Intervention de Gilbert Barbier

Réunion du 28 février 2013 à 15h00
Maisons de naissance — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Gilbert BarbierGilbert Barbier :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le serpent de mer de la politique de périnatalité refait donc surface !

Voilà près de quinze ans que nous réfléchissons à l’expérimentation des maisons de naissance. Évoquée dès 1998, proposée dans le plan périnatalité 2005-2007, adoptée lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, leur expérimentation n’a jamais été mise en œuvre. Certes, la dernière fois, le Conseil constitutionnel était passé par là, mais la vérité est aussi que cette idée ne faisait pas vraiment consensus.

Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français y était fortement opposé à l’époque ; il aurait changé d’avis. Ici même, je ne me souviens pas d’un enthousiasme débordant. Nous avions d’abord rejeté cette expérimentation à une très large majorité, avant que certains, dont vous étiez, je crois, madame la ministre, ne changent d’avis en commission mixte paritaire au vu des garanties apportées.

Pour ma part, je reste réservé, même si j’admets volontiers que la demande de certaines femmes en vue d’une approche plus physiologique de la naissance est à prendre en considération et que notre modèle de prise en charge de l’accouchement peut paraître trop sophistiqué.

Je vais, bien sûr, m’expliquer, mais permettez-moi auparavant de saluer la ténacité de notre rapporteur, Muguette Dini, qui est à l’initiative de la proposition de loi et qui, déjà en 2010, avait soutenu avec une belle ardeur la proposition de Roselyne Bachelot-Narquin.

Hier comme aujourd’hui, j’ai entendu vos arguments, madame le rapporteur. Je peux tout à fait comprendre la frustration de certaines parturientes ou de certains couples face à une hyper-technicité de l’accouchement, acte de vie se déroulant sans complication, il est vrai, dans la très grande majorité des cas.

Faut-il néanmoins rappeler que, si la mortalité infantile a été divisée par six au cours des quarante dernières années, c’est précisément parce que le suivi de la grossesse, le déroulement de l’accouchement et le suivi post-natal ont été médicalisés ? Qui peut raisonnablement songer à revenir en arrière ?

Certes, j’en conviens, il est probable que cette évolution se soit faite aux dépens d’une écoute suffisante des femmes et que la surmédicalisation comporte aussi un risque iatrogène, comme l’a souligné Mme le rapporteur.

Cependant, n’oublions pas que les grossesses « à bas risque » sont susceptibles de se terminer par un accouchement « à haut risque », avec une hémorragie de la délivrance, une procidence ou une circulaire du cordon. Ce sont autant de complications qui, en l’absence de personnels et d’équipements médicaux adéquats, peuvent se révéler dramatiques, voire létales.

Vous apportez une réponse à ces inquiétudes en exigeant que les maisons de naissance soient attenantes à une « structure de gynécologie-obstétrique » – terminologie d’ailleurs un peu particulière : pourquoi ne pas parler d’une maternité ou d’un service hospitalier ? – et qu’une convention soit passée.

Cependant, des questions demeurent. Je n’en citerai qu’une, mais elle est essentielle. Qui assumera l’investissement lié à la création de ces structures ? L’État, l’assurance maladie ? Des associations, mais de quels statuts ? Des groupes financiers ?

Au vu de l’état des finances publiques, répondre à une demande, certes compréhensible, mais, reconnaissons-le, minoritaire, ne me paraît pas une priorité. On parle de quelques milliers de femmes sur plus de 800 000 qui accouchent chaque année !

Comme Mme la ministre vient de le souligner, je préfère que l’on consacre les moyens disponibles, s’il y en a, à améliorer les effectifs dans les maternités publiques et à créer de nouvelles places dans les services de néonatalité.

Certains me rétorqueront qu’il y a justement un potentiel d’économies dans les maisons de naissance et que la captation d’une partie des grossesses non pathologiques par les gynécologues-obstétriciens a pour effet de priver les unités qui gèrent les grossesses à haut risque des spécialistes nécessaires, mais ce point reste à démontrer.

Cela étant, je voudrais mieux comprendre comment tout cela va fonctionner et s’articuler. Sous quelle responsabilité médicale les maisons de naissance seront-elles placées ?

Nous avons eu l’occasion de nous pencher à de nombreuses reprises sur la responsabilité civile des professionnels de santé.

Si les maisons de naissance sont des structures autonomes, je présume que les sages-femmes devront contracter une assurance, qui risque d’ailleurs de coûter fort cher. Mais en cas de problème après un transfert dans un service d’obstétrique, qui sera responsable ? Le gynécologue-obstétricien ou la sage-femme qui aura, le cas échéant, décidé du transfert de la parturiente trop tardivement ?

Par ailleurs, les maisons de naissance « subtiliseront » un certain nombre d’actes entrant dans le cadre de la T2A des services auxquels elles seront adossées. Comment croire que cela n’aura pas d’incidence sur l’équilibre financier de ces derniers ? Vous le savez bien, les dépenses de structure et d’équipements seront les mêmes.

Les services de gynécologie-obstétrique doivent également organiser une permanence des soins par du personnel médical et paramédical. La proposition de loi prévoit que l’activité de la maison de naissance est comptabilisée avec celle de la maternité. Est-ce pour éviter un effet de seuil qui entraînerait une fermeture éventuelle ou cela aura-t-il une incidence sur la tarification ?

Pour l’instant, aucune réponse n’est apportée à ces questions.

Enfin, prenons garde de ne pas mettre le doigt dans un engrenage en quelque sorte idéologique. Il faut le dire, certaines communautés refusent, on le sait, que les femmes soient examinées par des médecins de sexe masculin.

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