Intervention de François Fortassin

Réunion du 28 février 2013 à 15h00
Vote blanc — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de François FortassinFrançois Fortassin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe UDI-UC nous invite aujourd’hui, avec cette proposition de loi, à une réflexion tout à fait intéressante sur l’expression du suffrage dans notre pays, une réflexion à laquelle le législateur ne consacre guère de temps alors même qu’il procède de ce suffrage.

L’autorisation du vote blanc est ancienne dans notre pays puisqu’elle remonte à 1798, au moment même où était systématisé le vote par bulletin. Au gré de l’histoire, le statut de ce vote évolua, tantôt pris en compte comme suffrage exprimé, tantôt non. Ce fut finalement la loi du 29 juillet 1913, qui avait pour objet d’assurer le secret et la liberté du vote ainsi que la sincérité des opérations électorales – une loi très importante dans l’histoire de la République en ce qu’elle garantit un suffrage personnel –, qui posa la règle, toujours actuelle, selon laquelle les votes blancs doivent être assimilés aux votes nuls et décomptés sans distinction.

Aujourd’hui, nos collègues nous proposent de revenir sur cette règle, en établissant clairement la distinction entre les deux types de suffrage. Cette évolution est souhaitable, même si elle ne va sans doute pas assez loin à notre sens.

Le vote blanc se situe, comme le vote nul, un cran au-dessus de l’abstention puisque l’électeur a déjà fait le choix de se déplacer, ce qui n’est pas anodin. Le vote blanc n’en constitue pas moins un signe de défiance vis-à-vis de l’offre électorale : en votant blanc, l’électeur manifeste qu’il refuse d’adhérer à l’un des choix qui lui sont proposés. C’est bien pour cette raison que le taux de bulletins blancs ou nuls est souvent plus élevé au second tour d’un scrutin.

Mes chers collègues, les démocrates que nous sommes tous savent combien le populisme et la démagogie alimentent un sentiment d’antiparlementarisme qui affaiblit la légitimité de nos institutions et, par ricochet, l’efficacité de l’action publique.

Avec la crise économique qui frappe notre pays, nos concitoyens les plus fragiles ont besoin d’un État fort et d’institutions qui s’appuient sur la légitimité sans faille que procure le suffrage universel. À cette aune, les électeurs – et nous en sommes tous – savent parfois faire preuve d’une cruelle versatilité, qui peut exprimer leur enthousiasme ou, au contraire, leur mécontentement. Notre système démocratique n’est pas parfait, mais au moins est-il le moins imparfait. Comme le disait Churchill, « la démocratie est le pire des systèmes, à l’exception de tous les autres »…

Cette réflexion doit donc nous conduire à nous interroger sur la signification profonde du vote : s’agit-il simplement de procéder à la désignation de mandataires ou de permettre une prise de décision acceptée ? À notre sens, la seconde interprétation prévaut dès lors que notre démocratie se fonde sur la transparence des processus de décision.

Ce texte a au moins le mérite d’offrir une meilleure visibilité à l’absence contrainte de satisfaction dont témoigne l’électeur qui vote blanc. Il contribuera, sans doute à la marge, à améliorer la participation électorale, en baisse tendancielle depuis plusieurs années, quel que soit le scrutin, sauf lorsqu’il s’agit de l’élection présidentielle.

Nous estimons néanmoins que ce texte apparaît in fine en retrait par rapport aux problèmes fondamentaux qu’il soulève à partir du moment où la reconnaissance du vote blanc n’aura aucune incidence sur le résultat. Le vote blanc questionne notre système institutionnel et son offre politique. Indubitablement, les candidatures ne répondent pas toujours aux attentes de l’électeur, le vote d’opposition à tel ou tel candidat supplantant trop souvent le pur vote d’adhésion.

Des membres du RDSE regrettent ainsi que la commission, en n’intégrant pas le décompte des bulletins blancs parmi les suffrages exprimés, ne soit pas allée au bout de la logique qui avait guidé les auteurs de ce texte. Nous avons hésité à déposer un amendement sur cette question, mais, au regard des débats en commission, nous nous sommes finalement abstenus, jugeant que cet amendement n’apporterait pas grand-chose.

Bien évidemment, nous n’ignorons pas les problèmes juridiques que soulèverait une telle disposition, notamment pour les référendums, le scrutin présidentiel ou l’accès au second tour de certains scrutins. Nous sommes conscients que se pose en filigrane la question de la légitimité des élus. Malgré tout, nous considérons que la reconnaissance du vote blanc comme suffrage exprimé participerait à la reconnaissance d’un choix politique qui n’est rien d’autre qu’une opinion politique librement consentie. Il n’y a qu’à observer la tendance de long terme pour s’apercevoir que les bulletins blancs et nuls progressent de manière très significative.

Nous regrettons également que la commission n’ait pu se mettre d’accord sur les modalités de mise à disposition de bulletins blancs, même si la discussion des articles devrait nous faire avancer sur ce point.

En toute hypothèse, nous considérons ce texte comme une première ouverture vers une évolution d’ensemble. Prise en compte des votes blancs parmi les suffrages exprimés, seuils décisionnaires de participation pour les référendums, question de l’éventuelle introduction du vote obligatoire : le champ de la réflexion sur l’évolution des rapports entre les citoyens et l’expression des votes est vaste et passionnant. Ne faisons pas de l’adoption de cette proposition de loi une fin en soi, mais plutôt le début de cette réflexion. Si d’aventure un scrutin public est demandé sur ce texte, les membres du groupe du RDSE s’abstiendront de voter blanc et apporteront très majoritairement leur soutien au texte.

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