Intervention de Hélène Lipietz

Réunion du 28 février 2013 à 9h00
Application de l'article 11 de la constitution — Adoption d'un projet de loi organique et d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Hélène LipietzHélène Lipietz :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais d’abord, comme d’autres orateurs l’ont fait, saluer le rapporteur et président de la commission de lois, Jean-Pierre Sueur. Il a effectué sur le projet de loi organique et le projet de loi portant application de l’article 11 de la Constitution un travail de clarification et de codification qui mérite réellement d’être souligné.

Nous pourrions d’ailleurs nous interroger sur notre promptitude très relative à mettre en application la loi fondamentale : cinq ans pour mettre en œuvre les modifications actées par le Congrès, c’est peut-être un peu long !

Je ne dis pas qu’il fallait se précipiter pour le faire, car les lois d’application doivent être rédigées sereinement, mais nous devons néanmoins garantir l’application de notre Constitution dans des délais raisonnables, que celle-ci nous agrée ou non.

La longueur de ce délai a d’ailleurs permis tous les fantasmes sur le contenu de l’article 11. Allions-nous enfin faire de notre pays une démocratie directe, grâce à l’instauration d’un référendum d’origine populaire ? Las ! L’article 11 règle la tenue d’un référendum d’initiative non pas populaire mais parlementaire. Cela explique que la proposition faite par M. le rapporteur d’un changement d’appellation ait été approuvée. Nous parlons non plus d’une « initiative référendaire », mais d’une « proposition de loi référendaire », ce qui limite la confusion avec le concept de référendum d’« initiative populaire ».

Comme pour d’autres articles de notre Constitution, les conditions posées à « la proposition de loi référendaire » ont pour effet de limiter de manière drastique les cas d’application effective du mécanisme.

La portée du processus démocratique direct est donc bien inférieure à ce que les écologistes ont toujours appelé de leurs vœux.

Ainsi, la Constitution, en prévoyant que l’initiative doit être soutenue par 10 % des électeurs inscrits sur les listes électorales, soit plus de 4, 5 millions de signatures à recueillir, fait de la tenue de ce référendum un véritable exploit. Malgré une couverture médiatique intense, les opposants au « mariage pour tous » peinent à réunir un million de signatures contre ce projet. On peut donc douter qu’une proposition réunisse un jour les signatures nécessaires.

L’initiative citoyenne européenne obéit à des critères de recevabilité nettement moins restrictifs, puisqu’il suffit d’un million de signatures, réunies dans sept pays de l’Union européenne, pour qu’elle soit valide.

Les rares parlementaires qui rassembleront ces 4, 5 millions de signatures mériteront de voir leur statue exposée dans notre hémicycle ou au musée Grévin ! Cette statue, de toute façon, ne sera certainement pas de marbre vert ou rouge, compte tenu de la difficulté pour les groupes écologistes et communistes à réunir un nombre suffisant de parlementaires pour satisfaire aux exigences de l’article 11.

Une fois cet écueil évité, le travail parlementaire restera la norme. Il semble évident, en effet, que le texte initial sera passé à la moulinette parlementaire dans le délai d’un an prévu par la Constitution, afin d’éviter à tout prix que la proposition de loi ne soit soumise au référendum par le Président de la République.

Tout au plus, cette proposition de loi d’un genre nouveau aura pour avantage de faire travailler en commun, en amont même de son dépôt, les parlementaires des deux chambres, puisque rien n’empêchera que ses initiateurs soient des sénateurs et des députés.

Il n’y a que peu de chose à dire sur la proposition elle-même. J’attire seulement votre attention, mes chers collègues, sur les risques et les dérives potentiels du recueil des signatures de soutien par voie électronique.

Au risque de paraître quelque peu archaïque – cela m’a déjà été reproché –, je tiens à rappeler l’existence avérée, que nous déplorons d’ailleurs, de la fracture numérique dans notre pays. Elle s’explique par le manque d’infrastructures dans certaines régions, mais aussi et surtout par la fracture culturelle, éducative et parfois encore générationnelle en matière d’utilisation des outils numériques.

En outre, la machine n’est pas gage de rapidité et/ou d’efficacité, comme nous avons pu le constater pour le vote des Français de l’étranger.

La Suisse, de son côté, a appelé ses électeurs aux urnes référendaires 49 fois entre 1995 et 2011, pour répondre à 140 questions, dans le cadre du référendum d’initiative populaire mais aussi du droit d’initiative des citoyens pour modifier leur propre Constitution.

Encore aujourd’hui, deux recueils de signatures pour la tenue de référendums y sont en cours.

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