Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 13 septembre dernier, notre assemblée adoptait, malgré notre opposition, le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale. Celui-ci a été transmis à l’Assemblée nationale et connaît d’ores et déjà d’importantes évolutions, qui ne sont pas sans conséquences sur le débat relatif à la réforme des retraites, que nous nous apprêtons à entamer.
En effet, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, soutenue par la commission des lois, saisie pour avis, a décidé de supprimer l’article 1er de ce projet de loi organique. Cet article, véritable colonne vertébrale du texte, prévoyait de piller, de siphonner – il n’y a pas d’autre mot – le Fonds de réserve des retraites, le FRR, en le privant de ses actifs afin, a-t-on expliqué, de résorber la dette sociale, notamment celle qui résulte de la crise.
Cette suppression, votée par vos pairs députés de l’UMP, est un camouflet adressé au Gouvernement et aux membres de la majorité sénatoriale qui ont accepté d’adopter une disposition dont ils savaient qu’elle ne serait pas suffisante pour résorber la dette sociale et qu’elle aurait pour conséquence de retarder les échéances et de continuer à transférer aux jeunes le poids de la dette.
Telle est d’ailleurs l’analyse faite par M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur à l’Assemblée nationale de ce projet de loi organique : « Or les apports du Sénat ne sont pas de nature à prévenir ces risques de dérives. La clause de garantie ne serait en tout état de cause pas efficace pour empêcher le transfert de recettes non pérennes. La clause de retour in bonis est quant à elle très hypothétique. »
Quant à la disposition que nous considérions comme non conforme à la Constitution et qui imposait une hausse automatique de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, elle fait l’objet de critiques, là encore, sévères. M. Jean-Luc Warsmann explique en effet : « Par ailleurs, il n’est pas certain que le législateur organique puisse prévoir une obligation générale de réajustement annuel des recettes accordées à la CADES. »
Or, mes chers collègues, la discussion que nous allons avoir sur les retraites dépend en partie de l’avenir de ce projet de loi organique. Si l’on n’a plus recours aux ressources du FRR – soit près de 25 milliards d’euros – pour contribuer à résorber la dette sociale, elles restent disponibles pour financer une autre réforme des retraites, plus juste, qui permettrait notamment de mettre en place des mesures correctives pour les femmes, les salariés précaires et les personnes en situation de handicap, lesquels présentent tous la particularité d’avoir des carrières morcelées et incomplètes. Cela change considérablement la donne !
Il se pourrait même, à en croire les déclarations de M. Henri de Raincourt devant la presse parlementaire, reprises le 1er octobre par le journal Le Monde, que le Gouvernement engage sa responsabilité en application de l’article 49-3 de la Constitution.
Bref, vous l’aurez compris, les choses bougent et elles bougent vite. Il nous semble difficile de travailler sereinement dans ces conditions et le Gouvernement serait bien inspiré de retirer son projet de loi jusqu’à ce que l’on y voie plus clair !