Séance en hémicycle du 12 mars 2013 à 9h30

Sommaire

La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

M. le président du Sénat a reçu de Mme Odette Duriez une lettre par laquelle elle se démettait de son mandat de sénatrice du Pas-de-Calais, à compter du jeudi 28 février à minuit.

En application de l’article L.O. 320 du code électoral, elle a été remplacée par M. Hervé Poher, dont le mandat de sénateur du Pas-de-Calais a commencé le vendredi 1er mars, à zéro heure.

Au nom du Sénat tout entier, je souhaite à M. Hervé Poher la plus cordiale bienvenue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi et du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable, déposés sur le bureau de l’Assemblée nationale le 6 mars 2013.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

J’informe le Sénat que M. le Premier ministre, par lettre en date du 6 mars 2013, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître, en application de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, l’avis de la commission compétente du Sénat sur le projet de nomination de M. Jean-Yves Le Gall comme président du conseil d’administration du Centre national d’études spatiales.

Acte est donné de cette communication.

Ce courrier a été transmis à la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, d’une part, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 et, d’autre part, le rapport 2011 sur les chiffres de la politique de l’immigration et de l’intégration, établi en application de l’article L. 111-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Le premier a été transmis à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois et, pour information, à la commission des finances ; le second, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Ils sont disponibles au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

J’informe le Sénat que le groupe socialiste et apparentés a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des affaires sociales à la place laissée vacante par Mme Odette Duriez, démissionnaire de son mandat de sénatrice.

Cette candidature a été affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 11 mars 2013, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 60 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010

dispositifs temporaires d’achèvement et de rationalisation de l’intercommunalité

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

J’informe le Sénat que la question orale n° 348 de M. Thierry Foucaud est retirée de l’ordre du jour de la présente séance, à la demande de son auteur.

Par ailleurs, j’informe le Sénat que les questions orales n° 340, de M. Ronan Kerdraon, n° 351, de Mme Leila Aïchi, et n° 371 et 372, de M. Jacques Mézard, sont retirées du rôle des questions orales, à la demande de leurs auteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jean-Pierre Chauveau, auteur de la question n° 125, adressée à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chauveau

Madame le ministre, je souhaite appeler votre attention sur les appels de cotisations de la médecine du travail pour les collectivités territoriales.

Toutes les collectivités et tous les établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, sont soumis à une stricte obligation de versement de leurs cotisations. Le montant de celles-ci est calculé en fonction de l’effectif déclaré.

Ce mode de calcul serait bien compréhensible si chacun des salariés était réellement convoqué à une visite annuelle ou biennale.

En théorie, ces visites périodiques ont lieu tous les vingt-quatre mois. Une dérogation est même possible, au-delà de deux ans, sous réserve de l’obtention d’un agrément du service de santé au travail. Cependant, le paiement par les collectivités et le calcul des cotisations demeurent annuels.

Il existe néanmoins un réel décalage entre le principe et la réalité, décalage qui m’a été confirmé par tous les représentants des collectivités que j’ai pu interroger.

Ainsi, dans la communauté de communes que je préside, seulement 20 % des salariés sont en moyenne examinés chaque année. Autrement dit, les salariés ne sont examinés qu’une fois tous les cinq ans !

En pratique, on peut constater que les services de la médecine du travail examinent les salariés très au-delà de la limite des deux ans. Bien sûr, les salariés peuvent toujours être examinés à leur demande.

Mon but n’est pas de remettre en cause le fonctionnement de la médecine du travail : en réalité, ma question se fonde sur le mode de calcul des cotisations. En effet, au regard des visites réellement effectuées, l’établissement d’un nouveau mode de calcul pourrait permettre aux collectivités territoriales et à leurs EPCI d’échapper à des dépenses indues.

Concrètement, compte tenu des sommes versées, une visite médicale périodique effectivement réalisée coûte aujourd'hui aux alentours de 500 euros par agent ! Par ailleurs, dans la Sarthe, les visites effectuées au travers du service Santé au travail 72 le sont non plus par des médecins, mais par des infirmières spécialisées.

Aussi, je souhaiterais savoir si le Gouvernement envisage un nouveau mode de calcul. Celui-ci pourrait s’établir en fonction de la réalité du service rendu, ce qui me semblerait tout à fait logique : il s’agit non pas de réduire le financement des services de la médecine du travail, mais plutôt de le moderniser pour permettre un paiement à l’acte. Cette réforme permettrait aux collectivités d’économiser la moitié de leurs dépenses liées aux visites périodiques, soit la part correspondant aux visites qui ne sont pas réalisées.

Ma question ne vise pas à déclencher une polémique : je souhaite simplement faire preuve de pragmatisme et trouver des pistes pour réaliser des économies dans ce domaine.

Debut de section - Permalien
Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Monsieur le sénateur Jean-Pierre Chauveau, Mme Marylise Lebranchu aurait souhaité être présente pour répondre plus précisément encore que je ne saurais le faire à la question que vous venez de poser, mais elle est retenue ce matin par l’ouverture des négociations avec les syndicats de la fonction publique. Elle m’a donc chargée de vous répondre.

Vous avez précisé que votre objectif n’était pas du tout de modifier le contexte dans lequel sont organisées la médecine du travail et la médecine préventive, laquelle a été prévue et organisée par le décret du 10 juin 1985, pris en application de la loi de 1984.

Vous le savez, chaque collectivité est normalement tenue d’organiser un service de médecine préventive. Elle peut créer ce service ou adhérer à un service commun à plusieurs collectivités.

En fait, il existe au moins trois autres possibilités.

Premièrement, les collectivités peuvent faire appel à un service de santé au travail régi par le titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail : service de médecine du travail interentreprises ou service de santé au travail du secteur agricole.

Deuxièmement, elles peuvent avoir recours aux associations à but non lucratif qui se sont justement créées pour répondre aux obligations en matière de médecine du travail. Cette possibilité se développe fortement dans nos territoires.

Troisièmement, enfin, les collectivités peuvent disposer, soit dans des conditions conventionnelles, soit par le versement d’une cotisation additionnelle à la cotisation obligatoire due au centre de gestion, du service de médecine préventive qui existe dans les locaux mêmes de ce dernier.

Je veux rappeler les difficultés que rencontre aujourd'hui la France pour se doter de médecins du travail : vous le savez, la médecine du travail fait partie des spécialités les plus difficiles, et le manque de praticiens est cruel.

Les médecins du travail se sont vu confier deux missions : une mission de santé en milieu de travail et une mission de médecine préventive, laquelle ne correspond qu’à un tiers – un peu plus peut-être – du temps d’activité de ces médecins. Monsieur Chauveau, ce partage explique ce que vous avez relevé : le fait que seuls 20 % de nos fonctionnaires bénéficient d’un contrôle tous les ans et que nos agents ne se font contrôler, au mieux, que tous les deux ou trois ans, alors que la cotisation, elle, est calculée chaque année.

Ne pouvant déterminer exactement les parts de l’activité des médecins du travail qui seront respectivement consacrées aux contrôles effectués au titre de la mission de santé en milieu de travail et à la médecine préventive, nous devons aujourd'hui en rester à la cotisation au forfait.

Monsieur le sénateur, soyez assuré que Mme Lebranchu a examiné et continuera d’examiner ce point avec l’ensemble de ses partenaires, dans les meilleures conditions possibles, pour mieux répondre à vos attentes. Néanmoins, cette préoccupation ne l’amène pas pour le moment à privilégier un changement de la législation et de la réglementation en vigueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chauveau

Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

Il faudrait que nous parvenions à trouver une solution, notamment en explorant les trois pistes que vous avez évoquées.

À une époque où l’on cherche par tous les moyens à serrer au maximum nos budgets, la situation actuelle ne me semble pas tout à fait logique. Nous devons donc essayer de trouver des solutions qui soient mieux adaptées à la réalité. L’idéal serait tout de même qu’existe une certaine adéquation entre, d’un côté, les services rendus et, de l’autre, le paiement effectué par les collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jean-Louis Carrère, en remplacement de M. Bernard Piras, auteur de la question n° 170, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Madame la ministre, notre collègue Bernard Piras étant retenu pour des raisons d’ordre climatique, je m’exprimerai en son nom.

Bernard Piras a attiré l’attention de M. le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche sur l’aménagement du carrefour giratoire dit « des Couleurs », situé à Valence, dans la Drôme.

En effet, l’aménagement de ce carrefour giratoire, attendu depuis longtemps par l’ensemble des élus locaux, représente un enjeu très important en matière d’aménagement du territoire et de développement économique du nord de Valence, ainsi qu’en termes de sécurité.

Ce carrefour giratoire présente une double spécificité : d’une part, il comporte sept branches et, d’autre part, il concentre une superposition de trois trafics de différentes natures, à savoir un transit autoroutier et interurbain – sur les routes nationales 7 et 532 –, un trafic pendulaire entre les lieux de domicile et les lieux de travail et de scolarité, enfin, un trafic de loisir, des zones commerciales jouxtant le carrefour giratoire.

Ce carrefour est d’ores et déjà très souvent saturé, des pointes à environ 8 000 véhicules par heure ayant été relevées. Ces graves dysfonctionnements sont très contraignants pour la population et risquent de l’être encore davantage compte tenu des projets de développement en cours.

Madame la ministre, il convient de rappeler qu’à l’origine avait été prévue la construction d’un carrefour giratoire à plusieurs niveaux, afin d’éviter le mélange des transits. Ce projet n’a pas été réalisé pour des raisons de coût.

Désormais, la configuration actuelle du carrefour giratoire est obsolète et source d’engorgements préjudiciables et en accroissement.

Conscient de ce désordre, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a commandé une étude d'opportunité quant à l'aménagement de ce carrefour giratoire, étude remise en février 2011. Cette étude propose et évalue plusieurs scénarios d'aménagement, dont les coûts sont estimés dans une fourchette allant de 20 à 30 millions d'euros.

Une décision politique est à présent attendue par les élus, la population et les usagers concernés. M. Bernard Piras demande ainsi à M. le ministre délégué de lui indiquer à quelle échéance cet aménagement est programmé dans un contexte où, vous l’aurez compris, une certaine impatience s’exprime localement.

Debut de section - Permalien
Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Monsieur Carrère, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, qui, sans doute bloqué lui aussi par des congères l’empêchant de quitter la Côte d’Opale, m’a demandé de répondre à votre question. Cette dernière correspond d’ailleurs à une véritable préoccupation de Frédéric Cuvillier.

Le projet d'aménagement du carrefour des Couleurs situé sur la route nationale 7, à l’est de Valence, doit contribuer à décongestionner un nœud majeur de communication où se rencontrent et se croisent chaque jour d'importants trafics locaux.

Le projet d'aménagement du carrefour des Couleurs a fait l'objet d'études d'opportunité qui ont porté sur différents scénarios de dénivellation. Comme M. Piras l’a relevé dans sa question, ces études sont aujourd'hui achevées et ouvrent ainsi la voie à une phase de concertation avec l'ensemble des acteurs et élus locaux concernés autour du choix du scénario d'aménagement.

Cette phase de concertation doit être surtout l'occasion de définir les modalités de financement de travaux dont vous avez également indiqué le coût, effectivement compris entre 20 et 30 millions d’euros suivant la variante d'aménagement retenue.

Or, le financement de cette opération n'a pas été prévu par l’actuel programme de modernisation des itinéraires routiers, ou PDMI, de la région Rhône-Alpes qui avait été arrêté en 2009. Compte tenu du contexte économique actuel, le Gouvernement souhaite qu’une nouvelle négociation soit entamée pour que de nouveaux travaux soient entrepris. Ainsi, l’année 2014, avec l’échéance des PDMI actuels, devra être l’occasion d’une nouvelle réflexion demandée aux préfets de région. Dans ce cadre, ces derniers devront élaborer une liste hiérarchisée des opérations de modernisation du réseau routier national dont la poursuite ou l'engagement des travaux paraissent nécessaires à un horizon de cinq ans.

Ces opérations devront répondre prioritairement à des enjeux de sécurité, de réduction d’une congestion chronique, de désenclavement et d'amélioration nécessaire de la desserte des territoires ou encore de la qualité de vie.

À l'évidence, les critères que je viens de rappeler correspondent assez bien aux difficultés rencontrées au carrefour des Couleurs. M. Cuvillier s’engage bien entendu, au nom du Gouvernement, à reprendre les négociations pour apporter les solutions les plus opérantes dans les meilleurs délais possibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse que je transmettrai dans son intégralité à M. Bernard Piras. J’attire cependant l’attention du Gouvernement sur le fait que l’année 2014 n’est pas un terme très éloigné. Ainsi, il serait particulièrement intéressant que puisse être mise en œuvre, dans les délais les plus brefs, la procédure de concertation de telle sorte que le problème du carrefour des Couleurs puisse être traité prioritairement.

N’étant pas un usager quotidien de ce carrefour, je ne ressens pas l’urgence de son aménagement comme M. Bernard Piras ; je crois néanmoins savoir que les usagers de ce carrefour aimeraient que le processus qui conduira à la dénivellation de ce dernier se mette en place le plus rapidement possible, de telle sorte qu’il n’y ait pas de retard à compter de 2014, soit dans un an.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Bruno Sido, auteur de la question n° 325, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Ma question, qui concerne non pas seulement mon département de la Haute-Marne mais toute la France, s’adressait au ministre délégué chargé des transports. Mais ce dernier étant bloqué par des congères, c’est Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation qui va me répondre, et je m’en réjouis.

L'avant-projet de loi de décentralisation et de réforme de l'action publique, dans son chapitre IX consacré aux transports, prévoit de clarifier les compétences de l'État et des conseils régionaux en matière de desserte ferroviaire.

Si l’intention est louable, les conséquences des dispositions de ce chapitre peuvent se révéler dramatiques pour le niveau de service, en particulier sur la ligne Paris-Belfort.

En effet, d'après les informations dont je dispose, les lignes d'intérêt national devraient à l'avenir desservir au moins deux villes de plus de 100 000 habitants situées, qui plus est dans deux régions non contiguës.

Si les dispositions concernées de l'avant-projet de loi n'étaient pas modifiées, elles entraîneraient une dégradation très nette de la qualité de la desserte entre Paris et la Haute-Marne : onze trains au départ de Chaumont seraient supprimés chaque semaine !

Alors que le conseil général met tout en œuvre pour moderniser le département et l'ouvrir aux grands axes de circulation, cette perspective est inacceptable.

La Haute-Marne est en reconversion industrielle depuis plus de trente ans : depuis la fin des Trente glorieuses et le premier choc pétrolier. La crise des industries et de la métallurgie y a apporté, comme dans tout l'est du pays, son cortège de licenciements et de souffrances.

Tous les élus du territoire sont mobilisés depuis une dizaine d'années, bien au-delà des sensibilités partisanes. Ainsi les élus au conseil général ont-ils décidé de faire de la modernisation des infrastructures une priorité pour gagner en attractivité.

Madame la ministre, je ne vous citerai qu'un seul exemple : nous investissons 40 millions d'euros pour poser 1 200 kilomètres de fibre optique et permettre aux habitants des zones rurales, qui ne sont pas des citoyens de seconde zone, de disposer du haut débit comme tout le monde.

Le conseil régional, le conseil général et les parlementaires partagent cette même préoccupation pour laquelle nous sommes tous mobilisés.

Je vous remercie donc, madame la ministre, de m'indiquer si le Gouvernement entend modifier cet avant-projet de loi afin de conserver à la Haute-Marne, en particulier, une politique d'aménagement du territoire digne de ce nom.

Debut de section - Permalien
Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Monsieur le sénateur, M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, vous prie de bien vouloir excuser son absence.

Vous avez évoqué, au début de votre question, un avant-projet de loi dans une version très antérieure à celle qui a été transmise jeudi dernier au Conseil d’État : dans cette dernière, en effet, le chapitre IX n’existe plus en tant que tel et ses dispositions se trouvent donc considérablement modifiées.

Dans le projet de loi soumis au Conseil d’État, qui sera examiné le 10 avril prochain en conseil des ministres, les dispositions concernées sont très édulcorées. En effet, l’intention de Frédéric Cuvillier est de disposer d’un véhicule législatif propre qui lui permettra d’aborder complètement la problématique des transports ferroviaires, notamment dans le cadre de la concertation à laquelle il s’est engagé, concertation qui doit être longue, lourde et nourrie compte tenu des enjeux que vous avez rappelés.

S’agissant de ces enjeux, nous n’étions pas allés au bout des logiques qui auraient permis de répondre à ce maillage indispensable pour l’ensemble de notre territoire, et c’est peut-être la raison pour laquelle la partie de texte que vous aviez lue a disparu.

Tel est le contexte général que je voulais rappeler.

J’en viens à des réponses plus techniques. M. Frédéric Cuvillier m'a en effet demandé de partager avec vous certaines de ses convictions sur les trains d'équilibre du territoire, les fameux TET.

Ces trains sont un lourd héritage pour l'État, qui en est depuis peu l'autorité organisatrice. Ils sont fortement déficitaires ; la SNCF, qui en avait précédemment la responsabilité, n'y investissait plus.

Les TET jouent pourtant – vous l’avez rappelé – un rôle essentiel dans l'aménagement du territoire et dans le quotidien de nos concitoyens. Ils doivent en outre constituer une offre commerciale complémentaire du TGV par des horaires et des correspondances adaptés, l'accent étant mis sur l'accessibilité et la qualité du service à bord.

L'évolution de ces trains du quotidien est donc une priorité du Gouvernement. C'est la raison pour laquelle mon collègue Frédéric Cuvilliera annoncé le lancement dans les tout prochains mois d'une première tranche d'investissement de 400 millions d'euros pour le renouvellement du matériel roulant.

Mais l'investissement, seul, ne suffira pas pour améliorer la qualité du service à la hauteur de ce qu'attendent les usagers. L’offre doit aussi évoluer pour mieux répondre aux besoins de déplacement.

De ce point de vue, et comme vous l’avez dit, les régions sont les premières à reconnaître qu’elles rencontrent parfois des difficultés pour tracer, sur certains trains, la frontière entre leurs trains express régionaux et nos trains d’équilibre du territoire, car ils concernent des liaisons entre deux régions. Cette imbrication des services est à l'origine de problèmes qui pèsent au final sur les coûts et sur la qualité de service.

Derrière les autorités organisatrices, il y a des usagers qui doivent être satisfaits, chacun au mieux de ses moyens. Les régions ont reçu compétence d’organiser les services de transport régional, ce qu’elles font remarquablement bien.

Dès lors, l'État a-t-il vocation à les concurrencer avec ses trains sur ces liaisons entre deux régions seulement ? N'est-il pas plus intéressant pour les régions de disposer de l'ensemble des leviers sur les trains qui assurent les déplacements domicile-travail à l'intérieur d'une région ou entre deux régions limitrophes ?

L'État, en revanche, a vocation à conserver la maîtrise des trains qui assurent l'aménagement du territoire entre trois régions, là où n'existe aucune offre alternative. Il nous faut donc réfléchir à la manière de mieux organiser les offres dans le respect, naturellement, d'un juste équilibre financier des parties. Il va de soi que, en cas de transfert de certaines liaisons aux régions, celles-ci se verraient attribuer la compensation financière existante.

Vous constatez ainsi, monsieur le sénateur, que le Gouvernement prend le problème à bras-le-corps et qu’il le traitera, comme il en a aujourd'hui l’habitude, en suivant sa méthode de concertation, d’écoute et de dialogue avec les élus locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je ne sais si mon inquiétude doit subsister ; mais ma vigilance, certainement ! En effet, vous venez de me dire, pour résumer, que les dispositions concernées ne figurent plus dans le projet de loi de décentralisation et de réforme de l’action publique, mais qu’elles seront inscrites dans un véhicule législatif propre. Cela ne retirerait rien à mes craintes si, comme vous l’avez heureusement dit à l’instant, ces TET ne devaient relier trois régions, ce qui est le cas du train Paris-Belfort. Par conséquent, avec les investissements prévus, qui s’élèvent à 400 millions d'euros, nous pourrons à mon avis maintenir le niveau de service.

Je précise que les difficultés sont réelles ! Ainsi, hier soir, venant en train à Paris, je me suis trouvé dans un wagon non chauffé et mal éclairé au point qu’il était impossible de lire le journal ! À l'évidence, ce matériel arrive à bout de course et il faut absolument le remplacer. Certes, des investissements importants ont été réalisés par Réseau ferré de France pour améliorer la ligne. Encore faut-il que des trains puissent rouler dessus…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Mes chers collègues, avant d’aborder la prochaine question orale sans débat, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à neuf heures cinquante-huit, est reprise à dix heures une.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la question n° 153, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Madame la ministre, ma question, qui s’adresse au ministre de l’éducation nationale, M. Vincent Peillon – et je remercie par avance Mme Pau-Langevin, ministre chargée de la réussite éducative, de bien vouloir me répondre –, concerne la réforme des rythmes scolaires, avec notamment le retour de la semaine à quatre jours et demi qui pose quelques difficultés, non pas sur le fond mais surtout sur la forme.

Tout d'abord, en termes de concertation, on nous dit qu’un consensus existait, mais je n’en suis pas tout à fait sûr. Ainsi, en octobre, une consultation dans les 300 écoles de mon département, le Cher, représentant 1 200 personnes au total dont 800 professeurs des écoles et 400 parents d’élèves, laissait apparaître au contraire un rejet du retour à la demi-journée supplémentaire de cours.

En outre, une réunion a été organisée à l’intention des élus du Cher le 18 février dernier à la demande du directeur académique et sous la présidence du préfet du Cher, réunion à laquelle l’association des maires du Cher que je préside a bien voulu s’associer. Plus de 200 élus étaient présents lors de cette réunion, et je peux vous dire que tous étaient inquiets. J’ai rappelé qu’une motion avait été adoptée lors de notre dernière assemblée générale extraordinaire réunie sur ce sujet. Compte tenu des délais extrêmement contraints, les élus présents ont demandé à l’unanimité le report de la réforme à la rentrée de 2014.

Les élus sont bien sûr conscients de la nécessité de mettre en avant l’intérêt de l’enfant et du fait qu’il ne s’agit en aucun cas d’une position politique, de nombreux élus de toutes sensibilités, de droite comme de gauche, partageant le même avis.

Toutefois, il faut permettre aux communes de s’organiser dans les meilleures conditions, s’agissant notamment du temps périscolaire ; elles seront obligées de recruter du personnel adapté, ce qui entraînera pour elles un coût financier important, estimé à environ 150 euros par élève.

Par ailleurs, s’agissant des transports scolaires, dont les conseils généraux ont la charge, le coût supplémentaire est estimé entre 500 000 euros et 1, 2 million d’euros pour le département du Cher.

En outre, une telle mesure risque de créer des inégalités territoriales dans la mesure où il faudra mettre à disposition des locaux supplémentaires afin de mettre en place des activités culturelles, sportives et autres. En milieu rural, ce sera beaucoup plus difficile.

Enfin, le Gouvernement a décidé au mois de décembre d’accorder une aide de 50 euros par élève, avec une majoration pouvant aller jusqu’à 40 euros dans les « communes urbaines ou rurales les plus en difficulté », afin d’inciter les communes à appliquer la réforme dans l’enseignement primaire dès 2013.

Madame la ministre, comment ce fonds de 250 millions d’euros pour les rentrées 2013 et 2014 sera-t-il financé et que va-t-il se passer ensuite pour les rentrées suivantes ? Comment allez-vous identifier les communes rurales et urbaines les plus en difficulté ? Enfin, allez-vous compenser « à l’euro près » cette dépense nouvelle imposée aux conseils généraux ?

L’Association des maires de France a fait savoir depuis que nombre de communes ou d’intercommunalités ne seraient pas en mesure d’appliquer la réforme des rythmes scolaires avant 2014, malgré sa volonté – je la cite – de « sauver » la réforme. Elle a estimé, je le répète, à 150 euros par enfant le coût réel de la réforme.

Alors même que des réductions de dotations aux collectivités de 4, 5 milliards d’euros en 2014 et en 2015 viennent d’être annoncées, comment comptez-vous faire pour rassurer les maires sur le soutien pérenne de l’État ?

Écoutez les élus locaux : ils sont suffisamment sollicités ! Ne leur mettez pas la pression pour une application anticipée qu’ils ne peuvent pas assumer !

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative

Monsieur le sénateur Rémy Pointereau, il importe de nous remémorer tout d’abord pourquoi nous engageons cette réforme. Je vous rappelle que notre pays n’est actuellement pas en très bonne place dans les évaluations internationales, que notre système éducatif n’est plus aussi performant que nous le souhaiterions et que cela serait nécessaire pour maintenir la compétitivité indispensable au maintien des emplois notamment. Par conséquent, il est urgent que nos enfants disposent à nouveau de bonnes conditions pour étudier.

Tel est le constat auquel était parvenue la concertation menée notamment sous l’égide de Luc Chatel entre 2010 et 2012, à savoir la nécessité de revoir l’organisation de notre système éducatif, en particulier les rythmes scolaires. Il y eut ensuite « l’appel de Bobigny ». Bref, toutes les personnes qui ont étudié le sujet s’accordent à dire que nous devons rapidement revoir l’organisation de notre semaine scolaire, qui n’offre plus à nos enfants de bonnes conditions, et surtout le temps nécessaire, pour étudier. Prévoir une matinée de classe supplémentaire est indispensable pour que les enfants puissent travailler correctement.

Dès lors, il y aura un certain nombre de difficultés à affronter, comme à chaque changement.

Nous savons que les élus ont des préoccupations et nous convenons qu’il est légitime de leur part de se demander comment ils feront pour mettre en œuvre la réforme. À partir du moment où nous sommes conscients du caractère utile voire indispensable de cette réforme, cela change la donne, et nous pouvons débattre de ses modalités de mise en application. Et si nous sommes en outre convaincus que cette réforme doit être menée pour le bien des enfants, en vue de les aider à étudier, il ne semble dès lors guère souhaitable de la retarder d’année en année.

Comme vous le savez, le calendrier a été assoupli. Les élus ont la possibilité d’appliquer la réforme en 2013 ou en 2014. La demi-journée d’école supplémentaire n’est plus obligatoirement le samedi matin, et les élus peuvent donc désormais choisir de la mettre en place le mercredi matin, si c’est plus facile pour eux.

Vous avez par ailleurs évoqué les inquiétudes des élus quant au financement de cette réorganisation. C'est la raison pour laquelle un fonds d’amorçage a été créé. Les communes se verront allouer une dotation de 50 euros par élève, majorée de 40 euros pour les communes les plus en difficulté. Ces dernières sont définies selon un critère objectif, puisque ce sont celles qui bénéficient de la dotation de solidarité urbaine ou de la dotation de solidarité rurale dites « cible ». Nous n’aurons donc aucun « tri » à opérer.

Les services de l’éducation nationale, les élus, mais aussi les associations seront concernés. Tous les acteurs qui interviennent dans l’éducation de nos enfants seront amenés à s’organiser. C’est un aspect important, et nous sommes intimement persuadés que, ce faisant, nous pourrons améliorer la démocratie locale.

Cette nouvelle manière de travailler demandera sans doute un effort aux uns et aux autres, mais le bien-être de nos enfants vaut bien que nous le réalisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, même si elle ne me satisfait pas entièrement. La semaine scolaire était autrefois organisée sur quatre jours et demi : si cela avait procuré du bien-être à nos enfants, nous le saurions, et les résultats auraient été au rendez-vous.

Les élus sont conscients, je l’ai dit, que l’intérêt de l’enfant prime dans cette réforme. Toutefois, les conditions de l’application de cette dernière doivent être optimales, et la rentrée de 2013 est une échéance trop proche compte tenu des moyens à mettre en œuvre : je pense aux locaux supplémentaires dont il faut disposer et, surtout, aux moyens financiers.

Vous évoquez la dotation de 50 euros par élève pour les communes qui appliqueront la réforme dès 2013. Qu’en sera-t-il en 2014 et les années suivantes avec des budgets contraints, des dotations qui vont baisser de 4, 5 milliards d’euros en 2014 et en 2015, ce qui équivaut à près de 5 % de dotation globale de fonctionnement pour les communes concernées ?

Comment cette réorganisation sera-t-elle financée, y compris par les conseils généraux dont les budgets sont déjà très sollicités ? Je rappelle que le coût de la réforme est estimé, pour le département du Cher, entre 500 000 euros et 1, 2 million d’euros. Vous n’avez pas répondu à cette question, madame la ministre : allez-vous compenser les dépenses des conseils généraux « à l’euro près », comme les élus de la majorité actuelle n’ont cessé de le demander depuis des années dans les deux assemblées parlementaires ? Je voudrais savoir qui va financer la réforme !

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, je voudrais simplement rappeler que le nombre d’heures passées à l’école par les enfants sera strictement le même. Il s’agit par conséquent, de la part de l’État, non d’une diminution de ses obligations, mais d’une réorganisation.

M. Philippe Dallier s’exclame.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée

La part de l’État sera exactement la même. Vous soulignez les efforts financiers demandés aux collectivités territoriales, mais l’État engage lui aussi un effort financier considérable pour répondre à cet objectif prioritaire qu’est l’éducation. Des économies sont demandées partout, dans de nombreux ministères ; il est clair que le maintien de la priorité accordée à l’éducation se fera en réalisant des économies par ailleurs.

Par conséquent, si nous sommes d’accord sur le caractère essentiel que revêt l’avenir de nos enfants, je pense que l’État accomplit largement sa part en respectant sa parole et cette priorité. Il est évident qu’un effort sera demandé aux collectivités locales, mais je suis persuadée que la plupart d’entre elles sont prêtes à le faire parce qu’elles sont convaincues qu’il en va de l’avenir de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Mes chers collègues, dans l’attente de l’arrivée de M. le ministre de l'intérieur, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix heures douze, est reprise à dix heures dix-sept.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Philippe Dallier, auteur de la question n° 308, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le ministre, en 2011, la loi dite « LOPPSI 2 » a créé le Conseil national des activités privées de sécurité, le CNAPS, établissement public administratif placé sous la tutelle de votre ministère. Depuis le 1er janvier 2012, cet organisme est notamment chargé, au nom de l’État, de la régulation de l’accès aux activités privées de sécurité. À ce titre, il contrôle les professionnels, qu’il s’agisse de personnes morales ou de personnes physiques, et délivre les agréments nécessaires à l’exercice de ces professions.

Pour bénéficier d’une autorisation d’exercer ou de se former à ces métiers, le demandeur doit évidemment ne pas avoir commis d’acte répréhensible et incompatible avec la profession. Cette condition impérative est bien sûr vérifiée par le CNAPS avant toute délivrance de titre.

Dans le cadre de ce contrôle, le CNAPS est amené à instruire deux types de dossiers : d’une part, ceux des personnes souhaitant accéder à une formation avant de demander la délivrance d’une carte professionnelle d’agent privé de sécurité et, d’autre part, ceux des personnes en voie de recrutement par une entreprise de sécurité privée leur garantissant ensuite une formation en vue de satisfaire à la condition d’aptitude professionnelle.

La procédure d’examen des dossiers aboutit, si la décision de la délégation territoriale du CNAPS compétente est positive, soit à la délivrance d’un numéro d’autorisation préalable dans le premier cas, soit à la délivrance d’un numéro d’autorisation provisoire dans le second cas. Ces numéros sont obligatoires et doivent avoir été transmis au préalable par le CNAPS pour que le candidat puisse valider le contrat de travail ou l’inscription auprès d’un organisme de formation.

Telle est, monsieur le ministre, mes chers collègues, la théorie.

En pratique, les délais anormalement longs d’instruction des dossiers et de délivrance des numéros d’autorisation, voire parfois l’absence de réponse de l’administration, pénalisent fréquemment tant les candidats à ces métiers que les entreprises pourtant prêtes à les recruter.

Pourriez-vous donc, monsieur le ministre, préciser la durée moyenne constatée du délai d’instruction des dossiers d’autorisation, détailler les objectifs assignés au CNAPS et les instructions de l’autorité de tutelle en la matière ? Pourriez-vous également nous dire s’il existe des indicateurs de performance ? Par ailleurs, quels sont les moyens attribués aux délégations territoriales pour l’exercice de leur mission ? Sont-ils suffisants ? Enfin, quelles mesures pourriez-vous prendre, monsieur le ministre, pour améliorer la procédure d’instruction des dossiers, notamment pour en réduire les délais ?

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous présente tout d’abord mes excuses pour mon léger retard.

Monsieur le sénateur Philippe Dallier, vous m’interrogez sur les délais d’instruction des dossiers par le Conseil national des activités privées de sécurité.

Vous l’avez rappelé, le CNAPS assure une triple mission : une mission de police administrative, une mission disciplinaire et une mission de conseil et d’assistance à la profession. Les organes du CNAPS – collège, commission nationale d’agrément et de contrôle, commissions régionales, interrégionales ou locales d’agrément et de contrôle, les CIAC – ont été installés en janvier et en février 2012. Le déploiement des sept délégations territoriales du CNAPS s’est effectué de manière progressive tout au long de l’année 2012.

Le transfert de ces compétences des préfectures à l’établissement public a été opéré en deux étapes : à compter de leur installation effective en février 2012, les CIAC se sont prononcées dans un premier temps sur des dossiers qui continuaient à être instruits par les préfectures : dans un second temps, au fur et à mesure que s’ouvraient les délégations territoriales, l’instruction des dossiers a été assurée par les personnels du CNAPS.

Si ces transitions successives ont provoqué quelques difficultés au premier semestre, les retards ponctuels dans la délivrance des titres se sont résorbés dans les semaines qui ont suivi l’ouverture des délégations territoriales, même si, certes, quelques difficultés subsistent évidemment encore ici ou là. Le CNAPS a ainsi produit dès la première année 83 408 décisions conduisant à la délivrance de 75 355 cartes professionnelles et autorisations préalables. Certaines délégations ont dû en effet faire face à une augmentation des demandes lors du dernier trimestre 2012. Cette hausse s’explique pour partie par le caractère dissuasif des 826 contrôles effectués par le CNAPS en 2012.

En matière de délais, la notification de l’autorisation préalable ou provisoire comme celle de l’octroi de la carte professionnelle s’effectue aujourd’hui, pour 80 % des dossiers, dans un délai moyen de dix jours suivant l’envoi par la délégation territoriale de l’accusé de réception attestant de la complétude du dossier.

Dans les 20 % de cas restants, la durée de traitement des demandes est plus longue. Ces cas correspondent à des situations dans lesquelles une enquête approfondie doit être menée par les services de police et de gendarmerie afin de satisfaire aux conditions exigées par la loi, comme je l’ai moi-même rappelé devant le CNAPS.

En effet, les agents du CNAPS en charge de l’instruction des demandes d’autorisation doivent, lorsque des antécédents judiciaires sont constatés, saisir les services de police ou de gendarmerie afin de connaître les raisons précises ayant justifié cette mention et vérifier si cette dernière est ou non compatible avec la délivrance de l’autorisation sollicitée. Il faut également obtenir la position de l’autorité judiciaire. La collaboration vertueuse entre le CNAPS et les services concernés augure à court terme de l’harmonisation des modalités de traitement des enquêtes de moralité et une réduction des délais.

Par ailleurs, l’expertise acquise par les agents du CNAPS et les effets des démarches en cours pour optimiser le processus d’instruction et les systèmes d’information associés devraient, je l’espère – c’est attendu ainsi –, produire leurs effets dès 2013.

La combinaison de ces facteurs contribuera à l’amélioration du délai de traitement des demandes d’autorisations et de cartes professionnelles formulées par les futurs agents de sécurité privée.

En tant que tutelle de l’établissement public, le ministère de l’intérieur veille attentivement à l’amélioration de la qualité du service proposé par le CNAPS et à la réduction des délais de traitement. La moralisation de ce secteur, sa professionnalisation, objectifs que nous partageons tous, sont évidemment au cœur des priorités de l’établissement public, de la profession, ainsi, évidemment, que du ministère de l’intérieur. L’année 2013 devrait permettre des améliorations.

Tels sont les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance, monsieur le sénateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le ministre, je vous remercie de ces éléments et des améliorations que vous nous laissez espérer.

Je ne sais pas s’il faut s’en féliciter ou le regretter, mais le fait est que le secteur de la sécurité est un grand pourvoyeur d’emplois. Dans un département comme le mien, la Seine-Saint-Denis, de nombreux jeunes en difficulté et sans véritables qualifications peuvent espérer y trouver un emploi.

Je comprends tout à fait qu’il faille vérifier de la manière la plus sérieuse possible, et en prenant le temps nécessaire, les profils des demandeurs, notamment pour les plateformes aéroportuaires. Cela étant dit, des organismes de formation et des professionnels m’ont récemment fait part de leurs difficultés concernant des cas ne posant a priori pas de problème particulier.

J’espère donc que les améliorations que vous nous promettez pour l’année 2013 seront au rendez-vous, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Ambroise Dupont, auteur de la question n° 319, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Ambroise Dupont

Monsieur le ministre, je souhaite évoquer un sujet technique important pour les collectivités locales : la réforme de la défense extérieure contre l’incendie dans les communes.

Attendue avec intérêt depuis 2004 par les professionnels de la sécurité et les élus, cette réforme a connu une évolution notable grâce à l’article 77 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit. Ce texte, codifié au code général des collectivités territoriales, a permis de confirmer et de préciser les règles de la défense extérieure contre l’incendie, ainsi que la répartition des compétences.

Les conditions d’application sont toutefois renvoyées au décret relatif à l’aménagement, l’entretien et la vérification des points d’eau servant à l’alimentation des moyens de lutte contre l’incendie, ainsi qu’à un référentiel national de défense extérieure contre l’incendie, qui tardent singulièrement à être publiés.

Monsieur le ministre, comme vous le savez, de nombreux élus souhaitent depuis longtemps une clarification des compétences ; ils soulignent l’inadéquation aux réalités locales de la réglementation en vigueur en matière de lutte contre l’incendie, les réalités locales étant très disparates, notamment dans les territoires ruraux en cas d’habitat dispersé.

En effet, certaines collectivités rurales, dans l’incapacité d’assurer un débit suffisant, se retrouvent contraintes d’engager des investissements particulièrement coûteux pour se doter de réservoirs d’eau alors qu’une adaptation aux débits produits par les réseaux d’eau potable pourrait dans certains cas permettre de satisfaire aux exigences de la défense extérieure contre l’incendie.

L’enjeu de ce texte est de permettre aux acteurs, en particulier aux maires et aux présidents d’EPCI, d’ajuster les débits en fonction des circonstances locales – risques identifiés, caractéristiques locales du bâti ou de l’urbanisation –, dans le cadre d’une fourchette définie de débit ou de volume en eau devant être disponible.

Les mesures d’application de la réforme relative à la défense contre l’incendie sont depuis longtemps annoncées comme imminentes, mais elles ne cessent d’être reportées, malgré l’avis favorable du bureau de l’Association des maires de France et de la commission consultative d’évaluation des normes en 2012. Sur le terrain, les maires, relayés par les associations d’élus, s’inquiètent de ces retards.

Je vous serais donc reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir nous préciser quand ces mesures entreront effectivement en vigueur. Celles-ci semblent toujours suspendues à l’avis du Conseil d’État, lequel constitue a priori la dernière étape du processus.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la réforme de la défense contre l’incendie, même si le sujet d’actualité dans votre département aujourd'hui est plutôt la neige !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Votre question témoigne de la forte attente, pour ne pas dire de la légitime impatience, de nombreux élus territoriaux de voir enfin aboutir la réforme de la défense extérieure contre l’incendie. Je vous remercie de relayer ces préoccupations de terrain au sein de cette assemblée.

Je réaffirme devant vous ma volonté de mener à bien ce projet engagé depuis 2005. En premier lieu, je tiens à vous informer de l’état d’avancement de cette réforme.

Comme vous le soulignez, l’article 77 de la loi du 17 mai 2011, codifié au code général des collectivités territoriales, a fixé le nouveau cadre législatif de ce domaine.

Le projet de décret d’application est prêt. Il avait d’ailleurs reçu, au début de 2012, les avis favorables de tous les organismes consultatifs intéressés, en particulier celui de la commission consultative d’évaluation des normes. J’ajouterai que le bureau de l’Association des maires de France le soutient également. Ce texte avait été déposé devant le Conseil d’État voilà presque un an, en avril 2012, mais il n’a pu être examiné avant le changement de gouvernement.

J’ai donc relancé la procédure d’adoption du décret dès l’été dernier, mais, en préalable à la saisine du Conseil d’État, nous avons dû consulter les ministères contresignataires du nouveau gouvernement. Cette procédure s’achève enfin. Cela nous permettra de présenter très prochainement le texte devant le Conseil d’État : c’est l’ultime étape avant sa signature et sa publication. J’ajoute que ce décret sera complété par un catalogue de solutions techniques à disposition des acteurs territoriaux : il s’agit du référentiel national de la défense extérieure contre l’incendie, qui prendra la forme d’un arrêté.

En second lieu, sur le fond, sachez, monsieur le sénateur, que la réforme a pour objet de définir le plus précisément possible le rôle de chacun des différents intervenants.

Comme vous le rappelez, la gestion de ce service public et le pouvoir de police administrative spéciale lié sont désormais transférables aux établissements publics de coopération intercommunale. En pratique, ce transfert, opéré sur la base du volontariat, dégagera les maires, en particulier ceux des communes rurales, de toute responsabilité dans ce domaine. Ce transfert total s’effectuera au profit de structures disposant des capacités techniques et juridiques pour exercer cette compétence particulièrement complexe.

En outre, la loi, comme le futur décret, distingue bien ce qui relève du service de l’eau potable de ce qui a trait à la défense contre l’incendie. Les financements respectifs de ces deux services publics sont, par conséquent, scindés. Le décret et le référentiel national préciseront les interactions juridiques et techniques entre ces deux services.

Vous avez également évoqué, monsieur le sénateur, l’impossibilité de surdimensionner, dans les zones rurales, les réseaux d’eau potable au profit de la défense contre l’incendie. Sans entrer dans le détail, sachez qu’il existe des solutions techniques pour utiliser, malgré tout, les capacités de ce type de réseaux, sans abaisser le niveau de sécurité.

Enfin, précisons que les réseaux d’eau potable ne sont pas l’unique ressource en eau de la défense extérieure contre l’incendie, les citernes ou les points d’eau naturels, notamment, pouvant aussi être utilisés. Pour ces cas, des solutions pragmatiques seront trouvées grâce à la collaboration de tous les acteurs concernés par la défense contre l’incendie, à qui je tiens à rendre hommage à cet instant : les services d’incendie et de secours, les collectivités territoriales ou les opérateurs de réseaux d’eau. Ce partenariat est à la fois promu et rendu obligatoire par la réforme. Il est la clef du développement d’une défense contre l’incendie raisonnée.

Vous l’avez compris, monsieur le sénateur, je souhaite que cette réforme puisse entrer en application le plus vite possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Ambroise Dupont

Monsieur le ministre, je vous remercie de cet historique. Se pencher sur cette question me semble d’autant plus indispensable que, avec la mise en place de plans locaux d’urbanisme intercommunaux, les communes se trouvent complètement démunies lorsque la compétence est transférée à l’EPCI.

Monsieur le ministre, vous avez dressé un état des lieux exhaustif, mais, pour l’heure, nous en sommes toujours au même point. Je voudrais que, à l’époque où les marronniers fleurissent, vous abattiez celui-là !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Alain Gournac, auteur de la question n° 324, adressée à Mme la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Le pain français, que l’on nous envie un peu partout dans le monde et qui participe à la qualité de la table française, est une spécificité qui ne doit pas être abandonnée et qu’il faut donc défendre et soutenir.

L’appellation « boulanger » ne peut être utilisée que par les artisans qui, « à partir de matières premières choisies », assurent eux-mêmes « le pétrissage de la pâte, sa fermentation et sa mise en forme, ainsi que la cuisson du pain sur le lieu de vente au consommateur final ».

Or il semble que les consommateurs ne soient pas bien informés de cette règle et que celle-ci ne soit pas toujours respectée.

Concernant la viennoiserie, par exemple, selon certains membres de la profession, un produit vendu en boulangerie sur deux serait de fabrication industrielle. D’autres, minimisant la réalité, affirment, au contraire, que l’utilisation de produits industriels congelés demeure marginale.

Produire français, madame la ministre, c’est, notamment dans ce domaine, respecter des règles et des méthodes qui ont concouru à la qualité de nos produits et, partant, à leur notoriété. Aussi aimerais-je savoir ce qu’il en est exactement en matière de mode de fabrication des produits vendus en boulangerie : pouvez-vous nous éclairer à ce sujet ?

Par ailleurs, ne conviendrait-il pas, pour défendre cet artisanat de la boulangerie sur l’ensemble de notre territoire, voire à l’étranger, assurer une véritable promotion des boulangeries méritant leur appellation, par la mise en place d’une signalétique efficace, visible et sans ambiguïté à destination des consommateurs ?

La semaine dernière, le Sénat a organisé la remise des prix du concours national des meilleurs apprentis de France. C’est une magnifique manifestation, qui nous permet de rencontrer chaque année une jeunesse dont notre pays peut s’enorgueillir.

Madame la ministre, ma question relève, certes, du souci de défendre cette grande tradition française de la boulangerie, mais je la pose également par respect pour l’engagement de ces jeunes apprentis, par respect pour le formidable travail de leurs maîtres d’apprentissage, par respect, aussi, pour le soutien que leur apportent leurs parents, dont la fierté faisait plaisir à voir, mercredi dernier.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme

Monsieur le sénateur, je partage pleinement votre vision du travail de nos boulangers et de la contribution de cette profession à la réputation et au rayonnement de notre pays.

Le secteur de la boulangerie regroupe quelque 32 000 entreprises de commerce de détail alimentaire de proximité réparties sur l’ensemble du territoire. Son chiffre d’affaires annuel atteint environ 11 milliards d’euros et il compte 160 000 salariés. Chaque jour, plus de 12 millions de clients poussent la porte d’une boulangerie. Le pays tout entier est fier de cette spécificité, protégée par la loi du 25 mai 1998, qui détermine les conditions juridiques de l’exercice de la profession d’artisan boulanger. En effet, depuis cette date, l’appellation de « boulanger » et l’enseigne de « boulangerie » bénéficient d’une protection codifiée dans le code de la consommation. Ainsi, comme vous l’avez rappelé, ce dernier dispose que les professionnels « ne peuvent utiliser l’appellation de boulanger et l’enseigne commerciale de boulangerie » s’ils « n’assurent pas eux-mêmes, à partir de matières premières choisies, le pétrissage de la pâte, sa fermentation et sa mise en forme ainsi que la cuisson du pain sur le lieu de vente au consommateur final ». Il est également précisé que « les produits ne peuvent à aucun stade de la production ou de la vente être surgelés ou congelés ». Ces dispositions s’appliquent également lorsque le pain est vendu de façon itinérante par le professionnel. Des sanctions pénales assez sévères sont prévues dans la loi, puisque l’infraction à cette législation est passible d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à deux ans et d’une amende de 37 500 euros.

Les viennoiseries vendues en boulangerie bénéficient du même gage de qualité. Par ailleurs, afin de valoriser la fabrication « maison », la profession travaille actuellement à la réalisation d’un code des usages incitant à la fabrication « maison » et qui permettra d’améliorer l’information des clients.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le cadre juridique permettant de protéger cette profession à laquelle nous sommes tous très attachés existe. Le Gouvernement fera tout pour assurer le respect de la législation en vigueur.

L’enjeu, pour la profession, est aujourd’hui de valoriser ces métiers passionnants mais confrontés, comme les autres métiers de l’artisanat, à la nécessité d’attirer des jeunes. Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, une manifestation qui a eu lieu la semaine dernière au Sénat. Le Gouvernement partage votre ambition d’inciter de plus en plus de jeunes à s’orienter vers cette belle profession et s’associe à l’hommage que vous avez rendu aux maîtres d’apprentissage et à l’ensemble des structures qui permettent à nos jeunes de se former dans de bonnes conditions afin de devenir, demain, des professionnels qui auront à cœur d’élaborer des produits de qualité, dans des conditions propres à rassurer le consommateur.

Dans cette perspective, le pacte pour l’artisanat que j’ai présenté en janvier dernier contient des dispositions en faveur de la valorisation et du renforcement de l’attractivité des métiers de l’artisanat, ainsi que des mesures relatives à la formation des jeunes. Sont ainsi prévus, notamment, une réforme de l’orientation, des campagnes ciblées de promotion des savoir-faire, plusieurs e-concours pour attirer les jeunes. En outre, certaines manifestations organisées par les professionnels, comme la « fête du pain » ou la « fête de la gastronomie », sont l’occasion de mettre en valeur les nombreux savoir-faire d’excellence de notre pays.

Enfin, je précise que, dans le cadre du pacte pour l’artisanat, j’ai engagé une réflexion sur le statut de l’artisan, en vue de clarifier les qualifications requises pour exercer ces métiers si utiles et représentés sur l’ensemble du territoire national.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, les préoccupations du Gouvernement rejoignent les vôtres. J’espère pouvoir, sur ces sujets, compter sur le soutien du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Je vous remercie de cette réponse très claire, madame la ministre ; je ne vois pas de désaccord entre nous.

Cela étant, vous nous avez exposé un idéal : je suis persuadé que le consommateur reste mal informé sur le caractère industriel de la fabrication du pain qu’il achète dans ce qu’il croit être une authentique boulangerie. Chacun est bien sûr libre d’acheter un tel produit, mais ce doit être en connaissance de cause, en sachant qu’il ne s’agit pas de pain fabriqué sur place, par un boulanger qui s’est levé en pleine nuit pour préparer sa pâte.

Le même manque d’information prévaut pour la pâtisserie. En principe, un gâteau ayant été congelé doit être signalé par un petit ours, mais je vous mets au défi, madame la ministre, de me citer un commerce pratiquant cet affichage. En effet, les professionnels craignent les réactions négatives des consommateurs.

En définitive, tout ce que je souhaite, c’est que notre formidable tradition du pain, renommée dans le monde entier, ne se perde pas. Soyez assurée, madame la ministre, de mon soutien pour la défendre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Christian Cambon, auteur de la question n° 349, adressée à Mme la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Madame la ministre, ma question recoupe en partie celle de mon collègue Alain Gournac : si elle concerne un autre secteur, elle porte sur le même sujet.

Les crises successives que vient de connaître le secteur agroalimentaire incitent de plus en plus les consommateurs à rechercher la transparence sur l’origine, la composition et la qualité gustative des produits qu’ils achètent et consomment, notamment dans les restaurants.

Or, en ces temps de crise économique, nous devons tout faire pour promouvoir la qualité de nos productions alimentaires. L’agroalimentaire représente en effet un secteur de l’économie nationale source d’emplois, de formations pour nos jeunes et de débouchés à l’export.

Dans le département dont je suis l’élu, le marché d’intérêt national de Rungis est la vitrine par excellence de ce savoir-faire français. Cette qualité vient d’être récompensée, puisque le « repas gastronomique des Français » a été classé au patrimoine mondial immatériel de l’humanité par l’UNESCO en 2011.

Néanmoins, ce secteur subit une évolution inquiétante. En effet, pour des raisons pratiques, économiques ou financières, de plus en plus de restaurants proposent des modes de cuisine très différents, qui ne respectent pas totalement les valeurs de la gastronomie française.

En fait, trois modes de cuisine sont pratiqués dans nos restaurants : le réchauffage, l’assemblage et la cuisine « maison ».

Le réchauffage consiste, comme son nom l’indique, à décongeler des produits surgelés, à réchauffer des plats sous vide ou le contenu de boîtes de conserve. Ainsi, sans le savoir, on peut déguster, dans certains restaurants situés sur les bords de la Méditerranée, une soupe de poissons qui n’a rien à voir avec la pêche du jour, mais provient de boîtes de conserve. De même, la traditionnelle tarte des demoiselles Tatin peut avoir été fraîchement décongelée et provenir d’un établissement industriel qui semble détenir une forme de monopole de la fabrication en masse de cette pâtisserie, magnifique lorsqu’elle est bien travaillée.

L’assemblage est une pratique permettant de présenter sur une même assiette des produits qui n’ont pas été élaborés sur place, ou seulement en partie.

Enfin, la cuisine « maison », pour laquelle nombre de nos artisans restaurateurs se battent avec courage, respecte les savoir-faire traditionnels et propose des repas préparés entièrement sur place, à base de produits frais.

Malheureusement, faute de label précis, le consommateur ne s’y retrouve pas et risque de finir par perdre confiance, comme pour le pain.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

De surcroît, le secteur est en crise : les recettes ont connu une baisse de 2 % en volume en 2012, et la situation ne devrait pas s’améliorer en 2013. En outre, la restauration commerciale devra composer avec un relèvement du taux de la taxe sur la valeur ajoutée de 7 % aujourd’hui à 10 % en 2014. Ces évolutions pourraient profiter aux industriels de l’agroalimentaire et nuire aux restaurateurs pratiquant la cuisine « maison », l’assemblage assurant des performances économiques beaucoup plus élevées.

Pour lutter contre cette tendance, des restaurateurs se mobilisent, à l’instar des artisans boulangers, pour valoriser leurs savoir-faire et leur travail grâce à différents labels.

Ainsi, depuis le mois de février dernier, en région d’Île-de-France, le Centre régional de valorisation et d’innovation agricole et alimentaire a lancé le label « des produits d’ici, cuisinés ici ». Les professionnels signataires de la charte doivent utiliser en priorité des matières premières issues de l’agriculture francilienne, appartenir au secteur de la restauration commerciale traditionnelle et transformer eux-mêmes les produits frais dans la cuisine de leur restaurant. Ce nouveau label régional vient s’ajouter à ceux qui ont déjà été mis en place dans différentes régions par les restaurateurs.

Toutefois, cela n’est guère lisible pour les consommateurs. Par conséquent, ne faudrait-il pas instituer, à l’exemple de la classification hôtelière, un label national validé par l’État pour aider les consommateurs à mieux comprendre la nature des produits qu’ils vont trouver dans leur assiette ?

Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour valoriser la cuisine « maison » et le travail des restaurateurs – ce ne sont pas forcément les plus grands –…

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme

Monsieur le sénateur, valoriser la qualité dans la restauration est l’une de mes priorités.

Dans cet esprit, conformément aux engagements du Président de la République, j’ai établi, avec les organisations représentatives des professionnels du secteur, un bilan de la mise en place du contrat d’avenir dans la restauration. Nous avons constaté que ce dispositif n’avait pas permis de répondre à l’ensemble des attentes.

J’ai donc décidé de définir, en lien avec les organisations professionnelles, une méthode de travail. J’aurai le plaisir d’installer prochainement un comité stratégique de filière pour la restauration. Il travaillera sur les sujets que vous avez évoqués, monsieur le sénateur, ainsi que sur le dialogue social, les conditions de travail, la modernisation de nos restaurants, la création d’emplois. Nous devons notamment accompagner les professionnels de la restauration dans la réflexion sur la qualité et la transformation des produits.

Une première réponse à vos préoccupations a déjà été apportée par l’État avec la création du titre de maître-restaurateur, qui vise à distinguer les professionnels de la restauration traditionnelle, sur la base d’une qualification professionnelle et du respect d’un cahier des charges très précis, fondé sur une forte exigence de qualité. Ce dernier impose en particulier que la cuisine soit faite sur place, à partir de produits majoritairement frais, sans recourir à des plats préparés. En matière d’accueil des clients, il prévoit la présence d’au moins un personnel de salle titulaire d’un certificat d’aptitude professionnelle « restaurant », d’un titre homologué ou de deux ans d’expérience. Le niveau d’exigence est également élevé pour les aménagements intérieurs, qui doivent être soignés, l’environnement et, bien sûr, l’hygiène.

Malheureusement, nous constatons aujourd'hui que le titre de maître-restaurateur n’a pas rencontré le succès escompté : le 12 novembre dernier, j’ai remis le 2 000ème. Ce chiffre est insuffisant, c’est pourquoi je souhaite que nous puissions travailler à la rénovation de ce titre dans le cadre du comité stratégique de filière, en vue non pas d’abaisser l’exigence de qualité, mais plutôt de simplifier le cahier des charges pour le rendre plus accessible aux professionnels, en particulier aux petits restaurateurs. En effet, ceux-ci peuvent être effrayés par le volume du dossier administratif à compléter pour l’obtention du titre de maître-restaurateur.

C’est là une première piste de travail pour à la fois valoriser le travail des professionnels et rassurer les clients, qui ont évidemment le droit de savoir si les plats qui leur sont servis ont été ou non préparés sur place et d’être informés sur la provenance des produits.

Il s’agit donc d’une problématique globale. La fête de la gastronomie, au mois de septembre prochain, devra permettre aux professionnels de présenter leur savoir-faire, leur excellence et, surtout, leur passion.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Madame la ministre, je vous remercie des informations précises que vous venez de nous apporter sur ce sujet consensuel, notamment au Sénat, qui, en tant qu’assemblée des territoires, entend porter haut les couleurs de notre gastronomie.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

M. Christian Cambon. Le président Carle nous conseillera peut-être de ne manger que de la raclette : avec ce plat, impossible de tricher !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Plus sérieusement, j’approuve votre approche concernant l’évolution du titre de maître-restaurateur, madame la ministre. Mais si la qualité de la formation des professionnels est une question essentielle, je voudrais surtout insister ici sur l’importance de travailler des produits frais. Trop souvent, il est recouru à l’assemblage d’éléments préconfectionnés, et cela vaut aussi pour des établissements prestigieux ! On constate des choses très surprenantes à cet égard ! A contrario, certains petits restaurants consentent beaucoup d’efforts pour défendre les valeurs de notre gastronomie en cuisinant des produits frais. ()

Sachez, madame la ministre, que toutes les initiatives du Gouvernement visant à promouvoir la gastronomie de notre pays recevront notre assentiment et notre soutien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix heures cinquante-cinq, est reprise à onze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. René Teulade, auteur de la question n° 321, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de René Teulade

Voilà une vingtaine d’années, Guy Bedos déclarait, dans un hebdomadaire, que « personne n’est à l’abri d’une sorte d’obésité morale : il est nécessaire de se faire transpirer l’âme ». Aujourd'hui, je voudrais évoquer non pas les maux de l’âme, mais l’obésité corporelle, qui connaît une dangereuse progression depuis une quinzaine d’années.

En effet, le constat issu de l’enquête nationale Obepi-Roche de 2012 est inquiétant. L’obésité concernerait à l’heure actuelle près de 7 millions de Français, soit 15 % de la population, et le surpoids quelque 15 millions de nos compatriotes. Ainsi, le nombre de personnes obèses a augmenté de 76 % depuis 1997.

En outre, d’autres tendances, tout aussi pernicieuses, méritent d’être soulignées.

Ainsi, la prévalence de l’obésité a crû de 1, 4 point en seulement trois ans chez les 18-24 ans.

Par ailleurs, les inégalités territoriales se sont creusées. Désormais, quatre régions affichent un taux de prévalence de l’obésité supérieur de près de 40 % à la moyenne nationale, tandis que le gradient décroissant Nord-Sud et Est-Ouest, déjà observable quinze années auparavant, est plus que jamais une réalité.

Enfin, l’obésité s’est développée du fait des inégalités de revenus. Il existe toujours une relation inversement proportionnelle entre le niveau de revenu des ménages et la prévalence de l’obésité.

Outre l’impact potentiellement négatif de l’obésité sur la psychologie de l’individu – elle s’accompagne souvent d’une perte de confiance, d’un mal-être et d’un enfermement sur soi –, les risques cardiovasculaires augmentent nettement. Par exemple, les personnes obèses sont trois fois plus souvent affectées que les autres par la dyslipidémie, sept fois plus par le diabète et quatre fois plus par des problèmes d’hypertension.

Dans ces conditions, il est primordial de lutter activement contre cette maladie. La prévention, l’éducation à la nutrition et la protection des consommateurs sont les principaux leviers d’action dont disposent les pouvoirs publics.

Or, plus d’une décennie après les premières décisions prises par l’industrie agroalimentaire afin d’améliorer les recettes des produits, les derniers chiffres diffusés par l’Observatoire de la qualité de l’alimentation indiquent que les produits agroalimentaires ne respectent toujours pas les préconisations du Programme national nutrition santé, lancé en 2001.

Si certains progrès sont à noter, le récent scandale de la viande chevaline rappelle l’impérieuse nécessité de renforcer les contrôles sanitaires, l’information des consommateurs et la qualité nutritionnelle des produits agroalimentaires, ainsi que d’encadrer davantage le marketing promotionnel, notamment à destination des plus jeunes.

Enfin, la lutte contre l’obésité nécessite des moyens, comme en témoigne le programme lancé par la première dame des États-Unis, la semaine passée, visant à promouvoir l’activité physique au sein des écoles. Ce programme sera financé par un partenariat public-privé à hauteur de 150 millions de dollars par an.

Par conséquent, des solutions concrètes existent. Je souhaiterais savoir si des actions nouvelles sont envisagées par le Gouvernement en matière de prévention de l’obésité. Est-il prévu d’inscrire des mesures législatives à ce titre dans la future loi de santé publique ?

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Monsieur le sénateur, il est exact que l’obésité est devenue un enjeu de santé publique majeur dans notre pays : 15 % de la population adulte serait concernée.

Comme vous l’avez souligné, il est préoccupant de constater que les données statistiques globales cachent des réalités très diverses selon les territoires et les catégories sociales : le surpoids et l’obésité sont devenus des marqueurs d’inégalités parfaitement identifiés. Il y a dix fois plus d’enfants obèses chez les ouvriers que chez les cadres. De même, plusieurs régions affichent des taux élevés d’obésité : 21, 3 % pour le Nord-Pas-de-Calais, 20, 9 % pour Champagne-Ardenne, 20 % pour la Picardie, alors que la moyenne nationale est de 15 %.

Nous sommes donc confrontés à un enjeu majeur, ce qui doit nous amener à développer des actions multiples et cohérentes dans divers milieux. En effet, les actions ciblées, si elles restent concentrées sur un seul secteur, ne sont plus suffisantes aujourd’hui. Il faut pouvoir mettre en place des chaînes d’actions, depuis les familles jusqu’à l’école ou au milieu de travail. De ce point de vue, les collectivités territoriales ont bien entendu un rôle essentiel à tenir, en tant qu’acteurs de proximité.

La première priorité du Gouvernement est d’agir très en amont, pour prévenir le surpoids et l’obésité le plus tôt possible.

Pour ce faire, il convient, tout d’abord, de développer, en particulier en direction des jeunes, des actions de sensibilisation afin de promouvoir une bonne alimentation et la pratique d’une activité physique régulière. L’école a un rôle important à jouer à ce titre : l’activité sportive fait d’ailleurs partie, en France, du programme scolaire, ce qui n’est pas le cas aux États-Unis. Je me réjouis qu’un nombre croissant de collectivités s’engagent dans la promotion d’une bonne alimentation dans les restaurants scolaires.

Par ailleurs, nous devons renforcer les actions de repérage des enfants à risque par les médecins généralistes et les pédiatres. Nous avons entrepris une démarche de sensibilisation de ces professionnels à cette problématique.

Nous devons, enfin, organiser des prises en charge de proximité plus soutenues et mieux coordonnées.

Pour réussir, il faut démultiplier les lieux d’action, qu’il s’agisse du milieu scolaire, des lieux de travail ou des lieux de vie. Nous entendons aller vers une « labellisation » des actions menées par les collectivités et les entreprises, afin de garantir des obligations non seulement de moyens, mais aussi de résultats.

Cette démarche sera intégrée dans le projet de loi de santé publique qui sera présenté prochainement au Parlement. C’est un élément-clé de la stratégie nationale de santé voulue par le Gouvernement. La lutte contre l’obésité illustre la déclinaison de notre politique de santé, allant de la prévention jusqu’à l’accompagnement et au soin.

Debut de section - PermalienPhoto de René Teulade

Je vous remercie de ces précisions, madame la ministre.

Vous pouvez compter sur notre engagement à vos côtés. Je partage particulièrement votre ambition d’agir auprès des jeunes dans le milieu scolaire. Aujourd’hui, de moins en moins d’enfants se rendent à l’école à pieds : même quand il n’y a que 500 mètres à parcourir, leurs parents les y emmènent en voiture !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Maurice Vincent, auteur de la question n° 307, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Vincent

Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur le projet d’ouverture d’une formation de maïeutique au sein de la faculté de médecine de Saint-Étienne, seule ville universitaire de France à en être dépourvue.

Je souligne que l’absence d’une telle formation porte préjudice aux étudiants ligériens, souvent d’origine modeste. Ils sont contraints de payer un loyer pour se loger à Lyon ou à Bourg-en-Bresse, ce qui renforce les inégalités territoriales.

Le département de la Loire, je le souligne, accueille un nombre significatif de patientes venues des départements limitrophes de la région Auvergne, qui ne sont habituellement pas prises en compte dans les statistiques.

Le projet d’ouverture d’une formation à la profession de sage-femme, engagé dès 2006, vise à répondre à une situation devenue sensible : pyramide des âges défavorable, contexte réglementaire ayant élargi très significativement le champ de compétence des sages-femmes, diminution du nombre des gynécologues médicaux et des obstétriciens.

Ce projet, étudié de longue date, a fait l’objet d’un travail partenarial entre le CHU de Saint-Étienne, l’ordre des sages-femmes de la Loire, l’agglomération Saint-Étienne Métropole et la région Rhône-Alpes. Il s’est heurté jusqu’ici à l’existence d’un numerus clausus, pour l’accès à la deuxième année de formation au métier de sage-femme, de quatre-vingt-seize places pour l’ensemble de la région.

Sur un plan pédagogique et logistique, la formation pourrait être accueillie sans difficulté dans les locaux actuels de la faculté de médecine, puis, à partir de 2014, sur le pôle de santé devant être créé au nord de l’agglomération.

La région Rhône-Alpes soutient l’ouverture d’une telle formation à Saint-Étienne et s’est engagée à financer l’intégralité du coût de celle-ci, soit un montant de l’ordre de 500 000 euros par an, sous réserve qu’un arrêté ministériel autorise l’élargissement du numerus clausus afin de rendre la réalisation de ce projet possible.

Un accroissement du numerus clausus de quinze à vingt places permettrait de répondre aux besoins du territoire et serait conforme à l’esprit de la loi du 13 août 2004, qui a confié aux régions le soin de veiller à l’organisation et au financement des formations paramédicales.

Compte tenu de ces éléments, j’aimerais connaître les intentions du Gouvernement quant à l’ouverture d’une formation de maïeutique au sein de la faculté de médecine de Saint-Étienne. J’espère, madame la ministre, que vous pourrez donner une réponse favorable à ma demande.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur le projet, amorcé en 2006, de création d’une école de sages-femmes à Saint-Étienne. Ce projet, porté par l’ensemble des acteurs locaux, suppose que le numerus clausus soit accru de quinze à vingt places.

Le nombre d’étudiants admis en filière maïeutique est fixé chaque année par les ministres chargés de la santé et de l’enseignement supérieur, après consultation des autorités compétentes et en fonction de la démographie des femmes en âge de procréer, ainsi que de l’effectif et de l’âge des sages-femmes en exercice.

La région Rhône-Alpes connaît incontestablement un fort taux de naissances, puisqu’il s’élevait à 10 % en 2009. Dans le département de la Loire, le taux brut de natalité est de 12, 3 % et l’indicateur conjoncturel de fécondité est également élevé, puisqu’il s’établit à 212 enfants pour 100 femmes âgées de 15 à 49 ans.

Au 1er janvier 2012, 12 % des effectifs de sages-femmes exerçaient en région Rhône-Alpes, soit 265 des 2 256 sages-femmes en activité en France métropolitaine. Cette densité de sages-femmes plutôt élevée classe la région Rhône-Alpes parmi les mieux dotées de France. Pour autant, il est exact que des différences existent au sein de la région : la densité de sages-femmes dans le département de la Loire est relativement forte, même si les perspectives en matière de départs à la retraite doivent nous alerter.

Actuellement, douze places de formation en maïeutique sont ouvertes pour les étudiants au concours de première année commune aux études de santé à l’université de Saint-Étienne, se répartissant entre l’école du centre hospitalier régional de Lyon et celle de Bourg-en-Bresse.

L’ouverture d’une formation de maïeutique à Saint-Étienne doit être étudiée en prenant en compte l’évolution de l’offre de soins en périnatalité et en pédiatrie, les perspectives offertes par les coopérations interprofessionnelles, ainsi qu’une meilleure répartition des formations sur les territoires en Rhône-Alpes.

Monsieur le sénateur, sans exclure a priori une augmentation du nombre de places offertes, je tiens à vous dire que l’ouverture d’une nouvelle formation en maïeutique à Saint-Étienne devra d’abord s’appuyer sur un redéploiement du numerus clausus sans altérer les conditions de formation au sein des écoles de Lyon et de Bourg-en-Bresse. Ce redéploiement me paraît possible ; nous devrions pouvoir travailler ensemble en ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Vincent

Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, même si elle ne me satisfait pas totalement compte tenu des difficultés que pose un redéploiement du numerus clausus entre les écoles.

J’insiste une nouvelle fois sur le fait que le département de la Loire accueille des patientes extérieures à la région Rhône-Alpes. L’influence exercée par l’agglomération stéphanoise sur les bassins de vie du Puy-en-Velay et de Monistrol-sur-Loire a une incidence sur l’activité de nos établissements de santé, qui doit aussi être prise en considération pour l’évaluation des besoins, outre les éléments que vous avez cités, madame le ministre.

Quoi qu’il en soit, je reste optimiste. Vous pouvez compter sur ma motivation pour faire avancer ce dossier, dans le sens d’une amélioration de la répartition de l’offre de formation, au bénéfice des étudiants stéphanois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la question n° 333, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Madame la ministre, je souhaiterais connaître votre sentiment sur les obstacles rencontrés par la commune de Régusse, dans le Var, pour obtenir l’implantation sur son territoire d’une pharmacie, dont la nécessité est évidente – en tout cas, je voudrais vous en persuader –, dans le cadre du transfert d’une officine.

Régusse, qui est la plus grande commune du canton de Taverne, lequel ne compte aucune pharmacie, connaît depuis longtemps, du fait de sa situation dans la zone d’influence de l’agglomération Marseille-Aix-en-Provence, une dynamique démographique exceptionnelle. Sa population est passée de 820 habitants en 1990 à 1 133 en 1999, puis à 1 729 habitants en 2008. À partir de cette date, la croissance s’accélère, la population atteignant 2 067 habitants au recensement de 2011, soit une augmentation de 19, 5 % en trois ans. À ce rythme, la population permanente de Régusse dépassera 2 500 habitants en 2015, c’est-à-dire demain matin.

Si l’on ajoute que la proximité des gorges du Verdon et du lac de Sainte-Croix entraîne un triplement de la population du secteur en période estivale, on a un peu de peine à comprendre l’application sans nuance de l’article L. 5125-11 du code de la santé publique par l’agence régionale de santé, l’ARS, et le préfet du Var pour s’opposer au transfert d’une officine demandé par la commune de Régusse.

En conséquence, madame la ministre, je vous prie de bien vouloir m’indiquer si vous disposez d’une marge d’appréciation dans l’application de l’article L. 5125-11 du code de la santé publique, ouvrant la possibilité d’un nouvel examen de la demande de la commune de Régusse, et si, à défaut, vous envisagez, dans le cadre de la politique gouvernementale d’égalité des territoires, de prendre des dispositions permettant, dans les secteurs ruraux et périurbains, de donner un contenu autre que décoratif à l’article L. 1411-11 du code de la santé publique, qui dispose que « l’accès aux soins de premier recours ainsi que la prise en charge continue des malades sont définis dans le respect des exigences de proximité, qui s’apprécie en termes de distance et de temps de parcours ».

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Monsieur le sénateur, je suis particulièrement attachée à garantir l’accès aux soins pour tous nos concitoyens, sur l’ensemble du territoire. À l’évidence, l’officine de pharmacie joue un rôle important à cet égard.

Aujourd'hui, de nouvelles perspectives sont offertes aux pharmaciens d’officine : nous avons la volonté de leur permettre de répondre aux préoccupations et aux attentes de la population française. Cela se traduira par l’attribution de missions nouvelles identifiées comme telles, notamment en matière de conseil, qui seront rémunérées. L’officine de pharmacie est donc un acteur à part entière de notre système de soins.

En matière d’implantation d’officines, des règles sont fixées au niveau législatif. Elles sont appliquées de façon claire et stricte. La France bénéficie incontestablement d’une des plus fortes densités officinales d’Europe. Même si nous sommes attachés à cette spécificité, nous devons veiller à ce que les pharmacies puissent conserver une taille suffisante, qui leur permette à la fois de développer de nouveaux services à la population et de maintenir un équilibre économique.

Actuellement, le dispositif législatif autorise l’implantation d’une pharmacie dans une commune de moins de 2500 habitants qui en est dépourvue dans deux cas seulement : soit par voie de transfert, afin de favoriser le rééquilibrage du réseau officinal, soit lorsqu’une pharmacie a cessé définitivement son activité, en vue de préserver la desserte en médicaments des populations concernées.

Cette législation a permis un maillage du territoire très homogène. Aujourd'hui, il n’y a pas de déserts officinaux dans notre pays, alors que nous sommes confrontés au risque de voir apparaître des déserts médicaux.

En application de cette législation, une autorisation d’ouverture d’une pharmacie dans la commune de Régusse serait illégale et susceptible d’un recours contentieux, qui ne manquerait pas d’être formé.

Cependant, au regard de l’évolution démographique très rapide de cette commune, le seuil des 2 500 habitants devrait être atteint très prochainement : l’ouverture d’une pharmacie pourrait alors être envisagée de manière tout à fait différente. Vous le voyez, monsieur le sénateur, des perspectives sont ouvertes à ce titre pour la commune de Régusse, compte tenu de son dynamisme démographique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Madame la ministre, j’ai un peu de mal à comprendre votre réponse. Vous dites que l’implantation d’une officine est possible en cas de transfert, or c’est bien de cela qu’il s’agit en l’occurrence ! Pourtant, vous concluez qu’il faut attendre… Le pharmacien qui est disposé à venir n’attendra pas trois, quatre ou cinq ans !

Je voudrais aussi vous faire observer que l’article L. 5125-11 du code de la santé publique a été durci il y a quelques années : dans sa rédaction antérieure, il était tenu compte, pour autoriser l’implantation d’une pharmacie, non pas de la population de la commune, mais de celle de la zone de chalandise, en l’espèce un canton entier.

Je constate donc que vous m’opposez une fin de non-recevoir. J’en ai d'ailleurs l’habitude : à propos du dossier, tout aussi important, de la maternité de La Seyne-sur-Mer, dont je vous avais saisie précédemment, vous vous étiez contentée de suivre l’avis de l’ARS. Comme le dit la chanson, « à quoi bon assurément changer de gouvernement » !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, auteur de la question n° 221, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Madame la ministre, ma question concerne les compétences respectives du maire et du préfet en matière de lutte contre l’insalubrité. En particulier, quelle est l’autorité compétente pour instruire les signalements d’insalubrité ? C’est un sujet récurrent de débat entre les collectivités et les services déconcentrés de l’État, notamment pour le cas des communes de moins de 20 000 habitants, qui ne disposent en général ni d’un service communal d’hygiène et de santé, un SCHS, ni d’un inspecteur de salubrité : quel est alors le service compétent, communal ou étatique, pour effectuer la « première visite » d’un logement suspecté d’insalubrité ?

Nombre de ces communes se heurtent à un refus persistant de la part des services des agences régionales de santé d’instruire les plaintes d’insalubrité que les administrés leur transmettent. Pourtant, la liste exhaustive des services communaux d’hygiène et de santé subventionnés a été arrêtée par l’État au début des années quatre-vingt et n’a pas été amendée depuis. Or les villes de moins de 20 000 habitants ne sont pas éligibles à ces aides et n’ont donc pas les moyens d’effectuer la démarche que les services de l’État leur demandent d’assumer.

Malgré cela, certaines préfectures et agences régionales de santé estiment qu’il ne leur revient pas de procéder à la première visite, arguant des pouvoirs généraux de police du maire définis à l’article L. 2212 du code général des collectivités territoriales et des pouvoirs conférés par l’article L. 421-4 du code de la santé publique. En d’autres termes, les ARS attendent des communes que leurs services procèdent eux-mêmes aux premières visites, l’État prenant ensuite le relais.

Cela est logique pour les grandes villes. En revanche, pour les communes de moins de 20 000 habitants, qui ne disposent pas des moyens humains ou financiers nécessaires à l’exécution de ces missions, cette situation pose de véritables difficultés.

En outre, les articles L. 1331-26 et L. 1331-28 du code de la santé publique prévoient expressément que les services sanitaires et sociaux de l’État établissent le rapport motivé sur l’insalubrité d’un immeuble signalé. Le préfet, pour sa part, une fois saisi de ce rapport, a compétence pour consulter la commission départementale.

Cette interprétation a d’ailleurs été confirmée par un arrêt de principe « Ministre du travail, de l’emploi et de la santé contre commune de Rodez » du Conseil d’État en date du 14 novembre 2011. Le Conseil d’État a clairement condamné, à cette occasion, certaines pratiques locales consistant, pour les services déconcentrés, à demander au maire d’intervenir lors de la première visite d’un logement suspecté d’insalubrité, aux fins de filtrer les signalements. Dans cette décision, la haute juridiction administrative a également posé le principe selon lequel il appartient aux services préfectoraux d’effectuer la première visite d’un logement concerné par une plainte pour insalubrité. Certains services de l’État persistent néanmoins à demander aux communes de moins de 20 000 habitants d’accomplir cette mission à leur place.

Madame la ministre, au regard de cette difficulté, pouvez-vous clarifier les compétences respectives des services de la préfecture et des services municipaux en matière de lutte contre l’insalubrité dans le cas des villes de moins de 20 000 habitants ?

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Monsieur le sénateur, il revient effectivement au maire de contrôler l’application du règlement sanitaire départemental, qui comporte les règles d’hygiène de l’habitat. Il lui appartient donc d’intervenir pour constater une éventuelle infraction à cette réglementation et pour mettre en demeure la personne concernée de se conformer à celle-ci.

En effet, les maires sont chargés de veiller au respect des règles de salubrité sur le territoire de la commune, en vertu de leurs pouvoirs généraux de police, d’une part, et de leurs pouvoirs de contrôle administratif et technique des règles générales d’hygiène applicables aux habitations et à leurs abords, d’autre part.

En complément, les services de l’État sont tenus de mettre en œuvre la procédure visant à mettre fin à des situations d’insalubrité dans des logements présentant un danger pour la santé des occupants ou des voisins.

La loi a prévu la procédure suivante.

Le directeur général de l’agence régionale de santé ou le directeur du service communal d’hygiène et de sécurité doit établir un rapport motivé sur l’état du logement. Le préfet prescrit alors les mesures proposées par la commission départementale compétente en matière d’environnement, de risques sanitaires et technologiques qui est saisie du dossier : réalisation de travaux ou interdiction définitive d’habiter.

On distingue donc deux situations différentes en fonction de la situation du logement, avec une graduation des mesures coercitives : le maire intervient pour de simples infractions au règlement sanitaire départemental ou en cas de manque d’hygiène ; le préfet et l’agence régionale de santé interviennent en cas de désordres plus importants conduisant à une situation d’insalubrité.

Quelle que soit la commune, il revient au préfet de prescrire les mesures propres à remédier à l’insalubrité d’un immeuble. Pour les communes de moins de 20 000 habitants ne disposant pas d’un SCHS, c’est l’agence régionale de santé qui établit le rapport constatant l’insalubrité.

S’agissant des plaintes ou des signalements reçus ne faisant pas mention d’insalubrité, les maires restent compétents pour intervenir et mener une visite du logement. Si, lors de cette visite, une insalubrité est constatée, il revient au maire de transmettre à l’agence régionale de santé ou au préfet le dossier, qui relève alors de la compétence de l’État.

La situation, je le comprends, monsieur le sénateur, peut paraître compliquée. Tout l’enjeu est de parvenir à caractériser les situations en amont, afin de déterminer si elles relèvent de mesures d’hygiène, la mairie étant alors compétente, ou de mesures de salubrité et de santé, incombant à l’État.

Mon ministère travaille donc actuellement à l’élaboration d’un formulaire qui pourra être complété par le plaignant ou, en cas de visite de la municipalité, par le maire ou l’adjoint délégué sur place, et qui permettra de déterminer si les situations relèvent de la compétence de la municipalité ou de celle de l’agence régionale de santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Madame la ministre, vous en conviendrez, le distinguo que vous avez établi suppose que l’on puisse déterminer, lors de la première visite, dans quel cas on se situe. Cependant, il est nécessaire que ce soit un agent spécialement formé à cette fin qui établisse le diagnostic, car je ne crois pas que le maire soit en mesure de déterminer lui-même s’il s’agit d’une situation grave d’insalubrité ou d’un simple problème d’hygiène.

Je voudrais insister sur le cas des petites villes, et particulièrement de celles qui comptent un grand nombre de logements insalubres, construits par exemple dans les années trente. Il faudrait donner des consignes de souplesse aux services de l’État, car il arrive parfois que les agences régionales de santé renvoient les plaignants vers la commune, qui est quelque peu démunie pour faire face à ce type de situations. La régionalisation d'un certain nombre de services de l'État se traduit quelquefois par une perte de proximité avec les territoires ; trop souvent, les plaignants sont renvoyés vers le maire. Il en est ainsi dans ma commune, Le Bourget, en Seine-Saint-Denis, qui compte un important parc de logements insalubres : confrontés à la rigueur et à la longueur des procédures, nous ne pouvons traiter tous les problèmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, dans l’attente de l’arrivée de Mme la garde des sceaux.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à onze heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 205, transmise à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ma question est relative aux conditions d'accès aux actes d'état civil, en particulier aux actes de naissance.

Je souhaite attirer votre attention, madame la garde des sceaux, sur un problème qui, certes, ne met pas en péril la République, mais fait partie des petites nuisances de la vie courante dont on doit se préoccuper.

Désormais, il est possible de demander un extrait ou une copie intégrale d’acte de naissance en ligne, sur un site internet dédié, très bien conçu. Le document est ensuite envoyé par courrier au domicile du demandeur. Cela est très satisfaisant pour les administrés et permet de plus de soulager les services de l’état civil.

Toutefois, lorsque j’ai voulu recourir à ce service, la mairie de ma commune de naissance m’a informé qu’elle enverrait l’acte demandé non pas à mon domicile, mais à la mairie du lieu de résidence, au motif qu'il s’agit ainsi d’éviter la fraude.

J’ai donc dû me rendre à deux reprises à la mairie du XIVe arrondissement de Paris, l’extrait d’acte de naissance n'étant pas encore arrivé la première fois où je me suis déplacé…

Je tenais à attirer votre attention sur ce sujet. À une époque où l’on développe toujours davantage l'administration électronique, il s’agit là d’une sorte de régression. En effet, hormis certains cas bien particuliers, il devrait être possible de faire plus simple et plus rapide pour les usagers.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur Yung, je partage votre souci de voir l'administration faciliter les démarches des usagers. Si la démocratie se laisse rogner par la bureaucratie, non seulement nos concitoyens seront mécontents, mais surtout notre service public, à l’échelon tant de l’État que des collectivités locales, perdra de son crédit.

Je rappelle que, aux termes du décret du 3 août 1962, il est possible de demander l’envoi par la poste d’un extrait ou d’une copie intégrale d'acte d'état civil. Si cette demande peut désormais être adressée sous forme dématérialisée, il n’en va pas de même pour le document envoyé par l'administration, car seuls les copies intégrales et extraits d’actes délivrés sous format papier ont valeur d’acte authentique. L’administration a l’obligation, pour éviter les usurpations d'identité ou les fraudes, de vérifier l'identité du demandeur, mais c'est à l’officier d'état civil qu’il revient de le faire, au moment où il traite la demande. Une fois qu'il s'est acquitté de cette tâche, il doit envoyer le document à l'adresse indiquée par le demandeur : il n'existe aucun fondement juridique justifiant qu’il soit envoyé à la mairie du lieu de résidence, permanente ou provisoire.

Je profite de cette occasion pour vous signaler qu’a été lancé, sur la base du décret de février 2011, le projet COMEDEC, qui doit permettre à des tiers de procéder à la vérification des données relatives à l’état civil du demandeur directement auprès de l’officier de l'état civil détenteur de l’acte. Ainsi, lorsqu'un usager effectuera une démarche requérant la preuve de son état civil auprès d'une personne morale, qu’il s’agisse d’une administration, d’un établissement assimilé à une administration ou d’un notaire, cette dernière pourra vérifier, via un processus dématérialisé, l’exactitude des informations fournies. L’expérimentation est actuellement en cours en Seine-et-Marne ; elle devra faire l’objet d’une évaluation, avant d’être éventuellement généralisée en 2015.

Nous sommes donc engagés dans une démarche visant à faciliter la vie des citoyens, tout en maintenant un niveau élevé de sécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Madame la ministre, je me réjouis de cette réponse positive.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à onze heures quarante-deux, est reprise à onze heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, auteur de la question n° 327, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques-Bernard Magner

Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les graves problèmes posés par les pratiques de sous-traitance en cascade impliquant des entreprises étrangères, en particulier dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, ainsi que dans celui du transport routier de marchandises.

Le principe de la liberté de prestation de services inscrit à l’article 49 du traité instituant la Communauté européenne a permis le développement des interventions sur le sol français d’entreprises étrangères et de leurs salariés.

Afin d’encourager l’exercice du principe de la liberté de prestation de services dans un cadre bien défini, de garantir une concurrence loyale entre les entreprises et de mieux protéger les travailleurs, les États membres de l’Union et le Parlement européen ont adopté, le 16 décembre 1996, la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services.

Malheureusement, au mépris complet de cette directive, de véritables réseaux ont été organisés afin d’offrir à des entreprises françaises une main-d’œuvre à bas coût. Une telle pratique bafoue les droits élémentaires normalement garantis par la législation, tant européenne que française, en matière de détachement de travailleurs étrangers.

En conséquence, de nombreux salariés travaillent sur le territoire français tout en étant soumis à un contrat de travail conclu dans leur pays d’origine et ne respectant pas les minima sociaux imposés par la législation française et les conventions collectives étendues.

Je peux citer, à cet égard, l’exemple d’un grand chantier du centre-ville de Clermont-Ferrand, où les activités de ferraillage ont été sous-traitées à des entreprises spécialisées dans le dumping social qui emploient des Africains ayant fui la misère de leur pays en transitant, le plus souvent, par le Portugal. Des ouvriers polonais travaillent aussi sur ce chantier.

En 2012, l’une de ces entreprises a été placée en redressement judiciaire, et les personnels intérimaires n’ont pas été payés pendant trois mois. En fait, les salariés sont rémunérés à la tonne de ferraille posée. En cas d’intempéries, ils ne sont donc plus payés… Aucune qualification n’est reconnue et les déplacements sont très faiblement indemnisés.

Cette situation porte préjudice à l’ensemble des travailleurs du secteur du bâtiment. Elle est difficilement supportable pour les salariés soumis aux règles de droit françaises, qui se sentent mis en concurrence, dans leurs entreprises, avec ces travailleurs à bas coût, au mépris des règles du détachement fixées par la directive européenne précédemment citée.

De telles dérives ne devraient pas exister. Plusieurs mesures sont nécessaires pour remédier à cette situation : il convient, en particulier, d’assurer la transparence sociale par la mise à disposition des fiches de paie et des contrats des salariés employés sur un chantier, et de vérifier le respect des règles légales et conventionnelles pour tous les salariés employés en sous-traitance ou en intérim.

Monsieur le ministre, ces pratiques, qui nuisent aux professions concernées, sont créatrices de chômage et ne respectent pas l’être humain. Je compte sur le Gouvernement pour les faire cesser.

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage

Monsieur le président, je vous prie tout d’abord d’excuser mon retard : de fortes chutes de neige ont immobilisé de longues heures le TGV qui m’amenait à Paris !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Vous n’êtes pas en retard, monsieur le ministre, c’est nous qui avons pris de l’avance !

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué

Monsieur le sénateur, l’intervention d’entreprises prestataires procédant à des détachements de salariés dans notre pays s’est développée au cours de ces dernières années. Selon la dernière étude disponible sur le sujet, en 2011, le nombre de déclarations de détachement des entreprises prestataires de services en France s’est élevé à 45 000 et celui des salariés détachés à 145 000. Ces niveaux n’avaient jamais été atteints auparavant. Le secteur du BTP est le premier concerné. S’il ne s’agit pas de procéder à des généralisations, il est à souligner qu’un certain nombre de ces opérations sont à l’origine de difficultés d’application de notre réglementation du travail et faussent la concurrence entre les entreprises. Une partie de ces dérives sont liées à des pratiques de sous-traitance en cascade ou, parfois, au recours à l’intérim.

Le code du travail encadre pourtant les conditions d’intervention en France des entreprises établies hors de notre pays, conformément aux dispositions de la directive européenne du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services. Les entreprises étrangères sont ainsi tenues de respecter certaines règles françaises en matière de conditions de travail et d’emploi, notamment celles qui sont relatives à la rémunération, à la durée du travail, à la santé et aux règles de sécurité au travail. Elles doivent transmettre une déclaration préalable au détachement à l’inspection du travail concernée. Des obligations visent également le donneur d’ordres, qui doit se faire remettre par l’entreprise étrangère des documents préalablement à la conclusion de la prestation. Sa responsabilité solidaire peut être engagée.

Le Gouvernement, qui attache, comme vous, monsieur le sénateur, une grande importance à cette question, a présenté, conformément à la feuille de route de la grande conférence sociale de juillet 2012, un plan national de lutte contre le travail illégal. Il a été adopté le 27 novembre dernier, sous la présidence du Premier ministre, devant la commission nationale de lutte contre le travail illégal.

Ce plan pluriannuel, qui couvre la période 2013-2015, a défini des priorités pour concentrer les actions sur les secteurs et les situations les plus problématiques : travail dissimulé, sous-traitance en cascade, prestations de services internationales, faux statuts, emploi d’étrangers sans papiers. Il vise particulièrement les opérations complexes ou les fraudes organisées. Ce plan, qui tend à renforcer les actions de contrôle coordonnées entre les différents services pour accroître leur efficacité, met l’accent sur la coopération entre les services de contrôle, la formation de leurs agents, la constitution de véritables réseaux, à l’échelon tant national que territorial.

Le plan pluriannuel permettra aussi de développer les actions de prévention en direction des principaux acteurs économiques : branches, entreprises, salariés, donneurs d’ordres. Dans ce dessein, des conventions de partenariat vont être conclues avec les partenaires sociaux des principaux secteurs concernés et l’État. Ce plan sera décliné dans chaque région et chaque département. Préfets et procureurs devront, dans le cadre des comités opérationnels départementaux anti-fraude, les CODAF, élaborer et mettre en œuvre un plan d’action adapté à leur territoire. Le secteur du BTP, qui est l’un des secteurs prioritaires, sera particulièrement suivi.

Au-delà, notre action doit s’inscrire dans un cadre européen. Nous avons établi des relations avec plusieurs pays européens, par la constitution de bureaux de liaison ayant pour objet de faciliter les contrôles. La Commission européenne a adopté, le 21 mars 2012, une proposition de directive visant à renforcer l’effectivité de la mise en œuvre de la directive de 1996. Ce texte a pour objet de permettre une information plus précise et plus accessible des acteurs du détachement, ainsi que de faciliter le contrôle et la sanction des entreprises qui ne respectent pas les droits des salariés détachés et les règles encadrant la prestation de services transnationale. Michel Sapin, qui, retenu ce matin à l’Assemblée nationale, vous prie de bien vouloir excuser son absence, veillera activement à ce que le contenu de cette proposition de directive permette de lutter efficacement contre les fraudes et les abus.

Tels sont les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter, monsieur le sénateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques-Bernard Magner

Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse qui montre que le Gouvernement se préoccupe de cette question souvent soulevée lors de nos rencontres avec les professionnels du bâtiment et des travaux publics, les responsables d’entreprises ou d’organisations professionnelles. Dans le secteur du BTP, mais aussi dans celui du transport, on s’inquiète du développement d’une concurrence déloyale difficile à mettre en évidence, les services de l’État manquant de moyens pour effectuer les contrôles. Or ceux-ci sont nécessaires à la fois pour assurer la justice et pour éviter un préjudice économique à nos entreprises, qui, elles, respectent les règles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la question n° 208, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Je souhaite, par cette question, attirer l’attention de M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur ce que le personnel concerné désigne comme une « menace de fermeture des services régionaux de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi implantés à Nancy ».

Lors du comité technique régional qui s’est tenu le 11 septembre 2012, le préfet de région a annoncé à la directrice de la DIRECCTE Lorraine que « la réflexion sur la rationalisation des services de l’État se poursuivait. »

Une réunion interministérielle a été organisée le 14 septembre suivant, à Paris, pour faire le point sur le contrat de redynamisation du site de défense de Metz, fortement touché par les restructurations militaires. Aurait alors été évoqué, sinon validé, le déménagement à Metz des services régionaux de la DIRECCTE implantés aujourd’hui à Nancy.

Depuis la mise en place de la DIRECCTE, en février 2010, la structure régionale lorraine est localisée à la fois à Nancy et à Metz, selon une répartition équilibrée des services. Cette répartition permet notamment d’assurer une bonne couverture géographique de la région, en particulier des départements des Vosges et de la Meuse, dont la situation économique est très fragile. Cette organisation bipolaire, fruit de l’histoire administrative de la région Lorraine, sur laquelle je pourrais être intarissable, donne d’ailleurs pleine satisfaction aujourd’hui et n’a jamais, depuis 2010, posé la moindre difficulté ni occasionné de dépenses supplémentaires, bien au contraire.

En outre, les agents nancéiens de la DIRECCTE, dont la moyenne d’âge est de 45 ans, ont évidemment organisé leur vie professionnelle, familiale et sociale dans l’agglomération de Nancy. Le déménagement de leurs bureaux à Metz ne ferait qu’engendrer de la gêne et de la fatigue, ainsi que des coûts supplémentaires.

Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous puissiez me confirmer le maintien de l’actuelle répartition des services régionaux de la DIRECCTE Lorraine entre Metz et Nancy.

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage

Monsieur le sénateur, la DIRRECTE Lorraine a été créée en février 2010 pour regrouper six services administratifs provenant du ministère du travail et de l’emploi et du ministère de l’économie : les anciennes directions régionales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, les DRTEFP, les directions départementales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle et l’inspection du travail, les DDTEFPI, la partie des directions régionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement, les DRIRE, compétente pour le développement économique, les anciennes directions régionales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, les DRCCRF, les anciennes directions régionales du commerce et l’artisanat et du tourisme et les services de coordination de l’intelligence économique.

La DIRRECTE comprend une unité centrale, ou régionale, et une unité territoriale dans chacun des départements de la région. Pour des raisons liées au particularisme régional et à l’histoire des services ayant composé la DIRRECTE Lorraine, l’unité centrale de cette dernière est répartie entre deux sites : celui de Metz, qui compte cinquante-sept agents, regroupe des services du pôle Entreprise-économie-emploi, du pôle Concurrence et du secrétariat général ; celui de Nancy, qui compte soixante et un agents, rassemble des services du pôle Travail, du pôle Entreprise-économie-emploi et du secrétariat général.

La possibilité de regrouper l’ensemble des services de l’unité centrale et ceux de l’unité territoriale de Moselle sur un nouveau site à Metz a effectivement été étudiée. L’affectation à cette fin de locaux de l’ancienne gare impériale située à proximité de l’actuelle gare SNCF a été envisagée.

En première analyse, ce scénario présentait plusieurs avantages.

En premier lieu, il permettait de faciliter les relations, les synergies et les modes de coopération entre services réunis sur un même site : les services du pôle Entreprise-économie-emploi et ceux du secrétariat général, actuellement répartis entre deux sites, les services régionaux du développement économique et ceux de l’emploi, dont le rapprochement est un axe majeur de coopération au sein des DIRRECTE. Ce scénario permettait aussi de rendre plus aisées les relations entre tous les pôles réunis dans un même local et de mutualiser une partie des fonctions supports de l’unité régionale et de l’unité territoriale.

En second lieu, la mise en œuvre du projet de relogement de l’ensemble des services régionaux et de l’unité territoriale à Metz dans des locaux appartenant à l’État aurait contribué à une réduction des coûts d’occupation.

Après avoir analysé l’ensemble des paramètres, Michel Sapin a proposé au préfet de ne pas retenir ce projet de regroupement à Metz pour les prochaines années. D’une part, les services de la DIRECCTE ont su mettre en place des modes de coopération qui lui permettent de fonctionner de façon satisfaisante sur les deux sites de Nancy et de Metz. D’autre part, la mise en œuvre de ce projet aurait eu, comme vous l’avez indiqué, des conséquences sociales importantes pour les agents concernés, qui auraient pu conduire à une déstabilisation des services de la DIRECCTE, ce que nous n’avons pas voulu dans le contexte économique et social que nous connaissons.

J’espère que cette réponse aura répondu à vos attentes, monsieur le sénateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse, dont je ferai part aux personnels concernés.

J’ai bien noté qu’il n’y aurait pas a prioride modification de la situation actuelle au cours des prochaines années. Il n’est pas possible, bien sûr, de s’engager pour l’éternité. Cela étant, j’observe qu’il n’est nullement garanti que le regroupement des services sur un seul site soit un facteur d’amélioration de l’efficacité, étant donné la géographie de la région, ni une source d’économies.

En tant que parlementaire meurthe-et-mosellan, je suis particulièrement attaché à ce que des services administratifs restent implantés à Nancy. On peut comprendre que l’idée d’un regroupement ait jailli dans un bureau parisien, mais la réalité locale montre que, en définitive, le système fonctionne très bien et de façon assez économique dans sa configuration actuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Aline Archimbaud, auteur de la question n° 344, adressée à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Actuellement, le travail réalisé en prison n’ouvre aucun droit à l’assurance chômage. Cette situation compromet singulièrement la réinsertion des sortants.

Pour ce qui est de l’assurance vieillesse, aux termes de l’article 94 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, « le Gouvernement remet, au plus tard le 30 juin 2011, aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, un rapport portant sur l’assimilation des périodes de travail en détention à des périodes de cotisation à part entière ».

À ce jour, la situation des personnes incarcérées au regard de la retraite reste éminemment problématique. En l’absence d’un mode de calcul spécifique, la validation des semestres de cotisation est particulièrement difficile en prison et les montants des pensions sont très bas, puisqu’ils s’établissent à quelques dizaines d’euros seulement.

En vertu de l’article R. 381-105 du code de la sécurité sociale, seuls les détenus travaillant au service général sont en mesure de valider leurs semestres de cotisation sur la base du temps de travail, plutôt que sur celle de la rémunération. Ce principe n’est d’ailleurs pas systématiquement appliqué par la Caisse nationale d’assurance vieillesse. L’élargissement de ce régime à tous les détenus ayant accès au travail serait un premier pas, même s’il n’apporterait pas de réponse à la situation des nombreux détenus privés de toute possibilité de travailler ou n’accédant au travail que de façon fugace et épisodique.

Une réflexion plus approfondie sur les moyens de faire progresser l’accès à la protection sociale des personnes passées par la prison semble, à ce titre, nécessaire et urgente. Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, connaître l’état des travaux et réflexions menés sur ce sujet au sein du ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage

Madame la sénatrice, votre question est en fait double puisqu’elle recoupe, à la fois, le champ de compétence du ministère du travail et celui du ministère des affaires sociales et de la santé. Cependant, je vais tenter de vous apporter une réponse satisfaisante sur ces deux aspects.

Comme vous le savez, la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 a supprimé l’obligation de travailler pour les détenus : seuls ceux qui le souhaitent peuvent exercer une activité de travail pénitentiaire ou une activité de formation professionnelle.

Ainsi, le travail effectué en prison ne faisant pas l’objet d’un contrat de travail, notamment en raison de l’absence de lien de subordination entre l’administration pénitentiaire et le détenu, il n’ouvre pas droit à l’assurance chômage. En application de l’article 1er du règlement général annexé à la convention d’assurance chômage du 6 mai 2011, seules les personnes liées par un contrat de travail peuvent être affiliées à l’assurance chômage.

Toutefois, il peut être dérogé à cette règle pour les activités exercées à l’extérieur des établissements pénitentiaires. Un certain nombre de détenus travaillent en effet dans ces conditions quelques heures par jour. Ces périodes d’activité constituent des périodes d’affiliation au sens de l’article 3 du règlement général, permettant d’ouvrir droit à l’assurance chômage. Il convient donc de distinguer les détenus qui exercent une activité à l’extérieur des établissements pénitentiaires de ceux qui travaillent alors qu’ils exécutent leur peine sans sortir de prison.

Cependant, justement pour pallier cette absence de droit à l’assurance chômage, les détenus libérés peuvent, lorsque la durée de leur détention a été supérieure ou égale à deux mois, bénéficier de l’allocation temporaire d’attente, en application de l’article R. 5423-21 du code du travail, pendant une durée maximale de douze mois.

L’allocation temporaire d’attente est versée aux personnes inscrites comme demandeurs d’emploi, sans que leurs ressources puissent excéder un plafond équivalent au RSA. Le montant de l’allocation, revalorisé chaque année, est au 1er janvier 2013 de 336 euros par mois.

En matière d’assurance vieillesse, il convient là aussi de distinguer la situation des détenus employés au service général de l’administration pénitentiaire de celle des détenus occupés à des activités de production.

Les détenus occupés au service général valident des droits à retraite sur la base d’une assiette forfaitaire leur permettant de valider un trimestre d’assurance en trois mois d’activité sur l’année civile. Les cotisations sont prélevées au taux de droit commun et intégralement prises en charge par l’administration.

Les détenus occupés à une activité de production, pour le compte d’entreprises concessionnaires, du service de l’emploi pénitentiaire ou de la régie industrielle des établissements pénitentiaires, cotisent quant à eux dans les conditions de droit commun, à hauteur de la rémunération qu’ils ont réellement perçue. Cette rémunération est dérogatoire en matière de droit du travail, son minimum étant fixé à 45 % du SMIC. En outre, les détenus exercent souvent une activité à temps partiel : les cotisations, prélevées dans les conditions de droit commun, sont dans ce cas assises sur des montants de rémunération faibles.

La situation actuelle conduit donc à ce que certains détenus valident de faibles droits à l’assurance retraite. Vous proposez d’étendre le mécanisme d’assiette forfaitaire appliqué aux détenus employés au service général aux détenus occupés à une activité de production : cette piste de réflexion méritera d’être explorée lors du rendez-vous sur les retraites de 2013 et pourra notamment être soumise aux partenaires sociaux dans le cadre du processus de concertation que le Gouvernement a décidé d’engager au cours des prochains mois.

Je vous incite également à examiner le contenu du projet de loi de décentralisation que présentera bientôt ma collègue Marylise Lebranchu et qui comportera une quinzaine d’articles relatifs à la formation professionnelle. En effet, il importe que les détenus mettent à profit le temps de leur détention pour se former. Nous généraliserons sans doute les expérimentations confiant aux régions Pays-de-la-Loire et Aquitaine la formation professionnelle des détenus, car elles ont permis des avancées considérables.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Je vous remercie, monsieur le ministre, de la réponse précise que vous m’avez apportée. L’idée consistant à étendre à l’ensemble des détenus exerçant une activité le régime appliqué à ceux qui sont employés au service général mérite d’être approfondie. Par ailleurs, je prends bonne note du fait que les expérimentations visant à confier aux régions la formation professionnelle des détenus semblent donner des résultats encourageants.

Toutes ces questions sont sensibles, en particulier celle des droits à retraite des personnes ayant travaillé en détention, sachant que les montants des pensions obtenues sont extrêmement faibles. La question fondamentale, éminemment républicaine, est la suivante : comment préparer la réinsertion des détenus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, auteur de la question n° 244, adressée à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur l’accès à l’assurance chômage pour les Français ayant travaillé dans un autre pays de l’Union européenne.

Selon les derniers chiffres de l’INSEE, publiés jeudi dernier, 10, 2 % de la population active était au chômage en France métropolitaine au quatrième trimestre de 2012. Un tel niveau n’avait pas été atteint depuis le printemps 1999. Même durant la crise des années 2008 et 2009, le taux de chômage n’avait pas franchi ce seuil.

Les jeunes sont les plus touchés. Plus d’un quart d’entre eux sont aujourd’hui au chômage. D’après un sondage Deloitte-IFOP publié il y a deux semaines, 27 % des jeunes diplômés cherchant un travail pensent que leur avenir professionnel se situe à l’étranger plutôt qu’en France. Bien souvent, ceux qui partent bénéficient non pas de contrats mirifiques, mais plutôt de contrats de volontariat international en entreprise ou de contrats locaux.

Dans ce contexte, nous sommes confrontés à deux impératifs : d’une part, favoriser la mobilité professionnelle, en particulier celle des jeunes ; d’autre part, assurer un filet social minimal à ces professionnels s’ils reviennent en France après avoir perdu leur emploi à l’étranger. Ces deux objectifs sont bien évidemment liés, puisqu’il est plus facile de partir lorsque l’on sait qu’une sécurité minimale est assurée au retour.

Faciliter la mobilité professionnelle est l’un des objectifs de l’Union européenne. Le principe de la libre circulation des personnes et celui de la non-discrimination du fait de la nationalité autorisent un individu à conserver ses droits aux allocations de chômage acquis dans un pays de l’Espace économique européen et à les faire valoir dans un autre pays.

Les règlements communautaires n° 883/2004 et 987/2009 visent à concrétiser ces droits en améliorant la coordination des systèmes d’assurance chômage. La législation européenne dispose ainsi que les périodes d’activité accomplies dans un autre État de l’Espace économique européen doivent être prises en compte par l’État de résidence pour le calcul des périodes d’emploi ouvrant droit à l’octroi de prestations.

Pourtant, un Français rentrant en France après avoir travaillé dans un autre État de l’Espace économique européen ou en Suisse et y ayant donc cotisé à l’assurance chômage semble ne pouvoir prétendre à une allocation chômage qu’à condition de pouvoir justifier d’une période minimale d’activité salariée sur le sol français postérieure à l’activité exercée à l’étranger. S’il ne satisfait pas à cette exigence, le demandeur d’emploi ne peut bénéficier, sous conditions, que d’une allocation forfaitaire : l’allocation temporaire d’attente. Seuls les travailleurs frontaliers bénéficient de dispositions particulières permettant de déroger à cette règle.

Monsieur le ministre, cette exigence française de justification d’une durée minimale de travail en France postérieure à l’activité exercée à l’étranger est-elle bien conforme au droit européen ?

Par ailleurs, le calcul du montant de l’allocation versée par Pôle emploi est établi sur la base des seules rémunérations perçues en France après le retour d’expatriation dans un autre pays de l’Espace économique européen. De ce fait, les rémunérations perçues au titre d’une activité exercée dans un autre État de l’Espace économique européen ne sont prises en compte que pour déterminer la durée des droits à l’allocation chômage, et non pour le calcul du montant de celle-ci, ce qui peut être fortement pénalisant pour les personnes de retour d’expatriation. Ne serait-il pas envisageable de modifier cette disposition afin de favoriser la réinsertion en France des personnes ayant travaillé ailleurs en Europe et d’encourager ainsi nos chercheurs d’emploi à tenter leur chance dans d’autres pays de l’Union européenne, puisqu’ils sauront alors qu’ils bénéficieront d’un filet de sécurité à leur retour ?

Enfin, je voudrais attirer votre attention sur la nécessité d’une meilleure information des travailleurs quant aux conséquences d’une expatriation sur leurs droits en matière d’indemnisation du chômage. Un salarié ayant travaillé sous contrat local dans un autre pays européen ne pourra bénéficier d’une indemnité chômage en France que si la cessation de son contrat répond à certains critères, variables d’un pays à l’autre, et s’il respecte un certain nombre de procédures. Monsieur le ministre, le Gouvernement pourrait-il prendre des mesures pour améliorer l’information de ces salariés ?

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage

Madame la sénatrice, les règles communautaires de coordination de sécurité sociale permettent de garantir et de faciliter la libre circulation des travailleurs salariés, même si, nous en sommes tous conscients, il reste encore des améliorations à apporter.

Ainsi, l’article 51 du traité de Rome prévoit les mesures nécessaires pour faciliter la libre circulation des travailleurs, en instituant notamment, pour l’ouverture, le calcul et le maintien des droits aux prestations, un système de totalisation des périodes prises en considération par les différentes législations nationales.

La mise en œuvre du principe de totalisation est alors subordonnée à la condition que l’intéressé ait accompli, en dernier lieu, soit des périodes d’assurance, soit des périodes d’emploi dans l’État où les prestations sont sollicitées. En conséquence, pour pouvoir prétendre aux allocations du régime d’assurance chômage français, l’intéressé doit, avant de s’inscrire comme demandeur d’emploi, avoir retravaillé en France.

Par ailleurs, le règlement européen n° 883-2004 modifié et son règlement d’application n° 987-2009 ont instauré, depuis le 1er mai 2010, de nouvelles règles relatives à la coordination des systèmes de sécurité sociale des États membres.

S’agissant plus particulièrement des règles relatives à l’assurance chômage, l’une des principales modifications apportées par ces nouveaux règlements concerne la suppression d’un salaire d’équivalence pour les personnes ayant travaillé moins de quatre semaines à leur retour en France. C’est sur la base de ce salaire, déterminé par la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE, en référence au salaire versé pour un emploi équivalent en France, que le montant de l’allocation chômage était auparavant calculé.

Depuis le 1er mai 2010, en application des dispositions de l’article 62 du règlement n° 883-2004, le calcul de l’allocation chômage est effectué directement par Pôle emploi, sur la base des seules rémunérations perçues par l’intéressé au titre de la dernière activité salariée qu’il a exercée sous la législation de l’État où les prestations sont sollicitées. Les rémunérations perçues au titre d’une activité exercée dans un autre État membre de l’Union européenne ne sont pas prises en compte dans ce calcul.

Par ailleurs, pour déterminer la durée d’indemnisation, Pôle emploi prend en compte la durée d’affiliation correspondant aux périodes de travail accomplies dans l’État membre de l’Union européenne via un formulaire communautaire. Ce document est délivré, sur demande, par l’institution compétente de l’État dans lequel les périodes de travail ont été accomplies.

Dès lors, madame la sénatrice, c’est bien la réglementation européenne qui fixe les principes de coordination des régimes d’assurance chômage permettant de prendre en compte les périodes d’activité accomplies dans un autre État membre.

Enfin, la nouvelle réglementation européenne, en supprimant l’obligation pour les DIRECCTE d’établir un salaire d’équivalence, a permis la simplification des procédures et, par voie de conséquence, la réduction des délais de traitement des dossiers.

En résumé, des progrès ont été accomplis, mais il reste encore du chemin à faire. Je sais que la sénatrice représentant les Français de l’étranger que vous êtes sera attentive à l’obtention des avancées que vous appelez légitimement de vos vœux.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces précisions.

Il reste effectivement beaucoup d’améliorations à apporter. C’est un sujet essentiel pour les Français de l’étranger, surtout en cette période de crise économique aiguë. Il est important d’assurer une meilleure information, car beaucoup de nos compatriotes partant travailler à l’étranger ignorent les règles que vous avez rappelées. Il serait bon que le Gouvernement prenne des mesures à cette fin, à l’heure où les jeunes Français sont de plus en plus nombreux à rechercher un premier emploi hors de nos frontières.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste et apparentés a présenté une candidature pour la commission des affaires sociales.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Hervé Poher membre de la commission des affaires sociales, à la place laissée vacante par Mme Odette Duriez, démissionnaire de son mandat de sénatrice.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.