Intervention de Jean-Yves Leconte

Réunion du 28 février 2013 à 9h00
Application de l'article 11 de la constitution — Adoption d'un projet de loi organique et d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Saluons le travail de notre rapporteur, Jean-Pierre Sueur, qui s’est attaché à rendre la proposition la plus opérationnelle possible, en particulier en prévoyant qu’un délai plus long soit donné pour recueillir des signatures. Il apparaissait en effet que, dans les pays où des signatures peuvent déclencher de véritables référendums d’initiative populaire, le nombre de signatures requises est proportionnellement plus faible et les délais pour les recueillir plus longs. Par ailleurs, le recueil des signatures est simplifié et est rendu possible sous forme papier.

Le Conseil constitutionnel retrouve ses prérogatives de contrôle de l’opération.

Enfin, un cadre juridique a été donné à la notion d’« initiative qui prend la forme d’une proposition de loi », alors qu’elle est susceptible de provenir de députés et de sénateurs conjointement.

On peut être très réservé sur les référendums d’initiative populaire en préférant préserver toute sa légitimité, toute son importance à la démocratie représentative ; à l’inverse, on peut penser que cette forme d’engagement citoyen qu’est le référendum d’initiative populaire peut trouver à s’amplifier grâce à Internet et aux nouveaux outils de communication et de mobilisation et qu’il mérite d’être encouragé et inscrit dans nos textes et nos mœurs politiques. Dans les deux cas, la discussion d’aujourd’hui permet d’évoquer les deux questions qui se posent lorsque l’on a besoin de recueillir des signatures pour une initiative citoyenne : d’une part, la nature de l’engagement que revêt une signature de soutien et, d’autre part, le financement des campagnes de recueil des signatures.

Une signature de soutien, ce n’est pas un vote, c’est un engagement politique public. Toute usurpation d’identité doit être et sera sévèrement sanctionnée. Mais la liste des soutiens a vocation à être publique. Si le projet de loi organique prévoit l’obligation de destruction des listes des pétitionnaires à l’issue des vérifications du Conseil constitutionnel, cette exigence devra, en pratique, être confrontée à la réalité du fonctionnement d’internet et des réseaux sociaux, qui, eux, ne connaissent pas le droit à l’oubli.

C’est la pratique des dispositions législatives prévues qui nous dira si les exigences et les principes que nous avons insérés dans ces projets loi sont adéquats. Nous saurons ainsi si ces exigences et principes, qui sont nécessaires aujourd’hui pour la mise en œuvre de l’article 11, pourront, le cas échéant, être réutilisés pour un éventuel référendum d’initiative populaire, le jour où celui-ci viendra en débat. Nous saurons ainsi si c’est au prix du respect de l’intimité des choix politiques de chacun que l’on progressera vers des institutions accordant un poids plus important à la démocratie directe, ou si d’autres options sont envisageables.

J’en viens à mon dernier point, déjà évoqué par plusieurs intervenants : la question essentielle du financement des campagnes de recueil des signatures. À n’en pas douter, c’est de l’action politique, mais sous une nouvelle forme, peu commune pour les partis politiques français.

Nous ne saurions nous résoudre à ce que d’autres acteurs que les partis politiques puissent financer ce type d’action, sans prendre le risque de donner aux lobbies un moyen d’entrer de plain-pied dans nos débats politiques et législatifs, et ce de façon directe, officielle, assumée. Ce serait, comme l’a souligné M. Mézard, un acte en rupture avec les choix effectués depuis des années pour améliorer la transparence des financements de notre vie politique.

Les associations et syndicats souhaitant prendre part à ce mouvement citoyen pourront bien sûr indiquer qu’ils sont favorables à une collecte de signatures, mais ils ne pourront financer ni sa mise en œuvre ni son déploiement. En limitant la possibilité de financement aux seuls partis politiques, on ne limite en rien l’expression citoyenne. À la limite, un parti politique ad hoc pourra être créé pour contribuer au financement d’une telle campagne.

Un parti politique, ce n’est pas obligatoirement un grand parti parlementaire ; il s’agit avant tout d’une association dont la transparence financière et l’origine des moyens sont contrôlées par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Il est essentiel que toute action politique réclamant des moyens n’échappe pas à cette exigence de transparence.

Disons-le clairement : nous ne voulons pas dans notre vie politique de super PAC à l’américaine, offrant notre débat politique aux groupes de pression, leur permettant d’agir ouvertement et sans vergogne pour soumettre la vie publique à des intérêts privés.

Tout en soulignant l’intérêt limité du dispositif proposé par la réforme constitutionnelle de 2008, nous avons choisi, en républicains, de la mettre en œuvre. Le groupe socialiste votera donc ces projets de loi amendés, sans enthousiasme excessif et en responsabilité. Cependant, notre groupe tient à marquer son intérêt et son attachement aux débats qui ont été ouverts à cette occasion sur la publicité des signatures, dans le respect de la vie privée. Il sera vigilant sur ce type d’action politique qui ne doit pas être soumis à des intérêts privés.

En conclusion, nous appelons l’ensemble des forces politiques à faire preuve de responsabilité sur ces textes, qui ne tendent en rien à mettre en place un référendum d’initiative populaire. Nous ne pouvons ni ne devons faire croire cela à quiconque !

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