Monsieur le sénateur, l’intervention d’entreprises prestataires procédant à des détachements de salariés dans notre pays s’est développée au cours de ces dernières années. Selon la dernière étude disponible sur le sujet, en 2011, le nombre de déclarations de détachement des entreprises prestataires de services en France s’est élevé à 45 000 et celui des salariés détachés à 145 000. Ces niveaux n’avaient jamais été atteints auparavant. Le secteur du BTP est le premier concerné. S’il ne s’agit pas de procéder à des généralisations, il est à souligner qu’un certain nombre de ces opérations sont à l’origine de difficultés d’application de notre réglementation du travail et faussent la concurrence entre les entreprises. Une partie de ces dérives sont liées à des pratiques de sous-traitance en cascade ou, parfois, au recours à l’intérim.
Le code du travail encadre pourtant les conditions d’intervention en France des entreprises établies hors de notre pays, conformément aux dispositions de la directive européenne du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services. Les entreprises étrangères sont ainsi tenues de respecter certaines règles françaises en matière de conditions de travail et d’emploi, notamment celles qui sont relatives à la rémunération, à la durée du travail, à la santé et aux règles de sécurité au travail. Elles doivent transmettre une déclaration préalable au détachement à l’inspection du travail concernée. Des obligations visent également le donneur d’ordres, qui doit se faire remettre par l’entreprise étrangère des documents préalablement à la conclusion de la prestation. Sa responsabilité solidaire peut être engagée.
Le Gouvernement, qui attache, comme vous, monsieur le sénateur, une grande importance à cette question, a présenté, conformément à la feuille de route de la grande conférence sociale de juillet 2012, un plan national de lutte contre le travail illégal. Il a été adopté le 27 novembre dernier, sous la présidence du Premier ministre, devant la commission nationale de lutte contre le travail illégal.
Ce plan pluriannuel, qui couvre la période 2013-2015, a défini des priorités pour concentrer les actions sur les secteurs et les situations les plus problématiques : travail dissimulé, sous-traitance en cascade, prestations de services internationales, faux statuts, emploi d’étrangers sans papiers. Il vise particulièrement les opérations complexes ou les fraudes organisées. Ce plan, qui tend à renforcer les actions de contrôle coordonnées entre les différents services pour accroître leur efficacité, met l’accent sur la coopération entre les services de contrôle, la formation de leurs agents, la constitution de véritables réseaux, à l’échelon tant national que territorial.
Le plan pluriannuel permettra aussi de développer les actions de prévention en direction des principaux acteurs économiques : branches, entreprises, salariés, donneurs d’ordres. Dans ce dessein, des conventions de partenariat vont être conclues avec les partenaires sociaux des principaux secteurs concernés et l’État. Ce plan sera décliné dans chaque région et chaque département. Préfets et procureurs devront, dans le cadre des comités opérationnels départementaux anti-fraude, les CODAF, élaborer et mettre en œuvre un plan d’action adapté à leur territoire. Le secteur du BTP, qui est l’un des secteurs prioritaires, sera particulièrement suivi.
Au-delà, notre action doit s’inscrire dans un cadre européen. Nous avons établi des relations avec plusieurs pays européens, par la constitution de bureaux de liaison ayant pour objet de faciliter les contrôles. La Commission européenne a adopté, le 21 mars 2012, une proposition de directive visant à renforcer l’effectivité de la mise en œuvre de la directive de 1996. Ce texte a pour objet de permettre une information plus précise et plus accessible des acteurs du détachement, ainsi que de faciliter le contrôle et la sanction des entreprises qui ne respectent pas les droits des salariés détachés et les règles encadrant la prestation de services transnationale. Michel Sapin, qui, retenu ce matin à l’Assemblée nationale, vous prie de bien vouloir excuser son absence, veillera activement à ce que le contenu de cette proposition de directive permette de lutter efficacement contre les fraudes et les abus.
Tels sont les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter, monsieur le sénateur.