Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 12 mars 2013 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 14 et 15 mars 2013

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà plusieurs mois que j'ai le plaisir de participer aux travaux de la commission des affaires européennes. Je me réjouis de la qualité générale de nos débats et des propositions stimulantes de nos collègues, qui ont su établir un diagnostic juste tant sur le fonctionnement de l'Union que sur les actes législatifs qui y sont produits.

Voilà pourquoi on ne peut que regretter que le débat préalable au Conseil européen soit finalement un exercice un peu stérile de commentaires – pourtant toujours intéressants – sur un ordre du jour qui nous dépasse et nous interpelle, quoi qu’on en dise, par sa vacuité politique ! Je regrette le caractère essentiellement tribunicien du rôle laissé au Parlement en l'absence d'une procédure qui nous permettrait, sur le modèle de l'article 88-4 de la Constitution, de peser davantage sur le Conseil européen.

L'ordre du jour du prochain Conseil appelle la conclusion de la première phase du semestre européen, consacrée à l'examen des efforts de coordination entrepris par les États membres en matière de politique budgétaire.

On ne peut que se satisfaire de la montée en puissance du principe de coordination, qui reste l'un des grands acquis du pacte pour l'euro adopté il y a deux ans. Pourtant, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne peux que mesurer l'insuffisance du présent exercice et de la réunion du Conseil face à la crise et au ressentiment qui traversent l'Europe.

Les dernières élections en Italie ont été l'occasion d’une sanction dramatique du gouvernement de Mario Monti, mis à mal par la progression spectaculaire de formations populistes. Ce phénomène est identique dans beaucoup de pays membres.

La récente déclaration de David Cameron relative à une éventuelle sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne par la voie d'un référendum attise aussi les tensions populistes, que l'on retrouve également en France. N'oublions pas que les formations eurosceptiques et populistes ont cumulé près de 30 % des suffrages exprimés…

Au même moment, le Parlement français, notamment le Sénat, a été privé d'un véritable débat et d'une véritable explication sur le budget européen. Pourtant, ce débat sur les modalités consternantes d'adoption d'un budget qui, à bien des égards, ne peut que nous sidérer, a été demandé conjointement par Jean-Louis Borloo à l’Assemblée nationale et, ici même, par François Zocchetto. À moins d'un an des prochaines élections européennes, ce budget engagera la prochaine Commission et le prochain Parlement. Comment ne pas souligner une telle anomalie institutionnelle ?

Ce budget est également consternant du fait qu’il se trouve pour la première fois en nette diminution, ce qui pourrait remettre en cause, à terme, les investissements d'avenir, dont nous avons terriblement besoin pour démontrer à nos concitoyens que l'Europe n'est ni un carcan ni un poids, mais au contraire une force d'avenir, une force pour l'emploi, pour la formation, l'éducation et l'avenir de nos enfants.

Le groupe UDI-UC avait demandé à plusieurs reprises un débat spécifique sur cette question, mais, à chaque fois, on nous renvoie au débat préalable sans plus de précisions comme si l’Europe, finalement, n’avait qu’une place restreinte au Parlement.

Ainsi, nos discussions masquent mal le fossé qui se creuse sans cesse entre l’Union, les citoyens et l’idéal européen que nous devrions tous partager. L’Europe, de la manière dont elle fonctionne, ne correspond plus aux aspirations de la population. Peut-être a-t-on mal mesuré les racines profondes du référendum du 29 mai 2005 : à certains égards, le « non » à la Constitution a été le signe avant-coureur de la crise morale que traverse le continent aujourd’hui.

Les générations actuelles n’ont pas connu la guerre. Aussi ne pouvons-nous plus uniquement invoquer le souvenir des pères fondateurs de l’Europe comme l’argument d’autorité suprême dans le débat européen. L’Europe ne peut plus se vivre seulement comme un idéal, alors que nos concitoyens nous demandent une Europe concrète, une Europe protectrice, une Europe de la prospérité, une Europe de l’emploi, bref, une Europe de l’avenir et pas seulement une Europe mémorielle qui se reposerait sur les lauriers du travail accompli.

Le groupe UDI-UC se veut le porte-parole de la voie européenne dans le débat public national, et c’est justement parce que nous sommes viscéralement attachés à l’idée européenne que nous nous permettons d’être critiques à l’égard du fonctionnement actuel de l’Union.

J’ai eu l’occasion, dans le cadre de ma mission sur l’Europe du numérique, de travailler avec l’administration bruxelloise. Force est de constater, je suis désolée de le dire, que nous faisons face à une administration d’un autre temps. L’Europe doit redevenir une aventure politique tournée vers l’avenir et ne saurait rester une machine purement technocratique.

Le ressentiment de nos concitoyens est désormais trop palpable, la crise est trop grave, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, pour que nous en restions à un tel degré de complexité et d’éloignement entre l’Union et le peuple. Ce ressentiment doit nous alerter sur la marche à suivre désormais, et il nous faut impérativement resserrer le lien entre l’Union et les citoyens.

Au regard du prochain Conseil européen, nous mesurons tous que le TSCG donnera de fait à la Commission un pouvoir considérable en matière budgétaire et donc en matière fiscale. Or nous ne pouvons oublier, en tant que parlementaires, que la première des responsabilités des assemblées est de garantir le respect du principe du consentement à l’impôt et de voter le budget.

Comment voulez-vous assurer le lien démocratique entre l’Union et les citoyens si la Commission décide de tout sans être responsable de rien ? Comment ce lien pourrait-il vivre lorsque des décisions entraînant le destin de millions de citoyens européens se jouent parfois dans des cénacles fermés, entre deux heures et trois heures du matin ?

Pour prendre un exemple précis, la rectification des prévisions de croissance de la France pour cette année vous impose, pour se conformer aux exigences de la programmation prise en conformité avec les dispositions du TSCG, de souscrire à deux hypothèses pour maintenir une trajectoire vertueuse de désendettement : soit vous jouez sur les recettes et vous serez contraints de créer de nouveaux impôts pour combler l’écart de prévision, soit vous jouez sur l’exécution pour imposer des économies aux administrations de l’État.

Dans tous les cas, la simple correction d’un chiffre par Bruxelles entraîne des conséquences lourdes pour nos concitoyens et remet in fine en cause l’autorisation votée en loi de finances initiale. C’est la démocratie parlementaire nationale qui est atteinte par le manque de démocratie à l’échelon fédéral.

Nous devons donc associer les citoyens à la prise de décision politique pour faire de l’Europe une Europe politique. Nous devons renforcer les pouvoirs de contrôle des parlements nationaux. Nous devons également établir une véritable définition du principe de subsidiarité pour enfin sauter le pas. Donnons à l’Union des compétences véritablement fédérales en contrepartie d’une démocratie renforcée qui rendra l’Union politique et stratégique, et non plus administrative et technocratique ! Ainsi, les États s’occuperont de ce qui est de leur ressort naturel.

Je ne compte plus le nombre de fois où je suis interpellée, avec d’autres, par des entreprises qui souffrent d’une concurrence déloyale imposée de fait par Bruxelles à travers un ensemble colossal de normes qui favorisent finalement les entreprises étrangères. Pétroplus, dans mon département, en est un exemple, mais la France en compte bien d’autres.

Monsieur le ministre, comme vous le savez, l’engagement européen est unanime au sein du groupe politique UDI-UC et semble aller de soi. C’est au nom de cet engagement que je souhaiterais que vous nous éclairiez, non pas tant sur la position de la France dans la procédure de conclusion du semestre européen, mais sur les propositions du Gouvernement en matière de restauration du lien de confiance entre l’Europe et ses citoyens.

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