Ceux qui, parfois, trouvent que le budget que nous avons adopté n’est pas tout à fait conforme à leurs souhaits sont les mêmes qui préconisaient une coupe de 200 milliards d’euros du budget de l’Union européenne par rapport à la proposition de la Commission !
D’ailleurs, si M. Cameron avait gagné la négociation qui vient de s’achever à Bruxelles sur le budget de l’Union européenne, comme je l’ai souvent entendu dire, nous en serions non pas à 960 milliards d’euros de crédits d’engagement, mais à 840 milliards d’euros. Ce que lui et les pays du club des contributeurs nets souhaitaient – en tout cas certains d’entre eux, parmi les plus conservateurs –, c’était 200 milliards d’euros de coupes par rapport à la proposition de la Commission.
La même lettre a été appliquée à l’exécution du précédent budget. Or, sans autres considérations, nous avons suffisamment de difficultés budgétaires chez nous pour ne pas alimenter le budget de l’Union européenne de nos propres fonds et financer avec des crédits de paiement les politiques de l’Union.
Sans cette lettre, je le dis à M. Billout et aux orateurs qui se sont exprimés sur la croissance, les crédits de paiement nécessaires au financement des politiques de l’Union européenne pour la période 2017-2013 n’auraient pas été rabotés.
Que s’est-il passé ? Le budget sur lequel le Conseil européen et les institutions de l’Union européenne sont tombés d’accord en 2007 s’élevait, je le rappelle, à 986 milliards d’euros de crédits d’engagement et à 942 milliards d’euros de crédits de paiement. Monsieur Billout, savez-vous que seuls 860 milliards d’euros ont été dépensés, soit 80 milliards d’euros de moins que ce qui était prévu ?
À la lecture de cette lettre, on voit que les crédits de paiement nécessaires au financement du budget de l’Union européenne ont délibérément été rabotés de 80 milliards d’euros par les gouvernements conservateurs. Voilà la situation que nous avons trouvée !
Nous avons également trouvé un déficit organisé du budget de l’Union européenne de 16 milliards d’euros. Le décalage entre ce que l’Union avait prévu de dépenser et les crédits qui lui avaient été alloués était tel que le président du Parlement européen, Martin Schulz, a constaté une situation de déficit chronique de son budget. Voilà, je le répète, la situation que nous avons trouvée !
Nous avons fait tout ce que nous avons pu lors de la négociation. J’ai donc un peu de peine à entendre ce que nous dit M. Billout. En fait, il nous reproche de ne pas faire ce que, en réalité, nous faisons bel et bien.
Autour de la table du Conseil européen, nous avons demandé à tourner le dos à cette stratégie funeste. Nous avons souhaité – c’est l’article 109 des conclusions du Conseil – que l’on introduise en matière de gestion du budget de l’Union européenne pour la période qui s’ouvre ce que nous avons appelé la « flexibilité maximale », c'est-à-dire la flexibilité entre les exercices et entre les rubriques budgétaires.
Ainsi, lorsque des crédits de paiement seront disponibles à la fin d’une année budgétaire, ils seront affectés au budget de l’Union européenne, les États ne les récupérant pas pour leurs propres budgets. De même, en cas de surconsommation dans une rubrique et de sous-consommation dans une autre, il sera possible de transférer les crédits de paiement concernés pour assurer leur complète mobilisation.
Cela signifie, monsieur Billout, monsieur Sutour, madame André, que si nous mobilisons, avec une flexibilité maximale, tous les crédits de paiement du budget récemment adopté, nous dépenserons 50 milliards d’euros de plus qu’avec le budget précédent.
J’ajoute que l’examen des rubriques consacrées à la croissance au sein du précédent budget fait apparaître une somme globale de 90 milliards d’euros. Or les rubriques consacrées à la croissance, à la stratégie Europe 2020, à la recherche et à l’innovation technologique, autant de politiques dont vous avez souligné l’importance, monsieur Billout, connaissent une augmentation de 40 %, puisqu’elles représentent désormais une somme de 140 milliards d’euros !
Vous disiez, monsieur Requier, qu’il faut faire rêver les Européens, et vous aviez raison. Pour ce faire, il faut de grandes politiques pour l’Union, articulées autour du programme Erasmus, qui permettent aux jeunes étudiants de passer d’une université à une autre et de traverser les frontières, d’apprendre les langues de l’Union européenne, d’avoir accès à la connaissance dans d’autres pays que le nôtre et de pouvoir, ainsi, suivre dans toute l’Europe des parcours professionnels, gages de leur capacité à réussir une carrière, à mener des recherches et à faire preuve d’innovation.
Cela suppose également que l’on organise le transfert de technologies et que nous engagions la transition énergétique à l’échelle de l’Union européenne. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons – la France est, d’ailleurs, l’un des rares pays à plaider en ce sens – que l’Union européenne soit dotée de ressources propres, afin que son budget ne dépende pas de la seule contribution RNB, allouée par les États membres.
En effet, s’il continue à ne dépendre que de cette ressource, le budget de l’Union européenne ne sera rien d’autre que la juxtaposition des demandes particulières des États, qui veulent s’assurer du retour de l’argent qu’ils lui versent. Un véritable budget européen requerrait des ressources propres, qui lui permettent de mener des politiques ambitieuses, que nous appelons de nos vœux.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, l’état des lieux de notre action en ce domaine.
J’y insiste, monsieur Billout, encouragé en cela par l’intervention d’Alain Richard : je suis en mesure de vous donner, programme par programme et région par région, les conditions dans lesquelles le plan de croissance, d’un montant de 120 milliards d’euros, soutiendra les projets engagés sur notre territoire. Je le ferai, si vous en êtes d’accord, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’occasion de la réunion de la commission des affaires européennes qui se tiendra après la tenue du Conseil européen.
Ce plan a des implications concrètes, dont je vais vous donner quelques exemples. Ainsi, avec les fonds structurels et les prêts de la Banque européenne d’investissement, la BEI, nous finançons des investissements massifs dans les bâtiments d’habitat collectif en région Champagne-Ardenne, afin de maîtriser leur bilan thermique, ce qui est source de croissance. Grâce à la remobilisation des fonds structurels, nous investissons massivement dans la transition énergétique sur le port de Cherbourg, qui va accueillir une usine de fabrication d’éoliennes – c’est un hasard, monsieur Bizet ! §
De même, dans la région Aquitaine, nous investissons massivement dans le développement de l’énergie solaire, autour du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, le CEA. Nous sommes en train d’accompagner le département de la Haute-Savoie dans l’aménagement numérique de son territoire, en essayant de combiner des prêts de la BEI avec la mobilisation de fonds structurels.
Ceux qui prétendent que le plan de 120 milliards d’euros n’existe pas le font soit parce qu’ils ont l’intention de nuire à ceux qui ont demandé sa mise en place et concourent à sa réussite, soit parce qu’ils n’en savent rien. Quelle que soit l’explication retenue, elle est très ennuyeuse : dans le premier cas, il n’est jamais bon de vouloir entraver la croissance ; dans le second, il est toujours préférable d’émettre des critiques en connaissance de cause.
Voilà ce que je tenais à vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, sur la croissance en Europe.
J’en viens maintenant à un deuxième sujet, évoqué par l’excellent président de la commission des finances du Sénat, qui m’a très aimablement indiqué qu’il devait nous quitter prématurément. J’apporterai, malgré son absence, une réponse à ses propos, car je tiens à ce qu’elle figure dans le compte rendu de la séance.