Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 12 mars 2013 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 14 et 15 mars 2013

Bernard Cazeneuve :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme nous en avons désormais pris l’habitude, nous nous retrouvons pour préparer ensemble la réunion du Conseil européen qui se tiendra dans quelques jours à Bruxelles.

Le Gouvernement aborde cette discussion dans un contexte particulier, que je veux rappeler.

Le contexte, c’est d’abord la crise que connaît l’Union européenne. Cette crise s’approfondit, s’aggrave, s’enkyste même dans un certain nombre de pays. La récession accomplit son œuvre de destruction d’emplois et le chômage augmente partout en Europe.

Le contexte, c’est ensuite le semestre européen, c'est-à-dire cet exercice de relations entre la Commission européenne et les gouvernements des États membres encadré par les textes du six-pack, du two-pack et du traité budgétaire. Ces textes prévoient que les gouvernements définissent, en lien avec la Commission européenne, la manière dont ils pourront atteindre les objectifs de réduction des déficits publics qu’ils se sont assignés lors de l’adoption de leurs budgets.

Nous sommes donc confrontés à un double exercice : évaluer l’efficience de nos politiques économiques et assurer leur convergence vers un équilibre qui permettra d’accélérer la sortie de crise ; rendre compte de la façon dont nous réduisons nos déficits publics.

Rappelons que, depuis le mois de juin dernier, la France a souhaité s’engager dans une réorientation très profonde de la politique de l’Union européenne, afin d’équilibrer les politiques de sérieux budgétaire par des initiatives en faveur de la croissance. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, nous avions trois objectifs principaux.

Premièrement, faire en sorte que la croissance redevienne possible au sein de l’Union européenne, en équilibrant par des initiatives prises au niveau de l’Union les politiques de sérieux budgétaire que les États se sont engagés à conduire dans le cadre des textes et traités récemment adoptés ; je pense notamment au semestre européen.

Deuxièmement, remettre en ordre le système financier et bancaire au sein de l’Union européenne pour favoriser le retour de la croissance.

Troisièmement, créer les conditions, notamment dans le cadre de la réflexion en cours conduite par Herman Van Rompuy, d’un approfondissement de l’Union économique et monétaire, en ayant constamment à l’esprit le souci du renforcement de la solidarité.

À la veille du Conseil européen, je voudrais profiter de notre échange d’aujourd’hui pour faire un point sur ces trois sujets essentiels, autour desquels nous pouvons rééquilibrer les politiques de l’Union européenne.

Les institutions européennes, comme l’ensemble des pays de l’Union, sont bien décidées à ce que le Conseil européen des 13 et 14 mars soit l’occasion de mener un débat approfondi sur la pertinence des politiques économiques conduites au sein de cet espace et sur les conditions dans lesquelles l’équilibre entre croissance, sérieux budgétaire et solidarité va pouvoir se matérialiser dans les mois à venir.

Pour ce qui concerne la croissance, le Conseil a décidé d’inscrire à l’ordre du jour la question du pacte de croissance de 120 milliards d’euros, décidé à l’occasion du Conseil européen du mois de juin dernier, dont la déclinaison sur les territoires est en cours. Nous devons profiter de ce rendez-vous pour évaluer très concrètement son impact sur les politiques de l’Union, sur le développement des territoires et sur la croissance.

Ce débat se fera en deux temps : il y aura d’abord une évocation des instruments du pacte de croissance mis en place par l’ensemble des institutions de l’Union européenne, avec le concours des États membres, jeudi et vendredi prochains, puis une prolongation de ce débat aura lieu à l’occasion du Conseil du mois de juin. Par-delà l’évaluation de l’efficacité des instruments, cette seconde étape visera à mesurer concrètement les résultats obtenus par ce pacte en termes de croissance dans les différents pays de l’Union.

Il arrive très souvent que certains, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, s’interrogent, avec plus ou moins de bonne foi, sur la réalité de ce pacte. Je veux donc rappeler que celui-ci se répartit en trois enveloppes : 55 milliards d’euros de fonds structurels, qui correspondent à des sommes budgétées dans le cadre des perspectives financières pour la période 2007-2013 mais non dépensées ; 60 milliards d’euros de prêts de la Banque européenne d’investissement, la BEI, rendus possibles par sa recapitalisation à hauteur de 10 milliards d’euros ; 4, 5 milliards d’euros d’obligations de projets, grâce à la mobilisation de 350 millions d’euros de garanties dans le budget de l’Union.

Concernant les 55 milliards d’euros de fonds structurels, la France bénéficie d’une « enveloppe plancher » de 2, 2 milliards d’euros, laquelle ne présage en rien la mobilisation globale des fonds au terme de la période.

S’agissant des prêts de la BEI, le retour est à peu près de 13 % pour l’Allemagne, tandis qu’il est de l’ordre de 7 % pour la France. Si, par une bonne mobilisation des territoires, des industriels et des services financiers, nous parvenons à optimiser ce retour, nous pourrions escompter de 7 milliards à 8 milliards d’euros de retombées.

Enfin, nous attendons entre 600 millions et 700 millions d’euros des obligations de projets.

Si la commission des affaires européennes du Sénat le souhaite, je peux lui donner la déclinaison territoriale de ces fonds et les projets auxquels ils ont été affectés. En attendant, je puis vous dire très précisément que la France bénéficiera de la mobilisation de près de 11 milliards d’euros d’argent européen au titre du plan de croissance dans les mois à venir, ce qui, par effet de levier, devrait permettre d’avoir un impact global de près de 24 milliards d’euros. Dans le contexte de crise auquel notre pays est confronté, cette somme représente une opportunité non négligeable en termes d’investissement.

Je tenais à apporter ces précisions sur le pacte de croissance, qui sera évoqué à l’occasion des deux prochains Conseils européens, pour bien montrer à la Haute Assemblée que ce plan n’est pas virtuel et qu’il est en train d’être décliné dans les différents territoires.

Par ailleurs, nous souhaitons que le budget de l’Union pour la période 2014-2020 contribue à la croissance. Pour des raisons qui tiennent au rabotage constant des crédits de paiement nécessaires au financement du précédent cadre budgétaire, qui fut préconisé dans la lettre de novembre 2010 envoyée par l’ancien Président de la République française, la Chancelière allemande et les Premiers ministres finlandais et néerlandais au président de la Commission européenne, il faut savoir que seuls 860 milliards d’euros ont été utilisés entre 2007 et 2013, soit 80 milliards d’euros de moins que l’enveloppe de 942 milliards d’euros de crédits de paiement que le budget initial prévoyait. Si nous mobilisons la totalité des crédits du budget qui vient d’être adopté, cela représentera donc 50 milliards d’euros de plus que dans le précédent cadre budgétaire.

Je veux rappeler que les crédits alloués à la croissance dans le budget 2014-2020 augmenteront de près de 40 % au cours des six prochaines années, tandis que les budgets du programme Connecting Europe connaîtront une hausse de près de 120 %.

Sachez également que, pour ce qui concerne la politique de cohésion et la politique agricole commune, nous avons atteint tous nos objectifs. Nous avons également procédé à la création d’un fonds d’accompagnement des jeunes pour les régions ayant un taux de chômage supérieur à 25 %.

Tout cela nous conduit à optimiser fortement notre retour sur tous les objectifs sur lesquels nous étions mobilisés dans le cadre de la négociation budgétaire qui vient de s’achever.

Enfin, nous voudrions que l’acte II du marché intérieur soit l’occasion de multiplier les initiatives de croissance, de réaliser des efforts en matière d’harmonisation sociale et fiscale – nous pourrons en parler à l’occasion du débat interactif et spontané qui suivra –, d’instaurer le principe du juste échange. Les discussions en cours sur les directives Concessions et Marchés publics devraient permettre de ne plus ouvrir nos marchés publics à des entreprises venant de pays qui n’ont pas ouvert les leurs à nos propres entreprises. Ces projets de directives procèdent de la volonté de faire en sorte que le « mieux-disant social et environnemental », qui s’applique à nos acteurs économiques, avec un haut niveau de normes élaborées par l’Union européenne, ne soit pas un handicap dans la mondialisation.

Telles sont nos orientations en termes de croissance. Mais nous souhaitons que le Conseil européen, qui permettra de faire le point sur tous ces sujets concernant la stratégie d’investissement public et la croissance en Europe, soit aussi l’occasion d’aborder la remise en ordre de la finance, sans laquelle il n’y aura pas de croissance.

Depuis le Conseil de juin dernier, et cela a été confirmé en octobre et en décembre, nous avons réussi à créer les conditions de la mise en place de l’union bancaire au sein de l’Union européenne. La supervision bancaire a fait l’objet d’un compromis avec l’Allemagne. La Commission européenne, sous l’égide du commissaire Barnier, qui fait un très bon travail, sur ces questions comme sur d’autres, œuvre actuellement à l’élaboration de textes de nature législative visant à compléter la supervision par un dispositif de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts pour que nous arrivions à un dispositif complet.

Dès que la supervision bancaire sera mise en œuvre, il sera possible de recapitaliser directement les banques par le Mécanisme européen de stabilité, le MES. Le lien entre dette souveraine et dette bancaire, qui oblige actuellement les États à supporter des taux d’intérêt très élevés sur les marchés financiers, sera rompu.

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