juillet 2008, le principe du référendum d’initiative partagée avec le peuple ayant connu une gestation longue et progressive pendant plus de vingt ans.
On se souvient en effet des propositions formulées par le doyen Vedel en 1992, lesquelles n’avaient pu trouver à l’époque de traduction juridique, ou encore du travail du comité Balladur, qui avait également abordé cette question.
C’est certainement grâce à ce long travail de maturation que nous sommes aujourd’hui en mesure de donner tout son relief à l’extension – relative – du référendum, même si, comme cela a déjà été dit, sa mise en œuvre ne sera pas chose aisée.
Avant l’avènement de la Ve République, seuls les représentants élus du peuple pouvaient se faire l’expression de la volonté générale en votant la loi. Le référendum rappelait évidemment trop l’usage plébiscitaire qu’en avaient fait les deux empereurs Napoléon Ier et Napoléon III.
La Ve République a donné une place au peuple dans la procédure législative par le moyen du référendum. Il s’agit toujours d’une prérogative de l’exécutif : prérogative propre du Président de la République selon les dispositions de l’article 11 et de l’article 19 de la Constitution, prérogative partagée selon les dispositions de l’article 89 lorsqu’il s’agit de réviser la Constitution.
Nos concitoyens ont une place éminente puisque le Conseil constitutionnel a estimé, dans sa décision de novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République, que l’adoption d’un projet de loi par le peuple à l’occasion d’un référendum valait expression directe du pouvoir constituant originaire.
Cette place doit néanmoins être relativisée.
L’originalité référendaire de notre Constitution a des causes historiques bien identifiées. Le constituant de 1958 a souhaité laisser à l’exécutif les moyens suffisants pour agir et pour légiférer en dépit de l’opposition du Parlement. Le mécanisme du référendum relevait donc du parlementarisme rationalisé puisque le Président de la République pouvait ainsi consulter directement le peuple, le cas échéant contre ses représentants et par-dessus l’opposition des assemblées parlementaires. Cela n’a pas toujours été couronné de succès, on le sait. Le peuple était d’une certaine manière l’organe constitutionnel suprême pour résoudre les litiges institutionnels qui pouvaient survenir entre les assemblées et le Gouvernement.
Mais les citoyens ont toujours été passifs dans une telle conception de l’association du peuple à la procédure législative.
Notre collègue Jean-Pierre Sueur a très justement pointé dans son rapport que le référendum d’initiative populaire porte bien maladroitement son nom puisqu’il s’agit en réalité d’un référendum d’initiative parlementaire, appuyé par le soutien populaire. Plusieurs orateurs l’ont également rappelé.
La nouvelle rédaction de l’article 11 permet au Parlement de disposer des moyens d’imposer au Gouvernement son agenda, quitte à conduire le Président de la République à organiser un référendum.
Une telle opération, lancée sur l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, pourrait donc constituer un moyen à la disposition des groupes minoritaires ou des groupes d’opposition reconnus par l’article 51-1 de la Constitution, également introduit par la révision constitutionnelle de 2008, dans la lignée de la révision de 1974, laquelle a étendu le droit de saisine du Conseil constitutionnel à soixante députés ou soixante sénateurs. Le référendum peut donc désormais constituer un moyen supplémentaire pour l’opposition politique d’invoquer la volonté du peuple face à la résistance du pouvoir en place.
Comme nombre d’entre nous, j’ai cependant quelques doutes quant à l’applicabilité réelle de ce dispositif. On l’a dit, la procédure prévue est particulièrement lourde et contraignante. Une proposition de loi devra d’abord être rédigée et soutenue par près de 180 parlementaires. Ce ne sera pas le plus difficile ! Une large mobilisation de la population devra ensuite être organisée afin d’obtenir les quelque 4, 5 millions de signatures nécessaires, ce qui sera certainement plus compliqué. Enfin, il faudra que le texte satisfasse aux différents contrôles de recevabilité du Conseil constitutionnel, qu’il soit inscrit à l’ordre du jour des assemblées, ou, à défaut, que le Président de la République organise un référendum pour soumettre cette proposition de loi au vote des citoyens.
Chaque étape de cette procédure, on le constate, agit comme un filtre puissant qui, de fait, devrait grandement limiter l’applicabilité de cette procédure.
Le référendum dit d’ « initiative populaire » aura donc le mérite d’exister juridiquement, mais je doute qu’il devienne une réalité. Pour autant, on ne peut jurer de rien, et il n’est pas interdit d’imaginer différentes hypothèses qui pourraient conduire une telle initiative parlementaire ou populaire à prospérer jusqu’à son terme.
Peut-être nous faudra-t-il revenir sur cet article 11 dans quelques années afin de le rendre plus opérant et de faciliter la mise en œuvre de cette nouvelle forme d’initiative législative ? Telle n’est cependant pas la question qui nous est posée aujourd’hui.
Le groupe UDI-UC soutient la démarche quasi consensuelle et très réfléchie de la commission des lois, sur l’initiative de son président-rapporteur.
Nous soutenons le principe de l’édiction de textes d’application plus conformes à l’esprit et à la lettre de l’article 11. Bien évidemment, nous voterons ces textes, comme nous avions soutenu la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, laquelle, malgré l’étroitesse de la majorité alors constatée à Versailles, malgré les critiques virulentes proférées à l’époque et le relatif désintérêt observé alors, à l’instar de ce que l’on constate parfois pour les semaines d’initiative parlementaire ou de contrôle de l’action du Gouvernement, a réellement renforcé les pouvoirs du Parlement et fait avancer notre démocratie.