Séance en hémicycle du 12 mars 2013 à 14h30

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Monsieur le ministre, mes chers collègues, mesdames, messieurs, c’est avec une profonde tristesse que j’accomplis pour la première fois devant vous le pénible devoir qui revient au président du Sénat de saluer solennellement dans notre hémicycle la mémoire d’un collègue disparu. (M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)

Je prends aujourd’hui la parole devant notre assemblée réunie pour rendre hommage à notre collègue René Vestri, sénateur des Alpes-Maritimes, qui nous a quittés le 6 février dernier.

Rien ne laissait présager le malaise cardiaque qui l’a frappé dans la nuit précédente et qui lui a été fatal. La veille encore, il avait participé avec beaucoup d’intérêt aux travaux de la commission du développement durable consacrés à la présence médicale sur l’ensemble du territoire et à l’avenir de notre système énergétique, deux thèmes qui lui tenaient particulièrement à cœur et illustraient bien ses préoccupations d’élu de terrain proche de ses concitoyens et sensible aux questions d’environnement.

Le jour même de son malaise, son retard très inhabituel à un petit-déjeuner de travail a permis de donner l’alerte, mais les services de secours dépêchés sur place n’ont pu, hélas, que constater son décès... C’est ainsi avec stupeur et émotion que nous avons appris sa brutale disparition.

Les obsèques de René Vestri ont été célébrées le 9 février en l’église de Saint-Jean-Cap-Ferrat, dont il aura été le premier magistrat durant près de trente ans. Cette cérémonie se déroula dans la simplicité, au milieu de ses proches et de très nombreux Saint-Jeannois. Nos collègues Marc Daunis, membre du bureau du Sénat, et le président Jean-Claude Gaudin, que je remercie, ont tenu à assister à cette émouvante cérémonie.

Cet adieu, au milieu des siens, sur cette terre de Saint-Jean-Cap-Ferrat qui lui était si chère, devait trouver son écho aujourd’hui au Palais du Luxembourg, dans notre hémicycle, en présence de sa famille rassemblée dans nos tribunes.

Avant de devenir le parlementaire actif que nous connaissions, René Vestri fut d’abord un homme de convictions et un élu local passionné.

René Vestri avait fait son entrée au Sénat en septembre 2008 pour représenter son département de naissance des Alpes-Maritimes. Son élection à la Haute Assemblée couronnait une longue carrière d’élu local au service de son village, devenu l’un des lieux de villégiature les plus recherchés du littoral méditerranéen.

Issu d’une famille modeste, il n’hésitait pas à rappeler que son père avait été maçon et que sa mère ramassait des olives… Ayant très tôt commencé à travailler comme terrassier, il avait lui-même développé avec succès une entreprise de travaux publics, connaissant une incontestable réussite professionnelle grâce à sa détermination et à sa force de travail.

René Vestri avait parallèlement décidé de mettre son énergie et ses compétences au service de la collectivité. L’enracinement local, le sens des responsabilités et la force de ses convictions personnelles le conduisirent naturellement à s’engager dans la vie politique locale pour la défense de ses idées et de ses concitoyens. Dès 1983, il décidait de se présenter aux élections municipales à Saint-Jean-Cap-Ferrat. Élu sans interruption, il aura été le maire de l’une des plus belles communes de France, dont il défendit les intérêts jusqu’à son dernier souffle.

René Vestri aura toujours su garder un contact très étroit et chaleureux avec les Saint-Jeannois, qui, sans interruption, lui ont renouvelé leur confiance durant trois décennies.

Son engagement politique et son ancrage local le conduisirent aussi à participer aux élections cantonales en 1985, pour y représenter le canton de Villefranche-sur-Mer. Une nouvelle fois élu, il conserve ce mandat jusqu’en 2011 et exerce même, de 2004 à 2008, les fonctions de vice-président du conseil général, chargé de la façade maritime. Il fut également vice-président de la communauté urbaine Nice-Côte d’Azur de 2008 à 2011.

Même si la vie politique n’est pas toujours « un long fleuve tranquille », jamais elle n’entama la détermination de René Vestri, qui se plaisait à rappeler que « tout ce qui ne tue pas rend plus fort » et qui réagissait toujours en allant de l’avant face aux difficultés.

C’est, je l’ai dit, en 2008 qu’il décide de briguer l’un des cinq sièges de sénateur des Alpes-Maritimes en présentant une liste dénommée « Mer et montagne 06 », manifestant ainsi clairement son intérêt pour les questions environnementales et d’aménagement du territoire. C’est sous cette bannière qu’il fait son entrée dans notre hémicycle, au sein du groupe UMP.

Il choisit d’abord de rejoindre la commission des affaires sociales, avant de devenir membre de la commission de l’économie en octobre 2010. Son attention pour les questions d’environnement et d’aménagement du territoire le conduit enfin tout naturellement à rejoindre la nouvelle commission du développement durable, dès la création de notre septième commission permanente, en février 2012.

René Vestri met également son expérience d’élu local au service de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation et participe aux travaux de la délégation à la prospective, ainsi qu’à ceux du groupe de travail « mer et littoral ».

Sa passion pour l’univers marin et, tout particulièrement, pour la Méditerranée, René Vestri l’aura portée tout au long de sa carrière d’élu. Il milita pour la préservation de l’environnement en Méditerranée et pour la défense des espèces menacées qui vivent dans cet espace privilégié.

En 1989, s’indignant de l’indifférence dans laquelle sont décimées certaines espèces animales, notamment les dauphins, il décide de créer l’association SOS Grand Bleu. Dix ans plus tard, il aura la satisfaction de voir aboutir le projet Pelagos tendant à la création d’un espace maritime protégé de plus de 87 500 kilomètres carrés au large des côtes de la Corse.

Son action locale en faveur de la protection de la mer, René Vestri la relaie aussi au Sénat, en s’exprimant en faveur de la ratification de conventions internationales de défense des espèces menacées telles que le thon rouge ou lors des débats sur l’organisation de la politique de gestion des ressources halieutiques.

Lors des débats sur le Grenelle de l’environnement, il expose, avec conviction, tout l’intérêt d’une meilleure implication de nos concitoyens dans la lutte contre les pollutions marines.

Notre collègue ne méconnaissait pas pour autant les nécessités du développement économique de sa région et des activités maritimes qui la caractérisent. Il participa ainsi aux travaux de la mission sur la réforme portuaire, sans jamais toutefois perdre de vue la défense de l’environnement, essentielle à ses yeux.

Toujours tourné vers l’avenir, René Vestri était aussi persuadé que l’éducation des jeunes constitue un vecteur indispensable à la préservation de l’environnement. Il s’impliqua ainsi dans la création d’une école départementale de la mer, dont il était particulièrement fier, et qui permet chaque année à plus de 1 500 enfants du département des Alpes-Maritimes de découvrir leur environnement naturel proche et d’apprendre à le préserver.

Ses préoccupations en faveur de la préservation du domaine maritime l’avaient conduit à devenir membre, en décembre 2011, du Conseil national de la mer et des littoraux.

Désireux de convaincre ses interlocuteurs, René Vestri était soucieux de partager ses préoccupations dans les cadres les plus variés. Il se plaisait ainsi à échanger sur l’avenir de la Méditerranée avec ses collègues des groupes d’amitié France-Italie ou France-Monaco. Mais son intérêt pour les affaires internationales allait bien au-delà de notre région méditerranéenne.

Mes chers collègues, la disparition de René Vestri nous a tous laissés stupéfaits par son caractère brutal et soudain. Les sénatrices et les sénateurs perdent en sa personne un collègue chaleureux, qui restera longtemps présent dans leur mémoire.

L’heure est aujourd’hui au recueillement.

À ses collègues du groupe UMP, éprouvés par sa disparition, aux membres de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, à laquelle il appartenait, j’adresse les sincères condoléances de la Haute Assemblée.

À vous particulièrement, madame, à vos filles Olivia et Marjorie, et à tous les vôtres, je renouvelle les condoléances très sincères de l’ensemble des sénatrices et des sénateurs et vous assure de ma profonde sympathie.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous invite maintenant à partager un moment de recueillement à la mémoire de René Vestri.

M. le ministre délégué, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame, c’est avec tristesse que le Gouvernement ainsi que l’ensemble des membres de la Haute Assemblée ont appris le décès subit du sénateur René Vestri survenu à Paris dans la nuit du 6 février dernier, en plein cœur du travail parlementaire qu’il exerçait depuis de nombreuses années.

On sait qu’il avait participé tout l’après-midi de ce mardi du mois de février, au sein de la commission du développement durable du Sénat dans laquelle il siégeait, aux travaux consacrés à l’avenir de notre système énergétique et à la présence médicale sur l’ensemble du territoire.

L’élection de René Vestri à la Haute Assemblée, il faut le rappeler, prolongeait une longue carrière d’élu local au service de son célèbre village et de son département de naissance, les Alpes-Maritimes.

Il fit son entrée au Palais du Luxembourg en 2008, où il adhéra au groupe UMP. Son intérêt pour les questions relatives à l’environnement et à l’aménagement du territoire le conduisit à rejoindre la nouvelle commission du développement durable dès sa création.

On se souviendra aussi qu’il mit son expérience d’élu local au service de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Il participa aussi au groupe de travail « mer et littoral ».

René Vestri se plaisait également à échanger sur l’avenir du bassin méditerranéen avec ses collègues des groupes d’amitié France-Italie ou France-Monaco.

Issu d’une famille modeste, René Vestri rappelait avec fierté que son père avait été maçon et qu’il avait lui-même réussi à créer et à développer une entreprise dans le domaine des travaux publics.

Si René Vesti eut un métier, il eut aussi une passion : la vie publique et la politique. Gaulliste de toujours, la politique était pour lui un combat et un engagement. Pendant trente ans, ce fut sa vie.

Très investi à l’échelon local, René Vestri avait décidé parallèlement de mettre toute son énergie au service de ses concitoyens, se présentant ainsi dès 1983 aux élections municipales de Saint-Jean-Cap-Ferrat. Sans discontinuer, il aura été le maire passionné de l’une des plus belles communes de notre pays. En plus d’un quart de siècle de mandat municipal, René Vestri aura transformé Saint-Jean-Cap-Ferrat grâce à sa détermination et à son engagement obstiné.

Il prolongea son investissement personnel en étant pendant près de vingt ans conseiller général du canton de Villefranche-sur-Mer. Il exerça même, de 2004 à 2008, les fonctions de vice-président du conseil général, chargé de la façade maritime ; il sera également vice-président de la communauté urbaine Nice-Côte d’Azur.

Dans sa commune, René Vestri était aussi connu et respecté pour un engagement qui le mobilisait constamment.

En 1989, s’indignant de l’indifférence dans laquelle étaient décimées certaines espèces animales, notamment les dauphins, il décida de créer l’association SOS Grand Bleu, qui fut reconnue d’utilité publique le 10 janvier 2005.

Ainsi qu’il le dit lui-même en ces murs, lors de sa première prise de parole en tant que sénateur nouvellement élu, l’une de ses grandes satisfactions fut de voir aboutir le projet Pelagos. Réunissant la France, Monaco et l’Italie, ce projet a abouti à la signature à Rome, le 25 novembre 1999, d’un accord international ayant pour objet la protection des mammifères marins en Méditerranée. Cet accord constitue le premier texte juridique au monde conclu par plusieurs pays créant une aire marine protégée dans des eaux internationales. Ce sanctuaire protégé s’étend sur 87 500 kilomètres carrés, au sein du bassin corso-liguro-provençal.

René Vestri rappelait, avec la passion que chacun lui reconnaissait, que « la Méditerranée ne représente que 0, 7 % de la surface des océans, mais constitue un réservoir majeur de la biodiversité, avec 28 % d’espèces que l’on ne trouve nulle part ailleurs ». Il répétait avec constance que « la France est présente dans la plupart des océans du globe et dispose du deuxième patrimoine maritime mondial en termes de surface ».

Pour le sénateur Vestri, la responsabilité en matière de préservation de l’environnement marin de notre pays était donc majeure.

Homme affable et chaleureux, René Vestri fut aussi soucieux de faire partager ses préoccupations dans les cadres les plus variés. Souhaitant transmettre son engagement aux plus jeunes, il avait ainsi lancé l’initiative « École de la Mer », grâce à laquelle, « chaque année, des milliers d’enfants apprennent que la mer n’est pas seulement une étendue qui se perd à l’horizon, mais aussi un volume habité par un monde fragile qui produit plus de 80 % de l’oxygène de notre atmosphère ».

Ses préoccupations en faveur de la préservation du domaine maritime, il comptait en faire part au sein du Conseil national de la mer et des littoraux, dont il était membre depuis le mois de décembre 2011.

Mesdames, messieurs les sénateurs, après le décès brutal de René Vestri, je présente les très sincères condoléances et la sympathie attristée du Gouvernement à son épouse, à ses enfants, à sa famille, à tous les habitants de Saint-Jean-Cap-de-Ferrat, aux membres du conseil municipal, aujourd’hui présents, à la commission du développement durable, au groupe UMP, ainsi qu’à l’ensemble des membres de la Haute Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Mes chers collègues, conformément à notre tradition, en signe d’hommage à René Vestri, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quatorze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Notre groupe souhaite effectuer un rappel au règlement sur le fondement de l’article 37 de notre règlement.

Nous ne pouvons tolérer que notre République soit salie et marquée par la honte après les propos du ministre des outre-mer, Victorin Lurel, lors des obsèques du Président vénézuélien.

Ces propos sont injurieux à l’égard du peuple vénézuélien : la mort n’est jamais risible ! Comment peut-on dire d’un mort qu’« il était tout mignon » ?

Ces propos sont insultants pour les démocrates, les républicains, les défenseurs des droits de l’homme. Comment peut-on comparer Hugo Chavez au général de Gaulle ou à Léon Blum, dont la rigueur morale était sans faille ? Comment peut-on dire d’un dictateur, d’un populiste, que « le monde gagnerait à avoir beaucoup de dictateurs comme [lui] » ? Dois-je rappeler son amitié avec le chef d’État iranien ? Y aurait-il, pour le Gouvernement, des dictateurs acceptables ?

Qu’ils relèvent de l’incompétence, de l’aveuglement idéologique ou d’une incompréhensible légèreté, ces propos constituent une faute lourde, inexcusable dans la bouche d’un ministre de la République en déplacement officiel. Nous demandons donc un désaveu officiel.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Acte vous est donné de ce rappel au règlement, ma chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’ordre du jour appelle l’examen de sept projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.

Pour ces sept projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

Est autorisée la ratification de l'accord de partenariat et de coopération établissant un partenariat entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et le Turkménistan, d'autre part (ensemble cinq annexes, un protocole et un acte final), signé à Bruxelles le 25 mai 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification d’un accord de partenariat et de coopération établissant un partenariat entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Turkménistan, d’autre part (projet n° 523 [2011-2012], texte de la commission n° 396, rapport n° 395).

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée la ratification du traité d'extradition entre la République française et la République argentine, signé à Paris, le 26 juillet 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification du traité d’extradition entre la République française et la République argentine (projet n° 492 [2011-2012], texte de la commission n° 398, rapport n° 397).

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de République libanaise relatif à la mobilité des jeunes et des professionnels (ensemble deux annexes), signé à Beyrouth, le 26 juin 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise relatif à la mobilité des jeunes et des professionnels (projet n° 456 [2011-2012], texte de la commission n° 392, rapport n° 391).

Le projet de loi est définitivement adopté.

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie relatif à la mobilité des jeunes (ensemble une annexe), signé à Belgrade, le 2 décembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie relatif à la mobilité des jeunes (projet n° 351 [2011-2012], texte de la commission n° 401, rapport n° 399).

Le projet de loi est définitivement adopté.

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Monténégro relatif à la mobilité des jeunes (ensemble deux annexes), signé à Podgorica, le 1er décembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Monténégro relatif à la mobilité des jeunes (projet n° 350 [2011-2012], texte de la commission n° 400, rapport n° 399).

Le projet de loi est définitivement adopté.

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan relatif à la création et aux conditions d'activités des centres culturels, signé à Paris le 9 décembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Azerbaïdjan relatif à la création et aux conditions d’activités des centres culturels (projet n° 708 [2011-2012], texte de la commission n° 403, rapport n° 402).

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée l'approbation de l'accord de coopération administrative entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Bulgarie relatif à la lutte contre l'emploi non déclaré et au respect du droit social en cas de circulation transfrontalière de travailleurs et de services, signé à Sofia le 30 mai 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération administrative entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Bulgarie relatif à la lutte contre l’emploi non déclaré et au respect du droit social en cas de circulation transfrontalière de travailleurs et de services (projet n° 465 [2010-2011], texte de la commission n° 394, rapport n° 393).

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’ordre du jour appelle, à la demande de la commission des affaires européennes, le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 14 et 15 mars 2013.

Dans le débat, la parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme nous en avons désormais pris l’habitude, nous nous retrouvons pour préparer ensemble la réunion du Conseil européen qui se tiendra dans quelques jours à Bruxelles.

Le Gouvernement aborde cette discussion dans un contexte particulier, que je veux rappeler.

Le contexte, c’est d’abord la crise que connaît l’Union européenne. Cette crise s’approfondit, s’aggrave, s’enkyste même dans un certain nombre de pays. La récession accomplit son œuvre de destruction d’emplois et le chômage augmente partout en Europe.

Le contexte, c’est ensuite le semestre européen, c'est-à-dire cet exercice de relations entre la Commission européenne et les gouvernements des États membres encadré par les textes du six-pack, du two-pack et du traité budgétaire. Ces textes prévoient que les gouvernements définissent, en lien avec la Commission européenne, la manière dont ils pourront atteindre les objectifs de réduction des déficits publics qu’ils se sont assignés lors de l’adoption de leurs budgets.

Nous sommes donc confrontés à un double exercice : évaluer l’efficience de nos politiques économiques et assurer leur convergence vers un équilibre qui permettra d’accélérer la sortie de crise ; rendre compte de la façon dont nous réduisons nos déficits publics.

Rappelons que, depuis le mois de juin dernier, la France a souhaité s’engager dans une réorientation très profonde de la politique de l’Union européenne, afin d’équilibrer les politiques de sérieux budgétaire par des initiatives en faveur de la croissance. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, nous avions trois objectifs principaux.

Premièrement, faire en sorte que la croissance redevienne possible au sein de l’Union européenne, en équilibrant par des initiatives prises au niveau de l’Union les politiques de sérieux budgétaire que les États se sont engagés à conduire dans le cadre des textes et traités récemment adoptés ; je pense notamment au semestre européen.

Deuxièmement, remettre en ordre le système financier et bancaire au sein de l’Union européenne pour favoriser le retour de la croissance.

Troisièmement, créer les conditions, notamment dans le cadre de la réflexion en cours conduite par Herman Van Rompuy, d’un approfondissement de l’Union économique et monétaire, en ayant constamment à l’esprit le souci du renforcement de la solidarité.

À la veille du Conseil européen, je voudrais profiter de notre échange d’aujourd’hui pour faire un point sur ces trois sujets essentiels, autour desquels nous pouvons rééquilibrer les politiques de l’Union européenne.

Les institutions européennes, comme l’ensemble des pays de l’Union, sont bien décidées à ce que le Conseil européen des 13 et 14 mars soit l’occasion de mener un débat approfondi sur la pertinence des politiques économiques conduites au sein de cet espace et sur les conditions dans lesquelles l’équilibre entre croissance, sérieux budgétaire et solidarité va pouvoir se matérialiser dans les mois à venir.

Pour ce qui concerne la croissance, le Conseil a décidé d’inscrire à l’ordre du jour la question du pacte de croissance de 120 milliards d’euros, décidé à l’occasion du Conseil européen du mois de juin dernier, dont la déclinaison sur les territoires est en cours. Nous devons profiter de ce rendez-vous pour évaluer très concrètement son impact sur les politiques de l’Union, sur le développement des territoires et sur la croissance.

Ce débat se fera en deux temps : il y aura d’abord une évocation des instruments du pacte de croissance mis en place par l’ensemble des institutions de l’Union européenne, avec le concours des États membres, jeudi et vendredi prochains, puis une prolongation de ce débat aura lieu à l’occasion du Conseil du mois de juin. Par-delà l’évaluation de l’efficacité des instruments, cette seconde étape visera à mesurer concrètement les résultats obtenus par ce pacte en termes de croissance dans les différents pays de l’Union.

Il arrive très souvent que certains, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, s’interrogent, avec plus ou moins de bonne foi, sur la réalité de ce pacte. Je veux donc rappeler que celui-ci se répartit en trois enveloppes : 55 milliards d’euros de fonds structurels, qui correspondent à des sommes budgétées dans le cadre des perspectives financières pour la période 2007-2013 mais non dépensées ; 60 milliards d’euros de prêts de la Banque européenne d’investissement, la BEI, rendus possibles par sa recapitalisation à hauteur de 10 milliards d’euros ; 4, 5 milliards d’euros d’obligations de projets, grâce à la mobilisation de 350 millions d’euros de garanties dans le budget de l’Union.

Concernant les 55 milliards d’euros de fonds structurels, la France bénéficie d’une « enveloppe plancher » de 2, 2 milliards d’euros, laquelle ne présage en rien la mobilisation globale des fonds au terme de la période.

S’agissant des prêts de la BEI, le retour est à peu près de 13 % pour l’Allemagne, tandis qu’il est de l’ordre de 7 % pour la France. Si, par une bonne mobilisation des territoires, des industriels et des services financiers, nous parvenons à optimiser ce retour, nous pourrions escompter de 7 milliards à 8 milliards d’euros de retombées.

Enfin, nous attendons entre 600 millions et 700 millions d’euros des obligations de projets.

Si la commission des affaires européennes du Sénat le souhaite, je peux lui donner la déclinaison territoriale de ces fonds et les projets auxquels ils ont été affectés. En attendant, je puis vous dire très précisément que la France bénéficiera de la mobilisation de près de 11 milliards d’euros d’argent européen au titre du plan de croissance dans les mois à venir, ce qui, par effet de levier, devrait permettre d’avoir un impact global de près de 24 milliards d’euros. Dans le contexte de crise auquel notre pays est confronté, cette somme représente une opportunité non négligeable en termes d’investissement.

Je tenais à apporter ces précisions sur le pacte de croissance, qui sera évoqué à l’occasion des deux prochains Conseils européens, pour bien montrer à la Haute Assemblée que ce plan n’est pas virtuel et qu’il est en train d’être décliné dans les différents territoires.

Par ailleurs, nous souhaitons que le budget de l’Union pour la période 2014-2020 contribue à la croissance. Pour des raisons qui tiennent au rabotage constant des crédits de paiement nécessaires au financement du précédent cadre budgétaire, qui fut préconisé dans la lettre de novembre 2010 envoyée par l’ancien Président de la République française, la Chancelière allemande et les Premiers ministres finlandais et néerlandais au président de la Commission européenne, il faut savoir que seuls 860 milliards d’euros ont été utilisés entre 2007 et 2013, soit 80 milliards d’euros de moins que l’enveloppe de 942 milliards d’euros de crédits de paiement que le budget initial prévoyait. Si nous mobilisons la totalité des crédits du budget qui vient d’être adopté, cela représentera donc 50 milliards d’euros de plus que dans le précédent cadre budgétaire.

Je veux rappeler que les crédits alloués à la croissance dans le budget 2014-2020 augmenteront de près de 40 % au cours des six prochaines années, tandis que les budgets du programme Connecting Europe connaîtront une hausse de près de 120 %.

Sachez également que, pour ce qui concerne la politique de cohésion et la politique agricole commune, nous avons atteint tous nos objectifs. Nous avons également procédé à la création d’un fonds d’accompagnement des jeunes pour les régions ayant un taux de chômage supérieur à 25 %.

Tout cela nous conduit à optimiser fortement notre retour sur tous les objectifs sur lesquels nous étions mobilisés dans le cadre de la négociation budgétaire qui vient de s’achever.

Enfin, nous voudrions que l’acte II du marché intérieur soit l’occasion de multiplier les initiatives de croissance, de réaliser des efforts en matière d’harmonisation sociale et fiscale – nous pourrons en parler à l’occasion du débat interactif et spontané qui suivra –, d’instaurer le principe du juste échange. Les discussions en cours sur les directives Concessions et Marchés publics devraient permettre de ne plus ouvrir nos marchés publics à des entreprises venant de pays qui n’ont pas ouvert les leurs à nos propres entreprises. Ces projets de directives procèdent de la volonté de faire en sorte que le « mieux-disant social et environnemental », qui s’applique à nos acteurs économiques, avec un haut niveau de normes élaborées par l’Union européenne, ne soit pas un handicap dans la mondialisation.

Telles sont nos orientations en termes de croissance. Mais nous souhaitons que le Conseil européen, qui permettra de faire le point sur tous ces sujets concernant la stratégie d’investissement public et la croissance en Europe, soit aussi l’occasion d’aborder la remise en ordre de la finance, sans laquelle il n’y aura pas de croissance.

Depuis le Conseil de juin dernier, et cela a été confirmé en octobre et en décembre, nous avons réussi à créer les conditions de la mise en place de l’union bancaire au sein de l’Union européenne. La supervision bancaire a fait l’objet d’un compromis avec l’Allemagne. La Commission européenne, sous l’égide du commissaire Barnier, qui fait un très bon travail, sur ces questions comme sur d’autres, œuvre actuellement à l’élaboration de textes de nature législative visant à compléter la supervision par un dispositif de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts pour que nous arrivions à un dispositif complet.

Dès que la supervision bancaire sera mise en œuvre, il sera possible de recapitaliser directement les banques par le Mécanisme européen de stabilité, le MES. Le lien entre dette souveraine et dette bancaire, qui oblige actuellement les États à supporter des taux d’intérêt très élevés sur les marchés financiers, sera rompu.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Nous créerons ainsi les conditions permettant au système financier européen d’être directement au service de l’économie réelle et non d’activités spéculatives, destructrices de valeurs et de richesses sur les territoires de l’Union européenne.

Je rappelle que, dans le même temps, nous avons acté que le MES et le Fonds européen de stabilité financière, le FESF pourront intervenir sur le marché secondaire des dettes souveraines.

La Banque centrale européenne a emboîté le pas, via le programme Outright Monetary Transactions, lequel permet, toujours sur le marché secondaire des dettes souveraines, d’accompagner l’intervention du MES et du FESF, de manière à mettre en place un véritable pare-feu face à la spéculation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je terminerai par la solidarité, le Conseil européen devant également être en situation de préparer les débats qui auront lieu au mois de juin, sous l’égide du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, sur l’avenir de l’Union économique et monétaire.

Nous désirons profiter de la réflexion que M. Van Rompuy a conduite pour que, sur un certain nombre de questions, nous puissions approfondir l’Union économique et monétaire, ainsi que le dispositif d’intégration politique qui en serait la conséquence nécessaire. Plusieurs options et hypothèses se présentent à nous.

Nous devons envisager l’approfondissement de la gouvernance de la zone euro, car il ne sera pas possible de surmonter la crise si l’Union européenne ne parvient pas à rendre plus efficients les dispositifs de gouvernance à Dix-Sept. Reste que ce que nous ferons pour approfondir l’Union économique et monétaire à Dix-Sept ne peut pas se faire au détriment de l’intégrité de l’Europe à Vingt-Sept. Il nous faut donc trouver une articulation entre ces deux exigences : améliorer la gouvernance de la zone euro et maintenir l’intégrité du marché intérieur.

Tel est l’un des enjeux considérables des débats en cours avec Herman Van Rompuy et l’ensemble des institutions de l’Union et des chefs d’État et de gouvernement.

Nous devons examiner chacune des opportunités induites par cette réflexion.

Tout d’abord, dès lors qu’il y a une meilleure gouvernance de la zone euro, il convient de doter celle-ci d’une capacité budgétaire susceptible de lui permettre de faire face aux chocs conjoncturels et de mener de véritables politiques pour les surmonter lorsqu’ils se présentent à nous de façon violente.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Ensuite, il convient d’approfondir la réflexion sur la mutualisation de la dette.

J’ai souvent entendu dire sur ces travées que cette question n’était plus d’actualité, mais les plus européens d’entre vous auront sans doute remarqué que le Parlement européen a obtenu, dans le cadre du trilogue, c’est-à-dire au terme d’une discussion avec la Commission et le Conseil, qu’un groupe de travail particulier soit mis en place pour définir les conditions dans lesquelles nous pourrions avancer ensemble vers les eurobills et, à terme, les eurobonds. Il faut savoir qu’une grande majorité des membres du Parlement européen, toutes tendances politiques confondues, considèrent que, à partir du moment où il y a convergence des politiques budgétaires vers la discipline, il doit y avoir une possibilité de mutualiser la dette.

Le fait que l’ensemble des institutions de l’Union ait acté le principe de la mise en place de ce groupe de travail montre bien le chemin et les opportunités qui s’offrent à nous.

Enfin, il y a devant nous la question de l’Europe sociale, qui a été mise à l’ordre du jour des travaux du Conseil européen dans le cadre de l’acte II du marché intérieur. De nombreux sujets sont à examiner, qu’il s’agisse de la reconnaissance des qualifications professionnelles au niveau européen, de la reconnaissance de la portabilité des droits sociaux ou de la possibilité d’engager une réflexion sur la mise en place d’un salaire minimum européen.

Telles sont les questions que nous aurons à traiter dans les semaines et les mois à venir, plus particulièrement à l’occasion des deux Conseils européens de mars et de juin, dans le cadre de la feuille de route d’Herman Van Rompuy.

Je voudrais conclure en indiquant que ce Conseil sera aussi l’occasion pour la France d’indiquer la manière dont elle entend respecter les objectifs de redressement qu’elle s’est assignés.

La conjoncture européenne très difficile, avec une croissance très faible, ne permet pas d’atteindre les objectifs de réduction des déficits que nous nous étions fixés. Mais la Commission européenne et la Cour des comptes ont reconnu que les deux tiers des efforts de rétablissement du déficit structurel de la France résultaient des efforts accomplis depuis le mois de juin dernier.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

En tout cas, cela va beaucoup moins mal que précédemment, monsieur Marini.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Je voudrais quand même vous rappeler, vous qui aimez les chiffres, que vous nous avez laissé 75 milliards de déficit du commerce extérieur.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Peut-être, mais on l’a bien ressenti, car cela fait partie des choses que nous sommes obligés de corriger. Le doublement de la dette en cinq ans et le creusement abyssal des déficits vous confèrent toute l’autorité nécessaire pour nous donner des leçons que nous recevons avec une grande humilité…

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Je ne cède pas à la facilité : je rappelle tout simplement la vérité des chiffres !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Faites preuve d’un peu plus d’imagination !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

La rigueur des chiffres nous impose une réalité qui nous interdit toute forme d’imagination. Elle semble vous poser beaucoup de difficultés, et je le regrette. Pourtant, entre personnes honnêtes et de bonne compagnie, il devrait être possible d’examiner ces chiffres avec lucidité.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Tous ceux qui ne sont pas de votre avis sont malhonnêtes !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Absolument pas ! Je le répète, les chiffres sont là : vous avez doublé la dette en cinq ans, vous avez laissé un déficit budgétaire abyssal et un déficit du commerce extérieur de 75 milliards d’euros, ce qui vous autorise à donner des leçons de sérieux budgétaire et de compétitivité économique…

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Je ne le ferai pas, car ce que j’ai dit devrait suffire à vous éclairer.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Vous voulez faire taire vos opposants avec une vérité officielle !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il n’y a pas de vérité officielle, mais la vérité des chiffres fournis par des institutions françaises auxquelles vous vous êtes souvent référé lorsqu’il s’agissait de nous accabler. En revanche, lorsqu’il s’agit de regarder en face la situation que vous nous avez laissée, les institutions de la République ne donnent plus les bons chiffres ! Pour moi, cette attitude est le contraire de l’honnêteté intellectuelle, mais peut-être ai-je tort, monsieur Marini ?

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Seuls vos amis sont honnêtes, c’est bien connu !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je souhaite donc que ce débat soit l’occasion de faire la clarté sur tous ces sujets, et notamment sur ce que nous avons fait. Comme je suis très impatient de vous entendre m’apporter la contradiction, monsieur Marini, j’arrête là mon propos et je retourne à ma place afin de vous entendre développer vos vérités !

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Conseil européen qui va se tenir les 14 et 15 mars prochain est particulièrement important. En effet, il va se prononcer sur les lignes directrices de l’Union européenne concernant les programmes de stabilité et les programmes nationaux de réforme, dont M. le ministre vient de nous détailler la teneur. Je remercie donc tout particulièrement M. le président du Sénat d’avoir veillé à ce que ce débat se tienne aujourd’hui à un horaire convenable. Je remercie aussi M. le ministre de sa disponibilité pour répondre à nos questions.

Les récentes prévisions de la Commission européenne confirment malheureusement la dégradation de la conjoncture économique qui concerne l’ensemble de l’Union européenne. Selon la Commission européenne, la croissance économique ne devrait atteindre que 0, 1 % en 2013 dans l’Union et, dans la seule zone euro, l’économie devrait se contracter de 0, 3 %. Cette faiblesse de l’économie devrait avoir des conséquences directes sur le chômage : le taux de chômage devrait atteindre 11, 1 % dans l’Union européenne et 12, 2 % dans la zone euro, avec des pics extrêmement inquiétants pour le chômage des jeunes. On ne peut imaginer que cette conjoncture économique très dégradée ne soit pas prise en compte dans la définition des lignes directrices pour les politiques nationales.

L’effort de stabilisation des finances publiques répond à une exigence et doit être poursuivi avec détermination. La France a engagé, en 2012 et en 2013, un effort d’ajustement structurel sans précédent, mais cet effort doit aussi s’inscrire dans la durée, selon un calendrier réaliste. Dès lors que la conjoncture économique se dégrade, chacun peut comprendre que ce calendrier doive être adapté – il l’a d’ailleurs été. Le Fonds monétaire international lui-même a récemment émis une mise en garde contre l’excès d’austérité. Comme nous le disons souvent, mieux vaut éviter que le malade ne meure guéri !

Il faut aussi poursuivre les réformes structurelles et agir pour la compétitivité de nos économies. Depuis dix mois, la France est engagée dans ce sens : nous avons adopté un pacte national pour la compétitivité et l’emploi et nous allons bientôt transcrire dans la loi l’accord historique entre les partenaires sociaux qui réforme en profondeur le marché du travail.

Dans le même temps, l’Union européenne doit elle-même mettre au premier plan le soutien à la croissance. La France a contribué à ce débat au sein des instances européennes et elle a été entendue, avec l’adoption, en juin 2012, du pacte européen pour la croissance et l’emploi. Il faut poursuivre dans cette voie et aboutir rapidement à des réalisations concrètes.

L’emploi des jeunes doit être la priorité des priorités. En décembre, la Commission européenne a proposé un train de mesures dans ce domaine. Grâce à la détermination du Président de la République, la France a obtenu, lors du Conseil européen de février, la création d’un fonds de lutte contre le chômage des jeunes. Ce fonds de 6 milliards d’euros sera destiné aux régions où le taux de chômage des jeunes dépasse les 25 %. Ma région va en bénéficier, mais j’aurais évidemment préféré qu’elle ne soit pas concernée. Je mesure donc, à titre personnel, l’importance pour nos territoires d’une action européenne bien orientée.

Intensifier cette action est d’autant plus nécessaire que l’Europe sert souvent de bouc émissaire en période de difficultés nationales. Nous le constatons tous les jours, et les résultats des récentes élections italiennes viennent de nous le rappeler. Le rétablissement des finances publiques ne sera donc compris que s’il s’accompagne d’une plus grande solidarité et d’une action énergique pour la croissance et l’emploi.

Malheureusement, l’épisode de la négociation du cadre financier pluriannuel a cruellement révélé l’altération de l’esprit de solidarité. Le budget européen est, par définition, un exercice de solidarité ; il doit aussi refléter une certaine vision de l’Europe. Or, nous le savons tous, le sens même du projet européen est aujourd’hui discuté. La France doit donc continuer à œuvrer, comme elle le fait depuis dix mois, afin de redonner du sens au projet européen en le réorientant pour qu’il réponde aux attentes de nos concitoyens.

L’absence de véritables ressources propres de l’Union européenne a perverti la négociation, car les États membres se sont focalisés sur leur solde net, c’est-à-dire sur la différence entre ce qu’ils versent et ce qu’ils reçoivent du budget européen. Cette logique prévaudra tant que le budget sera financé par des contributions nationales, ce qui est la négation même de la solidarité européenne ! C’est pourquoi nous devons travailler à la création de nouvelles ressources propres, comme le Sénat l’a souligné en décembre dernier.

Dans ce contexte très difficile, la France a bien négocié. Quand on se souvient de la manière dont les discussions s’étaient engagées, nous avons réussi à éviter le pire. De plus, nous ne sommes qu’à la première étape du processus, je tiens à insister sur ce point. En effet, le Parlement européen dispose d’un réel pouvoir, puisqu’il doit maintenant donner son approbation au budget adopté par le Conseil. Je souhaite donc qu’il mette ce pouvoir à profit pour revoir à la hausse certaines enveloppes. Ce serait la preuve que l’esprit de solidarité a encore un sens en Europe !

Puisque l’on va fixer des lignes directrices sur les politiques nationales, nous devons aussi nous interroger sur leur coordination. D’un côté, certains pays ont des excédents et une compétitivité élevée ; de l’autre, se trouvent des États qui luttent pour réduire leurs déficits. Que les premiers relancent leur demande intérieure serait bénéfique pour l’ensemble de l’Union européenne. C’est aussi cela, la solidarité européenne !

Notre débat se déroule alors que se développent les réflexions sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire. Le Conseil européen de décembre a adopté une feuille de route et celui de juin prendra des décisions. Il est indispensable que ces décisions concilient la rigueur financière avec une approche dynamique en faveur de la croissance et de l’emploi – j’insiste toujours sur ces deux mots. Pour cela, il faut renforcer l’intégration à partir d’objectifs partagés.

Nous travaillons à rendre nos économies plus fortes et plus compétitives, mais nous avons aussi besoin d’une harmonisation des politiques fiscales et d’actions ambitieuses, sur le plan européen, pour développer les infrastructures et encourager la recherche. À cette fin, nous avions insisté, dans notre résolution de décembre 2012, sur l’importance du projet de mécanisme européen d’interconnexion dans ses trois volets, transports, énergie et numérique. Or la diminution, envisagée par le Conseil européen, de 50 milliards d’euros à 30 milliards d’euros des moyens consacrés à ce mécanisme d’interconnexion est particulièrement préoccupante. Nous sommes aussi inquiets des moyens qui seront alloués au programme de recherche Horizon 2020. Où est le souci de la croissance ?

Enfin, une Europe réorientée, c’est une Europe dotée d’une véritable ambition sociale. Face à la situation de l’emploi, la solidarité doit s’exercer à l’égard des territoires durement touchés par le chômage. C’est l’intérêt du fonds de lutte contre le chômage des jeunes, dont la France a obtenu la création ; c’est aussi l’enjeu du fonds d’adaptation à la mondialisation ou du fonds d’aide alimentaire, qui, à la demande du Président de la République, sera maintenu à un niveau de 2, 5 milliards d’euros. Il est cependant inquiétant de voir certains pays remettre en cause ce type de mécanisme lors des débats européens.

Comme nous l’avons déjà dit, nous verrions également un avantage à lancer des emprunts communs entre États membres. Ils seraient l’expression de cette solidarité concrète que l’Europe doit traduire aujourd’hui si elle veut éviter la désaffection des peuples, défi majeur de l’avenir !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme la vice-présidente de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, François Marc, retenu dans son département par des conditions météorologiques difficiles, aurait dû s’adresser à vous aujourd’hui. Je vais donc tenter de vous entretenir pendant quelques minutes de la question suivante : pourquoi ne nous intéressons-nous pas plus à l’Europe ? J’espère que nous trouverons le moyen d’en faire un peu plus chaque jour pour apprécier davantage cette Europe et nous en sentir toujours plus parties prenantes, plutôt que de la considérer uniquement en spectateurs critiques.

Ce débat préalable au Conseil européen des 14 et 15 mars souligne la volonté du Parlement d’occuper toute sa place dans ce qu’il convient désormais d’appeler le « semestre européen ». En effet, la prochaine réunion du Conseil européen va traiter de questions importantes relatives à la trajectoire économique et budgétaire des pays européens, dont celle de la France.

Dans ses recommandations adressées à la France en juin 2012, le Conseil européen avait rappelé l’objectif de ramener notre déficit public à 3 % du PIB en 2013. Faut-il encore le rappeler, au moment de ces recommandations, la Commission européenne estimait la croissance du PIB à 1, 3 % pour l’année 2013 ?

Cet objectif, on le sait, ne sera pas atteint, en raison de la dégradation de la situation économique dans l’ensemble de la zone euro. À cet égard, certains semblent tentés de verser dans le catastrophisme, mais cela n’a pas de sens : vouloir coûte que coûte ramener le déficit public à 3 % du PIB en 2013, sans considérer le contexte économique, provoquerait une récession qui nuirait en retour à notre trajectoire de redressement. La Cour des comptes ne recommande d’ailleurs pas de prendre des mesures supplémentaires dès 2013 pour atteindre l’objectif des 3 %, mais insiste sur la réalisation effective de l’effort structurel programmé.

Notre crédibilité repose sur notre détermination à redresser durablement nos finances publiques. Pour la première fois, les dépenses de l’État en 2012 ont été inférieures à celles de l’année précédente ; s’agissant de l’année 2013, l’effort budgétaire est jugé « sans précédent » par la Cour des comptes elle-même ! Enfin, entre 2010 et 2013, selon la Commission européenne, la réduction de notre déficit structurel se sera établie à plus de 4 points de PIB, comme la France s’y était engagée. Cette détermination ne peut donc être mise en doute et justifie que nous obtenions de nos partenaires européens le report à 2014 de l’objectif de retour du déficit sous la barre des 3 % du PIB.

En juin 2012, il faut le rappeler, le Conseil n’avait pas fait référence au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, le TSCG, qui raisonne uniquement en termes de solde structurel, car celui-ci n’était pas encore entré en vigueur. Toutefois, les institutions communautaires devront prendre en compte cette évolution de la gouvernance de la zone euro, qui, si elle ne modifie pas le pacte de stabilité, aura nécessairement des conséquences sur la manière dont elles décideront de l’appliquer.

S’agissant des prévisions de déficit public pour 2013 et 2014, personne, pas même la Commission européenne, n’est capable de dire aujourd’hui avec certitude ce que seront la croissance du PIB et l’évolution de nos recettes en fonction de celle-ci. Ces prévisions montrent cependant quel effort supplémentaire nous pourrions avoir à produire en 2014 pour faire en sorte que notre déficit public soit sensiblement inférieur à 3 % du PIB.

Le Gouvernement a engagé cet approfondissement de l’effort ; c’est le sens des audits qu’il a demandés dans le cadre de la modernisation de l’action publique et de la réflexion menée en vue d’une nouvelle réforme des retraites. Ce sont ces réformes, plutôt que des mesures destinées à faire passer le déficit public sous la barre des 3 % du PIB dès 2013, sans que soient considérées leurs conséquences immédiates et futures, qui permettront de sécuriser durablement notre redressement et qu’attendent nos partenaires européens comme, d’ailleurs, les investisseurs.

Le Gouvernement a pris des mesures importantes pour relancer la croissance et dynamiser le marché du travail. Le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi doit permettre aux entreprises d’embaucher, d’investir et de gagner des parts de marché. Dans ce cadre, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi a opéré un déplacement significatif de la fiscalité du travail vers la TVA et la fiscalité écologique, laquelle doit favoriser notre transition énergétique.

Au-delà de ce pacte, l’accord national interprofessionnel conclu en janvier dernier, dont la transcription dans la loi sera prochainement soumise à notre examen, devrait permettre de dynamiser notre marché du travail.

Ces mesures visent à renouer avec une croissance durable et à améliorer notre compétitivité ; elles ne sont certainement pas en contradiction avec les recommandations adressées à la France par le Conseil européen en juin 2012, recommandations qui, d'ailleurs, rejoignent celles que plusieurs organisations internationales et observateurs étrangers nous ont faites.

Il s’agit donc de convaincre pleinement ceux de nos partenaires européens qui auraient encore des doutes sur ce point de notre détermination à redresser nos finances publiques et à renouer avec une croissance plus forte, afin d’obtenir le report d’une année de l’objectif de retour de notre déficit public sous la barre des 3 % du PIB. Il faut aussi inviter le Conseil européen à préconiser des orientations favorisant le retour de la croissance et l’amélioration de la situation de l’emploi dans l’ensemble de l’Union européenne, car c’est dans la faible croissance que réside la cause de nos déficits, au-delà de la part structurelle que tous les pays européens s’emploient désormais à résorber.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. François Trucy applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de huit minutes au porte-parole de chaque groupe politique et de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Le Gouvernement répondra ensuite aux commissions et aux orateurs.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans ignorer l’importance du premier point inscrit au programme du Conseil européen de cette semaine – nous en avons parlé –, je centrerai mon propos sur le second item figurant au projet d’ordre du jour, qui porte sur les relations extérieures de l’Union européenne.

En effet, le Conseil européen sera l’occasion de procéder « à un échange de vues ouvert sur les relations avec les partenaires stratégiques », étant entendu qu’il « ne devrait pas adopter de conclusions écrites sur ce sujet ». Cette formulation n’a rien d’original ; elle est même assez habituelle pour les Conseils européens.

Cependant, le contexte actuel n’est pas anodin, en particulier s’agissant des « partenaires stratégiques » de l’Europe, entendus ici principalement au sens économique.

Je ne peux m’empêcher de faire le lien avec l’annonce du lancement prochain de négociations visant à instaurer un accord de libre-échange qui engloberait les deux rives de l’océan Atlantique, Union européenne et États-Unis, récemment faite par le Président Obama. Cet accord serait le plus important de ce type jamais conclu dans le monde. Il concernerait le tiers du commerce international et la moitié de la production économique globale ; autant dire que son rôle de régulation et son impact sur l’économie mondiale seraient centraux !

Certes, il est plus habituel d’évoquer ces sujets dans le cadre de discussions sur les questions commerciales qu’à l’occasion d’un point sur les affaires extérieures. Toutefois, il paraît difficile de ne pas prêter une dimension stratégique globale à ce nouveau partenariat éventuel avec les États-Unis.

Que savons-nous, à cette heure, du dialogue qui s’ouvre ?

D’abord, nous savons qu’il devrait débuter formellement cet été. En effet, c’est le Conseil européen du mois de juin qui devrait donner à la Commission européenne le mandat par lequel elle mènera les négociations, d’où l’intérêt des discussions informelles qui s’amorcent maintenant.

Ensuite, si l’on en croit les précédents, notamment la recherche d’un accord du même type avec le Canada, nous pouvons craindre que ce dialogue ne brille pas non plus tout à fait par sa transparence.

Enfin, les sujets abordés sont aujourd'hui loin d’être consensuels.

En l’occurrence, cet accord de libre-échange ne devrait pas diminuer drastiquement les droits de douane, déjà très faibles. On parle de taux moyens situés aux alentours de 3, 5 % pour les importations depuis l’Europe vers les États-Unis et de 5, 2 % en sens inverse. On peut toutefois remarquer – c’était le sens de l’intervention précédente – qu’une nouvelle restriction affaiblira d’autant le budget de l’Union : les droits de douane, déjà presque marginaux suite à d’autres accords similaires, représentent aujourd’hui environ 15 % de ce dernier. Il faudra quand même voir comment compenser cette diminution si nous voulons toujours donner une certaine ambition au budget européen et à sa capacité d’agir sur l’économie européenne !

Cela étant, c’est dans le domaine de la réglementation sanitaire, sociale ou environnementale que cet accord pourrait avoir le plus d’impact. Et ses conséquences pourraient bien s’avérer négatives pour les citoyens et les consommateurs européens !

Nous le savons, la conception que les États-Unis et l’Europe ont de la protection des données personnelles diffère radicalement l’une de l’autre, ce qui pose déjà des problèmes avec des géants comme Google ou Facebook, dont le modèle économique repose justement sur la commercialisation de ces données ; la presse s’en est largement fait l’écho ces derniers temps. Cette question promet d’être complexe.

Les États-Unis et l’Europe ont aussi une vision totalement différente des modes de production alimentaire et du principe de précaution. La politique agricole commune est déjà problématique sur un certain nombre de points. Mais on parle ici de la possible importation d’OGM, de volailles traitées au chlore ou de porcs soignés à fortes doses d’antibiotiques ! Les élus et le lobby agroalimentaire américains ont d’ores et déjà écrit à l’administration Obama pour réclamer que ces points précis soient compris dans les négociations. Or ce serait évidemment pour nous une évolution totalement inacceptable, dont l’éventualité même paraît absurde aujourd’hui, alors que nous nous trouvons au milieu de scandales sanitaires à l’ampleur non négligeable.

Monsieur le ministre, je tiens à dire cet après-midi que, sur ce point, vous trouverez, à l’échelle européenne, des écologistes particulièrement attentifs et mobilisés pour la défense de l’environnement et de la santé des consommateurs.

Au vu de ces enjeux, le débat se devra donc d’être transparent et d’associer les instances législatives et la société civile.

Les écologistes ne sont pas opposés a priori à l’idée d’accords commerciaux. Mais cette idée ne doit pas conduire à un nivellement par le bas de règles dont le seul but est de protéger la santé, la vie privée ou le bien-être des Européens.

En conclusion, les rapprochements entre législations sont évidemment possibles. Toutefois, un accord avec les États-Unis aussi étendu ne serait pertinent que dans la mesure où il instaurerait un terrain d’entente minimale qui constituerait déjà un mieux-disant par rapport aux pratiques actuellement en vigueur dans le monde sur toutes ces questions, mais aussi, plus globalement, sur les questions relatives au climat ou à la préservation de ressources. Il serait alors bien plus aisé d’influencer ces pratiques, compte tenu du poids qu’aurait un tel marché par rapport aux autres acteurs économiques. C’est véritablement dans ce cadre que nous devons appréhender l’ouverture d’une telle négociation.

Après les annonces de l’administration Obama sur la nécessité de répondre aux défis du changement climatique, engagement confirmé par la nomination de John Kerry, avec, en perspective, la fin du cycle de négociations climatiques entamées à Durban voilà maintenant un peu plus d’un an – négociations qui s’achèveront à Paris en 2015 –, nous devons plus que jamais lier négociations commerciales et climatiques pour aboutir à un accord de régulation globale, vital pour l’avenir de nos sociétés.

L’expérience nous montre que l’échec des précédentes négociations climatiques est justement venu de notre incapacité à lier le commercial et l’environnement ; tel a tout particulièrement été le cas à Copenhague. À partir du moment où les grandes négociations s’ignorent, elles sont condamnées à l’échec.

Cette fois, le calendrier de l’administration Obama est cohérent ou tout du moins compatible avec les échéances en matière de négociations environnementales. C’est une chance que nous ne devons pas laisser passer.

Le volontarisme européen sur le climat ne doit pas être limité aux discours de façade ; il doit s’insérer dans une logique cohérente de toute la diplomatie européenne. Les négociations commerciales bilatérales en font partie, avec les États-Unis mais aussi, évidemment, avec la Chine et les grands pays émergents.

En effet – soyons lucides –, l’aggravation des crises environnementales, qui se déclineront en crises alimentaires et sociales, conduira sans nul doute au repli et à la fin du libre-échange. Ceux qui pensent que l’échange économique mondial est globalement bénéfique doivent donc intégrer urgemment dans leurs propres logiciels les enjeux environnementaux, s’ils ne veulent pas, demain, assister impuissants aux replis nationaux dans un monde en souffrance.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me semble que jamais la distance entre l’Europe institutionnelle et nos concitoyens n’a été aussi grande qu’en ce début d’année.

Jamais la distance entre les propos officiels, techniques, technocratiques que l’on nous tient et la réalité vécue n’a été aussi considérable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cette distance est à l’image de celle qui sépare deux langages : le langage que notre pays tient à l’égard de ses partenaires dans les enceintes feutrées des réunions ministérielles ou institutionnelles, à Bruxelles ou ailleurs, et le langage du Gouvernement vis-à-vis de l’opinion publique et des représentants des divers milieux qui composent notre société.

Nous avons bien vu cette distance entre les opinions et l’Europe institutionnelle à l’occasion des élections italiennes. Tenons compte de cette réalité exprimée par le suffrage !

Sans doute avons-nous aussi affaire à des instances européennes, qui, bien souvent, font semblant, pour avancer, de laisser croire à l’existence d’un consensus ou d’une direction commune, alors que bien des points reposent sur l’à-peu-près ou le malentendu.

Ainsi en va-t-il de la coordination des politiques fiscales. Quand on lit les documents officiels, il est question de progresser en matière de fiscalité de l’énergie, de fiscalité de l’épargne ou encore vers une assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés. Mais qu’en est-il en réalité ? Chacun le sait, aucune chance de faire progresser ces sujets n’existe à brève échéance, car tout dépend de l’avis d’un seul des vingt-sept membres de l’Union européenne.

Vous-même, monsieur le ministre, lorsque je vous ai interrogé sur le renflouement financier de Chypre lors d’un précédent débat, vous n’avez pas eu une seule parole sur l’impôt sur les sociétés au taux de 10 %. Bien entendu, comme tout à l'heure, vous m’avez répondu en incriminant le précédent gouvernement et le précédent Président de la République à propos des affaires irlandaises de l’époque.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Au moins le Président de la République d’alors avait-il dénoncé le dumping fiscal, même si ses partenaires ne l’ont pas rejoint sur ce point.

Aujourd'hui, je le répète, sur le taux d’impôt sur les sociétés de 10 % applicable à Chypre, je n’ai pas entendu l’ombre d’une seule parole, si je puis ainsi m’exprimer !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Mes chers collègues, en ce début d’après-midi, je me félicite d’avoir su éveiller votre attention sur un sujet européen, ce qui n’est pas nécessairement chose facile !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il est encore plus gênant d’observer les ambiguïtés en matière bancaire. On ne sait plus vraiment quel est le but politique recherché à travers l’union bancaire. On nous dit qu’il faut rompre le lien entre dette souveraine et dette bancaire mais aucun accord sur les conditions dans lesquelles le Mécanisme européen de stabilité pourra prêter directement aux banques ne semble se dessiner. Certes, monsieur le ministre, vous en avez parlé, mais il ne s’agit là que d’une figure de style convenue : il n’existe aucun calendrier ni aucun progrès réel en ce sens, et vous le savez fort bien.

Dès lors, il faut peut-être tâcher de rendre un sens politique à ce que nous faisons dans le cadre de la construction européenne. Sans doute est-il nécessaire que les parlements nationaux utilisent mieux l’article 13 du TSCG, alors que, jusqu’à présent, les rencontres qui se sont multipliées demeurent désespérément formelles. Sans doute est-il également nécessaire de s’approprier dans le débat national – ce qui nécessite du travail – les notions, les procédures et les instruments qui nous parviennent du droit communautaire, en particulier de ce « two-pack » qui vient d'être finalement adopté. Mais encore faudrait-il que nous sachions exactement comment s’enchaînent diverses notions, des « contrats de croissance et de solidarité » aux « plans budgétaires nationaux », en passant par bien d’autres choses…

L’ambiguïté dans laquelle nous sommes, sans doute réside-t-elle aussi dans la distance entre les recommandations adressées par le Conseil européen à la France en matière de réforme structurelle et la manière dont le Gouvernement, de façon erratique et, à mon sens, souvent contradictoire, décline sa politique. Les chantiers à ouvrir en matière de compétitivité, de réforme du marché du travail, de fiscalité écologique, de TVA, de formation professionnelle et de salaire minimum me semblent, à tout le moins, marqués du sceau de l’ambiguïté, entre le langage européen, que nous recevons et acceptons, et le langage national que nous pratiquons.

Mes chers collègues, notre pays, même s’il semble abandonner dans l’immédiat l’objectif d’un déficit nominal de 3 % du PIB en 2013, a le devoir de demeurer crédible. Or, ainsi que le Gouvernement l’a indiqué lors du Conseil des ministres du 27 février dernier, des mesures supplémentaires de gestion budgétaire – au-delà de celles qui sont déjà mises en œuvre – sont désormais considérées comme inopportunes pour l’année en cours. Dès lors, monsieur le ministre, que répondra-t-on si, à la table du Conseil, on nous demande dans quelle mesure nous resterons sans rien faire lorsqu’il s’avérera que le déficit pour 2013 s’approchera des 4 %, ce qui est probable ? Que répondra-t-on lorsqu’on nous demandera s’il est crédible de conserver comme objectif un déficit compris entre 2, 5 % et 3 % en 2014, alors que les prévisions macroéconomiques de la Commission européenne, comme des meilleurs experts, nous indiquent que, sans mesures supplémentaires de consolidation budgétaire, nous risquons encore d’avoisiner les 4 % de déficit ?

En tout état de cause, puisqu’il n’est pas prévu d’efforts supplémentaires en 2013, nous savons que, pour 2014, compte tenu de l’ensemble des facteurs à prendre en compte, il faudrait que les mesures supplémentaires représentent – c’est un ordre de grandeur – entre 20 et 40 milliards d'euros, soit l’équivalent de 1 à 2 points de PIB. Il s’agit en effet d’un effort gigantesque, qui, n’étant ni documenté ni précisé à ce stade, ne paraît pas réellement vraisemblable, ce qui, me semble-t-il, est de nature à porter atteinte au crédit de notre pays.

Mes chers collègues, c’est au moment où le Conseil européen de printemps va examiner les grandes orientations de politique économique que ces questions se posent. Pardonnez-moi, monsieur le ministre, de devoir les poser, même si elles vous semblent désagréables.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les auspices sous lesquels se prépare le Conseil européen de cette semaine sont bien sombres. Les nuages s'accumulent. Partout, en Espagne, au Portugal, en Grèce, en Bulgarie, en Italie et même dans notre pays, les conséquences des orientations européennes voulues et défendues par les gouvernements montrent les limites de leur efficacité économique et ont surtout des conséquences dramatiques pour les peuples. La croissance est partout en berne, et les prévisions pour cette année ne sont guère optimistes.

Les chiffres du chômage explosent. N'avons-nous pas dépassé ce trimestre, dans notre pays, la barre symbolique des 10 % de chômeurs indemnisés ? Sans compter celles et ceux qui n'ont pas droit aux allocations et qui, de ce fait, n'apparaissent pas dans les statistiques…

Cette politique « austéritaire », voulue et orchestrée par l'Union européenne et les États qui la composent, conduit à une impasse. Partout, elle provoque des crises sociales, économiques et politiques. Le pacte budgétaire ratifié en octobre dernier, que notre groupe a refusé de voter, portait en lui les germes des drames sociaux que nous vivons au sein de l'Union. Le volet de cet accord consacré à la croissance, qui devait nous apporter un « mieux » économique et social, n'a pas résisté aux dogmes libéraux qui sous-tendaient le traité.

L'austérité est bien pour maintenant. La croissance, elle, est pour plus tard, peut-être...

Monsieur le ministre, vous allez discuter avec vos collègues, pendant deux jours, de la coordination des politiques dans le domaine économique, budgétaire et de l'emploi ainsi que des orientations des programmes de stabilité et de convergence. Beau programme s'il en est ! Mais si l'on traduit la « novlangue » européenne, tout cela veut dire : accord sur la logique de récession et d'austérité.

Cette logique, nous le voyons bien, a aussi des conséquences sur le code du travail. L'accord national interprofessionnel sur la sécurisation de l'emploi en France est bien de la même veine. Ces recettes seront-elles aussi le fil conducteur de la future réforme des retraites et des allocations familiales ? Je vous pose la question.

Les mêmes recettes n'ont-elles pas déjà été appliquées en Espagne, en Italie, en Grèce, après l’avoir été en Allemagne même ? Avec quels résultats ?

Le patron de Renault expliquait récemment qu'il ne comprenait pas pourquoi l'accord de compétitivité dans son entreprise n'était pas accepté par tous en France, alors qu'il avait obtenu l’accord des salariés en Espagne. Mais croyez-vous que, lorsque l'on a le couteau sous la gorge, on est en mesure de négocier d'égal à égal ?

Cependant, cette crise n'est pas un moment difficile à passer pour tout le monde. Il y a cette année 200 milliardaires de plus dans le monde et la première fortune française, celle de Mme Bettencourt, s'est encore accrue cette année. Que doit-on en penser ? Que l'Europe qui aurait pu, qui aurait dû jouer le rôle de bouclier social, d’exemple mondial de mieux-disant social, a décidé au contraire de s'aligner sur le moins-disant social. Dans ces conditions, la course vers une meilleure compétitivité de l'économie européenne, face aux économies des pays émergents et de la puissance états-unienne, risque bien d’être perdue d'avance.

C'est exactement l'inverse qu'il faut faire. C'est par la relance du marché intérieur européen que l'on peut espérer un nouvel élan de l'économie. Et la relance passe non seulement par une politique d'investissements tant européens que nationaux, mais aussi par une politique salariale volontariste qui permettrait aux Européens de reprendre le chemin de la consommation, donc de la croissance et de l'emploi.

Est-ce à dire qu'il ne faut pas s'intéresser aux modes de production et aux choses produites ? Non, bien entendu ! L'Europe reste un espace où la recherche et l'inventivité sont encore une réalité, mais pour combien de temps ? À chaque fois que l’on ferme un laboratoire, on fait reculer notre capacité d'innovation et donc de réussite. Or il nous faut absolument développer la recherche, car la relance de l’économie européenne ne peut que passer par le respect des critères de développement durable et du progrès social.

Vous allez engager la discussion après-demain sur les orientations européennes pour une durée de sept ans. L'accord sur le budget européen, que vous avez négocié en février dernier et que vous avez qualifié de bon compromis, a été rejeté par la quasi-totalité des groupes au Parlement européen. Pervenche Berès, présidente de la commission de l’emploi et des affaires sociales au Parlement européen, a ainsi une tout autre lecture que la vôtre, monsieur le ministre. Au cours d'une récente réunion à Bobigny avec des élus et des acteurs départementaux de la solidarité, elle a annoncé qu'elle s'opposerait à sa ratification en l'état par le Parlement. Que faut-il en penser ?

Cet accord est en fait la consécration des égoïsmes de certains États. Croyez-vous sincèrement qu’il fallait réduire de 1 milliard d'euros les budgets de solidarité et élargir le nombre de pays éligibles alors que l'Europe s'enfonce dans la crise et que, partout, le nombre de bénéficiaires de ces aides ne cesse de croître ? C'est pourtant le message que la France et l'Europe envoient aux 25 % de la population de l'Union qui vit en dessous du seuil de pauvreté.

La confédération européenne des syndicats ne s'y est pas trompée. Pour la première fois, celle-ci a demandé aux parlementaires européens et nationaux de ne pas ratifier un traité européen. Croyez-vous que cela soit une nouvelle lubie de la gauche de la gauche ? Non, la confédération confirme dans son appel à manifester à Bruxelles le 14 mars que « l'Europe n'est pas une zone de libre-échange mais un espace dont l'objectif est le progrès économique et social ». Dans sa déclaration, elle ajoute qu’« une feuille de route sur la dimension sociale de l'UEM dans le cadre d'une coordination renforcée des politiques doit tendre à une convergence ascendante pour s'attaquer aux inégalités, à la pauvreté, au chômage et au travail précaire qui sont éthiquement inacceptables et créent une situation d'urgence sociale ».

Dans cette négociation, voilà quelle devrait être votre feuille de route, monsieur le ministre. Vous ne seriez pas isolés, car vous auriez le soutien du monde du travail, des exclus, des précaires et des forces vives européennes.

Si, en revanche, l'Union européenne poursuit le même chemin, elle contribuera à créer de la désespérance et, de fait, à renforcer les nationalismes, la xénophobie et les égoïsmes. Les résultats des élections en Italie devraient nous y faire réfléchir.

Bien sûr, le chemin est étroit et difficile, mais pensez que la France n'est jamais aussi grande que lorsqu'elle tient le discours de la justice et de l'égalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà plusieurs mois que j'ai le plaisir de participer aux travaux de la commission des affaires européennes. Je me réjouis de la qualité générale de nos débats et des propositions stimulantes de nos collègues, qui ont su établir un diagnostic juste tant sur le fonctionnement de l'Union que sur les actes législatifs qui y sont produits.

Voilà pourquoi on ne peut que regretter que le débat préalable au Conseil européen soit finalement un exercice un peu stérile de commentaires – pourtant toujours intéressants – sur un ordre du jour qui nous dépasse et nous interpelle, quoi qu’on en dise, par sa vacuité politique ! Je regrette le caractère essentiellement tribunicien du rôle laissé au Parlement en l'absence d'une procédure qui nous permettrait, sur le modèle de l'article 88-4 de la Constitution, de peser davantage sur le Conseil européen.

L'ordre du jour du prochain Conseil appelle la conclusion de la première phase du semestre européen, consacrée à l'examen des efforts de coordination entrepris par les États membres en matière de politique budgétaire.

On ne peut que se satisfaire de la montée en puissance du principe de coordination, qui reste l'un des grands acquis du pacte pour l'euro adopté il y a deux ans. Pourtant, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne peux que mesurer l'insuffisance du présent exercice et de la réunion du Conseil face à la crise et au ressentiment qui traversent l'Europe.

Les dernières élections en Italie ont été l'occasion d’une sanction dramatique du gouvernement de Mario Monti, mis à mal par la progression spectaculaire de formations populistes. Ce phénomène est identique dans beaucoup de pays membres.

La récente déclaration de David Cameron relative à une éventuelle sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne par la voie d'un référendum attise aussi les tensions populistes, que l'on retrouve également en France. N'oublions pas que les formations eurosceptiques et populistes ont cumulé près de 30 % des suffrages exprimés…

Au même moment, le Parlement français, notamment le Sénat, a été privé d'un véritable débat et d'une véritable explication sur le budget européen. Pourtant, ce débat sur les modalités consternantes d'adoption d'un budget qui, à bien des égards, ne peut que nous sidérer, a été demandé conjointement par Jean-Louis Borloo à l’Assemblée nationale et, ici même, par François Zocchetto. À moins d'un an des prochaines élections européennes, ce budget engagera la prochaine Commission et le prochain Parlement. Comment ne pas souligner une telle anomalie institutionnelle ?

Ce budget est également consternant du fait qu’il se trouve pour la première fois en nette diminution, ce qui pourrait remettre en cause, à terme, les investissements d'avenir, dont nous avons terriblement besoin pour démontrer à nos concitoyens que l'Europe n'est ni un carcan ni un poids, mais au contraire une force d'avenir, une force pour l'emploi, pour la formation, l'éducation et l'avenir de nos enfants.

Le groupe UDI-UC avait demandé à plusieurs reprises un débat spécifique sur cette question, mais, à chaque fois, on nous renvoie au débat préalable sans plus de précisions comme si l’Europe, finalement, n’avait qu’une place restreinte au Parlement.

Ainsi, nos discussions masquent mal le fossé qui se creuse sans cesse entre l’Union, les citoyens et l’idéal européen que nous devrions tous partager. L’Europe, de la manière dont elle fonctionne, ne correspond plus aux aspirations de la population. Peut-être a-t-on mal mesuré les racines profondes du référendum du 29 mai 2005 : à certains égards, le « non » à la Constitution a été le signe avant-coureur de la crise morale que traverse le continent aujourd’hui.

Les générations actuelles n’ont pas connu la guerre. Aussi ne pouvons-nous plus uniquement invoquer le souvenir des pères fondateurs de l’Europe comme l’argument d’autorité suprême dans le débat européen. L’Europe ne peut plus se vivre seulement comme un idéal, alors que nos concitoyens nous demandent une Europe concrète, une Europe protectrice, une Europe de la prospérité, une Europe de l’emploi, bref, une Europe de l’avenir et pas seulement une Europe mémorielle qui se reposerait sur les lauriers du travail accompli.

Le groupe UDI-UC se veut le porte-parole de la voie européenne dans le débat public national, et c’est justement parce que nous sommes viscéralement attachés à l’idée européenne que nous nous permettons d’être critiques à l’égard du fonctionnement actuel de l’Union.

J’ai eu l’occasion, dans le cadre de ma mission sur l’Europe du numérique, de travailler avec l’administration bruxelloise. Force est de constater, je suis désolée de le dire, que nous faisons face à une administration d’un autre temps. L’Europe doit redevenir une aventure politique tournée vers l’avenir et ne saurait rester une machine purement technocratique.

Le ressentiment de nos concitoyens est désormais trop palpable, la crise est trop grave, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, pour que nous en restions à un tel degré de complexité et d’éloignement entre l’Union et le peuple. Ce ressentiment doit nous alerter sur la marche à suivre désormais, et il nous faut impérativement resserrer le lien entre l’Union et les citoyens.

Au regard du prochain Conseil européen, nous mesurons tous que le TSCG donnera de fait à la Commission un pouvoir considérable en matière budgétaire et donc en matière fiscale. Or nous ne pouvons oublier, en tant que parlementaires, que la première des responsabilités des assemblées est de garantir le respect du principe du consentement à l’impôt et de voter le budget.

Comment voulez-vous assurer le lien démocratique entre l’Union et les citoyens si la Commission décide de tout sans être responsable de rien ? Comment ce lien pourrait-il vivre lorsque des décisions entraînant le destin de millions de citoyens européens se jouent parfois dans des cénacles fermés, entre deux heures et trois heures du matin ?

Pour prendre un exemple précis, la rectification des prévisions de croissance de la France pour cette année vous impose, pour se conformer aux exigences de la programmation prise en conformité avec les dispositions du TSCG, de souscrire à deux hypothèses pour maintenir une trajectoire vertueuse de désendettement : soit vous jouez sur les recettes et vous serez contraints de créer de nouveaux impôts pour combler l’écart de prévision, soit vous jouez sur l’exécution pour imposer des économies aux administrations de l’État.

Dans tous les cas, la simple correction d’un chiffre par Bruxelles entraîne des conséquences lourdes pour nos concitoyens et remet in fine en cause l’autorisation votée en loi de finances initiale. C’est la démocratie parlementaire nationale qui est atteinte par le manque de démocratie à l’échelon fédéral.

Nous devons donc associer les citoyens à la prise de décision politique pour faire de l’Europe une Europe politique. Nous devons renforcer les pouvoirs de contrôle des parlements nationaux. Nous devons également établir une véritable définition du principe de subsidiarité pour enfin sauter le pas. Donnons à l’Union des compétences véritablement fédérales en contrepartie d’une démocratie renforcée qui rendra l’Union politique et stratégique, et non plus administrative et technocratique ! Ainsi, les États s’occuperont de ce qui est de leur ressort naturel.

Je ne compte plus le nombre de fois où je suis interpellée, avec d’autres, par des entreprises qui souffrent d’une concurrence déloyale imposée de fait par Bruxelles à travers un ensemble colossal de normes qui favorisent finalement les entreprises étrangères. Pétroplus, dans mon département, en est un exemple, mais la France en compte bien d’autres.

Monsieur le ministre, comme vous le savez, l’engagement européen est unanime au sein du groupe politique UDI-UC et semble aller de soi. C’est au nom de cet engagement que je souhaiterais que vous nous éclairiez, non pas tant sur la position de la France dans la procédure de conclusion du semestre européen, mais sur les propositions du Gouvernement en matière de restauration du lien de confiance entre l’Europe et ses citoyens.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’aborder les enjeux de ce Conseil européen de printemps, qui constitue une étape importante du nouveau semestre européen, j’aimerais revenir un instant sur le compromis budgétaire issu du dernier Conseil européen du mois de février.

Ce n’est évidemment pas le résultat dont nous rêvions. Malgré les efforts de la France pour préserver les politiques traditionnelles, le nouveau cadre financier pour la période 2014-2020 représente une réduction des crédits de l’ordre de 35 milliards d’euros par rapport à la période précédente et de 12 milliards d’euros par rapport à la proposition de Herman Van Rompuy formulée en novembre.

J’entends bien que ce compromis est le moins mauvais possible dans le contexte européen le plus difficile que nous ayons dû affronter, face à des pays conservateurs, majoritaires au sein du Conseil, qui entendaient procéder à des coupes partout.

J’ai le sentiment aussi que nos intérêts nationaux ont été dans une large mesure préservés. Ainsi, si les crédits de la PAC ont diminué, les retours français sont maintenus. Ce résultat très satisfaisant n’était pas gagné d’avance.

Je salue enfin les avancées non négligeables obtenues concernant la jeunesse, qu’il s’agisse des crédits du programme Erasmus ou de l’initiative pour l’emploi des jeunes, voulue par le Président de la République et dotée de 6 milliards d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Le chômage frappe, en effet, durement les jeunes : plus d’un sur deux en Grèce, en Espagne et dans certaines régions de l’Italie et du Portugal. L’Union européenne est parvenue à sauver ses banques en dépensant 700 milliards d’euros, mais peine à dégager les milliards d’euros indispensables pour soutenir directement les catégories victimes de la crise.

Cela étant, nous avons des doutes quant à la capacité de ce budget à relancer la croissance et à renforcer la compétitivité de l’économie européenne, car c’est bien de cela qu’il s’agit aujourd’hui.

Quoi qu’il en soit, cette proposition de cadre financier pluriannuel doit encore être approuvée par le Parlement européen ; ce ne sera pas chose facile si l’on en croit les déclarations des responsables des principaux groupes politiques qui ont tous dénoncé un budget d’austérité.

Dans un tel contexte, le moins qu’on puisse attendre du Conseil européen est qu’il se montre ouvert à l’égard de la volonté de négocier affichée par le Parlement européen, dont la position est positive et constructive sur plusieurs points importants. Je pense notamment à la flexibilité entre rubriques ou à la nécessité d’envisager de nouvelles ressources propres. Comment progresser sur cette dernière question, en particulier sur la taxation des transactions financières que nous appelons de nos vœux et dont le principe a été décidé ?

Au fond, le principal intérêt du Conseil européen à venir sera de nous en dire plus sur la portée politique réelle de l’ensemble des réformes de la gouvernance économique entreprises ces dernières années.

La crise a rappelé la très forte interdépendance des pays européens, et donc l’utilité d’une approche à la fois large et coordonnée des choix économiques et sociaux nationaux.

Sur ce sujet, quels sont les progrès ? Aujourd’hui, le projet européen semble se limiter à une gestion disciplinaire des politiques budgétaires et à quelques recommandations économiques sans grandes incidences concrètes.

Oui, il est indispensable de réduire les déficits ! Pour autant, cette stratégie doit être mise en œuvre avec discernement. D’ailleurs, l’OCDE et le FMI – qui ont pourtant prêché pendant de longues années une discipline budgétaire absolue comme seule et unique voie de rédemption – nous invitent aujourd’hui à sortir de l’austérité.

Les gouvernements et les peuples qui ont entrepris des ajustements à la fois nécessaires et douloureux ne peuvent se faire sans cesse rappeler à l’ordre par la Commission, sauf à considérer celle-ci comme une « maison de redressement » budgétaire. Il semble que celle-ci soit disposée à une certaine flexibilité à l’égard de plusieurs pays dont la France. Pouvez-vous nous le confirmer, monsieur le ministre ?

La plupart des pays de l’Union européenne sont actuellement confrontés à des perspectives de récession, voire de dépression. Selon les prévisions de la Commission, treize d’entre eux auront un déficit excessif, c’est-à-dire supérieur à 3 % du PIB, en 2013.

La consolidation des comptes publics est certes nécessaire, mais ce qui compte, ce sont avant tout les orientations prises par les gouvernements de l’Union européenne, moins que le calendrier, qui doit être réaménagé chaque fois que nécessaire.

Les difficultés que notre pays traverse actuellement sont essentiellement liées à la conjoncture, comme le prouvent nos bons résultats en matière de déficit structurel. La Cour des comptes a d’ailleurs souligné dans son dernier rapport qu’en réalisant un « effort structurel » de 1, 4 point en 2012, notre pays a non seulement respecté ses engagements, ce qu’a reconnu la Commission, mais également entrepris un effort jamais réalisé depuis plusieurs décennies.

Le Conseil européen doit évoquer l’état d’avancement du pacte européen pour la croissance et l’emploi, notamment en ce qui concerne le marché unique : quelles sont les principales priorités ?

Il faut mettre en œuvre sans délai le volet financier de ce pacte, c’est-à-dire confirmer la mobilisation des 60 milliards d’euros de fonds structurels non utilisés, l’augmentation des capacités de prêt de la Banque européenne d’investissement et le lancement de project bonds. C’est encore plus nécessaire qu’il y a un an, compte tenu de l’évolution de la croissance et de la nature du compromis sur le budget communautaire qui vient d’être conclu par le Conseil européen.

Enfin, l’Europe a besoin d’incarnation politique et surtout d’une dimension sociale pour une authentique union économique et monétaire. Cette réflexion est finalement entamée, sous l’impulsion de la France. Dans le contexte actuel, avec un taux de chômage qui ne cesse de battre des records de mois en mois au sein de l’Union européenne – plus encore au sein de la zone euro – et tous les indicateurs qui virent au rouge – pauvreté, précarité énergétique –, il faut rééquilibrer l’approche privilégiée jusque-là envers la crise. Le projet politique de l’Europe ne peut pas se limiter à sauver les banques ; il doit être tourné vers la prospérité, la création de richesses, l’innovation, la formation, l’emploi et surtout la croissance.

Telle est la voie sur laquelle le Gouvernement peut être assuré de l’entier soutien des radicaux de gauche, qui plaident pour une Europe plus forte, plus démocratique et plus solidaire.

En matière d’Europe, arrêtons les normes, les interdits et l’omniprésence des réglementations ! Redonnons du souffle, du corps et de la hauteur à cette belle idée toujours d’avenir ! Monsieur le ministre, parlez-nous d’Europe et essayez de nous faire un peu rêver !

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Alain Richard, pour le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens au préalable à saluer la décision de la conférence des présidents d’inscrire ce débat à un horaire convenable, comme vient de le souligner le président Sutour, et à remercier M. le ministre de sa capacité de dialogue avec le Parlement. C’est un exercice qu’il apprécie comme ancien parlementaire, et il le pratique avec beaucoup de talent.

Je m’efforcerai de développer, au nom du groupe socialiste, une perspective générale de politique européenne – même si l’un des orateurs précédents a eu la tentation assez visible de détourner le débat vers des questions de politique intérieure, qui n’ont d’ailleurs pas forcément tourné à son avantage – et ce que nous sommes capables d’en faire entre nos vingt-sept nations.

Il me semble que nous nous approchons de la sortie de la crise financière, si j’en juge par les avancées relatives à la gestion des finances publiques des Vingt-Sept et à celle de notre système bancaire commun.

Le nouveau dispositif de préparation concertée des budgets et des comptes nationaux commence à être au point. Le dialogue avec le Parlement européen gagne en profondeur. Il faut encourager la Commission, et nous comptons à cet égard sur le Gouvernement, à jouer pleinement la carte d’un dialogue ouvert avec le Parlement européen tenant compte dans la préparation des perspectives budgétaires des impératifs économiques et de croissance.

Les dialogues avec les parlements nationaux doivent également être approfondis, afin que puissent s’exprimer toutes les opinions démocratiques sur les politiques financières de nos pays et, plus largement, sur la politique que nous menons en tant qu’Union – y compris les opinions de ceux qui continuent de défendre l’opportunité d’accumuler les déficits, d'ailleurs.

Il faut laisser jouer la persuasion, me semble-t-il. La valeur relative des différentes opinions doit pouvoir être testée. Il faut donc considérer comme bienvenu le développement de ce système maintenant acquis, fondé sur des décisions définitives.

Toutefois, dans nos démocraties, le fait majoritaire finit par reprendre ses droits. Une fois passé le temps de l’expression des opinions et du dialogue avec les institutions européennes, il appartient dans chaque pays au Gouvernement et à la majorité qui le soutient de prendre leurs responsabilités concernant les options budgétaires à retenir, en instaurant – c’est un point sur lequel il m’arrive d’insister de façon parfois un peu déplacée – un climat de confiance entre États européens et entre autorités budgétaires.

Je rappelle tout de même que si nous en sommes là, si les technocrates, que vous avez mis en cause, madame Morin-Desailly, sont obligés de vérifier les comptes des différents États, c’est parce que la situation désastreuse dans laquelle nous nous sommes trouvés voilà trois ans résultait de falsifications de comptes.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Il faut bien en sortir. Je n’insisterai pas davantage sur ce point. Je dirai simplement que chacun doit balayer devant sa porte.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je pense également que le dialogue entre le Parlement européen et les parlements nationaux doit, lui aussi, être encore approfondi, car, dans une union monétaire, il faut que la solidarité financière, mise en œuvre progressivement, se fasse dans la clarté vis-à-vis des citoyens.

Nous allons donc continuer tout prochainement, entre parlementaires français, de discuter de la bonne application de la résolution dite « ancrage démocratique », afin de déterminer la façon de progresser ensemble et, surtout, d’expliquer à nos mandants, à notre opinion démocratique, les choix budgétaires que nous opérons en concertation entre Européens, ce qui me semble constituer un progrès, tout simplement.

Les avancées réalisées sur ce point permettent de constater que la consolidation collective des finances publiques des Vingt-Sept est en bonne voie. Comme l’a déclaré M. Sutour, et il a tout à fait raison, nous avançons vers la mutualisation de la dette.

Si les conditions de la confiance sont réunies, si les comptes sont clairs et transparents pour nos partenaires, les objections, qui étaient quelque peu fondées, seront levées et nous pourrons aller vers une véritable solidarité budgétaire. Je rappelle que, étymologiquement, le mot « crédit » vient de « croire » : il vaut mieux que chacun puisse être cru de ses partenaires.

L’autre aspect de la sortie de crise financière, c’est la mise en place de la régulation bancaire partagée. À cet égard, l’année 2013 sera véritablement décisive. Le manque de régulation était, force est de le reconnaître, une lacune considérable de l’euro tel qu’il avait été mis en place voilà une douzaine d’années. Or une régulation partagée est indispensable pour prévenir de nouveaux dérapages bancaires ou financiers, tels que nous en avons connu au cours des trois ou quatre dernières années.

Les engagements en matière de supervision sont en principe tenus. Toutefois, pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, si vous êtes optimiste sur la mise en place du dispositif d’ici à la fin de l’année ? Il s'agit là d’un objectif politique auquel, je pense, nous souscrivons tous, car il répond à un besoin de sécurité des marchés et des acteurs financiers.

La sécurisation du système financier conjoint des Vingt-Sept constituera une grande étape de notre stabilisation financière. Cette sécurisation faisait défaut à l’Union européenne, il faut le dire avec lucidité. Les gouvernements et les majorités successives ont négligé cette question pendant toute la période calme. Nous avons donc été obligés de la traiter en pleine crise, et nous sommes en train d’y parvenir. Il faut saluer ce résultat.

Il faut d’ailleurs noter, et en tirer quelques réflexions, que, au cours de la négociation, un accord préliminaire s’est dégagé, largement majoritaire, en faveur de l’instauration d’un plafonnement des rémunérations dans le système bancaire européen.

À cet égard, il me semble que nos amis du Royaume-Uni devraient s’interroger – je le dis amicalement, car j’aime beaucoup ce pays – sur les conséquences de l’hypertrophie de leur système financier, totalement dérégulé, sur leur propre économie – celle-ci connaît une récession prolongée depuis deux ans et demi –, ainsi que sur leur capacité d’entraînement, de conviction, de partage d’opinions au sein du Conseil de l’Union européenne depuis que le Premier ministre David Cameron a déclaré douter de la poursuite de la participation du Royaume-Uni à l’Union européenne.

Si nous avons su organiser dans la douleur une sortie de crise financière, nous n’avons pas encore su sortir collectivement de la crise économique, laquelle se traduit par un déficit de croissance. Certes, il y a des contrastes entre pays. Si l’on examinait plus finement la situation, on constaterait même des différences entre régions, à l’intérieur de l’Union européenne. Certains secteurs et certaines régions géographiques s’en sortent mieux que d’autres, mais la tendance globale est tout de même à une stagnation prononcée. Simon Sutour a rappelé les chiffres pertinents tout à l’heure : le taux de croissance anticipé pour 2013 est de 0, 1 %. Quant au taux de chômage, il s’établira à plus de 11 % en fin d’année.

De ce fait, le débat doit être poursuivi et approfondi sur les modalités et le rythme du rééquilibrage des finances publiques et sur le maintien d’une demande suffisante. Vous nous en avez déjà beaucoup dit, monsieur le ministre, mais nous pouvons poursuivre l’échange.

En tant que grand ensemble économique, comme les États-Unis, l’Union européenne est une économie collectivement assez peu ouverte. Les échanges extérieurs de l’Union comptent pour moins de 15 % de son PIB conjoint. La demande interne est donc le premier moteur de la croissance dans un tel ensemble. Aussi, le retour vers les équilibres financiers n’est-il pas trop brutal et trop indifférencié ? C’est une question sur laquelle, à mon avis, il faut poursuivre le débat.

Nous partirons de trois points solides pour continuer cette discussion. Premièrement, plusieurs orateurs l’ont dit, nous avons effectué une grande partie de notre travail d’assainissement budgétaire. Deuxièmement, la commission, dans son rôle d’expertise, l’a reconnu de façon inconditionnelle. Troisièmement, de nombreuses voix en Europe, et de toutes tendances politiques, s’élèvent pour souligner le risque de stagnation. Le débat va donc se poursuivre. L’argumentaire du Gouvernement est selon nous convaincant, et nous y souscrivons. Il faut aller plus vite dans le sens de la croissance.

Je ne reviendrai pas sur l’application du paquet croissance, que vous avez mentionné, monsieur le ministre, sinon pour vous poser une question. Vous souhaitez que ces ressources, ces capacités d’investissement soient mobilisées pour des projets en France et vous œuvrez en ce sens, je le sais. Pourriez-vous donc nous dire si vous progressez sur ce sujet ?

En conclusion, l’enjeu est ici profondément politique. L’orateur de l’UMP l’a d’ailleurs relevé à sa façon, certes avec des approximations. S’il était encore parmi nous, je lui dirais que ce qui est d’abord politique, c’est la Commission européenne et le Conseil européen, qui ont tous deux une majorité conservatrice.

Ceux qui, aujourd'hui, expriment des reproches sur l’état de la construction européenne et la « perception de l’Union européenne par les peuples », pour reprendre l’expression qui a été employée, devraient se demander si leur propre famille politique, laquelle est largement dominante dans les institutions européennes, n’y est pas pour quelque chose ! Pour ma part, je pense qu’il y a un lien.

Nous allons donc faire vivre le pluralisme et la diversité de pensée politique à l’intérieur de l’Union européenne. Je pense que le Gouvernement et le Président de la République ont bien fait de chercher à nouer des alliances, mais que le débat politique européen entre les conservateurs et les progressistes est légitime. Nous aurons l’occasion de le poursuivre, y compris devant le peuple français, dans les mois qui viennent.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à vous remercier très sincèrement de la qualité de ce débat, de votre implication dans nos échanges et du temps que vous avez pris pour développer vos questionnements. J’ai apprécié la pertinence des interrogations qui ont été formulées sur l’ensemble des travées de cet hémicycle.

Nombre d’entre elles portent sur un sujet sur lequel je souhaite revenir rapidement, à savoir la croissance.

Vous vous êtes interrogés à plusieurs reprises – ce fut le cas de M. Billout, de M. Dantec, de M. Sutour et de Mme André – sur la pertinence des actions que nous conduisons en faveur de la croissance et sur le risque récessif des politiques mises en œuvre au sein de l’Union européenne. À cet égard, je tiens à apporter des précisions très concrètes à certaines des interrogations qui ont été formulées.

Tout d’abord, il faut d’abord tenir compte de la nouvelle donne institutionnelle dans laquelle s’inscrit la discussion budgétaire concernant le budget de l’Union européenne pour la période 2014-2020. Je le dis notamment à M. Billout.

Il faut également tenir compte de l’endroit d’où nous sommes partis pour apprécier le point auquel nous sommes arrivés. La discussion budgétaire, qui avait été engagée bien avant notre arrivée au Gouvernement, opposait deux groupes de pays, qui constituent d’ailleurs deux clubs au sein de l’Union européenne : le club dit « des contributeurs nets », également appelé « club des like-minded » ou « club des radins », d’une part, et le club « des amis de la cohésion », d’autre part.

Or, au sein du club des radins, nous figurions parmi les plus pingres. Permettez-moi ici de rappeler quelle était la position de la France concernant le budget de l’Union européenne avant notre arrivée aux responsabilités. Elle figure d'ailleurs dans une lettre que j’ai ici et que je tiens à la disposition de la Haute Assemblée pour le cas où elle n’en aurait pas eu communication. Cette lettre est datée de novembre 2010 et signée du Président de la République française, de la chancelière allemande, du Premier ministre britannique et des Premiers ministres des Pays-Bas et de la Finlande. Elle préconisait que l’on coupât le budget de l’Union européenne de 200 milliards d’euros.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Ceux qui, parfois, trouvent que le budget que nous avons adopté n’est pas tout à fait conforme à leurs souhaits sont les mêmes qui préconisaient une coupe de 200 milliards d’euros du budget de l’Union européenne par rapport à la proposition de la Commission !

D’ailleurs, si M. Cameron avait gagné la négociation qui vient de s’achever à Bruxelles sur le budget de l’Union européenne, comme je l’ai souvent entendu dire, nous en serions non pas à 960 milliards d’euros de crédits d’engagement, mais à 840 milliards d’euros. Ce que lui et les pays du club des contributeurs nets souhaitaient – en tout cas certains d’entre eux, parmi les plus conservateurs –, c’était 200 milliards d’euros de coupes par rapport à la proposition de la Commission.

La même lettre a été appliquée à l’exécution du précédent budget. Or, sans autres considérations, nous avons suffisamment de difficultés budgétaires chez nous pour ne pas alimenter le budget de l’Union européenne de nos propres fonds et financer avec des crédits de paiement les politiques de l’Union.

Sans cette lettre, je le dis à M. Billout et aux orateurs qui se sont exprimés sur la croissance, les crédits de paiement nécessaires au financement des politiques de l’Union européenne pour la période 2017-2013 n’auraient pas été rabotés.

Que s’est-il passé ? Le budget sur lequel le Conseil européen et les institutions de l’Union européenne sont tombés d’accord en 2007 s’élevait, je le rappelle, à 986 milliards d’euros de crédits d’engagement et à 942 milliards d’euros de crédits de paiement. Monsieur Billout, savez-vous que seuls 860 milliards d’euros ont été dépensés, soit 80 milliards d’euros de moins que ce qui était prévu ?

À la lecture de cette lettre, on voit que les crédits de paiement nécessaires au financement du budget de l’Union européenne ont délibérément été rabotés de 80 milliards d’euros par les gouvernements conservateurs. Voilà la situation que nous avons trouvée !

Nous avons également trouvé un déficit organisé du budget de l’Union européenne de 16 milliards d’euros. Le décalage entre ce que l’Union avait prévu de dépenser et les crédits qui lui avaient été alloués était tel que le président du Parlement européen, Martin Schulz, a constaté une situation de déficit chronique de son budget. Voilà, je le répète, la situation que nous avons trouvée !

Nous avons fait tout ce que nous avons pu lors de la négociation. J’ai donc un peu de peine à entendre ce que nous dit M. Billout. En fait, il nous reproche de ne pas faire ce que, en réalité, nous faisons bel et bien.

Autour de la table du Conseil européen, nous avons demandé à tourner le dos à cette stratégie funeste. Nous avons souhaité – c’est l’article 109 des conclusions du Conseil – que l’on introduise en matière de gestion du budget de l’Union européenne pour la période qui s’ouvre ce que nous avons appelé la « flexibilité maximale », c'est-à-dire la flexibilité entre les exercices et entre les rubriques budgétaires.

Ainsi, lorsque des crédits de paiement seront disponibles à la fin d’une année budgétaire, ils seront affectés au budget de l’Union européenne, les États ne les récupérant pas pour leurs propres budgets. De même, en cas de surconsommation dans une rubrique et de sous-consommation dans une autre, il sera possible de transférer les crédits de paiement concernés pour assurer leur complète mobilisation.

Cela signifie, monsieur Billout, monsieur Sutour, madame André, que si nous mobilisons, avec une flexibilité maximale, tous les crédits de paiement du budget récemment adopté, nous dépenserons 50 milliards d’euros de plus qu’avec le budget précédent.

J’ajoute que l’examen des rubriques consacrées à la croissance au sein du précédent budget fait apparaître une somme globale de 90 milliards d’euros. Or les rubriques consacrées à la croissance, à la stratégie Europe 2020, à la recherche et à l’innovation technologique, autant de politiques dont vous avez souligné l’importance, monsieur Billout, connaissent une augmentation de 40 %, puisqu’elles représentent désormais une somme de 140 milliards d’euros !

Vous disiez, monsieur Requier, qu’il faut faire rêver les Européens, et vous aviez raison. Pour ce faire, il faut de grandes politiques pour l’Union, articulées autour du programme Erasmus, qui permettent aux jeunes étudiants de passer d’une université à une autre et de traverser les frontières, d’apprendre les langues de l’Union européenne, d’avoir accès à la connaissance dans d’autres pays que le nôtre et de pouvoir, ainsi, suivre dans toute l’Europe des parcours professionnels, gages de leur capacité à réussir une carrière, à mener des recherches et à faire preuve d’innovation.

Cela suppose également que l’on organise le transfert de technologies et que nous engagions la transition énergétique à l’échelle de l’Union européenne. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons – la France est, d’ailleurs, l’un des rares pays à plaider en ce sens – que l’Union européenne soit dotée de ressources propres, afin que son budget ne dépende pas de la seule contribution RNB, allouée par les États membres.

En effet, s’il continue à ne dépendre que de cette ressource, le budget de l’Union européenne ne sera rien d’autre que la juxtaposition des demandes particulières des États, qui veulent s’assurer du retour de l’argent qu’ils lui versent. Un véritable budget européen requerrait des ressources propres, qui lui permettent de mener des politiques ambitieuses, que nous appelons de nos vœux.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, l’état des lieux de notre action en ce domaine.

J’y insiste, monsieur Billout, encouragé en cela par l’intervention d’Alain Richard : je suis en mesure de vous donner, programme par programme et région par région, les conditions dans lesquelles le plan de croissance, d’un montant de 120 milliards d’euros, soutiendra les projets engagés sur notre territoire. Je le ferai, si vous en êtes d’accord, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’occasion de la réunion de la commission des affaires européennes qui se tiendra après la tenue du Conseil européen.

Ce plan a des implications concrètes, dont je vais vous donner quelques exemples. Ainsi, avec les fonds structurels et les prêts de la Banque européenne d’investissement, la BEI, nous finançons des investissements massifs dans les bâtiments d’habitat collectif en région Champagne-Ardenne, afin de maîtriser leur bilan thermique, ce qui est source de croissance. Grâce à la remobilisation des fonds structurels, nous investissons massivement dans la transition énergétique sur le port de Cherbourg, qui va accueillir une usine de fabrication d’éoliennes – c’est un hasard, monsieur Bizet ! §

De même, dans la région Aquitaine, nous investissons massivement dans le développement de l’énergie solaire, autour du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, le CEA. Nous sommes en train d’accompagner le département de la Haute-Savoie dans l’aménagement numérique de son territoire, en essayant de combiner des prêts de la BEI avec la mobilisation de fonds structurels.

Ceux qui prétendent que le plan de 120 milliards d’euros n’existe pas le font soit parce qu’ils ont l’intention de nuire à ceux qui ont demandé sa mise en place et concourent à sa réussite, soit parce qu’ils n’en savent rien. Quelle que soit l’explication retenue, elle est très ennuyeuse : dans le premier cas, il n’est jamais bon de vouloir entraver la croissance ; dans le second, il est toujours préférable d’émettre des critiques en connaissance de cause.

Voilà ce que je tenais à vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, sur la croissance en Europe.

J’en viens maintenant à un deuxième sujet, évoqué par l’excellent président de la commission des finances du Sénat, qui m’a très aimablement indiqué qu’il devait nous quitter prématurément. J’apporterai, malgré son absence, une réponse à ses propos, car je tiens à ce qu’elle figure dans le compte rendu de la séance.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

« Excellent président de la commission des finances », c’est excessif !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. C’est du troisième degré, monsieur le sénateur !

Souriressur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Je veux confirmer au sénateur Marini ce que je lui ai déjà dit à l’occasion de la précédente séance de débat sur le budget européen : la question de l’impôt sur les sociétés à Chypre figure bien dans le dialogue en cours entre Chypre et la troïka.

En effet, nous avons souhaité mettre ce dossier à l’ordre du jour de nos échanges. Le sénateur Marini avait raison de le souligner, nous ne pouvons pas, d’un côté, regretter que ce sujet n’ait pas été évoqué pour l’Irlande quand il aurait dû l’être – cela a été ma position, d’ailleurs –, et, de l’autre, refuser de nous poser la question pour Chypre, alors que nous sommes en situation de le faire ! Nous avons donc souhaité que ce sujet figure à l’ordre du jour des discussions. Les propos tenus tout à l’heure par M. Marini n’étaient donc pas justes, et je veux que le compte rendu de la séanceapporte cette correction.

Autre affirmation incorrecte, il a prétendu que nous avions élaboré un système fixant les modalités d’intervention des mécanismes de solidarité sur le marché secondaire des dettes souveraines et que nous avions engagé l’union bancaire sans établir aucun calendrier précis pour leur mise en œuvre.

Il a formulé la même critique pour la recapitalisation directe des banques par le Mécanisme européen de stabilité, le MES. Or c’est tout à fait faux ! Le Conseil européen du mois de décembre dernier a décidé d’un calendrier extrêmement précis de mise en œuvre de l’union bancaire. La Commission devra avoir rédigé la totalité des textes relatifs à la mise en place de la supervision bancaire avant la fin du premier semestre de l’année 2013. Nous devons cela au travail des commissaires européens, au premier rang desquels Michel Barnier. Si M. Marini le désire, je peux lui donner les coordonnées du commissaire Barnier, qui lui confirmera ce calendrier.

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Avant la fin de l’année 2013, c’est-à-dire une fois que la supervision bancaire sera opératoire, la recapitalisation directe des banques par le MES sera possible. Les textes relatifs à cette recapitalisation sont en cours d’élaboration. Ce que le président de la commission des finances a indiqué devant votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs, n’est donc pas juste.

Enfin, il a souligné que la France allait devoir rendre compte des réformes structurelles qu’elle met en œuvre devant la Commission, dans le cadre du semestre européen. Il a sur ce point parfaitement raison. Toutefois, en tant que président de la commission des finances du Sénat, il n’est pas sans savoir que, dans le cadre du même semestre européen, le Gouvernement devra également exposer au Sénat et à l’Assemblée nationale son programme national de réforme et son programme de stabilité, qui définiront, l’un et l’autre, les conditions dans lesquelles la France entreprendra les réformes nécessaires au respect des objectifs qu’elle s’est engagée à atteindre.

Il sait parfaitement que le dispositif même du semestre européen oblige le Gouvernement à faire état des réformes auxquelles il s’attelle et à veiller à ce qu’elles soient bien appliquées, la Commission pouvant lui demander des comptes, voire, éventuellement, lui infliger des pénalités.

De la même manière, il n’est pas juste d’occulter le compromis historique sur la réforme du marché du travail, conclu entre les organisations syndicales. S’il fait l’objet de discussions, il existe bel et bien.

Enfin, il n’est pas juste de passer sous silence l’adoption du plan de compétitivité, inspiré des préconisations du rapport Gallois. Alors que certains annonçaient que ces dernières ne seraient jamais mises en œuvre, le plan en reprend la quasi-totalité.

Un débat portant sur les questions européennes est toujours technique et compliqué. Cependant, et je rejoins en ce sens les propos tenus par Mme Morin-Desailly, ainsi que par MM. Dantec et Requier, il ne doit pas nous faire oublier l’objectif, l’ambition, la part de rêve du projet politique européen. Dès lors, si nous ne voulons pas que les populismes triomphent, débattre de ces sujets implique d’avancer des arguments précis, rigoureux et empreints d’un minimum de vérité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure par la conférence des présidents.

Chaque sénateur peut intervenir pendant deux minutes au maximum. La commission des affaires européennes ou le Gouvernement, s’ils sont sollicités, pourront répondre.

La parole est à M. Jean Bizet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la fin du mois de février dernier, la Commission européenne a rendu publiques ses prévisions de croissance, qui sont très pessimistes, malheureusement, pour la zone euro en général, et pour la France en particulier. Nous sommes à la veille d’un Conseil européen dont l’ordre du jour se compose du suivi des mécanismes de coordination des politiques économiques nationales.

À ce stade, nous ne pouvons que constater ce qui paraissait déjà très probable depuis l’automne dernier : la France ne respectera pas en 2013, hélas, son engagement d’avoir un déficit inférieur à 3 % du PIB, et son endettement public continuera d’augmenter.

Nous nous posons la question, et nous nous inquiétons, de ce que le Gouvernement va décider dans les prochains mois. Quelle est sa stratégie économique ? Après une très forte hausse de la fiscalité – de plus de 30 milliards d’euros, je le rappelle –, en 2012 et 2013, va-t-il continuer sur cette voie, ou bien va-t-il s’engager résolument sur celle des réformes structurelles et de la baisse de la dépense publique ? Pouvons-nous espérer une ligne claire et un plan crédible, qui puissent rassurer nos partenaires et les marchés ? Cette question était également, si j’en crois la lecture d’un grand quotidien du soir, celle de M. Collomb.

Alors que l’Italie et l’Espagne sont particulièrement fragilisées, que le sauvetage par la BCE est susceptible de trouver ses limites et que la France sera le premier emprunteur de la zone euro en 2013, la situation de notre pays devient un enjeu européen, et non plus seulement national.

Monsieur le ministre, quelle est donc la stratégie politique du Gouvernement pour l’Union européenne ? Quand admettrez-vous que la divergence de plus en plus grande entre les économies allemande et française non seulement déstabilise le couple franco-allemand, mais également fait courir un grand risque à l’ensemble de la zone euro ? Je ne puis imaginer que votre projet européen est d’isoler l’Allemagne ! Que signifie la solidarité lorsque l’on n’est pas capable d’y participer soi-même ? C’est la question qui risque de se poser si notre économie ne redémarre pas.

Voilà, monsieur le ministre, les questions que je tenais à vous poser.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve

Monsieur Bizet, je tiens à vous remercier de votre question qui, en réalité est double.

Premièrement, vous me demandez ce que nous allons faire pour rétablir la situation de nos comptes et, ainsi, retrouver de la crédibilité à l’échelle européenne.

Deuxièmement, vous vous demandez comment articuler la relation de la France avec l’Allemagne, de façon à ce que ces deux pays puissent continuer à jouer le rôle de moteur de la construction européenne.

Tout d’abord, je comprends parfaitement votre inquiétude quant au déficit public, même si je regrette de ne pas l’avoir vue s’exprimer avec autant d’acuité et de précision au cours des dix dernières années.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

De deux choses l’une : soit on est inquiet du niveau des déficits, et alors on l’est systématiquement dès qu’ils se creusent, nonobstant la situation politique du moment ; soit on est inquiet dans un contexte politique particulier, en feignant d’oublier le précédent. Dans ce dernier cas, le ministre que je suis, dans les responsabilités qui sont les siennes depuis peu de temps, ne peut manquer de s’interroger sur les arrière-pensées qui président à ce tourment.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Tâchons donc, monsieur le sénateur, d’étudier le problème hors de tout contexte politique. Nous le ferons en nous posant une première question : quelle a été l’évolution de la dette ?

La semaine dernière, le ministre de l’économie et des finances et moi-même nous sommes rendus à Bruxelles, dans le cadre du semestre européen. J’ai pu y rencontrer nos partenaires européens. Ces derniers constatent que la situation de la France s’est profondément dégradée au cours des dix dernières années. Ils nous le disent, ils ont vu la dette de notre pays doubler entre 2002 et 2013. Ils nous disent également avoir vu les déficits français s’approfondir au cours des dix dernières années, ce qui les inquiète.

Ils ont vu la France demander à la Commission, il y a quelques années de cela, que l’objectif de 3 %, au respect duquel elle s’était pourtant engagée dans le cadre du traité de Maastricht, ne soit pas respecté. Ils se souviennent que le gouvernement qui a accompli cette démarche n’était pas celui d’aujourd'hui, qu’il avait une autre sensibilité politique.

Ils constatent également le décrochage économique de la France par rapport à l’Allemagne. Alors que le déficit du commerce extérieur français se monte à 75 milliards d’euros, l’Allemagne affiche, quant à elle, un excédent de 150 milliards d’euros. Nos partenaires savent bien que cette situation n’est pas le résultat des politiques menées depuis neuf mois.

Les interrogations de la Commission sur la situation française sont donc beaucoup plus objectives et impartiales que les vôtres, monsieur le sénateur, et elles portent sur des aspects structurels.

Toutefois, cela ne nous dispense pas d’y répondre. Nous le faisons en affichant ce que nous avons fait depuis notre arrivée au pouvoir. Trois points sont susceptibles d’affecter le regard que la Commission porte sur notre pays. Tout d’abord, nous avons adopté un plan de redressement des finances publiques, à hauteur de 30 milliards d’euros. Ensuite, nous avons développé un plan destiné à renforcer la compétitivité des entreprises, qui se monte à 20 milliards d’euros. Enfin, un accord social historique autour de la sécurisation des parcours professionnels a été trouvé.

Nous en voyons déjà les premiers résultats. Les partenaires européens le constatent désormais, l’engagement, pris devant la Commission, de diminuer de plus de 1 % par an le déficit structurel sur la période 2010-2013 a été tenu. Or, nos partenaires européens en conviennent eux-mêmes, l’effort d’amélioration du déficit structurel français entre 2010 et 2013 a été fourni, pour les deux tiers, depuis le mois de juin dernier. Cela figure dans le rapport de la Cour des comptes, que nos partenaires ont lu, et dans les conclusions de l’évaluation de la Commission européenne sur notre trajectoire budgétaire, auxquelles le commissaire Olli Rehn a fait référence.

Nous indiquons à la Commission que nous allons poursuivre le travail de rétablissement de nos comptes, ainsi que les réformes. D’ailleurs, le programme national de réformes présentera clairement le cap qui est le nôtre en la matière. En outre, le semestre européen permettra d’approfondir intelligemment le dialogue engagé avec la Commission.

Enfin, monsieur Bizet, la relation franco-allemande ne s’est pas détériorée... () Je vais d’ailleurs vous en apporter la démonstration.

Pour vous, et pour un certain nombre de vos amis, cette relation est d’autant plus forte que les Français oublient d’exprimer leur point de vue lorsque les deux pays ont à statuer sur une question donnée. Telle n’est pas notre approche. Selon nous, la relation franco-allemande est d’autant plus forte, et les chances de compromis d’autant plus réelles que nous sommes capables de nous parler franchement en assumant nos positions respectives.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Et, depuis neuf mois, nous avons trouvé des compromis sur tous les sujets.

Par exemple, il n’y avait pas d'accord franco-allemand sur l’union bancaire et la supervision des banques ; il y avait même des divergences. Nous avons trouvé un compromis.

De même, il existait un désaccord profond sur les mécanismes d’intervention des dispositifs de solidarité sur le marché secondaire des dettes souveraines. Cette situation avait même conduit le président Nicolas Sarkozy à affirmer, lors de son débat avec François Hollande, que nous n’obtiendrions jamais la mobilisation de tels mécanismes pour faire baisser les taux. Or nous avons obtenu les mécanismes de solidarité et l’intervention de la BCE.

On nous expliquait aussi que le pacte de croissance et la taxe sur les transactions financières n’étaient pas possibles, parce que les Allemands n’en voulaient pas. Or c’est avec eux que nous avons conçu le pacte de croissance. Et ce sont Pierre Moscovici et son homologue d’outre-Rhin, Wolfgang Schäuble, qui ont signé la lettre adressée à tous les pays de l’Union européenne pour obtenir la mise en œuvre de la taxe sur les transactions financières en coopération renforcée.

Enfin, alors que nous sortons de la célébration du cinquantième anniversaire du traité de l’Élysée, nous avons défini pour les trois années venir un programme franco-allemand autour de soixante-dix actions concrètes, dont les premières sont d'ailleurs entrées en vigueur voilà quelques semaines.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Heureusement que la relation franco-allemande est détériorée. Qu’aurions-nous fait ensemble si elle avait été idyllique !

Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Ries

Monsieur le ministre, tout d'abord, je souscris pleinement à vos propos sur les relations entre la France et l’Allemagne. Qu’il puisse y avoir des approches différentes, c’est certain. Mais que la recherche du nécessaire compromis par concessions mutuelles soit permanente, je le confirme ici, en tant que maire de Strasbourg, ville symbole de la réconciliation entre nos deux pays.

Ma question porte sur le point essentiel qui sera abordé lors de ce prochain Conseil européen : le cadre financier pluriannuel, c’est-à-dire le budget de l’Union européenne pour la période 2014-2020.

Comme vous le savez, le projet est issu d’un accord politique conclu entre les chefs d’État et de gouvernement le 8 février dernier. Le budget doit à présent être approuvé par le Parlement européen.

Or, dans sa forme actuelle, l’accord du 8 février suscite de fortes réticences de la part du Parlement européen. D’ailleurs, l’ensemble des groupes parlementaires vont sans doute poser des conditions à son adoption, sous la houlette de M. Martin Schulz, le président de l’institution. On peut schématiquement, me semble-t-il, répertorier quatre conditions.

Premièrement, une clause de révision permettant la réouverture du dossier après les prochaines élections européennes, prévues en 2014.

Deuxièmement, une plus grande flexibilité entre les lignes budgétaires et entre les années financières.

Troisièmement, des ressources propres, avec une réforme du fameux chèque de compensation pour sortir de l’ère du « I want my money back ».

Quatrièmement, le règlement de la question du budget rectificatif pour 2013.

Monsieur le ministre, le gouvernement français est-il disposé à tenir compte de ces quatre conditions pour sortir de l’impasse politique dont l’Union européenne risque de faire les frais ? Et quelles sont les positions des différents chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne sur ces perspectives ?

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve

M. le président m’a déjà laissé répondre très longuement à la question de M. Bizet, et je ne voudrais pas abuser du temps de parole qui m’est aimablement imparti par la Haute Assemblée. Je serai donc très bref.

Le Parlement européen a posé quatre conditions. D’ailleurs, c’est un enseignement très intéressant : les positions que nous avons engagées dans la négociation ne suscitent pas d’opposition de la part des eurodéputés, qui manifestent au contraire leur volonté d’avancer avec nous.

Premièrement, nous sommes favorables à la flexibilité maximale. D’ailleurs, ce principe figure désormais à l’article 109 des conclusions du Conseil européen, comme nous l’avions nous-mêmes demandé.

Deuxièmement, nous approuvons la clause de révision à mi-parcours, qui permet au Parlement européen d’examiner les conditions d’exécution du budget. Il ne serait tout de même pas fondamentalement anormal que les députés élus dans un an aient à connaître des conditions d’exécution du budget adopté pour cinq ans. On ne peut pas demander au Parlement européen d’être un partenaire dormant pendant ces cinq années.

Troisièmement, doter le budget de l’Union européenne de ressources propres est, pour ce gouvernement comme pour les membres du Parlement européen de sensibilité progressiste, un combat historique. D’ailleurs, c’est la condition pour que le budget devienne à terme un vrai budget européen, et non la simple juxtaposition des demandes des États.

Quatrièmement, et c’est le point le plus délicat, il est demandé de combler dès cette année le déficit résultant des politiques passées, que je décrivais tout à l’heure. C’est effectivement le plus difficile, car nous devons à la fois répondre aux exigences de réduction du déficit posées par le Parlement européen et faire en sorte que l’Europe ait un bon budget.

C'est la raison pour laquelle nous sommes engagés dans un processus de discussions, non seulement avec le Parlement européen et au sein du Conseil, mais également dans un cadre interministériel, pour examiner les conditions dans lesquelles nous pouvons répondre le plus favorablement possible aux demandes des eurodéputés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Je souhaite insister sur ce que le processus d’élaboration du budget européen pour la période 2014-2020 a de novateur.

Auparavant, seul le Conseil décidait. Désormais, et le Président de la République, François Hollande, l’a rappelé, une fois que le Conseil est parvenu à un accord, une phase de discussions s’engage avec le Parlement européen. En effet, aux termes du traité de Lisbonne, le Parlement européen doit approuver le budget. C’est donc une avancée démocratique importante. D’ailleurs, je n’ai de cesse de souligner les apports de ce traité en matière d’approfondissement de la démocratie à l'échelle européenne.

Notre collègue Catherine Morin-Desailly nous a interpellés sur le débat européen. Nous y prenons part, y compris au niveau national. Ainsi, le 2 avril prochain, les commissions des affaires européennes de l’Assemblée nationale et du Sénat tiendront au palais du Luxembourg une réunion commune avec les eurodéputés français et M. Alain Lamassoure, le président de la commission des budgets du Parlement européen, pour répondre à de telles questions.

Je tenais à rappeler ces quelques éléments dans un souci pédagogique, afin de montrer que le processus n’est pas terminé.

Je pense que le gouvernement français et le Président de la République ont bien travaillé au sein du Conseil européen. C’est désormais aux parlementaires européens de jouer. Et les parlements nationaux ont évidemment aussi leur mot à dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les prévisions économiques de la Commission européenne confirment nos doutes : la France ne pourra respecter l’objectif d’un déficit en deçà de 3 % du produit intérieur brut pour 2013. C’est ce que nous craignions depuis l’année dernière. Nous avions d’ailleurs saisi le Conseil constitutionnel sur ce motif.

Les hypothèses de croissance du Gouvernement étaient optimistes, au-delà du raisonnable. Que va faire celui-ci à présent ? Pour atténuer les effets des chiffres, il va raisonner en termes de déficit structurel, c’est-à-dire sans tenir compte des aléas de la conjoncture. Il est tout à fait en droit de procéder ainsi : c’est la méthode de calcul établie dans le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, un texte qui a été négocié par la précédente majorité et dont nous avons soutenu la ratification.

Pour autant, il s’agit là d’une question formelle. Le problème fondamental de notre économie, c’est la faiblesse de la croissance potentielle.

Dès lors, quelles mesures cohérentes le Gouvernement va-t-il prendre pour améliorer notre croissance potentielle et notre compétitivité ? En particulier, que va-t-il répondre à la Commission européenne ? Dans ses prévisions publiées à la fin du mois de février dernier, celle-ci estime que la seule mesure du Gouvernement en faveur de la compétitivité de notre économie, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, risque d’aggraver le déficit, faute de financement.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve

Madame la sénatrice, selon vous, les hypothèses de croissance sur lesquelles a été fondée l’élaboration du budget pour 2013 étaient excessivement optimistes.

Je me permets de rappeler que la majorité à laquelle vous apparteniez avait conçu ce même budget sur une hypothèse de progression du PIB de 1, 7 %. Nous avons ramené cette prévision à 0, 8 %. Ainsi, le chiffre de 1, 7 % ne vous semblait pas trop optimiste, mais celui de 0, 8 % vous paraît déraisonnable… J’ai du mal à comprendre votre raisonnement.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Nous avons fondé le budget sur l’hypothèse d’une progression du PIB de 0, 8 %, dans un contexte qui ne correspondait pas à nos souhaits en termes de croissance.

Nous sommes amenés à procéder à des ajustements. Nous le faisons en relation avec la Commission européenne, dans le cadre du semestre européen, ainsi que je l’ai décrit.

J’ai indiqué à M. Jean Bizet les mesures que nous nous apprêtions à prendre. Je vous confirme qu’elles seront mises en œuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite évoquer une question dont le coût pour le budget européen est nul.

Après plusieurs années de lutte pour le rétablissement des droits de plantation de vigne, la bataille engagée par les professionnels et les élus au niveau européen trouvera-t-elle un épilogue heureux ?

Les propositions du groupe à haut niveau réuni par la Commission européenne vont incontestablement dans le bon sens, en ouvrant la voie à la prolongation d’un dispositif d’encadrement du potentiel viticole.

Toutefois, la semaine qui vient sera décisive, avec le vote du Parlement européen et la poursuite des discussions au Conseil. Les organisations professionnelles sont particulièrement critiques sur la durée proposée pour le nouveau régime.

Si l’encadrement de toutes les plantations est, certes, maintenu, il est prévu qu’il prenne fin en 2021, c'est-à-dire au bout de trois ans seulement, ce qui ne serait pas acceptable. C’est le spectre de la libéralisation qui revient !

Je voudrais rappeler qu’une proposition de résolution européenne a été soumise à la commission des affaires économiques sur l’initiative de nos collègues Simon Sutour et Gérard César. En tant que rapporteur, je précise que le texte a été adopté à l’unanimité.

Dans cette résolution, qui comprend dix points, nous réclamons surtout une instauration pérenne du nouveau dispositif d’encadrement des plantations ; le secteur viticole doit bénéficier d’un cadre réglementaire stable. Et nous plaidons par ailleurs pour une entrée en vigueur sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne au 31 décembre 2018.

Certes, le rôle du Parlement européen sera important. Toutefois, nous demandons que les principaux points de la proposition de résolution adoptée au Sénat à l’unanimité deviennent les priorités de la France dans les discussions européennes et que le Gouvernement pèse de tout son poids pour les faire aboutir.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve

Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question. Il s’agit d’un sujet sur lequel le Gouvernement, en particulier le ministre de l’agriculture, M. Le Foll, s’est fortement mobilisé.

Le vent de libéralisme qui soufflait suscitait des inquiétudes chez les viticulteurs de notre pays quant aux conditions de plantation des vignes dans les années à venir.

Le Gouvernement, héritant d’une situation où la libération des droits de plantation semblait être acquise, a voulu corriger le tir et revenir sur le dispositif qui paraissait établi.

Vous avez fait référence, monsieur le sénateur, au groupe de travail de haut niveau qui a été mis en place. Celui-ci a, notamment, rendu successivement deux plates-formes de conclusions communes, qui définissent des orientations que le Gouvernement approuve et appuie.

Premièrement, nous souhaitons encadrer toutes les plantations de vignes après 2015, afin de corriger les effets du dispositif de libéralisation initialement prévu par la Commission.

Deuxièmement, nous voulons assurer la pérennité du dispositif de régulation prévu après 2015, ce qui répond, monsieur le sénateur, à l’une de vos préoccupations.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Les négociations, auxquelles participe le ministre de l'agriculture, M. Le Foll, sont encore en cours. Même s’il est prématuré de se prononcer sur la forme définitive du futur compromis, je puis dès à présent vous assurer que la discussion se poursuit dans de bonnes conditions sur les deux points que je viens d’évoquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le ministre, le coût de la transition énergétique de l’Allemagne vers le non-nucléaire est évalué à près de 1 000 milliards d’euros. Avons-nous les moyens financiers de faire passer la part du nucléaire dans la production française d’électricité de 78 % à 50 %, comme s’y est engagé le Président de la République ?

Un calendrier fixe et ferme sur le long terme a-t-il été établi ou s’agit-il d’une simple promesse électorale, sachant que le coût d’une telle transition s’élèverait pour la France à 650 ou à 700 milliards d’euros et que l’énergie actuellement produite dans notre pays est meilleur marché que celle de nos principaux concurrents, ce qui constitue l’un des rares avantages-coûts dont nous disposions ?

Je vous poserai une autre question, monsieur le ministre. Les Américains impriment de nombreux dollars pour relancer leur économie intérieure et le yuan est une monnaie sans doute légèrement sous-évaluée. Cette situation conduit à un renchérissement de l’euro, ce qui a des conséquences très négatives sur notre commerce extérieur.

Ne pourrions-nous convaincre Mme Merkel que des investissements structurels, contrairement à ce qu’elle pense, seraient profitables à l’ensemble des économies de l’Union européenne, y compris à celle de l’Allemagne ? Ne serait-il pas temps de dépasser le blocage quasi religieux qui commande que l’euro soit une monnaie ferme, dans la continuité du deutsche mark ?

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve

Monsieur le sénateur, votre question aborde de nombreux sujets : la pertinence du scénario de transition énergétique dans lequel la France est engagée, la stabilité de la monnaie unique, le financement des infrastructures de connexion énergétique au sein de l’Union européenne, le tout dans la perspective d’une relation franco-allemande s’intéressant également aux questions de politique énergétique.

Malgré une telle diversité, je tenterai de vous apporter une réponse susceptible de vous satisfaire.

Vous m’avez interrogé sur la transition énergétique dans laquelle la France et l’Allemagne se sont engagées. Si nous voulons restaurer durablement notre compétitivité sur le plan mondial, il est nécessaire que l’Union européenne produise une énergie à un coût compatible avec la concurrence internationale.

Par conséquent, la question du coût de l’énergie pour l’industrie européenne et pour le développement de l’Europe est centrale, ce qui soulève plusieurs interrogations.

Tout d’abord, pouvons-nous mettre en place une politique énergétique commune au sein de l’Union européenne, malgré des scénarios de transition énergétique parfois divergents ? Dans l’affirmative, pouvons-nous plus particulièrement œuvrer avec l’Allemagne ? Enfin, quels fonds européens pouvons-nous mobiliser pour accompagner cette transition énergétique ?

En répondant à ces trois questions, j’espère pouvoir répondre en partie à vos interrogations, monsieur le sénateur.

Pouvons-nous mettre en place une politique énergétique européenne ? C’est un souhait du Président de la République, qui a évoqué cette nécessité à l’occasion de la tenue, il y a quelques mois à Paris, de la Conférence nationale sur l’environnement. Le ministre des affaires étrangères a souhaité que nous puissions, en liaison avec nos partenaires européens, définir certaines orientations.

Nous avons commencé à le faire avec l’Allemagne. Parmi les soixante-dix propositions qui ont été arrêtées à l’occasion du cinquantième anniversaire du traité de l’Élysée, une concerne la transition énergétique. Il a été décidé de travailler sur trois sujets : l’amélioration du bilan thermique des bâtiments publics, ce qui sera fortement générateur de croissance et ira dans le sens du plan climat ; le développement commun des énergies renouvelables ; le financement conjoint des interconnexions.

En ce qui concerne le développement conjoint des énergies renouvelables, nous n’avons pas tardé à donner une transcription concrète à cette ambition, puisque, le 7 février dernier, les ministres Delphine Batho et Peter Altmaier ont annoncé la création de l’office franco-allemand des énergies renouvelables.

En ce qui concerne le financement des interconnexions, le programme Connecting Europe Facility passera de 8 milliards d’euros à 20 milliards d’euros dans le budget de l’Union européenne, ce qui permettra d’affecter une part significative de ce programme au développement des infrastructures de connexions énergétiques ; cela répond, je pense, à votre préoccupation. C’est dans cet esprit que nous essayons de cheminer vers les objectifs qui sous-tendent vos questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Alors que, en 2013, le Gouvernement ne pourra pas respecter son engagement de ramener le déficit public sous la barre des 3 % du PIB, l’heure est non plus à la réflexion, mais à l’action.

La marge de manœuvre du Gouvernement pour accroître les recettes, c’est-à-dire la fiscalité, est désormais quasi inexistante après l’augmentation massive des impôts à laquelle vous vous êtes livrés depuis juillet 2012, au point que cela a fini par fragiliser nos entreprises.

Reste la baisse de la dépense publique. C’est sur ce point que je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, car il s’agit d’un sujet intéressant dans le contexte européen.

Alors que nous avons un taux de prélèvements obligatoires des plus élevés – 46 % du PIB –, notre taux de dépenses publiques est également l’un des plus forts de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, puisqu’il atteint 56 % du PIB, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

… soit 10 points de plus qu’en Allemagne. Cela représente 200 milliards d’euros.

Or vivons-nous mieux que nos voisins allemands ? La réponse est non.

Monsieur le ministre, vous ne sauverez pas notre modèle social sans réformes structurelles, c’est-à-dire sans réduction des dépenses de fonctionnement et de prestations de l’État, de ses opérateurs et des organismes de sécurité sociale.

La crédibilité des politiques de baisse des dépenses publiques est fondamentale pour la sortie de crise, ne serait-ce que parce qu’elle est susceptible de rendre des marges de manœuvre à l’État.

Vous avez supprimé la révision générale des politiques publiques, la RGPP, pour la remplacer par la modernisation de l’action publique, la MAP. Vous avez ainsi perdu un an pour agir et vous en êtes toujours à fixer des objectifs.

Ma question est simple : quand et comment allez-vous mener une politique déterminée et lisible de réduction de la dépense publique

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve

Monsieur le sénateur, je ne suis pas un homme-orchestre qui aurait la parfaite maîtrise de tous les dossiers relevant de la compétence gouvernementale !

Vous m’interrogez sur la trajectoire des finances publiques. Avant vous, le sénateur Aymeri de Montesquiou m’a questionné sur la transition énergétique.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Certes, mais je ne suis pas omniscient.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Mais vous avez du talent, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Je ne connais pas sur le bout des doigts les sujets qui relèvent de la compétence des autres ministères de la République, et qui n’ont parfois qu’un lointain rapport avec la question qui nous rassemble aujourd’hui.

Cela dit, monsieur le sénateur, je tenterai de vous répondre en vous communiquant des éléments qui sont publics sur la politique que le Gouvernement a l’intention de conduire.

Premièrement, vous affirmez que la pression fiscale a considérablement augmenté depuis notre arrivée au Gouvernement.

Or, dans le cadre du semestre européen, tous les pays doivent indiquer clairement à la Commission européenne les dispositions qu’ils entendent prendre en matière d’augmentation de la pression fiscale et d’économies budgétaires. Il est ainsi tout à fait possible d’établir la traçabilité des décisions prises par les gouvernements français successifs. Nous savons donc parfaitement ce que le précédent gouvernement avait l’intention de faire, puisqu’il en a laissé des traces à travers les communications qu’il a bien voulu adresser à la Commission européenne pour lui expliquer comment il envisageait de redresser les comptes publics.

Quand on regarde les engagements pris devant la Commission européenne par le précédent gouvernement – la commission spécialisée de votre assemblée pourrait, d’ailleurs, se pencher sur ces documents très intéressants –, on s’aperçoit que le niveau de pression fiscale que nos prédécesseurs s’apprêtaient à instaurer est tout à fait comparable à celui que nous avons décidé.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Ils comptaient augmenter la pression fiscale de 15 milliards d’euros quand nous l’accroissons de 20 milliards d’euros. Ces 5 milliards d’euros supplémentaires sont-ils suffisants pour faire la différence entre une bonne politique fiscale, dont vous auriez été les auteurs, et une mauvaise, dont nous serions les comptables ?

Par ailleurs, il convient de noter que le surplus de fiscalité pour lequel nous avons opté s’accomplit dans un contexte de relative justice fiscale.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

À une époque particulièrement difficile pour l’ensemble des Français, nous mettons à contribution les plus riches d’entre eux, alors qu’ils avaient été singulièrement épargnés durant la période précédente, vous en conviendrez, monsieur le sénateur.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Deuxièmement, vous évoquez les économies à réaliser.

Or dans les 30 milliards d’euros d’effort de redressement budgétaire, il y a 10 milliards d’euros d’économies, auxquelles s’ajoutent – il ne faut pas les oublier – les 10 milliards d’euros d’économies qui sont nécessaires pour financer le plan compétitivité. Celui-ci, contrairement à ce que vous avez affirmé tout à l’heure, madame Mélot, est donc bien financé, notamment par des augmentations de TVA que nous équilibrerons pour qu’elles ne touchent pas les Français les plus modestes.

Telles sont les mesures que nous avons prises au regard de celles que vous vous apprêtiez à prendre !

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de René Teulade

En juillet dernier, le président du Parlement européen, M. Martin Schulz, évoquait le risque d’explosion sociale qui menace l’Europe.

Parallèlement, tout récemment, lors de la transmission d’un document de travail au président du Conseil européen, le ministre français du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a effectué un constat difficilement contestable : « L’Europe sociale est en panne ».

Quel contraste saisissant entre les besoins avérés d’une Union européenne plus sociale et la timidité déraisonnable des institutions sur ce sujet !

Les origines et les données de la crise sociale sont connues : un chômage de masse qui ébranle presque l’intégralité des pays de l’Union européenne – 26 millions de chômeurs, soit 14, 8 % de la population active, avec des taux culminant à 27 %, à 26, 2 % et à 17, 6 % pour la Grèce, l’Espagne et le Portugal. Plus grave encore, l’horizon obscur qui se dresse devant la jeunesse européenne entraîne une perte de confiance dans l’avenir.

L’Organisation internationale du travail évoque une « génération traumatisée » par les difficultés rencontrées sur le marché de l’emploi et met en garde contre « un vrai risque de génération perdue ». Comment faire fi de ces avertissements dès lors que, en moyenne, un jeune sur quatre est au chômage en France – plus d’un sur deux en Espagne ou en Grèce ?

L’urgence ne commande pas de se focaliser uniquement sur la consolidation des politiques budgétaires. L’amoncellement des mesures d’austérité a abouti à une exaspération sociale qui, bien qu’encore celée, est perceptible.

Il faut donc agir très rapidement, notamment en direction des jeunes, comme l’a fait le Gouvernement, à l’échelle nationale, par le truchement des contrats d’avenir, des contrats de génération, de la « garantie jeunes », de la future réforme sur la formation professionnelle ou de la refondation de l’école.

À cet égard, dans une communication du 20 février dernier portant sur l’investissement social en faveur de la croissance et de la cohésion sociale, la Commission européenne a rappelé l’importance fondamentale d’investir dans le capital humain – conformément aux théories économiques développées, en particulier, par Lucas ou Rebelo –, et ce dès le plus jeune âge, afin d’éviter l’exclusion sociale des enfants.

Par conséquent, en vue de donner corps à une véritable union sociale, nous souhaiterions savoir, monsieur le ministre, si, dans le cadre de la feuille de route ayant trait au renforcement de l’union économique et monétaire, qui devrait être présentée au Conseil européen de juin prochain par M. Van Rompuy, le volet social est intégré.

Ainsi, qu’en est-il de l’instauration d’un salaire minimum dans tous les États européens, une mesure préconisée par les ministres du travail français et allemand, et d’un pacte de progrès social qui complèterait le pacte de stabilité et de croissance ?

Enfin, l’idée de créer un Eurogroupe bis, à vocation sociale et en amont du conseil ECOFIN, avance-t-elle parmi nos partenaires européens ?

L’union économique et monétaire n’a qu’un sens restreint si elle n’est pas pleinement rattachée à un objectif plus concret : l’union sociale. Or c’est précisément ce visage humain, marqué d’espoir et d’optimisme, le seul de nature à pouvoir rapprocher de nouveau les citoyens du projet européen, qui manque à l’Europe aujourd’hui.

Je vous remercie, par avance, monsieur le ministre, de vos réponses.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve

Je vous remercie, monsieur Teulade, de votre question très importante, qui renvoie au projet social dont l’Europe a besoin.

Vous avez raison : il n’y a pas que le sérieux budgétaire ; il y a aussi le sérieux social, avec, par exemple, la nécessité d’effectuer un bond en termes de couverture des salariés de l’Union européenne par la mise en place de conventions collectives, qui n’existent pas dans tous les pays de l’Union européenne. Un certain nombre de ces derniers réclament d'ailleurs avec insistance que le sérieux budgétaire soit mis en œuvre partout au sein de l’Union européenne sans se demander quel en est le pendant social.

Ainsi, le salaire minimum garanti n’existe pas dans tous les pays de l’Union européenne. Son absence conduit un certain nombre de pays à salarier des ouvriers agricoles dans des conditions qui seraient absolument inconcevables dans un pays comme le nôtre, organisant ainsi la délocalisation d’une partie de l’activité d’abattage ou d’élevage porcin de pays de l’Union européenne vers d’autres.

Vous avez également soulevé dans votre intervention des questions très importantes pour la jeunesse ou pour les salariés, que nous avons bien à l’esprit, qu’il s’agisse de la reconnaissance des qualifications professionnelles, de la portabilité des droits sociaux, de l’évocation d’un salaire minimum garanti européen, ou encore du soutien aux jeunes chômeurs les plus en difficulté dans les régions où le taux de chômage est très important ; d’où la création d’un fonds doté de 6 milliards d'euros décidée à l’occasion du précédent budget.

Sur ce terrain-là comme dans les autres domaines, les choses avancent – certes moins vite que nous ne le souhaiterions, mais elles auraient progressé beaucoup moins rapidement encore si nous n’avions pas été là –, grâce à des décisions très concrètes, que je vais rappeler avant de conclure.

Premièrement, la question sociale figure désormais dans la feuille de route de M. Van Rompuy. Ce n’était pas le cas quand nous sommes arrivés aux responsabilités.

Deuxièmement, nous avons fait de la garantie des droits sociaux, et non pas simplement de la compétitivité, une préoccupation franco-allemande. L’une des soixante-dix décisions dont je parlais tout à l’heure consiste à réunir l’ensemble des partenaires sociaux sur la question de la compétitivité et du progrès et des garanties sociales.

Troisièmement, au-delà du fonds de soutien aux jeunes chômeurs, nous voulons profiter de l’acte II du marché unique pour faire progresser l’harmonisation sociale par le haut.

Cet agenda est celui du gouvernement français au sein de l’Union européenne ; nous avons la volonté qu’il devienne l’agenda de l’Union tout entière.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le ministre, vous le savez, nous ne cessons de pâtir des notes salées qui nous ont été laissées par le précédent gouvernement et par sa majorité.

Hier matin, à propos des contentieux que nous avons avec l’Europe, un grand journal du matin titrait, et c’était un plus par rapport à ce que nous savions déjà : « Impôts indus, subventions illégales… Une ardoise à 9 milliards d'euros ».

Bien entendu, dans cet ensemble, vous le savez, il y a des choses bien différentes. Toutefois, monsieur le ministre, nous aimerions que vous nous éclairiez sur ces diverses factures qui risquent de nous tomber dessus et qui suscitent notre inquiétude, comme celle de l’ensemble des Français. D’ailleurs, ce titre visait à inquiéter.

Parmi les dossiers en cours, il y en a un que je connais bien, celui de la taxe sur les fournisseurs d’accès à internet, créée par une loi du 5 mars 2009, après la décision brutale du précédent Président de la République de supprimer la publicité sur France Télévisions. D’autres modes de financement, faits de bric et de broc, souvent contestables, ont dû être trouvés. La suite nous a en tout cas montré que cette décision était plus que contestable, puisque le service public est aujourd'hui tout à fait fragilisé.

La taxe sur les fournisseurs d’accès à internet destinée à financer France Télévisions, la seule qui rapportait beaucoup, à savoir près de 300 millions d'euros, nous a d'ailleurs valu d’être condamnés par l’Europe. Un appel a été déposé et la Cour de justice de l’Union européenne devrait, dans les mois qui viennent, rendre sa décision définitive.

Il y a donc beaucoup d’inquiétudes, et d’abord parce que nous tenons au financement du service public. Si cette taxe sur les fournisseurs d’accès est jugée illégale, l’État devra rembourser à ces derniers 1, 3 milliard d'euros, ce qui est beaucoup. C’est la faute de la droite, que nous avions à l’époque prévenue, mais qui, malheureusement, a persisté dans sa décision. J’espère en tout cas que la France ne sera pas condamnée.

Peut-être pourrez-vous nous éclairer davantage sur cette question, nous dire où nous en sommes aujourd'hui et, surtout, s’il faudra trouver chaque année 300 millions d'euros pour préserver le service public de l’audiovisuel ?

Monsieur le ministre, ma question porte donc sur ce titre choc qui nous inquiète, sur ce remboursement éventuel, et dans quels délais, de 1, 3 milliard d'euros. Quelles prévisions peut-on faire en ce qui concerne cette facture ?

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve

Monsieur le sénateur, effectivement, au cours des derniers jours, un certain nombre de communications par voie de presse ont rendu compte de l’impact financier des contentieux dont la France fait l’objet devant les instances de l’Union européenne.

Un certain nombre de ces contentieux étant en cours, vous comprendrez que je sois prudent dans ma manière d’aborder les questions que vous avez évoquées : je ne veux pas qu’une déclaration hasardeuse puisse être utilisée, dans le cadre de ces affaires, par telle ou telle partie, compliquant ainsi leur issue pour la France.

Je rappellerai cependant que ces contentieux, qui sont importants en termes de volume et d’impact financier potentiel, concernent essentiellement trois affaires.

La première est celle dite « des OPCVM », les organismes de placement collectif en valeurs mobilières, dans laquelle la Cour de justice européenne, en mai 2012, a considéré que la législation française, qui traitait différemment les dividendes suscités par les placements en France des OPCVM selon que leur siège était ou non sur notre territoire – les dividendes versés à des OPCVM ne résidant pas en France sont imposés à la source, au taux de 25 %, tandis qu’ils ne sont pas imposés lorsqu’ils sont versés à un OPCVM résident –, était contraire au droit de l’Union.

Nous avons un deuxième contentieux, qui porte sur la taxe dite « Copé-Fillon », dont vous avez plus particulièrement parlé dans votre question et qui frappe les fournisseurs d’accès à internet.

Dans le contexte particulier propre à la France, a été instituée une taxe sur le chiffre d’affaires des fournisseurs d’accès à internet. La Commission estime que la législation européenne en matière de télécommunications comporte des dispositions d’harmonisation fiscale qui encadrent ce type de taxe. Elle a par conséquent saisi la Cour de justice de cette question.

L’audience a eu lieu, les conclusions de l’avocat général n’ont pas encore été rendues. S’agissant d’un contentieux en cours, dont l’issue est incertaine, vous comprendrez que je ne veuille pas en dire davantage sur ce sujet, afin de ne pas compliquer le bon règlement de ce litige.

Enfin, le troisième sujet, c’est l’affaire du « précompte mobilier », qui a été tranchée par l’arrêt du 15 septembre 2011 et qui portait sur le régime français de l’avoir fiscal et du précompte. Vous connaissez les conditions dans lesquelles cette affaire a été traitée.

L’ensemble de ces contentieux, vous l’avez à juste raison souligné, monsieur Assouline, constitue pour nous un héritage lourd, dont nous nous serions bien passés. Leur impact en termes de finances publiques, si nous ne devions pas sortir de ces litiges par le haut, serait de nature à inquiéter davantage encore tous ceux qui s’inquiètent des niveaux des déficits aujourd'hui, sans toujours s’en être préoccupés hier, d'ailleurs. C'est la raison pour laquelle nous faisons en sorte de pouvoir sortir de ces contentieux dans de bonnes conditions.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus la parole ?...

Nous en avons terminé avec le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 14 et 15 mars prochain.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq.