C’est un moment où l’on est particulièrement tourné vers l’autre. C’est souvent la consécration d’un engagement, quelle que soit sa forme, mais c’est aussi un point de départ, une projection dans l’avenir et une responsabilité nouvelle.
Dans cette aventure personnelle et familiale, les pouvoirs publics ont une seule mission : sécuriser le moment de la naissance et garantir les meilleures conditions possibles de son déroulement, selon le souhait des parturientes.
La situation française impose par ailleurs un regard particulier sur la natalité. La France connaît l’un des plus forts taux de natalité du continent européen – c’est un atout considérable –, avec plus de deux enfants par femme alors que nos voisins directs voient leur population vieillir et sur le point de décroître.
En tant que ministre des affaires sociales et de la santé, je me dois bien évidemment de proposer une approche globale de la naissance et une politique ambitieuse de la périnatalité.
Avant de revenir au sujet qui nous occupe, permettez-moi de partager avec vous quelques constats chiffrés qui éclaireront nos débats.
Depuis une quinzaine d’années, l’offre de soins obstétricaux a été profondément transformée. Le nombre de maternités a largement diminué, passant de plus de 800 au milieu des années quatre-vingt-dix à 550 en 2009. Par ailleurs, au cours de la même période, on constate une augmentation de 11 % du nombre de maternités en niveaux 2 et 3.
La taille de nos maternités a progressé. En quinze ans, le nombre de maternités réalisant plus de 1 500 accouchements chaque année a quasiment triplé. Une telle progression a parallèlement permis de garantir la présence d’effectifs de professionnels en nombre suffisant dans les établissements, ainsi qu’un haut niveau de qualité et d’accueil.
Il nous faut par ailleurs constater que, contrairement à ce que l’on entend parfois, la durée moyenne de séjour est supérieure d’une journée à celle des pays membres de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, même si elle a incontestablement diminué au cours des années passées.
Pourtant, malgré les progrès qui ont pu être réalisés, certains indicateurs de santé périnatale ne sont pas satisfaisants au regard de nos voisins européens. Nous observons par exemple une mortalité maternelle qui demeure très élevée, avec de huit à douze décès pour 100 000 naissances. Or la moitié de ces décès sont évitables. Le taux de césariennes est stabilisé, mais il ne diminue plus depuis cinq ans, près de 20 % des naissances étant aujourd'hui concernées. Le même constat peut être dressé, avec un taux de 7, 7 %, pour les naissances prématurées.
Enfin, dans ce domaine comme dans l’ensemble de notre système de santé, les inégalités sociales et territoriales sont flagrantes. En France, on ne naît pas dans les mêmes conditions de sécurité selon que l’on vit en centre-ville ou dans des quartiers sensibles, en zone isolée ou en zone fortement urbanisée.
Personne ne peut se contenter de tels constats, quels que soient les appartenances politiques et les engagements des uns ou des autres. C’est pourquoi je pense que nous pouvons nous entendre sur quelques priorités.
La première, c’est, sans aucune ambiguïté, la sécurité des naissances. On ne peut pas transiger sur ce thème : il faut que la France entre à nouveau dans une dynamique positive afin de rejoindre le peloton de tête des pays européens.
Cette nouvelle dynamique s’inscrira dans la stratégie nationale de santé lancée par le Premier ministre. En effet, pour lutter efficacement contre les inégalités face à l’accouchement, qu’elles soient sociales ou territoriales, et pour améliorer de manière tangible nos résultats, nous devons changer d’approche et revoir l’ensemble du parcours périnatal.
Seul un travail commun entre les services de la protection maternelle infantile et le reste de l’offre de soins identifiée sur le territoire nous permettra d’avancer. Grâce à ces coopérations, nous détecterons au plus tôt les grossesses à risque et nous serons en mesure d’étendre nos actions de prévention auprès des futures mères.
Je sais que la question des petites maternités doit être traitée de manière pragmatique. Elle est particulièrement sensible dans certains territoires ; l’élue locale que j’étais ne méconnaît pas cette dimension du problème. Peut-être sommes-nous allés trop loin dans la fermeture de certaines maternités.
Vous connaissez comme moi le rôle essentiel pour un bassin de vie de ces maternités où souvent des générations se succèdent. Elles sont à la fois le signe de la vitalité d’un territoire et un service public essentiel pour nourrir le lien social.
J’ai déjà eu à prendre des décisions relatives au maintien d’une maternité dans un territoire fragilisé, par exemple à Die. Je l’ai fait parce que c’était essentiel pour ce territoire, mais aussi et surtout parce que nous avons obtenu les garanties suffisantes quant à la sécurité des femmes et des nouveau-nés.
Pour être maintenue, une maternité doit impérativement présenter les critères de sécurité satisfaisants. Il est impossible de transiger sur cet élément. Si nous le faisions, nous n’aurions d’ailleurs pas la possibilité de recruter des médecins dans ces maternités, ce qui viendrait affaiblir l’offre de soins.
Ma seconde priorité, c’est la qualité du moment de la naissance. Elle concerne directement et précisément le sujet qui nous intéresse aujourd’hui.
Sans doute sommes-nous parfois allés trop loin dans la technicisation et la médicalisation des accouchements. La croissance de la taille des maternités et la part importante des naissances dans les maternités de type 2 ou de type 3 confirment cette tendance.
Je ne remets pas en cause les intentions, qui étaient assurément bonnes, de ceux qui ont souhaité cette technicisation. Vous me permettrez cependant de dire, en tant que femme et que mère, que l’on ne peut pas balayer d’un revers de main la lutte contre la douleur.