Je ne voterai pas cet amendement parce qu’il me semble que ce projet de loi n’est pas le bon véhicule pour modifier le scrutin municipal. Toutefois, je tiens à dire que Mme Lipietz soulève là une vraie question.
La loi relative à l’élection des conseillers municipaux a été une très bonne loi, mais elle commence à dater ! Elle a permis, notamment, de mettre en œuvre la parité et de donner une place à l’opposition au sein des conseils municipaux.
Attardons-nous quelques instants sur la question des oppositions municipales. Par exemple, le chef-lieu de mon département, Lille, compte 61 conseillers municipaux. Supposons que la liste arrivée en tête l’emporte avec 50, 01 % des suffrages, les autres listes se partageant les 49, 99 % restants : la liste arrivée en tête obtiendra ainsi 47 sièges sur 61, soit près de 80 % des sièges. L’opposition se trouve dans une situation infernale, car les conseillers des différentes listes d’opposition n’ont même pas la possibilité de siéger dans chacune des commissions ! À l’extrême limite, le fait d’être membre du conseil municipal peut finir par les desservir vis-à-vis de la population !
Il faudra s’interroger, à moment ou un autre, sur le point de savoir s’il est vraiment indispensable d’accorder plus de 75 % des sièges dans tous les cas pour gérer les affaires communales. En effet, Mme Lipietz a été très modérée dans son appréciation, en évaluant la prime majoritaire à 50 % des sièges, car la situation est bien pire en réalité : la loi accorde à la liste majoritaire une première moitié des sièges et plus de 50 % des sièges de l’autre moitié.
J’ajoute enfin que d’autres initiatives prises pour améliorer la situation de l’opposition ont fini par se retourner contre elle. Par exemple, la loi relative à la démocratie de proximité a donné à l’opposition la possibilité d’émettre un avis en lui accordant une tribune dans le bulletin municipal. Cette mesure, qui donnait théoriquement la parole à l’opposition, a été tournée dans la pratique parce qu’on fait généralement de la place à tous les groupes, avec une répartition de l’espace en fonction de leur effectif. Autrement dit, un avantage a encore été accordé aux groupes majoritaires, au détriment de l’opposition !