Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, en inscrivant dans le cadre de sa niche parlementaire le projet de loi organique et le projet de loi relatifs à l’application de l’article 11 de la Constitution et aux modalités d’organisation du référendum d’initiative partagée, le groupe UMP nous offre deux opportunités.
La première, c’est de revenir précisément sur le cadre prévu par la réforme constitutionnelle, sa signification et son ampleur.
La seconde, c’est, en républicains, de travailler à la traduction législative la plus adéquate possible d’un aspect de la réforme constitutionnelle de 2008 qui avait été négligé depuis lors. Il s’agit en effet d’offrir aux Français la possibilité de jouir de droits prévus par la Constitution dont ils sont privés depuis plus de quatre ans.
Revenons d’abord sur la signification de cette disposition constitutionnelle.
Il y a un an, soit trois ans après le vote de la réforme constitutionnelle, alors que nous étions en pleine campagne pour l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy déclarait, le 15 février 2012, en annonçant qu’il briguait un second mandat : « Il y a une idée centrale dans mon projet, c’est redonner la parole au peuple français par le référendum ». Celui qui prétendait être « le candidat du peuple » entendait « faire trancher » les Français sur « les grands arbitrages », et ce « chaque fois qu’il y aurait un blocage », lors de son éventuel second mandat.
Pensait-il à une nouvelle réforme constitutionnelle ? Avait-il oublié que la précédente n’avait pas encore été mise en œuvre ? Avait-il en tête que la réforme de 2008 portait exclusivement sur le processus pour arriver à un référendum et non sur les sujets législatifs qui peuvent être soumis à un tel scrutin ?
En effet, ceux-ci sont stables depuis la réforme constitutionnelle de 1995. À cette époque, le garde des sceaux qui avait porté cette réforme, Jacques Toubon, expliquait : « En limitant l’extension du champ référendaire aux matières économiques et sociales, le Gouvernement a choisi d’exclure [...] ce qu’il est convenu d’appeler les questions de société avec les libertés publiques, le droit pénal [...]. Il doit donc être clair qu’il ne saurait y avoir de référendum sur des sujets tels que la peine de mort, la repénalisation de l’avortement ou l’expulsion des immigrants clandestins, le référendum n’étant pas – et ne devant pas être – un instrument de démagogie. »
Nous n’aurons pas les réponses à ces questions. Il convient toutefois de souligner que, premièrement, notre Constitution n’envisage pas actuellement de référendum d’initiative populaire. Deuxièmement, ce que la Constitution nous permet, depuis 2008, avec la mise en place des projets de loi qui sont soumis à nos votes aujourd’hui, c’est de mettre en place un droit pour un cinquième des parlementaires accompagné de 4, 5 millions d’électeurs de forcer à la discussion dans les deux chambres du Parlement d’une proposition de loi sur un thème obligatoirement restreint par le cadre évoqué par Jacques Toubon en 1995.
C’est une disposition timide lorsque l’on sait que tout groupe parlementaire – au minimum quinze députés à l’Assemblée nationale ou dix sénateurs au Sénat – a la possibilité d’inscrire en quelques semaines une proposition de loi sur un sujet quelconque à l’ordre du jour d’une chambre du Parlement.
C’est une disposition timorée si l’on souligne que, malgré la mobilisation d’un cinquième des parlementaires et de plus de 4, 5 millions d’électeurs, il suffirait que le Parlement délibère et repousse le texte pour qu’il ne soit pas soumis à référendum.
Voilà pourquoi cet article de la Constitution ne constitue en rien une révolution institutionnelle. Voilà pourquoi cet article de la Constitution ne permet pas d’envisager le contournement ou la remise en cause de la démocratie représentative que certains voudraient voir engager en prétendant pouvoir tenter, par référendum, d’empêcher une majorité parlementaire élue il y a moins d’une année de mettre en œuvre des engagements très clairs et très précis qui ont été pris devant les électeurs. Je pense ici, en particulier, au mariage pour tous.
C’est peut-être d’ailleurs l’insignifiance de cette réforme qui explique que le gouvernement Fillon a tardé à proposer la traduction organique de cette réforme constitutionnelle. Celle-ci a été votée en première lecture, le 10 janvier 2012, à l’Assemblée nationale, soit trois ans après la réforme constitutionnelle. Mais, à l’issue du vote, et malgré la transmission de la petite loi au Sénat, le gouvernement précédent ne l’avait jamais inscrite à l’ordre du jour.
C’est donc ce projet, adopté par l’Assemblée nationale en janvier 2012, que les sénateurs du groupe UMP ont souhaité mettre en débat aujourd’hui. Le contexte politique imposait ces quelques rappels préalables qui peuvent avoir leur utilité. Mais venons-en maintenant au fond du sujet.