Je vous remercie d'avoir accepté cet échange qui s'inscrit dans une démarche peut-être inhabituelle puisque nous en sommes aux débuts des travaux pour la mission que la ministre m'a confiée. Elle vise, comme vous l'avez rappelé, à explorer les voies et moyens d'une amplification de la politique de diffusion des oeuvres des collections publiques sur le territoire national.
Nous nous étions effectivement présentés devant vous alors que le Centre Pompidou mobile n'était qu'une simple idée et vous l'aviez accueilli avec enthousiasme. L'appui de votre commission a été déterminant pour nous permettre de concrétiser ce projet. On connaît aujourd'hui le succès du CPM en matière de fréquentation avec 180 000 visiteurs lors des quatre premières étapes. En outre, 35 % de ces visiteurs sont issus de la catégorie socio-professionnelle « CSP- », regroupant les ouvriers et les employés, contre 14 % au Centre Pompidou à Paris. Nous sommes actuellement au Havre où les premières indications confirment une amplification de cette tendance.
Dans le cadre de la mission confiée par la ministre, il nous a semblé très important de tenir compte de la dimension territoriale, compte tenu du nécessaire partenariat entre l'État et les différents niveaux de collectivités territoriales. C'est pourquoi il nous paraissait nécessaire d'avoir ce temps d'échange avec la commission de la culture du Sénat qui assure la représentation des collectivités territoriales de la République.
La lettre de mission en date du 4 février 2013 envisage deux dimensions distinctes et complémentaires :
- les dépôts et prêts à l'égard des institutions muséographiques ;
- les expériences et initiatives qui permettent une diffusion des oeuvres en dehors des musées.
Cette double dimension doit permettre à la fois de valoriser les collections nationales en évitant que les oeuvres ne dorment dans des réserves, et d'élargir les publics. En effet, elles doivent être partagées avec tous, elles appartiennent à tous les citoyens.
D'après les statistiques disponibles, un tiers des Français n'est jamais allé dans un musée et 50 % ne sont jamais entrés dans un musée de Beaux Arts. Cette considération a d'ailleurs été déterminante pour la création du CPM.
En ce qui concerne le premier enjeu, celui des dépôts dans les musées existants, je rappelle qu'il s'agit d'une politique très ancienne qui remonte aux attributions révolutionnaires, et concomitante de la création du Museum, ancêtre de l'ensemble des musées nationaux. Elle n'a cessé de se poursuivre et de s'intensifier. Elle est particulièrement active au Centre Pompidou et d'ailleurs je m'étais engagé à ce que la création du Centre Pompidou Metz ne s'accompagne pas d'un amoindrissement de la politique des prêts et dépôts à l'égard des musées en région.
La politique des dépôts, que l'on peut intensifier, peut être aussi l'occasion de valoriser et favoriser des expériences innovantes en termes de médiation, de rencontre de nouveaux publics, mais aussi de sorties en dehors des musées. On peut envisager une plus grande conditionnalité des dépôts à une politique active en direction des publics.
Enfin, on constate que la politique des dépôts reste le fait exclusif des chefs d'établissement des musées nationaux ou du fonds national d'art contemporain, et ne fait pas l'objet d'une impulsion nationale, coordonnée. On pourrait imaginer qu'il existe un échelon d'impulsion et de synthèse au niveau national.
Le deuxième axe de la mission, relatif aux expériences nouvelles, appelle quatre développements :
- les auteurs de la décentralisation sont des grands musées nationaux : le Louvre à Lens, le Château de Versailles à Arras et le Centre Pompidou à Metz. Il faut analyser et évaluer cette politique dont on connaît le succès en termes de fréquentation ;
- l'opération « un jour, une oeuvre » que le Centre Pompidou a engagée pour les communes de l'Ile-de-France, permet aujourd'hui avec un simple camion d'exposer une oeuvre pendant une journée, sans avoir à gérer les contraintes habituelles de conservation et de gardiennage compte tenu de la courte durée d'exposition. Cette expérience vise en priorité les publics individuels et donc les lieux hors établissements scolaires. Elle permet à l'artiste, épaulé par un historien d'art, de présenter son oeuvre. Elle a été prolongée dans les établissements pénitentiaires d'Osny et Melun selon les mêmes principes ;
- le CPM est prévu pour une durée de trois mois dans des conditions de conservations précises. La structure mobile réalisée avec Patrick Bouchain permet de rassembler ces conditions dans un lieu d'exposition dans lequel un public peu familier des musées peut découvrir une quinzaine d'oeuvres. Les partenaires sont les régions et les communes. J'ajoute que le dispositif au coeur du CPM est une cimaise climatisée qui permet, dans de bonnes conditions de conservation, une excellente vision des oeuvres. Il peut être dissocié de la tente du CPM et pourrait donc être utilisé dans d'autres lieux comme des monuments historiques, des espaces commerciaux ou industriels, pour des durées allant de trois mois à quelques années. Cela pourrait constituer une formule intermédiaire entre le CPM et les antennes permanentes des grands musées nationaux.