La commission auditionne M. Alain Seban, président du Centre national d'art et de culture (CNAC) Georges-Pompidou, sur la mission qui lui a été confiée sur l'amélioration de la diffusion des oeuvres conservées dans les musées et autres institutions culturelles.
Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui M. Alain Seban, président du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou, et Mme Agnès Saal, directrice générale.
Lors de votre dernière audition le 17 avril 2012, monsieur le président, vous nous aviez présenté le projet du Centre Pompidou mobile (CPM), qui depuis a connu un grand succès en termes de fréquentation. Aujourd'hui, il est toujours question de la diffusion des oeuvres d'art mais dans une perspective plus large. En effet, la ministre de la culture et de la communication vous a très récemment confié une mission exploratoire relatives aux voies et moyens d'une amplification de la politique actuelle de diffusion des oeuvres, non seulement dans les musées et institutions culturelles, mais aussi dans d'autres lieux publics tels que les mairies, les écoles ou encore les salles communales. Selon la lettre de mission, il s'agit de « Rapprocher les oeuvres d'un public qui, quelle qu'en soit la raison, ne se déplace pas pour les voir ».
La ministre vous a notamment demandé de porter une attention toute particulière à l'évaluation des dispositifs actuels, aux dimensions de sûreté et de protection du patrimoine, et, enfin, au coût et aux sources de financement de la politique nouvelle que vous proposerez en la matière.
Vos conclusions sont attendues à la fin du mois d'avril. Aussi avez-vous suggéré de venir rencontrer les membres de notre commission pour échanger autour du thème de votre mission, la diffusion des oeuvres d'art, qui nous préoccupe également.
J'ajoute que cette réflexion ne peut passer sous silence l'examen en cours du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école, qui est l'occasion de repenser les modalités de l'éducation artistique et culturelle. Notre rapporteure, Mme Françoise Cartron, est actuellement retenue par les auditions qu'elle a engagées sur ce texte.
En son absence, je crois pouvoir traduire le sentiment général qui nous anime : comment assurer l'égalité d'accès de tous les jeunes aux oeuvres d'art, dans le cadre des projets éducatifs territoriaux ?
Je vous laisse la parole, monsieur le président, pour une rapide présentation de vos travaux en cours, puis les sénateurs de la commission qui le souhaitent pourront vous interroger ou réagir à vos propos.
Je vous remercie d'avoir accepté cet échange qui s'inscrit dans une démarche peut-être inhabituelle puisque nous en sommes aux débuts des travaux pour la mission que la ministre m'a confiée. Elle vise, comme vous l'avez rappelé, à explorer les voies et moyens d'une amplification de la politique de diffusion des oeuvres des collections publiques sur le territoire national.
Nous nous étions effectivement présentés devant vous alors que le Centre Pompidou mobile n'était qu'une simple idée et vous l'aviez accueilli avec enthousiasme. L'appui de votre commission a été déterminant pour nous permettre de concrétiser ce projet. On connaît aujourd'hui le succès du CPM en matière de fréquentation avec 180 000 visiteurs lors des quatre premières étapes. En outre, 35 % de ces visiteurs sont issus de la catégorie socio-professionnelle « CSP- », regroupant les ouvriers et les employés, contre 14 % au Centre Pompidou à Paris. Nous sommes actuellement au Havre où les premières indications confirment une amplification de cette tendance.
Dans le cadre de la mission confiée par la ministre, il nous a semblé très important de tenir compte de la dimension territoriale, compte tenu du nécessaire partenariat entre l'État et les différents niveaux de collectivités territoriales. C'est pourquoi il nous paraissait nécessaire d'avoir ce temps d'échange avec la commission de la culture du Sénat qui assure la représentation des collectivités territoriales de la République.
La lettre de mission en date du 4 février 2013 envisage deux dimensions distinctes et complémentaires :
- les dépôts et prêts à l'égard des institutions muséographiques ;
- les expériences et initiatives qui permettent une diffusion des oeuvres en dehors des musées.
Cette double dimension doit permettre à la fois de valoriser les collections nationales en évitant que les oeuvres ne dorment dans des réserves, et d'élargir les publics. En effet, elles doivent être partagées avec tous, elles appartiennent à tous les citoyens.
D'après les statistiques disponibles, un tiers des Français n'est jamais allé dans un musée et 50 % ne sont jamais entrés dans un musée de Beaux Arts. Cette considération a d'ailleurs été déterminante pour la création du CPM.
En ce qui concerne le premier enjeu, celui des dépôts dans les musées existants, je rappelle qu'il s'agit d'une politique très ancienne qui remonte aux attributions révolutionnaires, et concomitante de la création du Museum, ancêtre de l'ensemble des musées nationaux. Elle n'a cessé de se poursuivre et de s'intensifier. Elle est particulièrement active au Centre Pompidou et d'ailleurs je m'étais engagé à ce que la création du Centre Pompidou Metz ne s'accompagne pas d'un amoindrissement de la politique des prêts et dépôts à l'égard des musées en région.
La politique des dépôts, que l'on peut intensifier, peut être aussi l'occasion de valoriser et favoriser des expériences innovantes en termes de médiation, de rencontre de nouveaux publics, mais aussi de sorties en dehors des musées. On peut envisager une plus grande conditionnalité des dépôts à une politique active en direction des publics.
Enfin, on constate que la politique des dépôts reste le fait exclusif des chefs d'établissement des musées nationaux ou du fonds national d'art contemporain, et ne fait pas l'objet d'une impulsion nationale, coordonnée. On pourrait imaginer qu'il existe un échelon d'impulsion et de synthèse au niveau national.
Le deuxième axe de la mission, relatif aux expériences nouvelles, appelle quatre développements :
- les auteurs de la décentralisation sont des grands musées nationaux : le Louvre à Lens, le Château de Versailles à Arras et le Centre Pompidou à Metz. Il faut analyser et évaluer cette politique dont on connaît le succès en termes de fréquentation ;
- l'opération « un jour, une oeuvre » que le Centre Pompidou a engagée pour les communes de l'Ile-de-France, permet aujourd'hui avec un simple camion d'exposer une oeuvre pendant une journée, sans avoir à gérer les contraintes habituelles de conservation et de gardiennage compte tenu de la courte durée d'exposition. Cette expérience vise en priorité les publics individuels et donc les lieux hors établissements scolaires. Elle permet à l'artiste, épaulé par un historien d'art, de présenter son oeuvre. Elle a été prolongée dans les établissements pénitentiaires d'Osny et Melun selon les mêmes principes ;
- le CPM est prévu pour une durée de trois mois dans des conditions de conservations précises. La structure mobile réalisée avec Patrick Bouchain permet de rassembler ces conditions dans un lieu d'exposition dans lequel un public peu familier des musées peut découvrir une quinzaine d'oeuvres. Les partenaires sont les régions et les communes. J'ajoute que le dispositif au coeur du CPM est une cimaise climatisée qui permet, dans de bonnes conditions de conservation, une excellente vision des oeuvres. Il peut être dissocié de la tente du CPM et pourrait donc être utilisé dans d'autres lieux comme des monuments historiques, des espaces commerciaux ou industriels, pour des durées allant de trois mois à quelques années. Cela pourrait constituer une formule intermédiaire entre le CPM et les antennes permanentes des grands musées nationaux.
Je vous remercie de venir nous rencontrer. Vous êtes dans une posture qui n'est pas conclusive et je vous remercie de considérer la commission de la culture du Sénat comme un de vos interlocuteurs dans le cadre de votre mission. Je voudrai vous dire tout l'intérêt que l'on porte à cette perspective qui a été inscrite dans le contexte budgétaire que nous connaissons. J'ai pu l'identifier comme rapporteur du budget de la direction générale des patrimoines. L'exercice budgétaire en cours est marqué par une réduction sensible des crédits alloués à l'acquisition des oeuvres. Cette décision est douloureuse et nous l'espérons conjoncturelle mais la ministre a tenu à l'inscrire dans une perspective d'amélioration de l'accessibilité aux oeuvres car nos établissements culturels disposent de collections importantes. Se pose alors la question de l'accès à ces collections patrimoniales qui est essentielle dès lors que l'on ralentit l'extension desdites collections.
Vous avez évoquez plusieurs dispositifs existants. Il y a deux grandes catégories : les dépôts et les prêts. Si les prêts sont régulés selon des modalités arrêtées par les professionnels de longue date. C'est moins vrai pour les dépôts sur lesquels la doctrine et la coordination de la politique conduite par les différents établissements en la matière trouveraient à dynamiser ses possibilités. Je suis toujours frappé par la part des collections qui sont dans les réserves. Je préférerai que l'on crée des mètres carrés de musées que des mètres carrés de dépôts.
Il ne faut pas perdre de vue une autre grande mission de nos établissements culturels : la conservation et la préservation des oeuvres et des collections. Je pense que rendre l'oeuvre accessible ne gêne en aucun cas la connaissance scientifique de l'oeuvre mais il faut qu'elle soit bien conservée pour assurer sa pérennité.
On est très intéressé par l'ensemble de ces dispositifs et de leur dynamisation. Nous observons avec beaucoup d'intérêt le concept du Centre Georges Pompidou Mobile et celui d'« un jour, une oeuvre ». Ces initiatives sont-elles reproductibles ou bien d'autres établissements peuvent-ils imaginer des dispositifs qui leur sont propres ? Vous travaillez sur des oeuvres contemporaines, d'autres établissements ont des collections plus patrimoniales. Les problématiques peuvent être différentes, y compris du point de vue de la conservation. Les oeuvres qui ont une longue histoire nécessitent une plus grande vigilance pour leur conservation, mais toutes ont pour vocation de rencontrer le public.
Nous sommes heureux de vous retrouver après vous avoir entendu lors du démarrage de vos projets de décentralisation qui correspondaient à une vraie attente. La mission qui vous est confiée est une vraie problématique. Vous avez évoqué des chiffres significatifs. Dans les territoires, on vit cette difficulté de conquérir de nouveaux publics, et nous souhaitons que l'institution muséale se démocratise davantage. L'objet de votre mission est tout à fait essentiel.
J'en viens à mes questions.
Concernant l'amélioration de la mise à disposition des oeuvres dans un souci de décentralisation et de déconcentration de nos institutions parisiennes, une fois les oeuvres installées, comment convaincre les publics de s'y rendre et comment provoquer le désir de fréquenter ces lieux ?
Comment travaillez-vous avec les collectivités territoriales, sont-elles partenaires ou clients ? Avez-vous rencontré les représentants de l'association des maires de France (AMF) et comment s'engage cette réflexion ?
Quand on parle de l'amélioration de la diffusion, c'est aussi évoquer la question de l'accessibilité des handicapés. Est-ce que cela a été pris en compte ?
Comment améliorer cette diffusion en utilisant les outils du numérique ? Vous avez été l'initiateur d'un tel projet, est-il possible de l'étendre à d'autres collectivités ?
Enfin, je m'interroge sur la diffusion des oeuvres à l'international. Cela mérite également une réflexion.
Je souhaite vous faire part de plusieurs remarques. Le dynamisme du Centre Georges Pompidou sera certainement un atout dans votre mission.
La question du partenariat avec les collectivités locales a été évoquée par ma collègue Catherine Morin-Desailly, mais qu'en est-il du partenariat avec l'éducation nationale ?
Il faudra être vigilant sur l'évolution des budgets. Les demandes d'effort ne doivent pas venir contredire toute cette belle ambition de promotion de la culture de façon générale pour gagner de nouveaux publics.
Par ailleurs, je préside la délégation aux droits des femmes qui va engager cette année une réflexion sur l'accès des femmes aux postes de direction. Avez-vous des éléments sur cette question ?
Comment intégrer, dans votre démarche et dans votre réflexion, la dimension patrimoniale, artistique et historique d'une oeuvre ? J'évoque ici son parcours, son histoire, ses conditions de production, ses conditions de transmission... Je fais évidemment référence aux tableaux ayant un passé douteux. Même si cela représente un nombre infime d'oeuvres, ce sujet reste très sensible.
Je ne peux m'empêcher de faire le rapprochement avec le spectacle vivant. Vous êtes hors les murs avec une volonté d'aller vers le public et de le faire venir, et de la même manière, se pose la question de la diffusion à l'internationale.
Par ailleurs, il ne faudrait pas oublier le département dans vos liens avec les collectivités territoriales.
Enfin, avez-vous un bilan des actions menées dans les maisons pénitentiaires ?
En complément de l'intervention de Catherine Morin-Desailly sur la décentralisation des oeuvres, les actions importantes sont issues d'une forte demande des régions comme pour Pompidou-Metz et le Louvre-Lens. C'est un grand progrès et c'est une prise en compte d'une forte attente du public. Je suis intéressé par votre suggestion de trouver une solution intermédiaire entre les grandes implantations et le concept d'« un jour, une oeuvre » limité à l'Ile-de-France. Je suis favorable à une solution intermédiaire que l'on pourrait prolonger dans les régions situées à plus de 200 ou 300 kilomètres de Paris.
Avez-vous plus d'informations sur vos quatre expériences de Centre Pompidou mobile qui ont accueilli quelques 180 000 personnes ? Êtes vous satisfait de cette expérience et va-t-elle se prolonger ?
Enfin, ma dernière question portera sur le partenariat avec le privé, le mécénat. Dans un contexte de diminution des fonds publics, peut-on envisager d'ouvrir davantage une contribution partenariale avec de grandes entreprises locales ?
Je souscris aux orientations définies par la ministre, en particulier sur l'amélioration de la diffusion et la circulation des oeuvres d'art sur le territoire et notamment en outre-mer. Ma première observation porte sur la stratégie de pénétration dans les écoles. Qu'en est-il ? Vous avez été un avant-gardiste concernant la numérisation des oeuvres d'art et de leur diffusion. Y aura-t-il une rupture dans cette politique menée par le Centre Pompidou ou bien cela viendra-t-il en complément de ces nouvelles orientations ? Enfin, un plan de financement public est-il prévu pour diminuer les inégalités du territoire ou bien allez vous faire appel au mécénat pour favoriser la diffusion ? Je m'associe également aux questions sur l'international, ne serait-ce que d'un point de vue opérationnel.
J'ai une question à rajouter. J'ai été frappé lors des dernières rencontres d'Avignon, par une démonstration utilisant le numérique et les possibilités de concevoir la mise en place d'expositions virtuelles. Quelle est l'utilisation de cette technologie ? Est-ce que cela donne envie d'aller voir l'oeuvre originale ?
Je vous remercie pour l'intérêt manifeste que vous portez à ce sujet de la diffusion des oeuvres. Je vais répondre en abordant successivement les trois grands thèmes de vos questions : les partenaires, les publics et les moyens.
Plusieurs types de partenaires sont à prendre en compte, tant pour le Centre Pompidou que dans le cadre de la mission confiée par la ministre :
- la question fondamentale du rôle des collectivités territoriales a été soulevée et, pour répondre à Mme Catherine Morin-Desailly, les collectivités sont incontestablement des partenaires. Pour chaque projet, l'échange et le dialogue sont absolument nécessaires avec les collectivités de tous niveaux et nous sommes tous mobilisés pour des durées longues, avec les antennes de Lens, Metz ou Arras, ou pour des durées plus courtes qu'il s'agisse du CPM ou de l'opération « un jour, une oeuvre ». La diffusion des oeuvres patrimoniales représente un impératif politique, social et économique qui ne peut donc se concevoir sans les collectivités, elles-mêmes responsables de la gestion d'un territoire. Ce sont donc des partenaires indispensables pour toute politique de diffusion, comme d'ailleurs pour le spectacle vivant auquel Mme Maryvonne Blondin faisait allusion ;
- parmi les autres partenaires figurent évidemment les entreprises - via le mécénat ou d'autres types de partenariat - avec lesquelles nous avons des échanges très positifs. Elles trouvent un intérêt direct, propre, dans les expériences proposées pour les nouveaux publics. Il existe d'ailleurs une double échelle de mécénat avec, d'une part, les grands mécènes nationaux et, d'autre part, les petites et moyennes entreprises, voire les grandes, implantées territorialement. Ces dernières favorisent l'identification de moyens financiers nouveaux, autour de projets territoriaux, pour les institutions et les collectivités. A nous de trouver les moyens de les convaincre ;
- les partenaires étrangers constituent des interlocuteurs essentiels pour le rayonnement international des collections publiques mais aussi de l'expertise, du savoir-faire, du savoir scientifique de nos musées. Pour les grandes institutions patrimoniales, ces partenaires étrangers sont une manière de diffuser la culture, l'image, la marque de la France. Au-delà des expositions, nous sommes convaincus qu'il existe des champs nouveaux en matière d'expertise et d'ingénierie pour les pays émergents qui souhaitent concevoir des lieux culturels et des parcours de médiation pour des publics novices. Ce sont de nouveaux territoires à conquérir.
Les publics constituent la clé de toute politique, au-delà de la diffusion. Seule une démarche de médiation est capable d'accompagner les publics vers des oeuvres afin qu'ils s'approprient un patrimoine qui est le leur. Des questions ont été soulevées sur les femmes, les personnes handicapées, les détenus. Je souhaite simplement vous apporter les éléments d'information suivants :
- au CPM, nous avons prévu des parcours scénarisés, y compris pour les publics en situation de handicap, physique, visuel ou mental. Ce dialogue fonctionne très bien. Les expériences décentralisées montrent que la médiation permet de n'exclure personne ;
- l'expérience du Centre Pompidou avec des maisons d'arrêt a permis de réunir à chaque fois environ 50 détenus et l'artiste, toujours très impliqué. L'inscription à ces présentations se fait sur une base volontaire et fait l'objet d'un travail de préparation très en amont, avec les associations présentes sur le territoire. Chaque rencontre a permis, pendant trois heures, de favoriser des échanges d'une grande richesse. Ce dispositif pourrait être étendu à d'autres publics présentant des caractéristiques particulières ;
- les expériences « un jour, une oeuvre » ont permis de toucher des publics inhabituels, avec des expositions au centre commercial de Cergy Pontoise ou aux Mureaux. A chaque fois, les personnes présentes ont pris le temps d'échanger avec l'artiste, de contempler l'oeuvre.
Enfin, en ce qui concerne les moyens, je veux souligner l'apport du numérique. Si rien ne remplace le contact avec l'oeuvre originale, en revanche tout doit être fait pour accroître les connaissances et améliorer l'environnement documentaire. Cela ne peut que favoriser les échanges directs entre le public et les oeuvres.
Un tiers des Français ne vont jamais dans un musée. Il faut que cela s'améliore de façon significative par un travail approfondi dans le temps consacré à l'éducation nationale et dans le temps péri scolaire. Les acteurs locaux doivent également s'impliquer plus fortement et les résultats devraient progresser rapidement.
Il y a eu des initiatives symboliques en matière de décentralisation culturelle. Qu'est-ce qui a été déterminant dans ce type de réalisation, quels sont les éléments déclencheurs : le volontarisme politique des collectivités, le choix des thématiques, l'opportunité, la programmation ... ?
Les antennes qui existent aujourd'hui sont le fruit d'initiatives isolées. Mon prédécesseur, Jean-Jacques Aillagon, avait souhaité diffuser plus largement nos collections, une grande partie de celles-ci se situant dans les réserves, 2 000 oeuvres sur 74 000 étant exposées. Il avait décidé de s'inscrire dans un partenariat avec les collectivités territoriales pour devenir un acteur de la décentralisation culturelle et non plus un simple spectateur.
Cette initiative de Jean-Jacques Aillagon a donné lieu à des échanges avec certaines collectivités locales désireuses de souscrire au cahier des charges, la collectivité d'accueil prenant en charge les frais d'investissements et de fonctionnement, le Centre Pompidou apportant son savoir-faire, son nom, sa collection...
Les discussions se sont concentrées sur un petit nombre de collectivités locales aux termes desquelles le choix s'est porté sur Metz. Le même schéma s'est reproduit à Lens et à Arras. Il faut voir ces trois initiatives comme des laboratoires pas forcément reproductibles, ne serait-ce que pour des raisons financières évidentes. Le Centre Pompidou Metz, c'est 72 millions d'euros d'investissement et un budget de fonctionnement de 10 millions d'euros assumé par les collectivités territoriales. Les temps ont changé.
Pour nous, le Centre Pompidou Metz, c'est un laboratoire de format d'exposition nouveau, d'une nouvelle relation avec les publics. Il a fallu apprendre à travailler avec les collectivités territoriales. Maintenant, il faut tirer les leçons de ces expériences pour aller vers de nouvelles initiatives comme le Centre Pompidou mobile. Il est nécessaire de ne pas limiter notre action à Metz et d'irriguer davantage le territoire national, d'imaginer de nouvelles initiatives. Par ailleurs, ces nouvelles formes d'exposition n'ont pas forcément vocation à la pérennité.
S'agissant du Centre Pompidou mobile, il est financé par le mécénat pour l'essentiel et sa poursuite est subordonnée au recueil de mécénats nouveaux, qui s'annonce, d'ores et déjà, difficile. Nous en tirerons des leçons. Cela nous a permis de concevoir de nouveaux dispositifs de présentation des oeuvres, de tester de nouvelles modalités de médiation. Si cette opération doit s'interrompre, elle se réincarnera d'une autre manière. Les nouvelles expériences sont essentiellement liées au mécénat. Par ailleurs, ces dispositifs répondent à des normes de conservation particulièrement exigeantes. C'est fondamental.
Ces initiatives sont aussi observées à l'étranger. La dimension internationale est fondamentale et le Centre Pompidou mobile va faire école en Arabie Saoudite. C'est une terre de mission pour amener au musée des publics qui sont peu familiers de ce type de lieux.
L'international est également une source de financement. Quand on parle de valoriser nos collections nationales, il ne faut pas être timide, cette valorisation est également financière. Les grands musées nationaux présentent des expositions « hors les murs » qui sont un moyen de pénétrer des territoires nouveaux et d'attirer un large public. En 2012, les expositions à l'étranger du Centre Pompidou ont attiré 800 000 visiteurs et généré des revenus de l'ordre de 3,2 millions d'euros, soit 10 % de nos recettes propres.
Dans bien des cas, si notre base budgétaire est préservée, ces revenus doivent permettre de financer notre développement territorial. Il en a été ainsi de l'exposition Chagall, en 2011, à Grenoble, financée par les expositions de Tokyo et de Toronto.
De la même manière, j'ai évoqué l'idée de centres Pompidou provisoires dans des structures existantes pour éviter des investissements immobiliers lourds. Cette formule peut être un élément intéressant d'un développement décentralisé plus large et plus approfondi de l'institution. Il peut aussi devenir un élément important d'une stratégie internationale en permettant une implantation dans des territoires comme la Chine, le Brésil ou l'Inde. L'art est mondial.
Le numérique a été évoqué par plusieurs d'entre vous. La copie ne remplacera jamais l'original. L'idée du Centre Pompidou virtuel est une nouvelle plateforme de diffusion des oeuvres et des connaissances. C'est également un outil fondamental qui créé le désir, prépare la venue de l'oeuvre, laisse entrevoir la possibilité de réconcilier l'approche sensible et l'approche savante en donnant son contexte historique. Une collection, c'est aussi l'histoire de cette collection.
Créer le désir, c'est l'enjeu essentiel : la dimension événementielle, l'école, l'éducation artistique... sont des moyens de créer ce désir. Mais on ne pas se reposer uniquement sur l'école, il faut s'appuyer sur un réseau beaucoup plus large comprenant les associations, la famille...