Intervention de Isabelle Pasquet

Réunion du 5 octobre 2010 à 21h45
Réforme des retraites — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Isabelle PasquetIsabelle Pasquet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour paraphraser le slogan utilisé le 26 août 1970 par le mouvement libérateur des femmes devant la tombe du Soldat inconnu, il y a encore plus précaire que le salarié, la salariée.

Selon l’Observatoire des inégalités, qui relaie la dernière étude statistique en la matière publiée par la DARES en octobre 2008, les femmes perçoivent « tout temps de travail confondu un salaire inférieur de 27 % à celui des hommes ».

Cette inégalité augmente naturellement pour les femmes qui travaillent à temps partiel ou plutôt, devrais-je dire, subissent des contrats à temps partiel. Ainsi, 82 % des personnes qui déclarent être contraintes de conserver de tels contrats sont des femmes.

Quoi de plus logique quand on sait que les femmes sont cinq fois plus souvent à temps partiel que les hommes et que les activités professionnelles auxquelles nous cantonnons les femmes peu qualifiées sont précisément les contrats aux horaires les plus atypiques, et font partie des contrats les plus précaires.

À cet état de fait s’ajoutent d’autres inégalités encore moins acceptables puisqu’elles sont tout simplement illégales. Toujours selon l’Observatoire des inégalités, « Si l’on tient compte des différences de poste (cadre, employé, ouvrier), d’expérience, de qualification (niveau de diplôme) et de secteur d’activité (éducation ou finance) environ 10 % de l’écart demeure inexpliqué. Et l’Observatoire de préciser : « Cette différence de traitement se rapproche d’une mesure de discrimination pure pratiquée par les employeurs à l’encontre des femmes. »

Le moins que l’on puisse dire, monsieur le ministre, c’est que, en la matière, le Gouvernement n’est pas des plus combatifs ! L’article 31 du présent projet de loi ne fait pas illusion. Dans ce texte, vous vous limitez à créer une taxe de 1 % de la masse salariale en cas de non-respect de l’obligation d’ouvrir des négociations annuelles relatives à l’égalité professionnelle. Vous qui ne cessez d’affirmer que la sanction doit servir d’exemple, qu’elle doit être un élément fondamental dans la lutte contre la violation du droit, vous auriez pu, vous auriez dû créer une sanction financière dont les fonds seraient affectés au FSV, mesure que nous proposerons.

Il y aurait pourtant tout lieu d’agir et vite, car les inégalités salariales subies au cours de la carrière professionnelle s’accroissent au moment de la retraite. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : aujourd’hui, 76 % des bénéficiaires du minimum vieillesse sont des femmes et leur pension moyenne ne représente que 48 % de celle des hommes. Et, bien souvent, ce sont les pensions de réversion qui permettent aux femmes de vivre dignement. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous ne cessons de proposer l’extension de ce type de pensions aux couples pacsés, étendue que vous refusez toujours.

Monsieur le ministre, ces inégalités, inacceptables pour celles qui les subissent et intolérables pour celles et ceux qui sont attachés à un certain modèle républicain, ne diminueront pas avec la crise et s’amplifieront demain.

Aujourd’hui, sans même que la réforme que vous nous soumettez leur soit applicable, plus de 50 % des femmes salariées du secteur privé nées en 1938 ont dû attendre 65 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein, contre seulement 16 % des hommes du même âge qui ont pu valider leurs trimestres plus tôt. De ce fait, les femmes touchent une pension moitié moindre que celle des hommes : en 2004 et en moyenne 745 euros, contre 1 550 euros.

Et que répondez-vous à toutes ces femmes ? La retraite n’est pas le moment opportun pour compenser les inégalités ! Autrement dit, vous ne leur apportez aucune réponse, les laissant vivre avec des pensions notoirement inférieures au seuil de pauvreté.

Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que nous ne partageons pas votre analyse selon laquelle ces inégalités se résorberaient par elles-mêmes, du simple fait du mouvement démographique. La situation actuelle du marché du travail, marquée par la banalisation des contrats de courte durée ou à temps très partiel, pèsera d’autant plus dans la balance que vous rallongez la durée de cotisation. Le passage à 67 ans de l’âge auquel les salariés peuvent bénéficier d’une retraite sans décote obligera les femmes qui le peuvent à travailler plus, tandis que les autres verront le montant de leur pension amputé par les décotes.

Le présent projet de loi est tellement injuste, va tant accroître les inégalités que même la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité le qualifie de discriminatoire.

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