Intervention de Simon Sutour

Réunion du 12 mars 2013 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 14 et 15 mars 2013

Photo de Simon SutourSimon Sutour :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Conseil européen qui va se tenir les 14 et 15 mars prochain est particulièrement important. En effet, il va se prononcer sur les lignes directrices de l’Union européenne concernant les programmes de stabilité et les programmes nationaux de réforme, dont M. le ministre vient de nous détailler la teneur. Je remercie donc tout particulièrement M. le président du Sénat d’avoir veillé à ce que ce débat se tienne aujourd’hui à un horaire convenable. Je remercie aussi M. le ministre de sa disponibilité pour répondre à nos questions.

Les récentes prévisions de la Commission européenne confirment malheureusement la dégradation de la conjoncture économique qui concerne l’ensemble de l’Union européenne. Selon la Commission européenne, la croissance économique ne devrait atteindre que 0, 1 % en 2013 dans l’Union et, dans la seule zone euro, l’économie devrait se contracter de 0, 3 %. Cette faiblesse de l’économie devrait avoir des conséquences directes sur le chômage : le taux de chômage devrait atteindre 11, 1 % dans l’Union européenne et 12, 2 % dans la zone euro, avec des pics extrêmement inquiétants pour le chômage des jeunes. On ne peut imaginer que cette conjoncture économique très dégradée ne soit pas prise en compte dans la définition des lignes directrices pour les politiques nationales.

L’effort de stabilisation des finances publiques répond à une exigence et doit être poursuivi avec détermination. La France a engagé, en 2012 et en 2013, un effort d’ajustement structurel sans précédent, mais cet effort doit aussi s’inscrire dans la durée, selon un calendrier réaliste. Dès lors que la conjoncture économique se dégrade, chacun peut comprendre que ce calendrier doive être adapté – il l’a d’ailleurs été. Le Fonds monétaire international lui-même a récemment émis une mise en garde contre l’excès d’austérité. Comme nous le disons souvent, mieux vaut éviter que le malade ne meure guéri !

Il faut aussi poursuivre les réformes structurelles et agir pour la compétitivité de nos économies. Depuis dix mois, la France est engagée dans ce sens : nous avons adopté un pacte national pour la compétitivité et l’emploi et nous allons bientôt transcrire dans la loi l’accord historique entre les partenaires sociaux qui réforme en profondeur le marché du travail.

Dans le même temps, l’Union européenne doit elle-même mettre au premier plan le soutien à la croissance. La France a contribué à ce débat au sein des instances européennes et elle a été entendue, avec l’adoption, en juin 2012, du pacte européen pour la croissance et l’emploi. Il faut poursuivre dans cette voie et aboutir rapidement à des réalisations concrètes.

L’emploi des jeunes doit être la priorité des priorités. En décembre, la Commission européenne a proposé un train de mesures dans ce domaine. Grâce à la détermination du Président de la République, la France a obtenu, lors du Conseil européen de février, la création d’un fonds de lutte contre le chômage des jeunes. Ce fonds de 6 milliards d’euros sera destiné aux régions où le taux de chômage des jeunes dépasse les 25 %. Ma région va en bénéficier, mais j’aurais évidemment préféré qu’elle ne soit pas concernée. Je mesure donc, à titre personnel, l’importance pour nos territoires d’une action européenne bien orientée.

Intensifier cette action est d’autant plus nécessaire que l’Europe sert souvent de bouc émissaire en période de difficultés nationales. Nous le constatons tous les jours, et les résultats des récentes élections italiennes viennent de nous le rappeler. Le rétablissement des finances publiques ne sera donc compris que s’il s’accompagne d’une plus grande solidarité et d’une action énergique pour la croissance et l’emploi.

Malheureusement, l’épisode de la négociation du cadre financier pluriannuel a cruellement révélé l’altération de l’esprit de solidarité. Le budget européen est, par définition, un exercice de solidarité ; il doit aussi refléter une certaine vision de l’Europe. Or, nous le savons tous, le sens même du projet européen est aujourd’hui discuté. La France doit donc continuer à œuvrer, comme elle le fait depuis dix mois, afin de redonner du sens au projet européen en le réorientant pour qu’il réponde aux attentes de nos concitoyens.

L’absence de véritables ressources propres de l’Union européenne a perverti la négociation, car les États membres se sont focalisés sur leur solde net, c’est-à-dire sur la différence entre ce qu’ils versent et ce qu’ils reçoivent du budget européen. Cette logique prévaudra tant que le budget sera financé par des contributions nationales, ce qui est la négation même de la solidarité européenne ! C’est pourquoi nous devons travailler à la création de nouvelles ressources propres, comme le Sénat l’a souligné en décembre dernier.

Dans ce contexte très difficile, la France a bien négocié. Quand on se souvient de la manière dont les discussions s’étaient engagées, nous avons réussi à éviter le pire. De plus, nous ne sommes qu’à la première étape du processus, je tiens à insister sur ce point. En effet, le Parlement européen dispose d’un réel pouvoir, puisqu’il doit maintenant donner son approbation au budget adopté par le Conseil. Je souhaite donc qu’il mette ce pouvoir à profit pour revoir à la hausse certaines enveloppes. Ce serait la preuve que l’esprit de solidarité a encore un sens en Europe !

Puisque l’on va fixer des lignes directrices sur les politiques nationales, nous devons aussi nous interroger sur leur coordination. D’un côté, certains pays ont des excédents et une compétitivité élevée ; de l’autre, se trouvent des États qui luttent pour réduire leurs déficits. Que les premiers relancent leur demande intérieure serait bénéfique pour l’ensemble de l’Union européenne. C’est aussi cela, la solidarité européenne !

Notre débat se déroule alors que se développent les réflexions sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire. Le Conseil européen de décembre a adopté une feuille de route et celui de juin prendra des décisions. Il est indispensable que ces décisions concilient la rigueur financière avec une approche dynamique en faveur de la croissance et de l’emploi – j’insiste toujours sur ces deux mots. Pour cela, il faut renforcer l’intégration à partir d’objectifs partagés.

Nous travaillons à rendre nos économies plus fortes et plus compétitives, mais nous avons aussi besoin d’une harmonisation des politiques fiscales et d’actions ambitieuses, sur le plan européen, pour développer les infrastructures et encourager la recherche. À cette fin, nous avions insisté, dans notre résolution de décembre 2012, sur l’importance du projet de mécanisme européen d’interconnexion dans ses trois volets, transports, énergie et numérique. Or la diminution, envisagée par le Conseil européen, de 50 milliards d’euros à 30 milliards d’euros des moyens consacrés à ce mécanisme d’interconnexion est particulièrement préoccupante. Nous sommes aussi inquiets des moyens qui seront alloués au programme de recherche Horizon 2020. Où est le souci de la croissance ?

Enfin, une Europe réorientée, c’est une Europe dotée d’une véritable ambition sociale. Face à la situation de l’emploi, la solidarité doit s’exercer à l’égard des territoires durement touchés par le chômage. C’est l’intérêt du fonds de lutte contre le chômage des jeunes, dont la France a obtenu la création ; c’est aussi l’enjeu du fonds d’adaptation à la mondialisation ou du fonds d’aide alimentaire, qui, à la demande du Président de la République, sera maintenu à un niveau de 2, 5 milliards d’euros. Il est cependant inquiétant de voir certains pays remettre en cause ce type de mécanisme lors des débats européens.

Comme nous l’avons déjà dit, nous verrions également un avantage à lancer des emprunts communs entre États membres. Ils seraient l’expression de cette solidarité concrète que l’Europe doit traduire aujourd’hui si elle veut éviter la désaffection des peuples, défi majeur de l’avenir !

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