Intervention de Philippe Marini

Réunion du 12 mars 2013 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 14 et 15 mars 2013

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini :

Il est encore plus gênant d’observer les ambiguïtés en matière bancaire. On ne sait plus vraiment quel est le but politique recherché à travers l’union bancaire. On nous dit qu’il faut rompre le lien entre dette souveraine et dette bancaire mais aucun accord sur les conditions dans lesquelles le Mécanisme européen de stabilité pourra prêter directement aux banques ne semble se dessiner. Certes, monsieur le ministre, vous en avez parlé, mais il ne s’agit là que d’une figure de style convenue : il n’existe aucun calendrier ni aucun progrès réel en ce sens, et vous le savez fort bien.

Dès lors, il faut peut-être tâcher de rendre un sens politique à ce que nous faisons dans le cadre de la construction européenne. Sans doute est-il nécessaire que les parlements nationaux utilisent mieux l’article 13 du TSCG, alors que, jusqu’à présent, les rencontres qui se sont multipliées demeurent désespérément formelles. Sans doute est-il également nécessaire de s’approprier dans le débat national – ce qui nécessite du travail – les notions, les procédures et les instruments qui nous parviennent du droit communautaire, en particulier de ce « two-pack » qui vient d'être finalement adopté. Mais encore faudrait-il que nous sachions exactement comment s’enchaînent diverses notions, des « contrats de croissance et de solidarité » aux « plans budgétaires nationaux », en passant par bien d’autres choses…

L’ambiguïté dans laquelle nous sommes, sans doute réside-t-elle aussi dans la distance entre les recommandations adressées par le Conseil européen à la France en matière de réforme structurelle et la manière dont le Gouvernement, de façon erratique et, à mon sens, souvent contradictoire, décline sa politique. Les chantiers à ouvrir en matière de compétitivité, de réforme du marché du travail, de fiscalité écologique, de TVA, de formation professionnelle et de salaire minimum me semblent, à tout le moins, marqués du sceau de l’ambiguïté, entre le langage européen, que nous recevons et acceptons, et le langage national que nous pratiquons.

Mes chers collègues, notre pays, même s’il semble abandonner dans l’immédiat l’objectif d’un déficit nominal de 3 % du PIB en 2013, a le devoir de demeurer crédible. Or, ainsi que le Gouvernement l’a indiqué lors du Conseil des ministres du 27 février dernier, des mesures supplémentaires de gestion budgétaire – au-delà de celles qui sont déjà mises en œuvre – sont désormais considérées comme inopportunes pour l’année en cours. Dès lors, monsieur le ministre, que répondra-t-on si, à la table du Conseil, on nous demande dans quelle mesure nous resterons sans rien faire lorsqu’il s’avérera que le déficit pour 2013 s’approchera des 4 %, ce qui est probable ? Que répondra-t-on lorsqu’on nous demandera s’il est crédible de conserver comme objectif un déficit compris entre 2, 5 % et 3 % en 2014, alors que les prévisions macroéconomiques de la Commission européenne, comme des meilleurs experts, nous indiquent que, sans mesures supplémentaires de consolidation budgétaire, nous risquons encore d’avoisiner les 4 % de déficit ?

En tout état de cause, puisqu’il n’est pas prévu d’efforts supplémentaires en 2013, nous savons que, pour 2014, compte tenu de l’ensemble des facteurs à prendre en compte, il faudrait que les mesures supplémentaires représentent – c’est un ordre de grandeur – entre 20 et 40 milliards d'euros, soit l’équivalent de 1 à 2 points de PIB. Il s’agit en effet d’un effort gigantesque, qui, n’étant ni documenté ni précisé à ce stade, ne paraît pas réellement vraisemblable, ce qui, me semble-t-il, est de nature à porter atteinte au crédit de notre pays.

Mes chers collègues, c’est au moment où le Conseil européen de printemps va examiner les grandes orientations de politique économique que ces questions se posent. Pardonnez-moi, monsieur le ministre, de devoir les poser, même si elles vous semblent désagréables.

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