Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 24 janvier 2010, les Martiniquais se sont prononcés par référendum en faveur de la création d’une collectivité unique. La loi du 27 juillet 2011, adoptée à la suite de cette consultation, a permis la constitution d’une commission tripartite composée de représentants de la préfecture, de la région et du département, commission chargée de la bonne conduite des travaux de fusion entre les deux collectivités.
Initialement, la loi du 27 juillet 2011 prévoyait d’aligner la création des collectivités uniques de Martinique et de Guyane sur le calendrier des élections régionales, prévues pour 2014.
Toutefois, la complexité de la fusion des deux administrations et de leurs personnels s’est révélée plus difficile qu’on ne pouvait l’imaginer, nécessitant notamment des études plus pointues. C’est d’ailleurs à cette tâche, ainsi qu’à la mutualisation des services, que travaillent actuellement les deux exécutifs martiniquais dans le cadre de la commission ad hoc réunissant les élus de la région et du département.
Au regard de la lourdeur objective de cette opération sensible et de l’avancement des travaux préparatoires relatifs à l’installation de la collectivité unique de Martinique, l’échéance de 2014 ne peut raisonnablement pas être tenue.
Étant donné l’importance de ce grand projet politique de développement pour la Martinique, nous ne pouvons pas courir le risque d’un échec : les Martiniquais ne nous le pardonneraient pas, et ils auraient raison !
À mon sens, il ne faut donc pas regretter que, dans le cadre de la réforme territoriale décidée par le Président de la République, la mise en place de la collectivité de Martinique soit alignée sur la modification des agendas électoraux retenus au niveau national, laquelle est prévue pour 2015.
En effet, ce délai supplémentaire permettra à la commission ad hoc de travailler dans des conditions plus sereines à la refonte de tous les services – aussi bien administratifs que techniques – de la région et du département.
Pour mémoire, je rappelle que cette fusion concerne non seulement les patrimoines bâti et routier, très importants, mais aussi des moyens financiers à hauteur de 1 milliard d’euros, sans oublier la finalisation des grands projets opérationnels – gestion des sociétés anonymes d’économie mixte du Galion, abattoir départemental, équipements sportifs, lycées et collèges, transport collectif en site propre, etc. – et les projets de fond, notamment pour ce qui concerne les systèmes informatiques ou l’organisation financière et comptable.
Par ailleurs, je souligne que la commission travaille en étroite collaboration avec nous - quelques élus martiniquais -, et avec les syndicats des personnels, qui sont très attentifs au devenir d’agents plutôt inquiets. Je rappelle que le département compte 2 200 agents, et la région 1 200.
J’avoue ne pas comprendre les cris d’orfraie que j’entends au sujet du report des élections en Martinique de 2014 à 2015. J’analyse ces manifestations d’opposition comme des manœuvres politiciennes servant des intérêts électoralistes.
En effet, ceux qui veulent aller vite ne pensent qu’au succès personnel de leur liste. On construit le pont, la rivière viendra après ! On fait l’élection de suite, on organisera après…
Malheureusement, de semblables préoccupations ne se fondent pas sur l’intérêt général de la Martinique ou sur le respect du choix qu’ont manifesté les Martiniquais en faveur d’une collectivité de droit commun : elles ne traduisent qu’un simple désir de revanche.
Pour ma part, la différence que je défends est de nature pragmatique : elle correspond mieux aux attentes des électeurs, qui portent davantage sur le fond que sur la forme ou des questions de date. Dans ce cas, pourrait-on me rétorquer, pourquoi ne pas reporter les élections de dix ans ? Mais que représentent quelques mois de plus, quand on veut se donner toutes les chances de réussir cette fusion ?
Ainsi, la seule exigence d’un calendrier différencié n’a, à mon sens, aucun intérêt. Ne soyons pas frileux, ne nous limitons pas à des arguties politiques : a contrario, attachons-nous à prendre le temps de la réussite. C’est d’ailleurs ce que le peuple martiniquais attend de nous.
En conclusion, disons « oui » à des élections en 2015, conformément aux délibérations respectives des deux assemblées martiniquaises, en date du 22 novembre 2012 pour le conseil régional et du 13 décembre 2012 pour le conseil général. Je précise que, comme dans le cas des deux assemblées guyanaises, ces votes ont été acquis à une très forte majorité.
J’espère que mes arguments auront découragé les auteurs des amendements déposés sur le présent article. À cet égard, je me plais à citer un grand homme de chez nous, le docteur Pierre Aliker. Premier adjoint d’Aimé Césaire pendant quarante-cinq ans, aujourd’hui âgé de cent six ans, celui-ci a coutume de dire que les meilleurs spécialistes des affaires martiniquaises sont les Martiniquais eux-mêmes !