Intervention de Dominique Gillot

Réunion du 28 février 2013 à 15h00
Maisons de naissance — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Dominique GillotDominique Gillot :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la sécurité périnatale est bien notre préoccupation partagée. Elle est l’objectif de santé publique dont vous êtes la garante, madame la ministre.

Notre système de santé doit garantir que les naissances intervenant sur notre territoire s’effectuent dans la plus grande sécurité pour la mère et pour l’enfant. C’était justement, il faut le rappeler, l’objectif du plan périnatalité qui a conduit à la réorganisation des lieux de naissance en 1998. Trois niveaux de maternité ont été définis afin de prendre en charge les accouchements en fonction du plateau technique pédiatrique disponible dans l’établissement et selon l’évaluation de la complexité de la grossesse ou des risques encourus par la future mère et son bébé.

La confiance et l’exigence des usagers dans ce système qui a permis la réduction de la mortalité périnatale expliquent d’ailleurs l’émotion et l’incompréhension accompagnant les rares, mais encore trop nombreux, accidents de naissance, parfois inexplicables, qui laissent les familles en pleine douleur et les équipes médicales en désarroi.

Malgré tout, comme le perçoit bien René Frydman, même les maternités de type I, qui prennent en charge les femmes enceintes dites « à bas risque », expression ne signifiant pas, cependant, absence de risque, peuvent apparaître encore trop médicalisées pour des parturientes et des couples qui veulent accueillir leur nouveau-né dans des conditions proches de l’accouchement à la maison, car ils désirent vivre le plus naturellement possible, en pleine conscience et en toute intimité, ce basculement physiologique.

C’est ce que recouvre le concept « maison de naissance » que la proposition de loi de Mme Dini vise à mettre en œuvre, dans le cadre d’une expérimentation bornée dans le temps, prévoyant une évaluation normée avant légalisation pour offrir, sur tout le territoire, aux femmes qui le souhaitent une alternative en même temps qu’un suivi sécurisé de leur grossesse, de leur accouchement et de leur post-partum dans un environnement physiologique et non médicalisé – ou, selon certaines, non surmédicalisé – a priori.

La proposition de loi, tout en autorisant l’expérimentation, reconnaît également la capacité et donc la responsabilité des sages-femmes dans l’accouchement des femmes enceintes dont elles ont assuré le suivi de grossesse.

Les avis continuent de diverger, comme nous venons encore de le constater, mais il y a cependant des ralliements à ce projet. Le dernier en date, sans doute le plus emblématique, est celui du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, qui ne s’y oppose plus.

Je n’oublie pas non plus que l’Académie de médecine préconise le développement d’« espaces physiologiques » inclus dans les services de gynécologie-obstétrique, la présence de sages-femmes qui se consacrent à ces espaces, l’accès de sages-femmes libérales aux plateaux techniques des cliniques privées, le renforcement des effectifs de sages-femmes hospitalières et l’organisation d’une rotation des sages-femmes entre la maison de naissance et la maternité.

Les sages-femmes, qui jouent un rôle clé dans les prises en charge périnatales, revendiquent légitimement la reconnaissance et la juste tarification de leur profession comme une profession médicale à part entière.

Des responsables de maternité, à l’écoute des femmes, organisent des espaces physiologiques dans leurs établissements et cautionnent la création d’équipes où les sages-femmes peuvent consacrer leur temps professionnel à l’accueil physiologique des parturientes, car elles n’y sont pas astreintes aux aléas des urgences pathologiques des équipes d’obstétrique, ce système garantissant par ailleurs l’accès immédiat aux plateaux techniques voisins en cas d’urgence, par définition imprévisible.

C’est le suivi et le soutien qu’assure cette expérience de maison hospitalière, citée par Mme Dini dans sa présentation, qui m’ont conduite à prendre la parole dans ce débat.

Mis en place à la maternité du centre hospitalier René-Dubos, à Cergy-Pontoise, voilà sept ans, sur l’initiative du docteur Muray, grâce au dialogue confiant avec un binôme de sages-femmes dédié au suivi physiologique, totalement reconnu dans l’équipe médicale, cet accueil est particulièrement bien identifié par les Val-d’Oisiennes aspirant à un accouchement plus naturel.

Le service de la maison de naissance de Pontoise plaide pour une reconnaissance institutionnelle de sa fonction, au cœur de l’hôpital, en lien avec un réseau de sages-femmes libérales en ville. L’existence de cette structure ne tient qu’à la décision conjointe du directeur de l’établissement et du chef de service, mais reste juridiquement et économiquement précaire en l’absence de toute reconnaissance institutionnelle légale.

Cette organisation sereine, qui repose sur deux sages-femmes volontaires, militantes de l’accouchement physiologique, convaincues du bien-fondé de leur engagement, et sur la volonté d’un chef de service à l’écoute des femmes, ne peut cependant pas répondre à toutes les demandes, malgré une disponibilité totale et une organisation sans faille de l’équipe.

Dans cette maternité, qui affiche une progression d’activité régulière liée à l’accroissement démographique du territoire, sur 4 700 accouchements en 2012, 182 femmes ont dû être transférées dans un autre établissement avant leur accouchement et cinquante-six après, faute de places. La maison de naissance, elle, n’a pu accueillir que quatre-vingt-quatorze femmes pour 250 demandes. Ainsi, 160 femmes, 160 couples, n’ont pu réaliser leur souhait de suivi de grossesse et d’accouchement physiologique.

Ces demandes émanent de familles très diverses, car la maison de naissance est accessible à toutes, sans dépassement tarifaire. L’observation de la typologie des demandes et des parcours prouve la mixité sociale. Les motivations sont autant culturelles, citoyennes que traditionnelles, et la rencontre de ces familles au cœur de la maternité est une projection de la diversité des parcours de nos concitoyennes dans ce territoire de grande couronne parisienne.

De la femme qui a eu son premier enfant aux Pays-Bas en suivant cet accueil physiologique, à celle qui, ayant surmonté sa crainte de la douleur à la suite de son premier accouchement, veut vivre le deuxième en toute conscience, en passant par celle qui, idéologiquement, écologiquement, privilégie les méthodes naturelles de vie ou par celle qui vient d’un pays où la maternité n’est pas vécue comme une maladie et que la surmédicalisation effraie, elles se retrouvent toutes dans cette démarche de confiance et de partage qu’est le suivi de grossesse, la préparation de l’accouchement et l’accouchement lui-même sous la conduite de ces sages-femmes expérimentées et assurées de la reconnaissance du chef de service.

Le fait que ce service « maison de naissance » soit dans le bâtiment hospitalier apporte toutes les garanties de sécurité, tant à la parturiente qu’au bébé et à l’équipe médicale.

En six ans, le service n’a eu à enregistrer aucun accident de naissance, aucune césarienne d’urgence en cours d’accouchement.

Sur 575 naissances, on recense en moyenne par an moins de dix réorientations avant l’accouchement et onze pendant l’accouchement, trois qui justifient une orientation vers le plateau technique pour permettre la pose d’une péridurale demandée par la femme en couches, quatre pour permettre une épisiotomie.

Surtout, quatre-vingts femmes poursuivent l’expérience en faisant vivre l’association Panama auprès du service.

Ces quelques chiffres montrent, si besoin en est, que cette structure est bien sécurisée, que les diagnostics de risques sont efficaces et que l’intégration dans le service de maternité est parfaitement opérationnelle.

Pourquoi faut-il soutenir la proposition de loi de Mme Dini si tout est déjà si facile ?

À mon sens, reconnaître enfin, dans le système périnatal, la maison de naissance, permettrait non seulement de donner plus d’ampleur à la démarche et de répondre aux demandes légitimes, mais aussi de soutenir les acteurs impliqués et de les protéger de la précarité juridique et financière puisque pour l’heure ils sont liés à la seule décision du directeur de l’établissement.

À Cergy-Pontoise, l’expérimentation permettra d’augmenter le nombre de sages-femmes comme le temps que les aides-soignantes et auxiliaires de puériculture pourront consacrer à la satisfaction des demandes et au meilleur fonctionnement du service.

C’est pourquoi je me suis engagée avec confiance aux côtés des praticiennes et du chef de service de l’hôpital de Pontoise, au cœur du réseau des maisons de naissance, qui plaident pour leur reconnaissance institutionnelle. §

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