré la mobilisation d’un cinquième des parlementaires et de plus de 4, 5 millions d’électeurs, il suffirait que le Parlement délibère et repousse le texte pour qu’il ne soit pas soumis à référendum.

Voilà pourquoi cet article de la Constitution ne constitue en rien une révolution institutionnelle. Voilà pourquoi cet article de la Constitution ne permet pas d’envisager le contournement ou la remise en cause de la démocratie représentative que certains voudraient voir engager en prétendant pouvoir tenter, par référendum, d’empêcher une majorité parlementaire élue il y a moins d’une année de mettre en œuvre des engagements très clairs et très précis qui ont été pris devant les électeurs. Je pense ici, en particulier, au mariage pour tous.

C’est peut-être d’ailleurs l’insignifiance de cette réforme qui explique que le gouvernement Fillon a tardé à proposer la traduction organique de cette réforme constitutionnelle. Celle-ci a été votée en première lecture, le 10 janvier 2012, à l’Assemblée nationale, soit trois ans après la réforme constitutionnelle. Mais, à l’issue du vote, et malgré la transmission de la petite loi au Sénat, le gouvernement précédent ne l’avait jamais inscrite à l’ordre du jour.

C’est donc ce projet, adopté par l’Assemblée nationale en janvier 2012, que les sénateurs du groupe UMP ont souhaité mettre en débat aujourd’hui. Le contexte politique imposait ces quelques rappels préalables qui peuvent avoir leur utilité. Mais venons-en maintenant au fond du sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Saluons le travail de notre rapporteur, Jean-Pierre Sueur, qui s’est attaché à rendre la proposition la plus opérationnelle possible, en particulier en prévoyant qu’un délai plus long soit donné pour recueillir des signatures. Il apparaissait en effet que, dans les pays où des signatures peuvent déclencher de véritables référendums d’initiative populaire, le nombre de signatures requises est proportionnellement plus faible et les délais pour les recueillir plus longs. Par ailleurs, le recueil des signatures est simplifié et est rendu possible sous forme papier.

Le Conseil constitutionnel retrouve ses prérogatives de contrôle de l’opération.

Enfin, un cadre juridique a été donné à la notion d’« initiative qui prend la forme d’une proposition de loi », alors qu’elle est susceptible de provenir de députés et de sénateurs conjointement.

On peut être très réservé sur les référendums d’initiative populaire en préférant préserver toute sa légitimité, toute son importance à la démocratie représentative ; à l’inverse, on peut penser que cette forme d’engagement citoyen qu’est le référendum d’initiative populaire peut trouver à s’amplifier grâce à Internet et aux nouveaux outils de communication et de mobilisation et qu’il mérite d’être encouragé et inscrit dans nos textes et nos mœurs politiques. Dans les deux cas, la discussion d’aujourd’hui permet d’évoquer les deux questions qui se posent lorsque l’on a besoin de recueillir des signatures pour une initiative citoyenne : d’une part, la nature de l’engagement que revêt une signature de soutien et, d’autre part, le financement des campagnes de recueil des signatures.

Une signature de soutien, ce n’est pas un vote, c’est un engagement politique public. Toute usurpation d’identité doit être et sera sévèrement sanctionnée. Mais la liste des soutiens a vocation à être publique. Si le projet de loi organique prévoit l’obligation de destruction des listes des pétitionnaires à l’issue des vérifications du Conseil constitutionnel, cette exigence devra, en pratique, être confrontée à la réalité du fonctionnement d’internet et des réseaux sociaux, qui, eux, ne connaissent pas le droit à l’oubli.

C’est la pratique des dispositions législatives prévues qui nous dira si les exigences et les principes que nous avons insérés dans ces projets loi sont adéquats. Nous saurons ainsi si ces exigences et principes, qui sont nécessaires aujourd’hui pour la mise en œuvre de l’article 11, pourront, le cas échéant, être réutilisés pour un éventuel référendum d’initiative populaire, le jour où celui-ci viendra en débat. Nous saurons ainsi si c’est au prix du respect de l’intimité des choix politiques de chacun que l’on progressera vers des institutions accordant un poids plus important à la démocratie directe, ou si d’autres options sont envisageables.

J’en viens à mon dernier point, déjà évoqué par plusieurs intervenants : la question essentielle du financement des campagnes de recueil des signatures. À n’en pas douter, c’est de l’action politique, mais sous une nouvelle forme, peu commune pour les partis politiques français.

Nous ne saurions nous résoudre à ce que d’autres acteurs que les partis politiques puissent financer ce type d’action, sans prendre le risque de donner aux lobbies un moyen d’entrer de plain-pied dans nos débats politiques et législatifs, et ce de façon directe, officielle, assumée. Ce serait, comme l’a souligné M. Mézard, un acte en rupture avec les choix effectués depuis des années pour améliorer la transparence des financements de notre vie politique.

Les associations et syndicats souhaitant prendre part à ce mouvement citoyen pourront bien sûr indiquer qu’ils sont favorables à une collecte de signatures, mais ils ne pourront financer ni sa mise en œuvre ni son déploiement. En limitant la possibilité de financement aux seuls partis politiques, on ne limite en rien l’expression citoyenne. À la limite, un parti politique ad hoc pourra être créé pour contribuer au financement d’une telle campagne.

Un parti politique, ce n’est pas obligatoirement un grand parti parlementaire ; il s’agit avant tout d’une association dont la transparence financière et l’origine des moyens sont contrôlées par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Il est essentiel que toute action politique réclamant des moyens n’échappe pas à cette exigence de transparence.

Disons-le clairement : nous ne voulons pas dans notre vie politique de super PAC à l’américaine, offrant notre débat politique aux groupes de pression, leur permettant d’agir ouvertement et sans vergogne pour soumettre la vie publique à des intérêts privés.

Tout en soulignant l’intérêt limité du dispositif proposé par la réforme constitutionnelle de 2008, nous avons choisi, en républicains, de la mettre en œuvre. Le groupe socialiste votera donc ces projets de loi amendés, sans enthousiasme excessif et en responsabilité. Cependant, notre groupe tient à marquer son intérêt et son attachement aux débats qui ont été ouverts à cette occasion sur la publicité des signatures, dans le respect de la vie privée. Il sera vigilant sur ce type d’action politique qui ne doit pas être soumis à des intérêts privés.

En conclusion, nous appelons l’ensemble des forces politiques à faire preuve de responsabilité sur ces textes, qui ne tendent en rien à mettre en place un référendum d’initiative populaire. Nous ne pouvons ni ne devons faire croire cela à quiconque !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je ne vais pas répondre aux excellentes interventions que nous venons d’entendre ; je souhaite simplement apporter deux précisions.

Monsieur Portelli, il fallait qualifier la proposition de loi inédite que, conformément à la lettre et à l'esprit du nouvel article 11 de la Constitution, nous avons proposée. Au regard de la spécificité que constitue le déclenchement du récolement de signatures de citoyens, j'ai proposé, et la commission m’a suivi, de l'intituler « proposition de loi référendaire », une expression qui montre bien sa finalité.

Dès lors que, à la suite du recueil des signatures, une proposition de loi référendaire serait adoptée par le Parlement, elle perdrait naturellement ce statut. Elle deviendrait alors, comme vous l'avez très bien indiqué, une proposition de loi comme les autres.

Madame Lipietz, la commission des lois organise chaque année une réunion, en général à la fin de la session parlementaire, pour examiner les pétitions qui nous sont adressées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Nous passons à la discussion des articles du projet de loi organique portant application de l’article 11 de la Constitution.

Chapitre Ier A

Dispositions relatives aux propositions de loi référendaires présentées en application de l’article 11 de la Constitution

(Division et intitulé nouveaux)

Une proposition de loi référendaire présentée par des membres du Parlement en application du troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution est déposée sur le Bureau de l’Assemblée nationale ou du Sénat en vue de sa transmission au Conseil constitutionnel.

Une fois enregistrée, la proposition de loi est transmise au Conseil constitutionnel par le président de l’assemblée saisie. Aucune signature ne peut plus être ajoutée ou retirée. –

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le dépôt d’une proposition de loi référendaire est sans préjudice de l’application des dispositions des articles 39 et 48 de la Constitution.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, la nouvelle proposition de loi référendaire ne doit pas faire obstacle au droit du Gouvernement ou de chacune des assemblées de déposer un texte de loi sur le même sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La commission a considéré qu'il était utile de préciser que ce nouveau type de proposition de loi ne devait en aucun cas porter préjudice aux prérogatives du Gouvernement ou du Parlement en matière d'initiative des lois. Elle a donc émis un avis favorable.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

L’auteur de cet amendement souhaite prendre une précaution pour éviter que ce nouveau type de proposition de loi porte préjudice à l’application des articles 39 et 48 de la Constitution, lesquels réservent au Parlement et au Gouvernement l'initiative de programmation des textes devant être examinés par le Parlement.

Cet amendement exprime surtout une position divergente par rapport à celle de l'Assemblée nationale, notamment à celle du rapporteur de la commission des lois.

À mes yeux, l'article 11 ne soulève a priori aucun risque de mauvaise interprétation. Néanmoins, compte tenu de la divergence d'appréciation existant entre les deux assemblées, il s’agit peut-être d’une précaution nécessaire. Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis favorable.

L'amendement est adopté.

L'article 1 er A est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Chapitre Ier

Dispositions relatives au Conseil constitutionnel

L’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel est ainsi modifiée :

I. – Après le chapitre VI du titre II, il est inséré un chapitre VI bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE VI BIS

« De l’examen d’une proposition de loi référendaire

« Art. 45 -1 . – Lorsqu’une proposition de loi référendaire lui est transmise par le président d’une assemblée en vue du contrôle prévu au quatrième alinéa de l’article 11 de la Constitution, le Conseil constitutionnel en avise immédiatement le Président de la République, le Premier ministre et le président de l’autre assemblée.

« Les délais mentionnés aux troisième et sixième alinéas de l’article 11 de la Constitution sont calculés à compter de la date d’enregistrement de la saisine par le Conseil constitutionnel.

« Art. 45 -2 . – Le Conseil constitutionnel vérifie dans le délai d’un mois à compter de la transmission de la proposition de loi référendaire :

« 1° Que la proposition de loi référendaire est présentée par au moins un cinquième des membres du Parlement, ce cinquième étant calculé sur le nombre des sièges effectivement pourvus à la date de la saisine, arrondi au chiffre immédiatement supérieur en cas de fraction ;

« 2° Que son objet respecte les conditions posées aux troisième et sixième alinéas de l’article 11 de la Constitution ;

« 3° Et qu’aucune disposition de la proposition de loi référendaire n’est contraire à la Constitution.

« Art. 45 -3 . – Le Conseil constitutionnel statue par une décision motivée, qui est publiée au Journal officiel.

« S’il déclare que la proposition de loi référendaire satisfait aux dispositions de l’article 45-2, la publication de sa décision est accompagnée du nombre de soutiens d’électeurs à recueillir.

« Art. 45 -4 . – Le Conseil constitutionnel veille à la régularité des opérations de recueil des soutiens à une proposition de loi référendaire.

« Il examine et tranche définitivement toutes les réclamations. Il peut être saisi durant la période de recueil des soutiens ou dans un délai de cinq jours suivant sa clôture.

« Dans le cas où le Conseil constate l’existence d’irrégularités dans le déroulement des opérations, il lui appartient d’apprécier si, eu égard à la nature et à la gravité de ces irrégularités, il y a lieu soit de maintenir lesdites opérations, soit de prononcer leur annulation totale ou partielle.

« Art. 45 -5 . – Le Conseil constitutionnel peut ordonner toute enquête et se faire communiquer tout document ayant trait aux opérations de recueil des soutiens à une proposition de loi référendaire.

« Il peut commettre un de ses membres ou un délégué pour recevoir sous serment les déclarations des témoins ou pour diligenter sur place d’autres mesures d’instruction.

« Art. 45 -6. – Dans un délai d’un mois à compter de la fin de la période de recueil des soutiens, le Conseil constitutionnel déclare si la proposition de loi référendaire a obtenu le soutien d’au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Sa décision est publiée au Journal officiel. »

II. – À la seconde phrase de l’article 56, les mots : « et 43 » sont remplacés par les mots : «, 43 et 45-5 ». –

Adopté.

Chapitre II

Dispositions relatives au recueil des soutiens

Le recueil des soutiens apportés à une proposition de loi référendaire présentée en application de l’article 11 de la Constitution est assuré sous la responsabilité du ministre de l’intérieur. –

Adopté.

I. – La période au cours de laquelle sont recueillis les soutiens à une initiative référendaire s’ouvre à une date fixée par décret. Cette date est comprise dans les deux mois suivant la publication de la décision par laquelle le Conseil constitutionnel déclare que l’initiative satisfait aux dispositions de l’article 45-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

II. – La durée de la période de recueil des soutiens est de six mois.

III. – Si toutefois une élection présidentielle ou des élections législatives générales sont prévues ou interviennent dans les six mois qui suivent la décision du Conseil constitutionnel, la période de recueil des soutiens débute le premier jour du deuxième mois qui suit le déroulement des dernières élections prévues ou intervenues.

IV. – En cas de dissolution de l’Assemblée nationale, de vacance de la présidence de la République ou d’empêchement définitif du Président de la République, la période de recueil des soutiens est suspendue à compter de la publication du décret de convocation des électeurs. Cette période reprend à compter du premier jour du deuxième mois qui suit le déroulement des élections. –

Adopté.

Les électeurs inscrits sur les listes électorales peuvent apporter leur soutien à une proposition de loi référendaire présentée en application de l’article 11 de la Constitution.

Ce soutien est recueilli par voie électronique ou sur papier.

Un soutien ne peut être retiré.

Les électeurs sont réputés consentir à l’enregistrement de leur soutien aux seules fins définies par la présente loi organique. –

Adopté.

(Supprimés)

La liste des soutiens apportés à une proposition de loi référendaire peut être consultée par toute personne.

À l’issue d’un délai de deux mois à compter de la publication au Journal officiel de la décision du Conseil constitutionnel déclarant si la proposition de loi référendaire a obtenu le soutien d’au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, les données collectées dans le cadre de la procédure de recueil des soutiens sont détruites.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Hélène Lipietz, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Aux termes de cet article, « la liste des soutiens apportés à une proposition de loi référendaire peut être consultée par toute personne. » Si les 4, 5 millions de signatures ont été recueillies sous forme papier, il sera très difficile, pour des raisons matérielles évidentes, de copier cette liste. Si elles ont été collectées par voie électronique, rien n’empêchera une telle copie.

Or l’article 7 prévoit que, « à l’issue d’un délai de deux mois à compter de la publication au Journal officiel de la décision du Conseil constitutionnel […], les données […] seront détruites ». Si les données recueillies sous forme papier pourront être détruites sans aucun problème, il est évident que les données informatiques ne pourront pas l’être si elles ont été copiées, ce qui est tout à fait possible, quoi qu’en dise la CNIL.

Nous sommes là face à un problème que j’ai précédemment soulevé, celui du danger pour la démocratie d’une confiance excessive en la machine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame Lipietz, le fait que cette liste puisse être consultée par toute personne constitue avant tout une garantie de transparence.

Si les données sont collectées sous forme papier, un décret précisera à quel endroit s’effectuent le recueil des signatures et leur consultation. Je rappelle que les listes électorales peuvent elles aussi être consultées. Si elles sont collectées sous forme électronique, leur consultation sera également possible.

Je comprends tout à fait vos craintes quant à un détournement de l’usage de la liste, par exemple à des fins commerciales. Votre intervention était très utile, car elle me permet de préciser que toute utilisation à une fin autre que la mise en œuvre des dispositions de la Constitution relatives au référendum serait, en vertu de la loi informatique et libertés, pénalement sanctionnée.

L'article 7 est adopté.

Les modalités d’application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés lorsqu’elles sont relatives aux traitements de données à caractère personnel. –

Adopté.

Chapitre III

Dispositions relatives à la procédure référendaire

Si la proposition de loi faisant l’objet de l’initiative référendaire n’a pas été examinée au moins une fois par chacune des deux assemblées parlementaires dans un délai de neuf mois à compter de la publication au Journal officiel de la décision du Conseil constitutionnel déclarant que l’initiative a obtenu le soutien d’au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, le Président de la République la soumet au référendum. –

Adopté.

Chapitre IV

(Division et intitulé supprimés)

(Supprimés)

(Non modifié)

La présente loi organique entre en vigueur le premier jour du treizième mois suivant celui de sa promulgation. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi organique, je donne la parole à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Je me réjouis, car ce nouveau mécanisme référendaire procède d’une double logique positive.

La première est de nature institutionnelle. Le général de Gaulle avait déjà introduit dans la Constitution une dose d’expression de la démocratie directe à côté du mécanisme plus général de la démocratie représentative puisque son article 3 précise que la souveraineté peut s’exprimer soit par la voie des représentants du peuple, soit par la voie référendaire.

La seconde est de nature sociétale, comme cela a été relevé par plusieurs intervenants. Aujourd'hui, les citoyens souhaitent et doivent pouvoir participer à la construction de la décision publique. Ils sont globalement mieux formés et informés. Sans ignorer le risque de dérive que fait courir la révolution numérique, il me semble que, dans nos sociétés démocratiques modernes, « la verticale du pouvoir », pour reprendre une expression de Vladimir Poutine, a heureusement tendance à s’incliner vers l’horizontalité.

Cette satisfaction doit cependant être nuancée par les incertitudes, comme cela a été souligné sur toutes les travées, pesant sur la nature et la portée du dispositif.

En ce qui concerne sa nature – nous l’avons bien vu lorsqu’il a fallu qualifier cette nouvelle procédure –, il ne s’agit ni d’un référendum d’initiative partagée ni d’un référendum d’initiative populaire. C'est plus vraisemblablement un référendum d’initiative parlementaire ou, en pratique, pour reprendre l’expression du doyen Vedel en 1993, un référendum d’initiative minoritaire.

Si cette procédure est appliquée à une question relevant du champ de l’article 11 et que le Parlement la repousse, le rejet sera définitif, même si le sujet recueille l’assentiment d’une forte majorité du peuple français. Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt : ce n’est qu’un avatar de référendum.

L’autre incertitude que je souhaite signaler concerne la portée du dispositif. En effet, jamais dans l’histoire de notre pays une pétition n’a atteint le seuil de 4, 5 millions de signatures, soit actuellement 10 % du corps électoral. Par comparaison, le droit de pétition prévu à l’article 11 du traité sur l’Union européenne est subordonné au recueil de 1 million de signatures, dans sept pays au moins. Il est clair que la condition prévue à l’article 11 de la Constitution risque de constituer un obstacle vraiment rédhibitoire ; gardons-nous donc de susciter de fausses joies.

Reste que ce dispositif me semble positif et conforme à l’évolution générale de nos institutions et de notre société. Je voterai donc le projet de loi organique !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous pouvons nous féliciter du travail accompli par la commission des lois pour préciser le dispositif prévu à l’article 11 de la Constitution. En particulier, on ne voyait pas du tout à quoi servirait la commission prévue par le projet de loi organique dans sa rédaction initiale.

Je rappelle que le champ de l’article 11 de la Constitution, limité au départ à l’organisation des pouvoirs publics et aux traités internationaux, a été étendu. Ceux qui ont participé au débat sur cet élargissement se souviennent que le Parlement a fait preuve d’une extrême prudence, justifiée par le souci d’éviter des dérives démagogiques. À l’époque, il est clair que certains voulaient revenir, par cette voie, sur l’abolition de la peine de mort. Aujourd’hui, cette remise en cause ne serait plus possible, puisque la peine de mort est interdite par la Constitution, ainsi que par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Des lois organiques prévues par la révision constitutionnelle de 2008, celle-ci était la dernière à n’avoir pas été soumise au Parlement. Je me réjouis qu’elle le soit aujourd’hui. Cette révision a été beaucoup critiquée, mais qui aujourd’hui s’en plaint ? Qui voudrait revenir sur les nouvelles prérogatives offertes au Parlement ? Personne ! J’observe d’ailleurs que le dispositif dont nous débattons figure au nombre de ces prérogatives nouvelles, puisqu’il relève manifestement de l’initiative du Parlement ; les échotiers peuvent dire ce qu’ils veulent, c’est ainsi que le constituant l’a voulu. Même s’il y a eu des divergences dans tous les groupes – Jean-Pierre Michel a reconnu qu’il y en avait eu jusque dans le sien –, une majorité de députés et de sénateurs ont adopté la nouvelle rédaction de l’article 11 de la Constitution.

En plus de renforcer les pouvoirs du Parlement, la révision de 2008 a ouvert de nouveaux droits aux citoyens. Songez à la question prioritaire de constitutionnalité, si longtemps attendue ! Depuis cette révision, tout citoyen peut aussi saisir le Conseil supérieur de la magistrature. Que les citoyens puissent former des recours contre les lois ou contre des comportements de magistrats, je trouve que c’est un progrès qui grandit plutôt notre démocratie.

La révision de 2008 comporte donc de nombreux aspects positifs. Certains ne l’ont pas votée, mais aujourd’hui personne ne voudrait la remettre en cause !

Quant à la nouvelle révision qu’on nous annonce, permettez-moi d’être réservé. Je ne suis pas sûr qu’on puisse se passer d’un statut pénal du chef de l’État, ni qu’il soit souhaitable de réformer à nouveau le Conseil supérieur de la magistrature. Notez, madame le garde des sceaux, que je ne parle pas du parquet, qui est une question distincte.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous écoute au soupir près !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je ne m’oppose pas à tout par principe. Seulement, la dernière révision constitutionnelle n’est pas si ancienne, et nous l’avons adoptée après réflexion. Il serait un peu paradoxal de changer d’avis aussi vite !

Aujourd’hui, on veut modifier les choses, notamment en supprimant la Cour de justice de la République. Soit, mais sachez que, si le Parlement est saisi d’un projet de loi constitutionnelle, nous n’agirons pas seulement en opposants, mais aussi en protecteurs des autorités publiques. Gardons-nous de la démagogie ! Que le Président de la République puisse être traduit devant n’importe quel tribunal et que les ministres puissent être assignés en justice sans instruction préalable par des hauts magistrats, je considère que c’est dangereux.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Personne ne songe à cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest. Nous verrons bien le projet de loi constitutionnelle, s’il est présenté. Toujours est-il que ne suis pas prêt, sous prétexte de donner des droits aux citoyens et d’écouter les médias en permanence, à affaiblir la République !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Voici le résultat du scrutin n° 104 :

Nombre de votants328Nombre de suffrages exprimés327Majorité absolue des suffrages exprimés164Pour l’adoption327Le Sénat a adopté.

Applaudissements sur de nombreuses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Nous abordons maintenant la discussion du projet de loi portant application de l’article 11 de la Constitution.

Après le livre VI bis du code électoral, il est inséré un livre VI ter ainsi rédigé :

« Livre VI ter

« Dispositions applicables aux opérations organisées en application de l’article 11 de la Constitution

« TITRE I ER

« RECUEIL DES SOUTIENS À UNE PROPOSITION DE LOI RÉFÉRENDAIRE PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L’ARTICLE 11 DE LA CONSTITUTION

« CHAPITRE I ER

« Financement de la campagne de recueil des soutiens

« Art. L. 558-37. – Les dons consentis par une personne physique dûment identifiée pour le financement d’actions tendant à favoriser ou défavoriser le recueil des soutiens à une proposition de loi référendaire présentée en application de l’article 11 de la Constitution ne peuvent excéder 4 600 €.

« À l’exception des partis ou groupements politiques, les personnes morales ne peuvent participer au financement d’actions tendant à favoriser ou défavoriser le recueil des soutiens à une proposition de loi référendaire présentée en application de l’article 11 de la Constitution, ni en consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués.

« Aucun État étranger ou personne morale de droit étranger ne peut participer, directement ou indirectement, au financement de telles actions.

« La violation des trois premiers alinéas du présent article est passible des peines prévues au II de l’article L. 113-1. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 5, présenté par M. Sueur, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

organisées en application de l'article 11 de la Constitution

par le mot :

référendaires

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cet amendement de précision vise à tenir compte du fait que le livre VI ter du code électoral, dont l’article 1er A du projet de loi prévoit la création, comporte un titre II portant sur l’ensemble des référendums nationaux, qu’ils soient organisés en vertu des articles 11, 88-5 ou 89 de la Constitution.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Cet amendement est bienvenu dans la mesure où il rend plus précis l’intitulé du nouveau livre introduit dans le code électoral. Le Gouvernement y est favorable.

L'amendement est adopté.

L'article 1 er A est adopté.

Le titre Ier du livre VI ter du code électoral, tel qu’il résulte de l’article 1er A, est complété par un chapitre II ainsi rédigé :

« CHAPITRE II

« Dispositions pénales

« Art. L. 558-38 . – Le fait, pour une personne participant à la procédure de recueil des soutiens à une proposition de loi référendaire présentée au titre de l’article 11 de la Constitution, d’usurper l’identité d’un électeur inscrit sur la liste électorale ou de tenter de commettre cette usurpation est puni de deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende.

« Art. L. 558-39 . – Le fait, dans le cadre de la même procédure, de soustraire, ajouter ou altérer, de manière frauduleuse, les données collectées par voie électronique ou de tenter de commettre cette soustraction, cet ajout ou cette altération est puni de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende.

« Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende lorsque les faits mentionnés au premier alinéa du présent article sont commis avec violence.

« Art. L. 558-40 . – Le fait, dans le cadre de la même procédure, de déterminer ou tenter de déterminer un électeur à apporter son soutien ou à s’en abstenir à l’aide de menaces, violences, contraintes, abus d’autorité ou abus de pouvoir est puni de deux ans d’emprisonnement et 15 000 € d’amende.

« Art. L. 558-41 . – Le fait, dans le cadre de la même procédure, de proposer, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques afin de déterminer l’électeur à apporter son soutien ou à s’en abstenir est puni de deux ans d’emprisonnement et 15 000 € d’amende.

« Le fait d’agréer ou de solliciter ces mêmes offres, promesses, dons, présents ou avantages quelconques est puni des mêmes peines.

« Art. L. 558-42 . – Le fait, dans le cadre de la même procédure, de reproduire les données collectées par voie électronique à d’autres fins que celles de vérification et de contrôle ou de tenter de commettre cette reproduction est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.

« Art. L. 558-43 . – Les personnes coupables de l’une des infractions prévues au présent chapitre peuvent être également condamnées à :

« 1° L’interdiction des droits civiques suivant les modalités prévues aux 1° et 2° de l’article 131-26 du code pénal ;

« 2° L’affichage ou la diffusion de la décision mentionnés à l’article 131-35 et au 9° de l’article 131-39 du même code. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 2, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait, pour une personne, d’usurper l’identité d’un électeur inscrit sur la liste électorale ou de tenter de commettre cette usurpation, dans le but de se substituer à cette personne dans le cadre d’une proposition de loi référendaire est puni de dix-huit mois d’emprisonnement et 20 000 € d’amende.

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Cet amendement a déjà été longuement débattu en commission, mais je tiens à le défendre de nouveau. Il tend à créer une incrimination spécifique visant toute personne qui signerait à la place d’une autre la déclaration de soutien à une proposition de loi référendaire, que ce soit par écrit ou sur internet.

On me dit que l’article 1er du projet de loi prévoit déjà une telle incrimination. En réalité, dans sa rédaction actuelle, l’article L. 558-38 dont l’insertion est prévue dans le code électoral vise « une personne participant à la procédure de recueil des soutiens ». Or toute personne qui soutient la proposition de loi référendaire ne participe pas nécessairement à la procédure de recueil des soutiens. Au reste, j’observe que les autres articles que l’article 1er du projet de loi ne comportent pas la notion de « personne participant à la procédure de recueil des soutiens », mais celle d’« électeur ».

C’est pourquoi je maintiens fermement qu’il est nécessaire de distinguer l’électeur et la personne participant à la procédure de recueil des soutiens. Si cet amendement n’était pas adopté, le juge pourra conclure que le Sénat a entendu que ces deux notions devaient être comprises comme identiques. Je préférerais toutefois une formulation claire afin d’éviter toute ambiguïté en cas de contentieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame Lipietz, à la fin de votre intervention, vous avez brillamment montré pourquoi votre amendement est satisfait.

Dans cette procédure, il n’existe pas deux catégories de citoyens : les organisateurs du recueil des signatures et les simples participants. Nous ne sommes pas du tout dans le cadre d’élections pour lesquelles des personnes sont nommément chargées de participer au processus électoral.

Le fait d’usurper l’identité d’un électeur dans une procédure d’initiative référendaire sera puni par le nouvel article L. 558-38 du code électoral.

Votre amendement vise à incriminer, par une infraction formellement différente, les mêmes faits pour toute personne. Il recoupe en fait le texte du projet de loi. En effet, l’expression « une personne participant à la procédure de recueil des soutiens » ne renvoie en aucun cas à une catégorie particulière de personnes, puisque le dispositif de recueil des signatures peut être mis en œuvre par tous les citoyens.

Si vous ne retirez pas cet amendement, je serais contraint d’émettre un avis défavorable, au motif qu’il est satisfait.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Madame Lipietz, l’amendement que vous présentez fait référence à deux codes : le code électoral et le code pénal.

L’article 1er du projet de loi vise à introduire dans le code électoral l’incrimination d’usurpation d’identité dans le cadre de la procédure de recueil des soutiens à une proposition de loi référendaire. Cette infraction pourra être punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

Vous proposez une sanction plus légère, alors que, dans le cas particulier d’une usurpation d’identité dans un processus de recueil de soutiens au sein d’une démarche référendaire, il y a non seulement atteinte à la personne victime de cette usurpation, mais aussi à la démocratie. C’est la raison pour laquelle la sanction prévue par le texte est plus lourde.

En revanche, la sanction que vous proposez pour punir l’usurpation d’identité – dix-huit mois d’emprisonnement et 20 000 euros d’amende – est plus sévère que celle qui est prévue dans le code pénal, depuis l’adoption, en 2011, de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, à savoir un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.

À nos yeux, les dispositions prévues à l’article 1er du projet de loi sont suffisantes dans un tel cas de figure.

Le Gouvernement, comme la commission, estime que votre préoccupation est satisfaite. Toutefois, parce qu’il est toujours extrêmement désagréable de ne pas vous être agréable, madame la sénatrice, le Gouvernement, qui préférerait ne pas avoir à émettre un avis défavorable, vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Dans la mesure où les juges pourront désormais se référer à ce débat, je le retire.

L'article 1 er est adopté.

(Supprimé)

Les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre dans le cadre du recueil des soutiens des électeurs prévu à l’article 11 de la Constitution sont autorisés par décret en Conseil d’État pris après avis motivé et publié de la commission ; cet avis est publié avec le décret autorisant le traitement.

Le droit pour toute personne physique de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement est alors écarté. –

Adopté.

(Supprimé)

(Supprimé)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 1 rectifié nonies est présenté par M. Guerriau, Mmes Jouanno et Bruguière, MM. J. Gautier et Milon, Mlle Joissains et MM. de Legge, Deneux, Zocchetto, J. L. Dupont, Leleux et P. Leroy.

L'amendement n° 4 rectifié est présenté par MM. Dantec et Labbé, Mme Bouchoux, M. Placé, Mmes Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Benbassa et Blandin, MM. Desessard et Gattolin et Mme Lipietz.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L’article L. 4122-1-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Un département peut demander, sur proposition d’un cinquième des membres de son assemblée délibérante, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales dans ce département, une modification des limites régionales visant à inclure le département dans le territoire d’une région qui lui est limitrophe. » ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « chacune des deux régions concernées » sont remplacés par les mots : « la région dans laquelle le département a demandé à être inclus » ;

3° À la dernière phrase du troisième alinéa, les mots : « dernière délibération » sont remplacés par le mot : « demande ».

La parole est à M. Dominique de Legge, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié nonies.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Cet amendement n’est pas, à proprement parler, une novation. Il vise simplement à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale, sur l’initiative de MM. de Rugy et Le Fur.

J’entends bien les arguments avancés pour expliquer que cette disposition ne serait pas recevable. Il s’agirait d’un cavalier, comme j’ai pu le lire dans le rapport de M. Sueur. Pourtant, il est expliqué très clairement dans ce même rapport que l’article 11 de la Constitution a trait à l’organisation des pouvoirs publics. Or un référendum permettant à un département de manifester son souhait d’adhérer à une autre région entre bien dans le cadre de l’organisation des pouvoirs publics. Que je sache, les limites départementales et régionales sont par définition du domaine de la loi nationale ! Elles ne relèvent absolument pas de l’article 72-1 de la Constitution. Sur ce point, mon interprétation est donc bien différente de celle de la commission des lois. C’est la raison pour laquelle, avec un certain nombre de collègues, nous souhaitons rétablir la disposition adoptée par l’Assemblée nationale.

Je souhaite également indiquer qu’il ne s’agit pas d’une préoccupation exclusivement bretonne, puisqu’une telle disposition peut concerner et intéresser d’autres départements et d’autres régions. Voilà une quarantaine d’années que la Bretagne « traîne » ce sujet. Il est donc temps de permettre aux populations de s’exprimer sur ce point précis.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Je souhaite en préambule rappeler l’article 45 de la Constitution : « […], tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis. »

Le lien indirect me semble ici manifeste, puisque la procédure proposée par cet amendement est l’application à l’échelle départementale ou régionale des dispositions prévues à l’article 11 de la Constitution, qui, comme vient de le dire M. de Legge, porte sur l’organisation des pouvoirs publics. Or qu’est-ce qui relève plus de l’organisation des pouvoirs publics que le découpage administratif des collectivités territoriales ? On pourrait même considérer que le seul cadre logique pour décliner le lien entre procédure référendaire et découpage administratif ne peut être que celui d’une discussion sur l’article 11 de la Constitution.

Un tel sujet ne ressortit pas de l’article 72-1 de la Constitution, lequel évoque effectivement une procédure référendaire pour les collectivités territoriales, mais sur les sujets qui les concernent, afin de créer un débat au sein de l’assemblée délibérante. Cet article vise en outre à préciser que « la modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi ». Or il s’agit bien, aujourd’hui, de prévoir la loi en question !

De ce fait, il est tout à fait logique que nous ayons cette discussion ce matin. Il existe en effet une lisibilité politique évidente à décliner les dispositions prévues à l’article 11 de la Constitution au regard des différentes questions relatives à l’organisation des pouvoirs publics, même si celles-ci relèvent du niveau des collectivités territoriales.

Pour l’ensemble de ces raisons, cet amendement ne constitue absolument pas un cavalier. D’ailleurs, l’Assemblée nationale, qui en a beaucoup débattu, n’a absolument pas considéré que tel était le cas. Il est d’ailleurs un peu cavalier d’avoir recours à ce genre d’argument !

Pour ma part, j’ai l’impression qu’un tel débat suscite toujours des craintes et que l’on cherche donc à l’éviter. Pourtant, cela fait des décennies qu’il a lieu dans un certain nombre de départements, au premier rang desquels figure la Loire-Atlantique. À un moment donné, alors que la question excède les clivages politiques, il faudra bien mettre en place un processus démocratique. Ce débat devra déboucher sur une véritable consultation.

L’occasion se présente aujourd’hui. Notre décision est d’ailleurs extrêmement attendue. Nous sommes ici pour envoyer un signal démocratique, pour ouvrir un véritable débat. Malgré tout, il ne s’agit que du début d’un processus ! Les uns et les autres pourront s’exprimer, qu’ils soient pour ou contre.

Ne ratons pas l’opportunité qui nous est offerte. N’envoyons surtout pas un signal négatif en verrouillant le débat le jour où, justement, nous discutons, avec ces textes portant application de l’article 11 de la Constitution, de l’instauration d’un peu plus de démocratie participative en France.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

pour la région Bretagne, la région Pays-de-la-Loire et les départements qui les composent. Elle n’a aucune hostilité non plus à l’égard d’une procédure telle que celle que vous envisagez.

Si je dis cela, c’est pour expliquer que c’est un problème non pas d’ordre politique, mais de nature juridique qui a conduit la commission des lois à émettre unanimement l’avis que j’ai l’honneur de vous présenter.

Premièrement, le projet de loi porte uniquement sur l’article 11 de la Constitution. Or le référendum d’initiative locale relève de l’article 72-1, alinéa 2, de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Deuxièmement, les dispositions de l’article 11 de la Constitution dont nous débattons instaurent un référendum d’origine partagée, impliquant à la fois le Parlement et un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Ces mesures ne concernent pas une procédure limitée aux citoyens d’une collectivité locale et à leur assemblée délibérante. Le Parlement n’est donc nullement concerné par les amendements que vous proposez.

Si un amendement similaire a bien été adopté par l’Assemblée nationale, le gouvernement de l’époque et le rapporteur de la commission des lois s’y étaient opposés, uniquement pour des raisons de droit. Mais le droit est important dans une assemblée parlementaire !

Enfin, je vous fais observer que les amendements tels qu’ils sont rédigés ne relèvent pas de l’article 72-1 de la Constitution, qui vise le référendum local. Vous proposez pour votre part une consultation, qui n’emporte pas décision, mais permet simplement de donner un avis.

Afin de ne pas conclure mon propos sur une note négative – propos que je n’ai pas non plus entamé négativement –, et après avoir accompli mon office, je voudrais vous faire une suggestion. Cette question de la consultation des populations sur un enjeu local ou régional est importante, et je ne la mésestime pas, mais elle relève de la loi ordinaire. À cet égard, deux occasions s’offriront à vous pour présenter une nouvelle fois ces amendements : la première, dans quelques jours, avec l’examen du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux et municipaux et des délégués communautaires et modifiant le calendrier électoral ; la seconde, avec l’examen du futur projet de loi portant décentralisation et réforme de l’action publique.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

M. le rapporteur a été quasi exhaustif dans ses explications, que le Gouvernement partage.

Cela étant, je comprends l'impatience que manifestent certains à pouvoir mettre en place ces procédures de consultation. Un certain nombre de territoires, pour ne pas dire la presque totalité d’entre eux, expriment leur vitalité notamment par une réflexion continue, constante, sur les contours géographiques des différentes entités qui les composent. Le Gouvernement l’entend, mais il considère que ce projet de loi n’est pas le bon support législatif.

Je m'interdis toujours de qualifier un amendement de cavalier législatif. Je trouve cet argument d'autorité déplaisant. Mon expérience de parlementaire m'a enseigné que, souvent, ces amendements permettent de jeter les bases de débats qui conduisent, quelque temps après, à un changement de politiques publiques, soit par le recours à un véhicule législatif plus adapté, soit par l’instauration de dispositions réglementaires. De fait, ces initiatives parlementaires ne sont jamais inutiles.

Même si ces amendements sont pertinents, je rejoins la suggestion du rapporteur de la commission des lois : des occasions se présenteront assez rapidement pour un nouvel examen de ces amendements, en particulier le futur projet de loi que vous soumettra Marylise Lebranchu. Je ne doute pas qu’une rédaction de grande qualité permettra au Sénat, puis à l’Assemblée nationale d’aboutir.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable, même si, je le répète, votre revendication est tout à fait pertinente. Je ne doute pas que, grâce à votre pugnacité, elle trouve prochainement une traduction législative.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je ne suis pas totalement convaincu par les explications de M. le rapporteur et de Mme le garde des sceaux, même si j’ai bien entendu leur argumentation juridique.

Nous discutons d'une disposition introduite à l'Assemblée nationale, grâce à la conjonction de voix émanant de l’ensemble des groupes politiques – c’est suffisamment rare pour le souligner –, de l'UMP aux socialistes, en passant par les centristes, les Verts et même peut-être les communistes. C’est la preuve que ce sujet transcende les clivages politiques traditionnels.

Ces amendements, qui visent à rétablir l’article 3 ter dans sa rédaction initiale, après sa suppression par la commission des lois de la Haute Assemblée, n’ont d’autre objet que de permettre une respiration démocratique, une expression populaire, en autorisant l’organisation d’un référendum sur un projet de rattachement d’un département à une région.

Je le disais, cette question transcende les clivages partisans et divise même les partis politiques. Or un référendum, une mobilisation citoyenne, peut justement contribuer au règlement de questions qui ne peuvent être tranchées par les partis politiques ou par les groupes politiques siégeant dans les différentes assemblées tout simplement parce qu'ils sont dans l’impossibilité d’y apporter une réponse homogène. Mes chers collègues, donner la parole aux citoyens sur ces sujets me paraît être une excellente chose.

Les présents amendements, soyons clairs, visent à offrir un cadre sans préjuger le résultat.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Il s'agit de permettre l'expression populaire. C'est pourquoi leurs auteurs proposent une procédure en deux temps : solliciter l’avis du département concerné, puis celui de la région d'accueil.

S'agissant du cas spécifique de la Loire-Atlantique et de la Bretagne, qui a inspiré les auteurs de ces amendements, il faut savoir, d’une part, que le conseil général de ce département a déjà, à plusieurs reprises, manifesté son souhait d'aller dans cette direction et, d’autre part, que la région d'accueil s'est exprimée à plusieurs reprises dans le même sens, que ce soit sous la présidence de Josselin de Rohan ou sous celle de Jean-Yves Le Drian. Ces données sont connues et parfaitement claires.

Aujourd'hui, nous avons l’occasion de permettre cette consultation, cette respiration démocratique à laquelle nous aspirons. J’y insiste, ces amendements ont pour seul objet de permettre l’organisation d’une consultation référendaire, sachant qu’il reviendra aux habitants de ces collectivités de se prononcer in fine, selon une procédure bien encadrée, telle qu’elle est prévue par le projet de loi.

Pour l’ensemble de ces raisons, je voterai ces amendements.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Nous sommes là au cœur du débat que nous avons eu ce matin. De quoi s'agit-il ? Il s'agit tout simplement de donner la possibilité – je dis bien « la possibilité » – à un département de choisir sa région d'appartenance sans que sa région d'origine puisse s'y opposer. Cette disposition, si elle était votée, permettrait, par exemple, d'organiser un référendum en Loire-Atlantique et dans les quatre autres départements bretons pour décider si, oui ou non, ce département doit rejoindre la Bretagne.

En votant ces amendements, nous ouvrirons la porte au débat – et uniquement au débat – sur une revendication historique, en particulier de la gauche bretonne, à savoir la reconstitution de la Bretagne historique.

Il faut le reconnaître, ce débat transcende les clivages politiques.

L'article 3 ter du texte initial a été supprimé au motif qu'il s'agirait d'un cavalier législatif, c'est-à-dire d’une disposition sans lien direct avec le projet de loi. Ronan Dantec, François Marc et Dominique de Legge ont parfaitement expliqué pourquoi il n’en était rien. Il me semble au contraire que nous sommes au cœur du sujet puisqu'il s'agit de renforcer la démocratie locale et de traiter de l'organisation des pouvoirs publics. En cela, le rétablissement de l'article 3 ter constituerait une avancée institutionnelle majeure.

Il serait paradoxal que la Haute Assemblée et sa majorité bloquent un processus pleinement démocratique, d'autant que personne ne peut nier l'identité culturelle et les convergences économiques indéniables entre certains départements et certaines régions.

Dans les départements bretons, mais également en Loire-Atlantique, nombre d'élus de tendances politiques différentes, nombre d'habitants attendent le rétablissement de cet article. Je les comprends, je les soutiens, car nous sommes au cœur même de la décentralisation au sens noble du terme ; nous sommes aussi au cœur même du débat sur les langues et les cultures régionales.

Aussi, en cohérence avec les positions que j'ai toujours défendues, tant à Paris que chez moi, dans les Côtes-d'Armor, en pleine cohérence avec les vœux de nombre de collectivités en Bretagne et les motions qu’elles ont adoptées, en premier lieu par son conseil régional, présidé à l'époque par Jean-Yves Le Drian, en pleine cohérence également avec la position défendue par nos collègues députés bretons, je voterai ces amendements.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Depuis plusieurs décennies, les régions sont désormais des collectivités de plein exercice et l'on sait tout ce que nous devons aux lois de décentralisation, dont les premières ont été votées voilà plus de trente ans.

Alors même que nous allons passer à son acte III, la décentralisation ne soulève plus aucune question dans nos assemblées, si tant est qu'elle en ait soulevé ces dernières années. Il n’en allait pas de même au départ.

En revanche, la question de l'organisation territoriale des régions n'a jamais été sérieusement posée en dépit des interrogations qui se sont fait jour, en divers lieux, à ce sujet.

Dans nos assemblées, comme je l’ai dit à l’instant, nous attendons l’acte III de la décentralisation. La démocratie territoriale est une démocratie vivante, une démocratie réelle, une démocratie indispensable, qui doit être confortée par des initiatives. À cet égard, même si c’est un sujet que je connais moins bien, observons ce qui se passe en Alsace.

Sur l'initiative des trois assemblées locales et, sans doute, de la population également, une consultation sera organisée sur la réorganisation territoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Cette idée est intéressante. Or refuser ce type d’initiative, c’est dénier aux collectivités le droit d’exprimer leur volonté en faveur de telle ou telle évolution.

Sur le territoire de la République, les citoyens et les assemblées élues, s’ils en manifestent le souhait, doivent pouvoir être à l’origine d'avancées, et même en prendre l’initiative. En l’espèce, il est exact que les assemblées et un certain nombre d’associations bretonnes ont pris des initiatives qui font débat ce matin dans cet hémicycle.

À titre personnel, je me rallie pleinement à ces deux amendements, que je voterai avec enthousiasme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je peux partager l'enthousiasme de nos collègues dans la défense de leur belle région et dans leur volonté de reconstituer la Bretagne historique. En revanche, je partage beaucoup moins leur enthousiasme s’agissant de la procédure qu’ils proposent. Ce n'est pas parce qu’elle est le fruit des travaux de l'Assemblée nationale qu’elle est parfaite. Si tel était toujours le cas, cela se saurait ! Il arrive parfois, surtout dans ce domaine, que le Sénat soit contraint de corriger profondément les textes votés par nos collègues députés.

Sans vouloir rouvrir le débat, je tiens quand même à dire que ces amendements ne trouvent absolument pas leur place dans le projet de loi que nous examinons aujourd’hui et ne s’inscrivent aucunement dans le cadre de l'article 11 de la Constitution, même indirectement. Si le Conseil constitutionnel devait se prononcer sur cet article, je peux vous garantir qu'il le censurerait.

La loi prévoit déjà la possibilité d’organiser des référendums d'initiative locale. Mon cher collègue, vous évoquez le cas de l'Alsace, mais, en l’occurrence, c’est la population qui sera consultée après que les collectivités se sont prononcées. Or la procédure proposée par les auteurs de ces deux amendements est assez curieuse puisqu’ils copient la procédure prévue à l'article 11 de la Constitution : celle-ci est enclenchée sur proposition d’un cinquième des membres de l’assemblée délibérante, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales du département.

Pardonnez-moi, mais cette procédure n'est pas claire. D'ailleurs, ce texte est incomplet et vous n'allez pas jusqu'au bout, car il faudrait instituer un processus totalement spécifique.

Ces deux amendements reprennent strictement la rédaction de l’article 3 ter tel que l’a voté l'Assemblée nationale pour assurer un vote conforme. Si vous aviez un tout petit peu réfléchi, vous y auriez apporté quelques modifications. Les dispositions qui y sont visées seront inapplicables. Personnellement, je ne m’y résous pas, même si une majorité – qui plus est une majorité du jeudi matin §– vote ces deux amendements.

Je ne prétends pas qu’il ne soit jamais arrivé que, certains jeudis matins, des groupes n’aient pas été aussi bien représentés pour examiner des textes présentés par la commission des lois. Il y a des majorités de rencontre, dont acte. Je ne suis pas persuadé que cela suffise à faire de bonnes lois.

J’ai encore la faiblesse de penser que nous votons non pas pour faire plaisir à certains, mais pour faire des lois qui puissent s’appliquer. C'est pourquoi je ne voterai pas le rétablissement de l’article 3 ter dans la rédaction qui nous est proposée par les amendements n° 1 rectifié nonies et 4 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

J’éprouve, comme nombre d’entre vous sur diverses travées de cet hémicycle, une certaine sympathie pour ces amendements.

La loi du 16 décembre 2010 prévoit la possibilité de procéder à des regroupements de régions, après consultation des électeurs concernés. Mais aucun dispositif ne permet de modifier le rattachement d’un département à une région, afin de mieux faire correspondre les limites régionales avec la réalité historique, culturelle, voire économique d’aujourd'hui. Or, nous le savons, nos régions ont été découpées en fonction de critères qui relèvent davantage d’une réflexion d’ordre administratif que de la reconnaissance de la réalité des grandes provinces régionales que l’histoire nous a léguées.

Nous devons, me semble-t-il, introduire plus de démocratie locale, reconnaître le droit de nos concitoyens de décider eux-mêmes à quelle région leur département doit être rattaché. Néanmoins, les arguments juridiques et de procédure avancés tant par le rapporteur que par Jean-Jacques Hyest sont malheureusement insurmontables. Si d’aventure nous les ignorions, le Conseil constitutionnel saurait nous les rappeler et nous les imposer, ce qui est toujours désagréable pour une assemblée censée respecter les dispositions juridiques qui s’appliquent à la délibération législative.

Madame le garde des sceaux, j’ai été très sensible au fait que le Gouvernement se montre compréhensif face à une certaine impatience, ce qui va sans doute droit au cœur des auteurs de ces amendements et de ceux qui les soutiennent.

Vous avez également indiqué que cette revendication vous paraissait pertinente. Nous saurons rappeler ces propos, qui engagent tout le Gouvernement, à M. le ministre de l’intérieur ou à Mme la ministre chargée de la décentralisation, quand viendra le moment d’adopter des dispositions pour lesquelles je vous sais par avance favorable, pourvu, naturellement, que la discussion permette d’en régler exactement la rédaction.

Compte tenu de cet engagement du Gouvernement – le mot ne me paraît pas trop fort – je m’abstiendrai lors du vote de ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Je reconnais le caractère immodeste de mon intervention alors que tout le monde ici salue la qualité du travail du rapporteur de la commission des lois.

Permettez-moi simplement de rappeler les termes d’une partie de l’alinéa 3 de l’article 72-1 de la Constitution : « La modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi. » Si le Sénat ne précisait pas la loi, alors qu’il en a la possibilité ce matin, ce serait une véritable occasion manquée.

Ces amendements visent simplement à modifier l’article L. 4122-1-1 du code général des collectivités territoriales, qui a déjà été modifié à plusieurs reprises par des lois ordinaires. Ils s’inscrivent tout à fait dans l’esprit de l’article 72-1 et présentent un lien indirect avec l’article 11 de la Constitution. Il ne s’agit donc pas de cavaliers.

D’aucuns m’opposent que le Conseil constitutionnel pourrait censurer cette disposition. Eh bien, chiche ! Votons les amendements, et si le Conseil constitutionnel retoque l’article 3 ter, ses considérants nous donneront les éléments nécessaires pour réécrire un texte. Ainsi, nous gagnerons du temps et conforterons l’efficacité de l’action publique. Reste que si le Conseil constitutionnel nous sanctionne, il appartiendra au Gouvernement de proposer une nouvelle rédaction dans un futur projet de loi.

En tout état de cause, c’est aujourd’hui que nous devons donner ce signal politique. En dépit de nos désaccords, il y a de la place pour cette lecture juridique. Si nous voulons que le Conseil constitutionnel donne son avis, encore faut-il voter les amendements.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste . – M. Ronan Kerdraon applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

En ma qualité de membre de la commission des lois, je reconnais que les arguments de droit avancés par le rapporteur sont imparables.

S’il faut modifier la loi, faisons-le dans un autre cadre. Ici, nous sommes face à une question de dimension nationale et non pas uniquement locale.

En commission des lois, j’avais éprouvé une certaine sympathie pour ces amendements, mais l’éventualité d’une reconstitution de la Bretagne historique me fait un peu froid dans le dos. Mon père fut député breton pendant vingt-six ans, il est donc bien évident que j’aime beaucoup cette région. Mais je ne peux m’empêcher de penser au reste de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Mes chers collègues, je suis favorable à une certaine souplesse, mais je ne peux accepter que le choix d’un département nuise à d’autres territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Aujourd’hui, Nantes est chef-lieu de région. Si la Loire-Atlantique rejoint la Bretagne, d’autres départements seront laissés en déshérence. Il ne faut pas l’oublier.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Oui à la souplesse, oui à l’aménagement de ce qui n’existe pas encore de façon claire dans l’article 72-1 de la Constitution, mais pas d’une manière incohérente, uniquement pour satisfaire le choix de quelques-uns !

Il faut veiller au respect de la cohérence nationale. L’important, plus que la décentralisation, plus que le choix des régions et des collectivités, c’est le sort de la France !

MM. Jacques Mézard et Jean-Claude Peyronnet applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

À l’évidence, ces amendements présentent tous les atouts de la séduction.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Pour autant, je ne les voterai pas, car leur adoption pourrait avoir un effet pervers.

Élu des Hautes-Pyrénées, département qui n’est pas l’un des plus riches de France, je me demande quel plaisir nous pourrions trouver à abandonner la région Midi-Pyrénées pour être rattachés à la région PACA, par exemple.

Mes chers collègues, quelle que soit la sympathie que j’éprouve pour les Bretons, les Basques, les Catalans, je place la République au-dessus de tout. Or, en adoptant ces amendements, nous nous exposerions au mitage de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Dans la période difficile que nous connaissons, s’il est une notion qui résiste, c’est bien celle de République. Nous ne pouvons pas nous offrir le luxe d’affaiblir un temps soit peu l’unité républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. René Garrec, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René Garrec

En tant que Breton, je suis, vous le comprendrez, très concerné par tout ce qui vient d’être dit.

D’ailleurs, j’ai failli être francisé, en quelque sorte. Voilà maintenant bien longtemps, en effet, lorsque vous vous appeliez Garrec, on vous proposait, lorsque vous alliez à la mairie déclarer la naissance d’un enfant, de modifier votre nom en « Le Garrec », suggérant que ce patronyme s’apparentait à un titre de noblesse. De là à considérer que cela améliorait l’espèce…

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de René Garrec

Le Conseil d’État s’en est mêlé en 1872, en permettant à tous les « Le Garrec » qui avaient accepté la proposition du secrétaire de mairie – le plus souvent l’instituteur, qui bien entendu parlait français couramment et qui était Français la plupart du temps, en tout cas pour les Bretons du coin – de retirer la « particule » qui avait été adjointe à leur nom.

Ma famille n’a pas été concernée, car mes ancêtres parlaient tous couramment breton. Pour ma part, comme on m’a interdit l’usage de cette langue à l’école, je le parle assez mal, exception faite de quelques jurons et du vocabulaire relatif à la chasse et à la pêche.

Nouveaux rires.

Debut de section - PermalienPhoto de René Garrec

Cela me rappelle une autre anecdote. Lorsque j’ai intégré le deuxième régiment d’infanterie de marine, basé en Algérie, l’adjudant placé sous mes ordres s’est présenté à moi en se mettant au garde à vous et en me disant : « Bignard, second royal breton. » Cela a fait « tilt ». « Comment ? », lui ai-je demandé. Il m’a répondu : « Mercenaire breton au service de la France. » J’ai tout d’abord pensé que c’était de l’humour de sa part. On m’a précisé que non, qu’il s’agissait plutôt d’un excès de Pernod, mais les deux peuvent se confondre.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de René Garrec

Plus sérieusement, et je me tourne vers mes collègues bretons, je comprends bien les problèmes liés à l’identité régionale. Nous savons bien pourquoi le découpage des régions par Michel Debré a cassé les anciennes provinces royales. Le cas de la Bretagne est un peu particulier. C’est une grande presqu’île et, d’un point de vue économique, Nantes en fait partie, ce qui paraît homogène.

Mes chers collègues bretons, lorsque vous présenterez un nouveau texte, je le voterai sans aucune hésitation parce qu’il y a là une vraie logique. De même, je considère que la Normandie, qui est aujourd’hui coupée en deux, pourra être réunie le jour où un grand projet, relier Paris à la mer par exemple, associera de nouveau les deux régions actuelles, qui agissent chacune de leur côté.

C’est un autre problème. Il mérite d’être traité, mais avec un autre texte. Pour l’heure, en qualité de membre de la commission des lois, je suivrai mon président et je ne voterai pas les propositions de mes amis bretons, en dépit d’une petite tristesse au fond du cœur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

J’ai demandé, au nom de mon groupe, un scrutin public sur ces amendements, non parce que je suis insensible aux arguments qui ont été présentés pour les défendre, non parce que je considère que les frontières administratives sont intangibles, mais parce que leur modification – je partage les observations du rapporteur et de notre collègue Jean-Jacques Hyest – doit se faire autrement. Une modification des frontières administratives suppose une réflexion du Gouvernement avec les élus des territoires concernés, dans une approche globale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Lorsque j’ai entendu parler du rétablissement de la Bretagne historique, la sympathie première que m’inspiraient ces amendements s’est immédiatement évaporée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Pourquoi ne pas aussi restaurer la monarchie ?

Exclamations sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Certes ! En héritiers des fondateurs de la République, nous considérons que cette façon de procéder n’est bonne ni pour la République ni pour les idées de ceux qui souhaitent modifier les frontières administratives. Cela ressemble plus à une embuscade médiatique qu’à une réforme législative.

MM. Christian Cointat et Ambroise Dupont applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Personnellement, je trouve assez distrayant que nous débattions d’un sujet un peu différent, après ce consensus mou sur un projet de loi organique dont chacun sait parfaitement qu’il ne sera appliqué par personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Au moins, cette question intéresse les gens dans la vraie vie.

Je partage totalement l’analyse de Jean-Jacques Hyest : cette disposition est inconstitutionnelle et ces amendements sont des cavaliers. Pourtant, bien qu’étant professeur de droit constitutionnel, je les voterai

Applaudissements sur plusieurs travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il n’y aura pas de navette si l’article 3 ter est adopté conforme !

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

De toute façon, le projet de loi sera au moins examiné en commission mixte paritaire dans la mesure où il n’a pas été voté dans les mêmes termes au sein des deux assemblées.

L’adoption de ces amendements identiques obligerait le législateur et le Gouvernement à s’interroger. En effet, la bonne procédure consiste à s’appuyer sur l’article 72-1, alinéa 3, de la Constitution : le législateur consulte les populations, et pour être certains qu’il le fasse, nous devons lui montrer que c’est important en votant ces amendements.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je suis non pas bretonne, mais séquano-dionysienne. Reste que je comprends parfaitement le souci des auteurs de ces amendements, même si, comme d’autres ici, je suis très attachée à l’indivisibilité de notre République.

Pour aussi sympathiques que soit cette disposition, elle mériterait sans doute d’être examinée dans le cadre d’un autre texte, par exemple lors du débat sur l’acte III de la décentralisation, comme l’a indiqué Mme la garde des sceaux.

Quoi qu’il en soit, ce débat montre, je l’ai dit lors de la discussion générale, que le présent texte a en quelque sorte été examiné en catimini. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous ne participerons pas au vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Je remercie tous ceux qui ont soutenu l’amendement que j’ai présenté ou qui l’ont trouvé sympathique. En fait, il est plus que cela : il est porteur d’une espérance !

J’ai été frappé, lors de la discussion générale et en écoutant les interventions précédentes, que beaucoup aient expliqué que l’article 11 de la Constitution n’aurait finalement pas tellement d’occasions de s’appliquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Par conséquent, je m’étonne que cet amendement, qui donnera corps à cet article…

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

… en permettant cette expression populaire, puisse être considéré par certains comme dangereux.

Je souligne une fois de plus que l’article 11 porte bien sur l’organisation des pouvoirs publics. Par conséquent, cet amendement est tout à fait recevable.

J’ai entendu ce qu’a dit Mme la garde des sceaux au nom du Gouvernement, et je l’en remercie, mais, pour ma part, je préfère tenir que courir. Pourquoi reporter à demain ce qui peut être fait aujourd’hui ? Sans compter que, ce qui l’emportera sans doute lors du scrutin public, ce sera moins le débat d’aujourd’hui que d’autres logiques, y compris pour le groupe UMP.

Madame la garde des sceaux, je peux vous citer les déclarations d’un certain nombre de Bretons éminents, à commencer par Jean-Yves Le Drian et Marylise Lebranchu, ministres de ce gouvernement, sur cette question, et je souhaite qu’elles leur soient rappelées.

La situation est claire : le conseil régional s’est prononcé favorablement à l’unanimité sur cette question. Il reste maintenant à organiser une consultation des habitants. C’est à l’État qu’il appartient de décider s’il veut ou non engager cette consultation. Le Gouvernement a eu aujourd’hui l’occasion de faire connaître sa position en la matière. J’ai entendu qu’il fallait attendre un autre texte. Nous ne manquerons pas de rappeler à ce moment-là l’engagement que vous avez pris aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Ne réduisons pas le débat à une opposition entre la Bretagne historique et la République jacobine. Tel n’est pas le sujet !

La question qui se pose aujourd’hui, Hugues Portelli l’a bien dit, est de savoir quel type de démocratie nous voulons : une démocratie exclusivement représentative ou une démocratie qui admet un peu d’expression directe ? Voyez ce qui s’est passé le week-end dernier dans un pays voisin ! Cela devrait nous inciter à évoluer.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

La démocratie représentative est en crise en Europe. Continuons comme nous le faisons aujourd’hui et nous aurons des résultats comme ceux que nous observons chez nos voisins. Personnellement, je ne le souhaite pas. Si nous voulons conforter notre système de démocratie représentative, donc le rôle des parlementaires, nous devons admettre qu’une expression directe puisse s’exprimer de façon évidemment encadrée.

Je trouve paradoxal que ceux – nombreux – qui sont favorables au projet de loi réduisent finalement ce texte à peu de choses en disant que cette procédure existe mais qu’il ne faut surtout pas l’utiliser.

J’appartiens à un département qui a été rattaché quasiment de force, disons-le, à la région des Pays-de-la Loire. Même si ce n’est pas le sujet qui nous occupe ce matin, je ne peux manquer de vous livrer mon expérience.

Le conseil général, qui avait été consulté, avait souhaité le rattachement à une autre région, en l’occurrence la Bretagne. À l’époque, malheureusement, on ne pouvait pas demander l’avis de la population. Je dis bien « malheureusement », car, depuis des années, nous subissons cette situation. Dans la mesure où un seul département est concerné, cela ne met pas notre pays en danger, mais c’est un exemple de contrainte qui ne doit pas pouvoir être encouragé.

L’argument juridique avancé par les grands spécialistes qui se sont exprimés tout à l’heure est à prendre en considération, car nous sommes dans un État de droit, mais je note une divergence d’interprétation entre nous. Il appartiendra donc au Conseil constitutionnel de trancher.

En dépit de ce doute juridique, je suis prêt à passer outre aujourd’hui, car se manifeste vraiment une volonté d’expression directe, qui ne préjuge pas du tout le résultat de la consultation. Il est nécessaire de faire respirer notre démocratie représentative. C’est la raison pour laquelle j’ai cosigné l’amendement qui a été présenté par Dominique de Legge.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste . – MM. Dominique de Legge et Hugues Portelli applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je mets aux voix les amendements identiques n° 1 rectifié nonies et 4 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Voici le résultat du scrutin n° 105 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Le livre VI ter du code électoral, tel qu’il résulte de l’article 1er A, est complété par un titre II ainsi rédigé :

« TITRE II

« ORGANISATION DU RÉFÉRENDUM

« CHAPITRE I ER

« Dispositions générales

« Art. L. 558-44 . – Le corps électoral, appelé à se prononcer sur le projet ou la proposition de loi soumis au référendum, décide à la majorité des suffrages exprimés.

« Art. L. 558-45. – Il est mis à la disposition des électeurs deux bulletins de vote imprimés sur papier blanc dont l’un porte la réponse oui et l’autre la réponse non.

« Art. L. 558-46. – Les dispositions suivantes sont applicables aux consultations régies par le présent titre :

« 1° Les chapitres Ier, II, V, VI et VII du titre Ier du Livre Ier, à l’exception des articles L. 52-3, L. 56, L. 57, L. 65 (troisième et dernier alinéas), L. 85-1, L. 88-1, L. 95 et L. 113-1 (1° à 5° des I et II) ;

« 2° Les articles L. 386 et L. 390-1 ;

« 3° Les articles L. 451, L. 477, L. 504 et L. 531.

« Pour l’application de ces dispositions, il y a lieu de lire : parti ou groupement habilité à participer à la campagne au lieu de : candidat ou liste de candidats.

« CHAPITRE II

« Recensement des votes

« Art. L. 558-47. – Dans chaque département, en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte, en Polynésie française, à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les îles Wallis et Futuna, il est institué une commission de recensement siégeant au chef-lieu et comprenant trois magistrats, dont son président, désignés par le premier président de la cour d’appel ou, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, par le président du tribunal supérieur d’appel.

« Aux îles Wallis et Futuna, le président de la juridiction d’appel peut, si le nombre des magistrats du siège est insuffisant, désigner, sur proposition du représentant de l’État, des fonctionnaires en qualité de membres de la commission prévue au premier alinéa du présent article.

« Art. L. 558-48. – La commission de recensement est chargée :

« - de recenser les résultats constatés au niveau de chaque commune,

« - de trancher les questions que peut poser, en dehors de toute réclamation, le décompte des bulletins et de procéder aux rectifications nécessaires, sans préjudice du pouvoir d’appréciation du Conseil constitutionnel.

« Art. L. 558-49. – Au plus tard le lendemain du scrutin, à minuit, la commission de recensement adresse au Conseil constitutionnel les résultats du recensement et le procès-verbal auquel sont joints, le cas échéant, les procès-verbaux portant mention des réclamations des électeurs.

« Le recensement général des votes est effectué par le Conseil constitutionnel. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 6, présenté par M. Sueur, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 15

Remplacer les mots :

en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte, en Polynésie française, à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les îles Wallis et Futuna

par les mots :

chaque collectivité d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie

II. – Alinéa 16

Après les mots :

Aux îles Wallis et Futuna,

insérer les mots :

à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin,

III. – Alinéa 18

Compléter cet alinéa par les mots :

et, aux îles Wallis et Futuna, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, au niveau de la collectivité d'outre-mer

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cet amendement vise à instituer une commission de recensement dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin et à étendre à ces deux collectivités la faculté ouverte pour Wallis-et-Futuna de désigner des fonctionnaires comme membres de la commission de recensement du fait de l'éloignement de la juridiction d'appel.

Il tend en outre à prévoir un recensement des résultats au niveau, non pas de la commune, mais de la collectivité d'outre-mer pour Wallis-et-Futuna, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, qui ne connaissent pas de découpage communal sur leur territoire.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le Gouvernement émet un avis favorable, puisque cet amendement tient compte de la diversité des organisations territoriales dans les outre-mer et améliore la mise en œuvre des référendums dans ces territoires.

L'amendement est adopté.

L'article 3 quater est adopté.

La présente loi entre en vigueur le même jour que la loi organique n° … du … portant application de l’article 11 de la Constitution.

La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.