Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après vous avoir fourni quelques indications sur le résultat auquel la commission mixte paritaire est parvenue, je vous livrerai, pour clore ma dernière intervention pour l'année 2004 dans le cycle budgétaire, quelques considérations de méthode afin que nous puissions prendre ensemble, si cela est possible, de bonnes résolutions pour 2005.
Je rappellerai tout d'abord que ce texte, tel qu'il avait été approuvé par le conseil des ministres, pouvait déjà être considéré comme un « gros collectif », dans la mesure où il contenait soixante articles.
L'Assemblée nationale l'a enrichi de quarante-deux articles supplémentaires et le Sénat n'a pas non plus été en reste puisqu'il y a ajouté trente-neuf articles. Le bicamérisme est donc équilibré !
Nous savons bien, mes chers collègues, au-delà de ces indications numériques, que nous parvenons aux limites de l'exercice : l'examen d'autant de dispositions hétérogènes en si peu de temps relève de la gageure !
Nous nous sommes efforcés d'accomplir notre travail parlementaire aussi bien que possible et, s'il devait rester encore quelques scories au-delà des examens de ce texte par les deux assemblées et par la commission mixte paritaire, il ne faudrait pas que l'on nous en tienne trop rigueur.
La commission mixte paritaire a traité de l'ensemble des articles sur lesquels subsistait encore un désaccord. Elle a notamment validé la mesure phare de ce collectif, due à l'initiative parlementaire - et plus spécialement à la commission des finances du Sénat -, à savoir la réforme du régime fiscal des plus-values à long terme sur les cessions de participation.
Cette innovation, dont nous avons déjà amplement parlé dans cet hémicycle, est tout à fait emblématique, monsieur le ministre, de ce qu'une approche commune au Parlement et au Gouvernement peut donner. Nous avons ainsi bénéficié de la pleine participation des services de votre ministère pour construire le cadre d'une réflexion soucieuse du moyen et du long terme.
La plupart des grands pays européens avaient déjà supprimé cette taxation des plus-values de participation et le risque était grand de voir se poursuivre l'hémorragie des sièges sociaux et des holdings de tête de groupe au bénéfice d'autres places européennes, par exemple celle des Pays-Bas.
Cette situation ne pouvait pas durer et la présente réforme vient à point nommé pour remettre la France dans la course et faciliter le développement des grandes entreprises, dont dépend pour une part le dynamisme de notre économie.
Tout en ayant souligné l'importance de cet apport à la législation fiscale, je rappellerai quelques-unes des mesures - moins emblématiques, moins structurelles, mais néanmoins significatives - auxquelles la commission mixte paritaire a souscrit et pour lesquelles les députés ont bien voulu adhérer à nos positions de premières lectures.
Il s'agit, par exemple, de l'exonération de taxe sur le foncier bâti pour les entreprises réalisant des immeubles pour le compte de l'Etat dans le cadre des partenariats public-privé, partenariats que nous encourageons ainsi encore un peu plus.
Il s'agit également de l'aménagement des nouveaux pouvoirs des agents des douanes, dans un sens conforme tout à la fois à la réalité d'aujourd'hui de cette administration et à notre tradition en matière de libertés publiques.
Il s'agit encore des conditions d'accès des communes au registre de l'enregistrement pour mieux situer les biens vacants.
Il s'agit aussi de modifications destinées à faciliter la cession et la reconversion de biens domaniaux issus du ministère de la défense, qui peuvent permettre la réalisation d'opérations d'aménagement urbain et la création de logements.
Il s'agit toujours, à la suite des initiatives prises par la commission des finances l'an dernier, de poursuivre la clarification du régime de commercialité des immeubles cédés par l'Etat dans les grandes villes.
Ont également été retenues les initiatives de certains de nos collègues, en particulier d'Alain Lambert, pour prendre en compte dans le calcul des droits de succession la dépréciation de la valeur d'une entreprise consécutive à la disparition de son dirigeant.
Il s'agit encore du dispositif tendant, pour répondre au souci exprimé par les députés dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2005, à définir la réduction de la valeur locative minimale au regard de la taxe professionnelle applicable aux actifs cédés par une entreprise en redressement judiciaire.
Il s'agit, sur une proposition de notre collègue Dominique Leclerc, d'étendre aux fonctionnaires de sexe masculin la possibilité de partir en retraite de manière anticipée lorsqu'ils ont eu trois enfants et, par conséquent, d'aligner la situation des hommes sur celle des femmes.
Il s'agit enfin, dans une rédaction très proche de celle du Sénat, monsieur le ministre, d'octroyer la personnalité morale et l'autonomie financière à la commission de régulation de l'énergie.
Au chapitre des quelques petites, ou provisoires, déceptions que les sénateurs ont pu éprouver - mais, dans une négociation, les uns et les autres ne doivent-ils pas se rapprocher ? -, il me faut citer le fait que la commission de régulation de l'énergie n'a pas encore de ressources autonomes. Cependant, nous y travaillerons au cours de l'année 2005, dans le souci de l'indépendance de cette commission. Ainsi, monsieur le ministre, et je crois pouvoir dire qu'il s'agit d'une intention maintenant assez largement exprimée, et que 2005 sera la dernière année où ce financement se fera sur crédits budgétaires.
Dans la même perspective, nous nous sommes rendus aux arguments de nos collègues députés et nous avons accepté la suppression de l'article 1er bis, qui prévoyait, sur l'initiative de M. Michel Charasse, le remboursement aux départements des indus versés par les caisses d'allocations familiales au titre du RMI.
Mes chers collègues, pardonnez-moi le caractère hétéroclite de cette énumération ; il ne doit cependant pas vous étonner : il est à l'image d'un collectif budgétaire, exercice qui a toujours été - je ne veux pas utiliser d'expression injustement désobligeante à l'égard de textes malgré tout nécessaires - une sorte de « voiture-balai » : il s'agit de faire l'inventaire de toutes les mesures nécessaires que l'on n'a pas pu prendre auparavant.
Quoi qu'il en soit, ce collectif budgétaire me conduit à achever cet exposé par quelques considérations de méthode.
Il faut bien reconnaître que les membres de la commission des finances ne sont pas omniscients et qu'ils ne disposent que d'un nombre d'heures de travail utile limité, malgré tous leurs efforts, pendant le cycle de l'automne.
Il est difficile, mes chers collègues, d'être sur tous les fronts et de travailler à la fois sur la loi de finances, sur la loi de finances rectificative, sur la loi de règlement, sur le débat relatif aux prélèvements obligatoires, ou encore sur le projet de loi qui va clore notre session d'automne, à savoir la transformation du statut de l'entreprise publique DCN.
Cependant, à l'issue d'une période aussi chargée, nous voudrions, monsieur le ministre, réfléchir avec vous, afin d'améliorer notre façon de travailler et de légiférer en matière fiscale.
Tout ne peut pas prendre place dans la loi de finances. Mais nous préférons éviter, pour des raisons de cohérence globale et afin de valoriser nos travaux de fond, que des lois sectorielles ne contiennent trop de dispositions fiscales.
Pour cette raison, il nous faut sans doute espérer que, de temps à autre, lorsque cela s'avèrera nécessaire - et sur la base de principes inspirés, en particulier, de la réforme de l'Etat -, des textes fiscaux ou portant différentes dispositions d'ordre fiscal seront mis à l'ordre du jour du Parlement au cours du premier semestre de l'année, car il s'agit d'une période beaucoup plus propice.
Ce serait une façon de saisir suffisamment en amont le Parlement des problèmes qui se posent. Les services du Gouvernement pourraient ainsi venir nous les exposer dans le détail, nous pourrions auditionner les parties intéressées, entendre les différents points de vue et légiférer de manière un peu moins hâtive. En cela, nous serions moins soumis, monsieur le ministre, à la pression du calendrier.
Les membres de la commission des finances sont demandeurs, monsieur le ministre, d'une meilleure répartition sur l'ensemble de l'année de ce travail législatif en matière fiscale, et j'ai cru comprendre que vous prêtiez une oreille tout à fait attentive à cette préoccupation que nous avons exprimée à plusieurs reprises au cours des derniers jours.
Mes chers collègues, nous avons donc - permettez-moi de le croire très sincèrement - bien travaillé au cours de cette session budgétaire, tant avec le Gouvernement qu'avec nos collègues de l'Assemblée nationale. Je souhaite à cet égard rendre hommage à la collaboration des députés et, en particulier, au concours actif et amical du président et du rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale.
Pour conclure, mes chers collègues, la commission des finances vous convie à adopter les conclusions de la commission mixte paritaire.