Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 28 février 2013 à 15h00
Maisons de naissance — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Marisol Touraine :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis la première à regretter que nous ne puissions pas poursuivre l’examen de ce texte, mais nous aurons l’occasion de nous revoir dans quelques semaines à cet effet.

Sans revenir sur le fond de plusieurs arguments qui me semblent avoir été clairement identifiés, comme l’exigence de sécurité, je veux répondre à certaines des interrogations ou critiques qui se sont exprimées.

Monsieur Barbier, vous avez émis des réserves, et je respecte bien sûr votre position ; mais je puis vous assurer que la question de l’assurance et de la responsabilité ne se posera pas de façon différente que pour l’exercice libéral de la médecine. Oui, les sages-femmes qui pratiqueront des accouchements devront souscrire une assurance en responsabilité civile.

Si un accident survient sur le trajet entre la maison de naissance et l’hôpital, il appartiendra au juge, s’il est saisi, de faire une recherche en responsabilité, comme c’est le cas aujourd’hui lorsqu’un médecin libéral demande le transfert d’une de ses parturientes vers un établissement de santé.

Madame Archimbaud, il s’agit en effet bien d’une démarche expérimentale et l’expérimentation donnera lieu, bien sûr, à évaluation, y compris sur le plan financier ; c’est à partir de cette évaluation que nous pourrons décider, le moment venu, d’une éventuelle généralisation.

Madame Génisson, vous soulignez avec justesse que le suivi personnalisé est une demande de plus en plus importante des femmes enceintes, suivi personnalisé dont elles bénéficient en général pendant la grossesse mais beaucoup voudraient que la personnalisation se poursuive jusqu’au moment de l’accouchement.

Plusieurs intervenants sont revenus sur les progrès réalisés grâce à la médicalisation des naissances. C’est un fait incontestable et, j’y insiste, il ne s’agit en aucun cas de revenir en arrière. Les maisons de naissance interviendront, si cette proposition de loi est votée, dans un contexte où la sécurité sanitaire a globalement progressé et leur mise en place n’aura pas du tout le même impact en termes de sécurité que si elle avait eu lieu il y a vingt ou trente ans.

Je tiens d’ailleurs à dire qu’il faut rester extrêmement prudent dans les comparaisons de pays à pays. Ce n’est pas la nature de la structure qui fait que le mode d’accouchement est plus ou moins sécurisé, mais la qualité de l’accompagnement qui précède.

De façon plus générale, nous savons que la France doit améliorer son taux de mortalité périnatale, qu’il s’agisse des mères ou des enfants, ce qui suppose la mise en place de mesures renforcées de prévention et de détection précoce. Nous voyons encore trop souvent des femmes arriver à l’hôpital pour accoucher alors qu’elles n’ont pas du tout été suivies pendant leur grossesse : statistiquement, c’est dans de tels cas de figure que se produisent les accidents, tout simplement parce que les grossesses à risque n’ont pas pu être détectées ni accompagnées.

Évidemment, je tiens à confirmer à tous ceux d’entre vous qui ont fait état de leurs interrogations, notamment à Laurence Cohen, qu’il n’est en aucun cas envisageable d’ouvrir des maisons de naissance là où, pour des raisons de sécurité, on ferme des petites maternités. S’il y a bien un engagement que je peux prendre, c’est celui-là !

Je rappelle que la procédure proposée repose sur un décret qui déterminera les conditions de l’expérimentation ; ensuite, un agrément nominatif des expérimentations sera délivré, sur la base d’un cahier des charges. Les ministres concernés, en particulier la ministre que je suis, ne donneront jamais leur agrément à une expérimentation sur un territoire où une petite maternité a fermé.

D’ailleurs, je ne crois pas que, sur le fait que la fermeture d’une petite maternité en milieu rural rende impossible l’ouverture d’une maison de naissance, il puisse vraiment y avoir matière à interrogation. En revanche, il serait effectivement préoccupant que l’on autorise l’ouverture d’une maison de naissance, adossée donc à une grande maternité, alors même qu’on fermerait une petite maternité située à quelques dizaines de kilomètres ; mais je peux vous assurer que nous n’envisageons aucunement que des procédures de fermeture aboutissent à des transferts d’une structure vers une autre.

Je tiens aussi à vous dire, madame Cohen, que je comprends vos interrogations à propos de la manière de créer les conditions d’une liberté de choix effective pour les femmes enceintes. Il existe après tout d’autres chemins – et je les ai moi-même indiqués – pour répondre à leurs attentes. Néanmoins, je ne vois pas en quoi l’expérimentation proposée porterait préjudice aux autres démarches envisageables.

Au fond, même si l’on n’est pas convaincu par le progrès que pourraient représenter les maisons de naissance, pourquoi considérer que celles-ci seront contraires aux intérêts des femmes qui feront d’autres choix ? Les femmes qui souhaitent accoucher dans un environnement médicalisé pourront toujours le faire et celles qui souhaitent accoucher au sein d’une unité physiologique doivent pouvoir le faire : voilà la démarche que je privilégie. Il me semble en effet qu’il y a la place nécessaire pour diverses approches et expériences.

Jean-Marie Vanlerenberghe a indiqué que l’enjeu de la sécurité était clairement identifié dans la proposition de loi. Il a rappelé que j’avais moi-même insisté sur ce point lorsque j’étais parlementaire et que nous avions pris alors la précaution d’inscrire dans la loi les conditions entourant l’expérimentation des maisons de naissance, toutes dispositions que nous retrouvons dans la présente proposition de loi. Je pense donc comme lui que l’on peut considérer que toutes les garanties sont apportées, et cela d’autant plus que les agences régionales de santé auront un rôle de contrôle.

Enfin, Dominique Gillot a eu raison d’insister sur le fait que les esprits avaient évolué. Nous sommes en fait là face à une évolution de société. Les femmes expriment des demandes diverses, auxquelles on peut d’ailleurs plus ou moins souscrire ; certaines sont très traditionnelles, d’autres beaucoup moins.

Nous devons entendre ce vœu de diversité, mais sans oublier pour autant les progrès réalisés grâce à la médicalisation. C’est dans ce sens que je souhaite que nous avancions lorsque nous poursuivrons le débat dans quelques semaines.

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