Toutefois, il n’en demeure pas moins que la réforme que vous nous proposez est la plus dure de toutes celles qui ont été mises en place dans l’Union européenne. Alors que les autres pays ont fait bouger un, voire deux curseurs à la fois, vous en déplacez trois ou quatre en même temps ! Je le répète, vous agissez en quelque sorte à la hussarde.
Cela dit, pour en revenir à la France, la question est de savoir comment y aménager le système des retraites pour qu’il soit juste et protège celles et ceux qui ont commencé à travailler à 16 ans, 17 ans ou 20 ans, c’est-à-dire, par rapport à l’âge final de la retraite envisagé, depuis longtemps.
Avant d’évoquer mon dernier point de désaccord avec vous, monsieur le ministre, je tiens à souligner également que, si cette réforme est injuste, c’est en grande partie parce qu’elle ne soulève ni ne résout le problème de la répartition de la richesse créée collectivement et de la valeur ajoutée. Les revenus salariaux, les revenus du travail mais aussi ceux qui sont issus des retraites doivent avoir leur juste part dans la répartition des richesses créées et de la valeur ajoutée.
En effet, il ne faut jamais oublier – ce point est primordial – que, pour les salariés, la retraite n’est rien d’autre qu’un salaire différé. Ce n’est pas un OVNI, un élément qui viendrait s’ajouter de l’extérieur ! C’est pourquoi toute réforme des retraites doit s’inscrire dans le cadre plus général d’une réflexion sur la politique des revenus. Il faut absolument la situer sur ce plan, et vous ne le faites pas.
Il est vrai, j’en conviens, qu’un nouveau partage de la valeur ajoutée est une question délicate. De même pour une nouvelle répartition des richesses dans le temps. Le vrai problème, cependant, est de savoir quels écarts on estime tolérables, ou non, dans une société où le pacte républicain est important !
Nous savons bien que le partage de la valeur ajoutée ne s’est pas fait à l’avantage des salaires. Or, dans le système actuel, on comprime davantage encore la part réservée à ces derniers, réduisant d’autant la possibilité de financer correctement les retraites, a fortiori dans une société où le plein-emploi est loin d’être réalisé, vous le savez. Toutefois, vous voulez une « réforme minute », un « résultat minute ».
C’est d’autant plus regrettable que les Français sont prêts. Oui, tous ont compris qu’il fallait réformer les retraites ! Ils ne sont d’ailleurs pas descendus dans la rue aussi nombreux que vous pouviez le craindre, parce qu’ils savent, tout comme moi, que vous avez partiellement raison, monsieur le ministre.