Séance en hémicycle du 5 octobre 2010 à 21h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • l’âge
  • pénibilité

La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.

Photo de Jean-Léonce Dupont

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, personne ne peut nier la réalité des chiffres.

Si notre système actuel de retraite par répartition, contributif et solidaire, a pu assurer une protection aux pensionnés pendant soixante-cinq ans, l’évolution démographique et économique de notre société a créé un déséquilibre financier insoutenable. Face à un tel constat, je pense, comme mes collègues centristes, que réformer notre système de retraite est une absolue nécessité.

Les Français sont conscients de cette situation : ils savent que l’effort est incontournable, mais ils souhaitent un système juste et équitable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Pour ce qui concerne les femmes, rien n’est moins sûr, hélas !

Je concentrerai mon propos sur cette question, consternée de voir que, malgré un constat répété depuis 2003 et de nombreux rapports, non seulement les écarts considérables persistent en matière de pensions entre les hommes et les femmes, mais ils risquent d’être aggravés si la présente loi est votée en l’état.

Je ne rappellerai pas les chiffres donnés tout à l'heure par notre collègue Jacqueline Panis, car ils parlent d’eux-mêmes.

Deux facteurs expliquent ces fortes disparités.

Le premier concerne les inégalités professionnelles et les discriminations que les femmes subissent en amont et tout au long de leur carrière, au rang desquelles les inégalités salariales qui leur sont très préjudiciables. En effet, c’est à partir de ce que les femmes auront touché durant leur vie professionnelle que se constituera leur retraite. Or, vous le savez, celles-ci touchent un revenu annuel moyen brut inférieur de 19 % à celui des hommes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Même celles qui n’ont pas interrompu leur carrière pour des raisons familiales sont moins bien rémunérées. Et la différence est encore plus marquée pour les femmes cadres, qui perçoivent, en moyenne, un revenu de 23 % inférieur à celui des hommes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Malgré nos tentatives de régulation, une salariée à temps complet gagne aujourd’hui moins que son homologue masculin !

Dès 2006, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, notre groupe avait souhaité inscrire dans le texte un dispositif de sanctions applicables à l’issue du délai de cinq ans accordé aux entreprises pour se mettre en conformité avec l’objectif d’égalité professionnelle.

À l’époque, j’avais souligné qu’une loi de plus, sans mécanisme coercitif, risquait d’échouer, comme les précédentes. Cependant, ma proposition avait été rejetée. Certes, avec la réécriture de l’article 31 par l'Assemblée nationale, ma demande a enfin été prise en compte. Mais, sincèrement, que de temps perdu !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Le second facteur ayant un impact sur la retraite des femmes concerne le morcellement de la vie professionnelle de celles-ci, avec, bien sûr, les conséquences de la maternité sur le déroulement de leur carrière et leur rémunération, et la répartition des responsabilités en matière de garde d’enfants et de personnes dépendantes.

Par ailleurs, les femmes sont aussi plus touchées par le chômage et le temps partiel.

Non, monsieur le ministre, le manque de trimestres ne concerne pas que certaines générations, hélas ! Une étude de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, montre que la durée totale durant laquelle les femmes se sont arrêtées de travailler est beaucoup plus élevée que celle des hommes : 3 ans et 3 mois en moyenne, contre 1 an et 4 mois, et cela concerne toutes les générations.

Or le texte qui nous est aujourd'hui présenté risque d’aggraver la situation. La transition de 65 ans à 67 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein est notamment profondément injuste pour les femmes qui n’auraient pas acquis le nombre d’annuités nécessaires. Or ce qui leur est proposé, c’est ni plus ni moins de travailler plus pour gagner moins !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Ce constat est d’ailleurs partagé par notre délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, qui a formulé un certain nombre de recommandations qu’on serait bien avisé de suivre lorsqu’elles ont été traduites sous forme d’amendements.

Certes, le texte résultant des travaux de l'Assemblée nationale est amélioré, mais il est encore très perfectible.

Ainsi, dans les objectifs de l’assurance vieillesse, il faudrait inscrire à l’article 1er A du projet de loi non seulement l’équilibre intergénérationnel, mais également l’équité entre les hommes et les femmes. Ce serait un minimum !

Par ailleurs, j’évoquerai la réécriture de l’article 31, qui prévoit désormais une sanction financière pour les entreprises ne respectant pas leurs obligations en matière d’égalité professionnelle. Voilà qui constitue une nette amélioration, mais la rédaction de l’article doit garantir une logique de résultats, et pas seulement de moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

De même, nous pourrions corriger certaines inégalités en reprenant les préconisations de la HALDE, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, afin de compenser notamment les effets pervers du temps partiel, qui est bien souvent subi et assorti de faibles rémunérations.

S’agissant des bornes 65/67 ans, il faut maintenir à 65 ans l’âge de départ à la retraite à taux plein pour les personnes, donc les hommes comme les femmes, ayant pris un congé parental, surtout dans des circonstances particulières : lorsque ces personnes ont dû, par exemple, apporter des soins particuliers à un enfant ou une personne dépendante dans un laps de temps minimal. Ce sont d’ailleurs souvent les femmes qui sont concernées.

Monsieur le ministre, voilà quelques avancées.

Pour autant, tout ce qui a été évoqué ne pourra être que transitoire.

En effet, comme Nicolas About l’a rappelé, cette réforme, à l’instar de celles de 1993 et 2003, ne peut être qu’une étape, qui doit, à terme, conduire à une réforme structurelle.

Comme les parlementaires centristes le défendent depuis 2003, un système de retraite par points serait plus lisible, plus équitable et plus équilibré, et les femmes y trouveraient sans doute leur compte.

Il faut mettre en place un système qui mesure la problématique des retraites à l’aune des évolutions de notre société.

Certes, il convient de prendre en compte l’allongement de l’espérance de vie, mais la vie et la carrière des femmes ont beaucoup changé au cours des trente dernières années.

Autrefois, la question de l’égalité des retraites entre les hommes et les femmes n’était guère posée, nombre de femmes ne travaillant pas toujours et partageant les ressources de leur mari durant la vie professionnelle de celui-ci, puis pendant la période de retraite, et bénéficiant, enfin, lorsqu’elles devenaient veuves, d’une pension de réversion.

L’arrivée massive des femmes sur le marché du travail, l’augmentation du nombre de divorces et d’unions hors mariage remet en question l’efficacité d’un tel système. Un nombre croissant de femmes séparées, divorcées, célibataires vivront isolées au moment de leur retraite ; leur niveau de vie dépendra alors plus étroitement de leurs droits propres. Comment faire en sorte que ceux-ci soient suffisants ?

Si les droits dits dérivés restent fondamentaux notamment pour la génération avant 1960, ils auront un rôle moindre dans un contexte de structures conjugales plus diverses. Ces droits reposent bien évidemment sur un engagement et un traitement similaires des deux sexes sur le marché du travail. Plusieurs de nos voisins européens tels que l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni et la Suède ont exploré des pistes sur ce point. Aussi est-il dommage que le texte qui nous est soumis ne comporte pas d’avancée en la matière.

Pour tenir compte de l’évolution des modes de vie, j’avais proposé que les cocontractants d’un pacte civil de solidarité puissent bénéficier des droits à la pension de réversion. Je regrette que l’on ne puisse pas discuter de cet amendement, retoqué en vertu de l’article 40 de la Constitution, à l’instar de bien d’autres d’ailleurs, nous privant ainsi d’une vraie réflexion.

Avant de conclure, je tiens à dire que nous avons bien évidemment conscience que ce n’est pas la présente loi qui pourra répondre complètement à des inégalités antérieures. C’est pourquoi j’ai demandé il y a quelques jours, au nom du groupe de l’Union centriste, l’organisation d’un débat sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes à l’issue de cette discussion. Ainsi, nous pourrons dresser le bilan de dix ans de politiques fondées sur la volonté de convaincre et non de contraindre, et enfin prendre les mesures nécessaires et adéquates pour lutter efficacement contre les inégalités existantes, qui restent scandaleuses.

Au travers de vos propos, j’ai cru comprendre, monsieur le ministre, que, lors des débats à venir, vous laissiez la porte ouverte, reconnaissant qu’il était incontestable qu’il existait des injustices et qu’il fallait tenter d’y trouver une réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Mme Catherine Morin-Desailly. Aussi, le groupe de l’Union centriste sera particulièrement attentif au sort qui sera réservé aux amendements qu’il défendra.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et sur quelques travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, Mme Christiane Demontès étant intervenue tout à l'heure sur l’économie générale de ce projet de loi, je concentrerai mon propos sur le titre IV.

Avant les congés d’été, je me souviens vous avoir entendu dire, monsieur le ministre, que la réforme était « une première mondiale » – rien que ça ! – et que jamais aucun gouvernement en Europe n’avait intégré la pénibilité comme vous le faisiez.

Bien que ce soit tout à fait présomptueux, vous continuez de prétendre que la réforme proposée ferait du système français « le plus avancé et le plus généreux d’Europe ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Permettez-moi d’en douter sérieusement, et, d’ailleurs, je ne suis pas le seul !

Je ne veux pas vous chagriner, mais, en ce domaine, vous n’êtes pas un précurseur. D’autres pays que la France se sont inquiétés avant nous de cette problématique et ont imaginé des solutions permettant un départ anticipé des salariés réalisant un travail usant, parmi lesquels la Belgique, les Pays-Bas, la Pologne et l’Italie, même si la loi votée par le gouvernement Prodi n’est jamais entrée en vigueur faute de publication, par le gouvernement Berlusconi, des décrets d’application nécessaires. Ce fut aussi le cas du gouvernement Jospin avec la création du FCAATA, le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, dont le fonctionnement, je le dois le dire ici, nous inquiète aussi, mais nous y reviendrons au cours de la discussion des articles.

Concernant la générosité du dispositif proposé, il suffit de comparer les chiffres.

Ainsi, vous estimez que ce dispositif pourrait concerner, après sa montée en charge, 30 000 personnes, alors qu’on évalue à plus de 2 millions le nombre de personnes concernées par des conditions de travail pénibles dans notre pays. D’ailleurs, les propos tenus récemment par le Président de la République et selon lesquels « il n’existe plus aucun métier pénible » en France…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

… m’ont choqué. Soit il s’agit d’une nouvelle provocation, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

… soit le Président ignore totalement la réalité vécue par ses concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Cela me rappelle étrangement ce qu’il avait déclaré sur les grèves il y a deux ou trois ans : « Quand il y a grève dans ce pays, cela ne se voit plus. » la situation a bien changé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Je ne sais pas s’il s’agit de cécité ou de cynisme ! Je vous laisse le libre choix, mes chers collègues !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Allez donc demander à tous les ouvriers de la voirie qui travaillent quel que soit le temps – pluie, vent, neige ou canicule –, dans le bruit des marteaux-piqueurs et les effluves de goudron !

Allez donc demander aux ouvriers postés à la chaîne qui répètent inlassablement les mêmes gestes, portent des charges lourdes et dont le rythme biologique est perturbé parce qu’ils font les 3x8 !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Allez donc demander aux ouvriers du BTP ou de la construction navale, aux caissières de supermarché, qui soulèvent chaque jour des centaines de kilos de marchandises…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

… dans des conditions ergonomiques complètement déplorables, aux marins-pêcheurs, ou encore aux ouvriers agricoles !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Et je pourrais multiplier les exemples.

Que vous le vouliez ou non, il existe des métiers pénibles ! Et si ces salariés doivent partir plus tôt en retraite, c’est non pas parce qu’ils sont inaptes au travail ou malades, mais parce que leur espérance de vie s’en trouve réduite !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Si l’espérance de vie de la population en général s’est considérablement allongée, comme vous nous le répétez inlassablement, il existe des écarts importants entre catégories sociales, particulièrement élevés si l’on considère l’espérance de vie sans incapacité.

Et ce n’est pas parce que l’on arrive en bonne santé apparente à l’âge de la retraite que l’on va en profiter aussi longtemps et avec la même qualité de vie quelle que soit l’appartenance sociale. Chez les hommes, l’écart à 35 ans d’espérance de vie entre les catégories sociales supérieures et les ouvriers est de 7 ans.

À cet écart de mortalité s’ajoutent des écarts de qualité de vie, mesurée par l’espérance de vie sans aucune incapacité : le cadre supérieur de 35 ans vivra 34 ans sans incapacité tandis que l’ouvrier ne dépassera pas 24 ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Les connaissances scientifiques actuelles l’attestent : le travail peut avoir des conséquences sur la longévité et la qualité de vie au grand âge.

Les travaux du professeur Gérard Lasfargues ont notamment montré que l’espérance de vie et l’état de santé des travailleurs en fin de vie active dépendent des conditions de travail et, plus globalement, de la pénibilité de leur travail. Prendre en compte la pénibilité du travail est donc une question de justice individuelle et de justice sociale tant l’exposition aux différents facteurs de pénibilité est socialement stratifiée.

Mais une fois de plus, monsieur le ministre, vous restez dans une logique purement individuelle, au lieu de privilégier une approche collective et solidaire.

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Ainsi, le texte demeure fondé sur la réparation d’un dommage constaté, et non sur la compensation d’un vécu pénible, qui justifierait un départ en retraite avant l’âge d’ouverture des droits de droit commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Ce faisant, il réglera – éventuellement – des cas d’invalidité avérée, mais ne prend pas en considération les pathologies graves mais à effet différé dont les conséquences peuvent être mortelles. Elles sont même souvent mortelles lorsqu’il s’agit des maladies causées par l’inhalation de l’amiante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Comme le montre une étude que vient de publier la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, ou DARES, sur « l’exposition des salariés aux maladies professionnelles », qui fait le point sur les 44 000 cas reconnus en 2007, nous pourrions même nous retrouver dans une situation surprenante : cette étude confirme en effet que l’approche par l’incapacité, qui a été choisie, couvre paradoxalement beaucoup de pathologies qui sont invalidantes alors qu’elles ne touchent pas l’espérance de vie, et une part limitée de pathologies qui, elles, diminuent la durée de vie à la retraite.

Voilà qui démontre que, sur cette question, vous faites erreur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

En fait, on peut même se demander si derrière ce brouillard de mots et plusieurs articles consacrés au sujet, au lieu d’une reconnaissance de la pénibilité, l’on n’est pas plutôt en présence d’un début de contournement de la législation relative aux accidents du travail et maladies professionnelles, ou AT-MP.

En effet, le système proposé, qu’il s’agisse de la prévention ou de la réparation conditionnée par une incapacité permanente de 10 %, est un « copié-collé » de celui qui concerne les AT-MP, et notamment les maladies professionnelles. Le texte du projet de loi emploie d’ailleurs plusieurs fois l’expression « exposition aux risques professionnels », utilisée habituellement dans la législation relative aux AT-MP, et non les mots « exposition à des travaux ou situations pénibles ». Il ne saurait s’agir d’un hasard.

Au lieu d’être assorti de la désagréable obligation de réintégration et de reclassement après que la maladie a été reconnue, le dispositif proposé prévoit, pour des salariés usés, des sorties progressives par temps partiel ou tutorat, et des compensations en temps et en numéraire.

De plus, rien n’est prévu pour les maladies à effet différé, dont l’explosion a commencé et va se poursuivre, ce qui engendrera à terme des coûts importants. Le projet de loi ne comporte donc pas vraiment une reconnaissance de la pénibilité, mais une anticipation des désagréments qui pourraient en résulter pour l’employeur, particulièrement si sa faute inexcusable était reconnue pour manquement à son obligation de résultat pour la santé et la sécurité des salariés.

Cet aspect de l’évolution du droit en la matière appelle au moins la vigilance, et ce d’autant plus que la France se distingue assez largement en Europe par son retard dans la prévention de l’usure au travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

J’ajoute, monsieur le ministre, que ce n’est pas la réforme de la médecine du travail prévue ici qui va arranger les choses. Personne n’est dupe, et chacun a compris que la combinaison de ces deux réformes – pénibilité et médecine du travail – n’a qu’un seul objectif : permettre au patronat de tout contrôler et limiter au maximum les départs anticipés.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Je souhaite d’abord dire un mot sur la méthode concernant la réforme de la médecine du travail. Introduire une réforme de la médecine du travail par amendements dans le projet de loi sur les retraites, alors que la réforme est en gestation depuis plus de deux ans et qu’elle mérite un texte à elle toute seule, revient à couper l’herbe sous le pied des partenaires sociaux et réduire considérablement la portée de cette réforme, au moment où les risques psychosociaux et les maladies professionnelles s’accentuent considérablement.

Je sais gré à notre rapporteur, M. Dominique Leclerc, d’avoir essayé de clarifier et amender dans le bon sens le texte adopté par l’Assemblée nationale. Mais, malheureusement, cela ne change pas l’équilibre d’une réforme qui ne fait que reprendre l’ensemble des dispositions du « protocole d’accord sur la modernisation de la médecine du travail » que le MEDEF a tenté, sans succès, d’imposer aux organisations syndicales il y a un an.

C’est ainsi qu’en quelques lignes on revient sur tous les fondements de la médecine du travail, à savoir une médecine du travail indépendante centrée sur les risques professionnels. En quelques lignes, on prévoit l’appropriation par les employeurs des moyens de contrôle de la santé au travail des salariés, et on organise sciemment la gestion de la pénurie des médecins du travail.

M. le ministre marque son exaspération

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

C’est pour cela que cette réforme fait l’unanimité contre elle. Vous avez tous reçu, comme moi, des courriers de protestation de médecins du travail. Le Conseil national de l’ordre des médecins a même publié un communiqué où il souligne que le texte « ne répond pas aux attentes des salariés…

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

… qui doivent bénéficier d’une prise en charge globale de leur santé, ni aux nécessités de l’exercice des médecins du travail dans le respect de leur indépendance technique ». Les termes sont choisis mais le message est limpide.

Si vous souhaitez nous convaincre, monsieur le ministre, de votre bonne foi, nous y sommes prêts !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Il vous suffira pour cela de supprimer l’article 25 undecies, qui prévoit que c’est le directeur du service de santé au travail interentreprises qui est garant de l’indépendance du médecin du travail. Autrement dit, c’est un salarié de l’entreprise qui sera garant de l’indépendance du médecin du travail, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

M. Jean-Pierre Godefroy. J’arrêterai ici mon propos, puisque j’ai dépassé le temps de parole qui m’était imparti. Mais vous comprendrez que lors de l’examen des articles nous proposerons des amendements visant à modifier ce texte dans un sens favorable aux salariés.

Bravo ! et a pplaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre système de retraite par répartition est à l’évidence à la croisée des chemins.

Fruit d’une longue construction historique, ce système est aujourd’hui fragilisé. Il accuse en effet, depuis maintenant quelques années, un déficit important et croissant, comme cela a été bien précisé par le rapporteur général de la commission des affaires sociales, M. Alain Vasselle. Certes, la crise de ces deux dernières années a eu un impact non négligeable. Cependant, chacun le sait, même si notre pays retrouve le chemin de la croissance, les recettes ne seront pas suffisantes pour financer les dépenses à venir. L’arrivée à la retraite des baby-boomers et l’allongement de l’espérance de vie dégradent structurellement l’équilibre démographique sur lequel est fondé tout notre système par répartition. Les prévisions indiquent un ratio d’un actif pour un retraité à l’horizon 2030. Cela a également été souligné par le Conseil d’orientation des retraites, organisme paritaire que l’on ne peut pas soupçonner de tricherie.

Devant cette situation financière périlleuse, nous ne pouvons rester sans agir, sauf à se résigner à emprunter sans limites, laissant aux générations qui vont nous suivre le soin de régler notre dette, sinon à accepter une baisse des pensions, ce que personne ne souhaite, quand on sait les difficultés matérielles rencontrées par beaucoup de personnes âgées.

Normalement, la réforme Fillon de 2003 aurait dû régler le problème jusqu’en 2012, mais la survenue d’une crise économique majeure nous oblige.

M. Roland Courteau s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Nous pouvons évidemment discuter du choix des leviers. Cependant, en réalité, les marges de manœuvre sont étroites. Une augmentation généralisée des cotisations pourrait être un scénario efficace mais c’est une décision délicate, dans un pays où les prélèvements obligatoires sont déjà anormalement élevés et alors que la crise rogne le pouvoir d’achat des salariés.

Certains préconisent de mettre à contribution les plus riches. J’ai entendu, sur ce point, les propos de M. Fischer.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

M. Gilbert Barbier. Il est vrai que cette réforme doit les solliciter. Mais des mesures sont déjà prévues, notamment le relèvement de la tranche la plus élevée du barème de l’impôt sur le revenu. Peut-être devons-nous aller plus loin, en augmentant plus fortement la fiscalité sur un certain nombre de revenus du capital, sur les stock-options et les retraites chapeaux.

M. Charles Gautier s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Il va de soi aussi que toute imposition supplémentaire devra sortir du bouclier fiscal, la question du maintien coûte que coûte de celui-ci pouvant être aujourd’hui posée au regard de son efficacité sur l’évasion fiscale, à un moment où un effort est demandé à toute la nation.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Cela dit, je ne suis pas convaincu que ces nouvelles recettes soient suffisantes pour rééquilibrer les comptes.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Reste la solution qui consiste à reporter l’âge légal de la retraite. C’est le choix du Gouvernement, qui touche ainsi à un symbole fort.

Certains de nos voisins ont fixé à 65 ans voire à 67 ans l’âge de départ à la retraite, sans que les syndicats ou les populations y voient une remise en cause du droit de chacun à profiter de quelques années paisibles. Ils ont bien compris qu’il s’agit d’être réaliste et cohérent devant l’écart croissant entre la durée de vie et la durée de l’activité professionnelle.

Le but de tout un chacun dans la vie est-il de se mettre à la retraite le plus rapidement possible ? Le président About a largement évoqué cette question. Le progrès social ne devrait pas consister à ce que ce soit le cas, il devrait plutôt rendre la période de travail moins pesante, voire gratifiante, en fin de carrière. C’est pourquoi nous devons améliorer les conditions de travail, l’accompagnement des carrières et la formation tout au long de la vie. Cela est un autre débat, qui ne peut être traité dans ce texte.

Certains proposent un droit collectif de départ anticipé à la retraite sur des critères de pénibilité. Cela peut se justifier à titre individuel pour ceux dont on sait qu’ils sont prématurément usés. Mais dans de nombreux autres cas, il faut privilégier d’autres pistes comme le temps partiel en fin de carrière ou encore le reclassement professionnel, notamment dans le domaine du transfert intergénérationnel de compétences.

Au-delà d’équilibrer financièrement le système par répartition, cette réforme doit être l’occasion de corriger un certain nombre d’inégalités. Il faut d’abord poursuivre l’effort entamé avec la réforme de 2003 et la réforme des régimes spéciaux portant sur la convergence entre les différents régimes de retraite.

Les Français doivent avoir le sentiment que les mêmes règles s’appliquent à tous. Sinon, la confiance dans le système est minée. Nous savons aussi que les femmes, comme cela vient d’être évoqué par Catherine Morin-Desailly, ont des pensions souvent bien inférieures à celles des hommes dans les mêmes conditions. L’inégalité de rémunération entre hommes et femmes, à l’intérieur de l’entreprise, en est le plus souvent la cause.

Les femmes ont du mal à avoir une carrière complète car les conditions de travail ne leur permettent pas de concilier vie professionnelle et vie familiale. Celles qui ont des enfants ont une retraite inférieure de 25 % à celles qui n’ont pas d’enfant. Le report de 65 ans à 67 ans de l’âge auquel elles pourront bénéficier de la retraite à taux plein les affectera particulièrement.

C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à maintenir la retraite à taux plein à l’âge de 65 ans pour les femmes ayant élevé trois enfants ou plus. En commission, vous avez souhaité, monsieur le ministre, que le débat puisse se prolonger en séance publique.

M. le ministre opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Je comprends bien que la question des retraites ne réglera pas celle de l’inégalité entre hommes et femmes, mais elle ne doit en tout cas pas l’aggraver. Accepter cet amendement serait un signal fort.

Pour conclure, monsieur le ministre, je voudrais dire que la réforme que vous nous proposez est nécessaire et courageuse. Pour autant, je crois que nous ne pourrons faire l’économie dans l’avenir d’un débat sur d’autres sources de financement, et plus encore d’une réflexion sur les fondements de notre système de retraites « à la française ».

Le lien exclusif entre le travail, les cotisations et les prestations est-il toujours pertinent ? Veut-on une retraite servie à tous et financée par la nation ? Si tel est le cas, on peut imaginer un système à plusieurs étages avec une retraite minimale, une retraite par répartition et une retraite par capitalisation.

M. Jacques Mahéas s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Il faudra bien un jour, comme le prévoient les amendements qui ont été déposés, ouvrir ce large débat.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l ’ UMP. – M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour paraphraser le slogan utilisé le 26 août 1970 par le mouvement libérateur des femmes devant la tombe du Soldat inconnu, il y a encore plus précaire que le salarié, la salariée.

Selon l’Observatoire des inégalités, qui relaie la dernière étude statistique en la matière publiée par la DARES en octobre 2008, les femmes perçoivent « tout temps de travail confondu un salaire inférieur de 27 % à celui des hommes ».

Cette inégalité augmente naturellement pour les femmes qui travaillent à temps partiel ou plutôt, devrais-je dire, subissent des contrats à temps partiel. Ainsi, 82 % des personnes qui déclarent être contraintes de conserver de tels contrats sont des femmes.

Quoi de plus logique quand on sait que les femmes sont cinq fois plus souvent à temps partiel que les hommes et que les activités professionnelles auxquelles nous cantonnons les femmes peu qualifiées sont précisément les contrats aux horaires les plus atypiques, et font partie des contrats les plus précaires.

À cet état de fait s’ajoutent d’autres inégalités encore moins acceptables puisqu’elles sont tout simplement illégales. Toujours selon l’Observatoire des inégalités, « Si l’on tient compte des différences de poste (cadre, employé, ouvrier), d’expérience, de qualification (niveau de diplôme) et de secteur d’activité (éducation ou finance) environ 10 % de l’écart demeure inexpliqué. Et l’Observatoire de préciser : « Cette différence de traitement se rapproche d’une mesure de discrimination pure pratiquée par les employeurs à l’encontre des femmes. »

Le moins que l’on puisse dire, monsieur le ministre, c’est que, en la matière, le Gouvernement n’est pas des plus combatifs ! L’article 31 du présent projet de loi ne fait pas illusion. Dans ce texte, vous vous limitez à créer une taxe de 1 % de la masse salariale en cas de non-respect de l’obligation d’ouvrir des négociations annuelles relatives à l’égalité professionnelle. Vous qui ne cessez d’affirmer que la sanction doit servir d’exemple, qu’elle doit être un élément fondamental dans la lutte contre la violation du droit, vous auriez pu, vous auriez dû créer une sanction financière dont les fonds seraient affectés au FSV, mesure que nous proposerons.

Il y aurait pourtant tout lieu d’agir et vite, car les inégalités salariales subies au cours de la carrière professionnelle s’accroissent au moment de la retraite. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : aujourd’hui, 76 % des bénéficiaires du minimum vieillesse sont des femmes et leur pension moyenne ne représente que 48 % de celle des hommes. Et, bien souvent, ce sont les pensions de réversion qui permettent aux femmes de vivre dignement. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous ne cessons de proposer l’extension de ce type de pensions aux couples pacsés, étendue que vous refusez toujours.

Monsieur le ministre, ces inégalités, inacceptables pour celles qui les subissent et intolérables pour celles et ceux qui sont attachés à un certain modèle républicain, ne diminueront pas avec la crise et s’amplifieront demain.

Aujourd’hui, sans même que la réforme que vous nous soumettez leur soit applicable, plus de 50 % des femmes salariées du secteur privé nées en 1938 ont dû attendre 65 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein, contre seulement 16 % des hommes du même âge qui ont pu valider leurs trimestres plus tôt. De ce fait, les femmes touchent une pension moitié moindre que celle des hommes : en 2004 et en moyenne 745 euros, contre 1 550 euros.

Et que répondez-vous à toutes ces femmes ? La retraite n’est pas le moment opportun pour compenser les inégalités ! Autrement dit, vous ne leur apportez aucune réponse, les laissant vivre avec des pensions notoirement inférieures au seuil de pauvreté.

Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que nous ne partageons pas votre analyse selon laquelle ces inégalités se résorberaient par elles-mêmes, du simple fait du mouvement démographique. La situation actuelle du marché du travail, marquée par la banalisation des contrats de courte durée ou à temps très partiel, pèsera d’autant plus dans la balance que vous rallongez la durée de cotisation. Le passage à 67 ans de l’âge auquel les salariés peuvent bénéficier d’une retraite sans décote obligera les femmes qui le peuvent à travailler plus, tandis que les autres verront le montant de leur pension amputé par les décotes.

Le présent projet de loi est tellement injuste, va tant accroître les inégalités que même la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité le qualifie de discriminatoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Mme Isabelle Pasquet. Notre république ne peut accepter de rester passive face aux discriminations. Elle ne peut pas renoncer à les supprimer. Elle ne peut pas les amplifier. C’est la raison pour laquelle vous devez retirer votre projet de loi !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, qu’on le veuille ou non – pour ma part, je m’en réjouis –, la construction européenne est désormais au cœur de la vie nationale. C’est pourquoi il est indispensable de replacer notre débat sur la réforme des retraites dans son contexte européen.

Plus précisément, je crois que nous devons absolument prêter attention à deux aspects de ce contexte européen : tout d’abord, la participation de notre pays à un marché unique dans lequel la concurrence est libre ; ensuite, les engagements de la France à l’égard de ses partenaires de la zone euro concernant le déficit et la dette.

Ces deux aspects figurent parmi les éléments de base de la construction européenne. Les oublier, les mettre entre parenthèses dans notre débat serait non seulement irréaliste, mais encore inconséquent, car ils ont été approuvés par le Sénat à plusieurs reprises et à d’écrasantes majorités.

Aujourd’hui, la France se définit avant tout comme un État membre de l’Union européenne, avec une économie immergée dans un marché unique, et avec une monnaie qu’elle partage avec seize – bientôt dix-sept – autres pays membres.

Bien sûr, la construction européenne, c’est bien plus qu’un marché et une monnaie ; mais ces deux caractéristiques en sont des éléments de base.

Jacques Delors définissait l’Europe par un triptyque : compétition, coopération, solidarité. J’adhère pleinement à cette conception, comme nombre d’entre vous, mes chers collègues, mais il faut admettre que tous les volets du triptyque ont la même importance, et, notamment, que l’on ne peut pas faire comme si le premier d’entre eux, à savoir la compétition, n’existait pas. Sur le marché unique, les entreprises sont en compétition les unes avec les autres, les consommateurs font leur choix comme ils l’entendent, et les décisions d’implantation des entreprises sont en partie fondées sur des considérations de coût.

Naturellement, cette compétition n’est pas sauvage. Elle est encadrée par des règles communes, que nombre d’entre nous dans cette enceinte souhaitent voir aller plus loin, notamment en matière sociale.

Cependant, il ne faut pas s’attendre à un miracle : l’harmonisation sera progressive, car les États membres sont loin d’être tous au même niveau de développement, et la convergence sociale ne peut pas précéder la convergence économique. Qui pourrait sérieusement dire qu’il faut appliquer intégralement, dès aujourd’hui, les mêmes standards sociaux en Lituanie et au Luxembourg ?

À partir de là, un constat s’impose : dès lors que nos entreprises évoluent sur un marché unique, que les dévaluations sont impossibles et que l’harmonisation sociale est une affaire de longue haleine, globalement, notre politique sociale ne peut pas beaucoup s’écarter des mesures retenues généralement par nos principaux partenaires.

Nous l’avons vécu, à nos dépens, depuis dix ans : j’ose rappeler que notre pays a fait cavalier seul avec les 35 heures. Le coût du travail a augmenté plus vite en France qu’en Allemagne, et cette situation a eu pour résultat une perte de parts de marché au profit de notre voisin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Soyons clairs : malgré notre goût pour l’« exception française », admettons que, globalement, il n’est pas raisonnable pour un pays européen d’imposer à ses entreprises des prélèvements sociaux plus élevés que ceux que font supporter ses principaux partenaires à leurs propres entreprises. Il s’agit non pas de faire moins que les autres – ce serait un dumping détestable entre Européens –, mais d’abandonner l’illusion que l’on peut faire beaucoup plus.

Or, quand on considère ce que font nos partenaires en matière de retraite, on constate que tous sont confrontés au même problème que nous : faire face aux dépenses résultant de l’accroissement de l’espérance de vie. De surcroît, dans la plupart des cas, ils n’ont pas jugé possible de le faire en maintenant à 60 ans la référence pour le départ à la retraite.

Je rappelle, comme tout à l’heure M. le ministre, que, en Allemagne, l’âge légal de départ à la retraite, actuellement de 65 ans, va passer progressivement à 66 ans puis à 67 ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Il existe, certes, une possibilité de départ anticipé, mais avec une décote, à 63 ans avec 35 années de cotisation, ou sans condition d’âge avec 45 années de cotisation.

Au Royaume-Uni, l’âge légal pour bénéficier de la pension de base, qui était fixé à 65 ans pour les hommes et à 60 ans pour les femmes, va être progressivement unifié à 65 ans d’ici à 2020, avant d’être progressivement porté à 68 ans dans les vingt-cinq années suivantes.

En Espagne, l’âge légal est de 65 ans et va être progressivement relevé dans les quinze années qui viennent.

Seule l’Italie a un régime plus favorable que le nôtre, avec un âge légal fixé à 65 ans, un départ possible à 61 ans pour les hommes et à 60 ans pour les femmes après 36 années de cotisation, et, enfin, un départ sans condition d’âge avec 40 années de cotisation. En contrepartie, – il faut le savoir – ce pays consacre près de 15 % de son produit intérieur brut aux dépenses de pensions.

Nous sommes donc placés devant un choix simple : ou bien nous rapprocher de la moyenne de nos grands partenaires en nous efforçant de maîtriser les dépenses grâce à un relèvement de l’âge de départ à la retraite, ou bien laisser filer les dépenses liées aux pensions et, par voie de conséquence, laisser se détériorer un peu plus notre compétitivité par rapport à nos partenaires de l’Union européenne.

Je crois que, d’un point de vue européen, le projet de loi fait le choix qui convient, car il ne serait pas bon pour l’Europe que le différentiel de compétitivité entre la France et l’Allemagne s’aggrave davantage ; il faut au contraire essayer de le réduire. L’Europe a besoin du couple franco-allemand, et ce dernier est déséquilibré si l’un des deux partenaires accomplit les réformes nécessaires pour être compétitif, tandis que l’autre s’y refuserait. Cette préoccupation devrait nous conduire à dépasser nos clivages.

J’aborderai en quelques mots, tant l’équation est simple, le second aspect de mon propos.

Pour faire face à la crise, nous avons mutualisé nos dettes publiques. À cette mutualisation des risques correspond nécessairement une surveillance mutuelle, qui s’est traduite, pour la France, par des engagements précis. Si nous ne respectons pas ceux-ci, non seulement nous perdrons notre crédibilité, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

… mais nous provoquerons une crise de confiance au cœur même de la zone euro.

Regardez la situation de l’Espagne : trois agences de notation ont successivement dégradé la note attribuée à ce pays depuis le début de l’année, pays qui doit désormais faire face à un besoin de financement de 27 milliards d’euros d’ici au 31 décembre 2010.

Il convient également d’avoir bien présent à l’esprit le fait que la dette cumulée de la France, au 30 juin dernier, s’établit à 1 591, 5 milliards d’euros, soit 82, 9 % du PIB.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Par ailleurs, le service de la dette représente 55 milliards d’euros par an ; entre 2011 et 2013, l’augmentation prévisible s’établira à 10 milliards d’euros. Je n’ose imaginer le montant de cette dette si, par hypothèse, la France devait voir sa note dégradée.

Le pacte de stabilité et de croissance, qui lie notre pays à ses vingt-six partenaires, intègre la surveillance des systèmes de retraite dans le cadre plus général du suivi de la situation budgétaire des différents États membres.

Il faut donc le reconnaître, nous ne parviendrons pas à respecter nos engagements sans la maîtrise des dépenses que permet le présent projet de loi. À une tribune nationale, on pourrait toujours sortir des recettes fabuleuses de sa manche, mais devant nos partenaires européens, une telle attitude ne serait pas recevable.

Nous sommes confrontés à un choix important. J’estime que choisir la réforme revient à faire un choix pour l’Europe, j’allais dire le choix de l’Europe !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales et M. le rapporteur pour avis applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, réformer notre système de retraite est une nécessité, que personne ne conteste.

De même, nul ne remet en cause l’attachement de notre pays à la répartition. Et l’on ne peut que se féliciter de voir ce principe réaffirmé avec force dans le texte qui nous est soumis.

En revanche, les conditions d’élaboration de cette réforme et certaines de ses modalités de fond sont plus problématiques.

Monsieur le ministre, vous avez pratiqué une large concertation avant de dévoiler votre plan, mais vous n’avez pas souhaité négocier avec les partenaires sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

C’est un choix ! Aujourd’hui, il appartient donc au Parlement de faire entendre sa voix, conformément à son droit constitutionnel consistant à faire la loi. Laissez-le exercer pleinement celui-ci.

Lors des travaux de la commission des affaires sociales, le débat fut tronqué, nous dit-on, par les pressions qui furent alors exercées.

C’est l’honneur et la raison d’être même du Parlement qui sont en cause ! Si aucune marge de négociation ne lui est permise sur un texte aussi emblématique, aussi consubstantiel au pacte social que l’est cette réforme des retraites, alors il ne sert plus à rien !

L’heure est d’autant plus à la négociation que nous l’abordons, pour notre part, avec modération et réalisme, dans un souci de médiation entre le Gouvernement et les partenaires sociaux.

Ce que nous disons est simple : seul le retour à l’équilibre entre cotisations et pensions garantira la pérennité de la répartition, un retour non seulement nécessaire, mais aussi possible.

Pour ce faire, des ajustements paramétriques d’urgence sont sans doute indispensables.

Le déséquilibre actuel a des causes structurelles bien connues, notamment démographiques, du fait de l’augmentation de l’espérance de vie.

Des mesures d’âge s’imposaient donc et nous sommes favorables au passage progressif du départ à 62 ans, accompagné de dispositions pour les carrières longues, comme c’est le cas.

Pour un retour à l’équilibre en 2018, ces mesures d’âge représenteraient les deux tiers du financement de la réforme, le Gouvernement misant, pour constituer le dernier tiers, sur des mesures de convergence entre le public et le privé, sur une série de recettes fiscales et sur le retour de la croissance.

La CADES assurerait la gestion de la dette accumulée sur la période 2011-2018, grâce aux actifs du Fonds de réserve pour les retraites et à des ressources nouvelles, principalement assises sur les assurances.

Or de sérieuses réserves ont pu être émises sur la solidité de ce plan.

Les ressources nouvelles affectées à la CADES seraient insuffisamment dynamiques et pérennes.

De plus, à titre personnel, je doute que le déplacement de la seconde borne d’âge de 65 à 67 ans rapporte autant qu’annoncé. J’y reviendrai.

La principale critique adressée à ce plan est qu’il se fonde sur le scénario intermédiaire du COR, en vertu duquel le taux de chômage tomberait à 4, 5 % en huit ans, alors qu’il n’est jamais passé sous la barre des 7 % depuis 1983...

Autant de raisons de craindre que le compte n’y soit pas.

C’est pourquoi nous pensons que cette réforme n’est qu’une étape vers l’équilibre. Cela fait quatre fois que les retraites sont réformées en France en trente ans. Le problème me paraît trop grave pour que l’on continue à ce rythme.

Nous ne ferons pas l’économie, à moyen terme, d’une réforme structurelle, « systémique », pour reprendre une expression en vogue.

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Vous le savez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mon groupe réclame depuis 2003 le remplacement de l’annuité par le point ou les comptes notionnels. Une telle réforme est le seul moyen de réaliser l’égalité des Français devant la retraite, par un système simple qui résoudrait nombre des difficultés rencontrées actuellement. Elle permet aussi une prise en charge beaucoup plus transparente des dépenses de solidarité.

Telles sont, d’ailleurs, les conclusions de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, présentées dans le rapport de M. Dominique Leclerc, aujourd’hui rapporteur, et de Mme Christiane Demontès.

Il nous appartient d’y réfléchir dès maintenant et de fixer, dès aujourd’hui, un nouvel horizon. C’est ce que nous vous proposerons.

Mais si le retour à l’équilibre est la condition de la justice intergénérationnelle, il faut veiller à réduire, voire à supprimer les injustices inhérentes au système actuel et à ne pas en créer de nouvelles.

Notre sentiment est que, du point de vue de la solidarité et de la justice sociale, le texte qui nous est soumis est grandement perfectible.

Cela m’amène à la question du déplacement de la seconde borne d’âge, l’annulation de la décote à 67 ans plutôt qu’à 65 ans. Ce déplacement va lourdement pénaliser un grand nombre d’assurés qui, déjà à l’heure actuelle, ne peuvent espérer que de très petites retraites.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Au premier rang d’entre eux, se trouvent les femmes dont les carrières ont été hachées par la maternité.

Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

C’est pourquoi cette mesure n’est pas conforme à l’idée que je me fais de la justice sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Elle l’est d’autant moins qu’elle ne me semble pas rapporter autant que l’on veut bien le dire. Nous autres, parlementaires, ne disposons évidemment pas des mêmes moyens que vous, au Gouvernement, mais, monsieur le ministre, avec mon crayon et ma calculette, je n’arrive pas du tout au chiffre initialement annoncé de 6 milliards d’euros.

Pourrait-on avoir un éclairage sur ce point d’importance, vous en conviendrez ? Si cette mesure est inéquitable et si elle ne se justifie pas même sur le plan comptable, alors il faut immédiatement revenir dessus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

À tout le moins serait-il nécessaire de repousser à 2029 le passage à 65 ans, comme en Allemagne, pays souvent pris comme référence, et de conserver la borne des 65 ans pour un certain nombre de publics défavorisés, tels que les parents ayant interrompu leur activité au titre du congé parental d’éducation, les aidants familiaux ou les personnes en situation de handicap.

Nous devons et nous pouvons également progresser en matière de pénibilité.

Il est vrai que le texte fait déjà un pas en avant considérable en prévoyant la prise compte de la pénibilité à effet immédiat. Nous ne pouvons que saluer le dispositif prévu au profit des travailleurs atteints d’une incapacité d’au moins 10 %. Mais c’est encore très insuffisant.

Un travailleur peut avoir exercé dans des conditions pénibles affectant son espérance de vie sans que ces facteurs se traduisent, au moment du départ à la retraite, par une incapacité physique immédiatement mesurable, comme on l’a vu à propos de l’amiante.

C’est pourquoi il faut également prendre en compte la pénibilité à effet différé. Je vous proposerai des amendements dans ce sens.

Ces amendements sont, d’ailleurs, nécessaires à la à la cohérence du projet ! En effet, tant que l’on ne prend pas en compte la pénibilité à effet différé dans l’âge d’ouverture des droits à pension, la réforme de la santé au travail n’a rien à faire dans ce texte et demeure un pur cavalier !

M. Jean-Pierre Godefroy applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

De même, sans dispositif de départ anticipé pour pénibilité à effet différé, on ne voit pas bien ce que l’article 27 ter A, qui aménage les conditions de travail en fonction du même critère, vient faire ici !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Il est deux autres questions sur lesquelles nous demandons au Gouvernement d’avancer, en marge du texte qui nous est soumis.

La première est celle des polypensionnés. Nous mesurons bien l’ampleur des difficultés techniques ici soulevées, mais il s’agit d’un élément essentiel de justice sociale qui concerne quatre assurés sur dix. Là encore, beaucoup doit être attendu du régime par points.

La seconde question que j’aimerais soulever est celle des carrières longues. Le Gouvernement s’est déjà engagé à élargir le dispositif aux assurés ayant commencé à travailler à 18 ans révolus. Mais alors, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout, en l’ouvrant aussi aux assurés ayant commencé à travailler à 20 ans ? Tout effet de seuil serait ainsi annihilé et le dispositif serait bouclé.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Avec quel financement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je salue l’excellence du travail des rapporteurs Dominique Leclerc et Jean-Jacques Jégou et je livre toutes ces observations à votre réflexion, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout en espérant que l’esprit qui animera nos débats sera celui du partenariat constructif.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste, sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous examinons fait de la réforme des retraites la réponse quasi unique au défi que posent l’augmentation de la durée de la vie et le vieillissement de nos sociétés.

Or, c’est au sein même du marché du travail que l’avenir de notre protection sociale se pose.

S’agissant de l’emploi des jeunes comme de l’emploi des seniors, le diagnostic est sans appel : gâchis humain, gabegie financière, absurdité économique, faillite sociale. Autant de maux auxquels ce texte ne remédie en rien.

Avec un jeune sur quatre au chômage, un senior sur deux sans emploi au moment de liquider sa retraite, la productivité française repose essentiellement sur la fraction de la population âgée de 24 à 54 ans.

Outre des cotisations sociales qui ne rentrent pas, ce sont les forces vives d’une nation que l’on continue d’exclure de la production de richesse.

Très bien ! sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Pendant ce temps, ceux qui travaillent sont d’autant plus pressurés que toute la productivité repose sur un segment de plus en plus étroit. Et les évolutions démographiques devraient encore accentuer le phénomène.

C’est dire si la question de l’emploi est primordiale. Qu’elle soit la grande absente du texte n’en est que plus inconcevable !

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

La réalité française montre pourtant une situation tendue aux deux bouts de la pyramide des âges.

L’emploi des jeunes, en France, se situe à un niveau très bas : 32 %, soit six points de moins que la moyenne européenne et vingt points de moins que l’Allemagne ou le Royaume-Uni. Le taux de chômage des jeunes qui ont quitté le système scolaire y est anormalement élevé : 25 %, avec des pointes à 42 % dans les banlieues. Plus de 62 % des diplômés de 2008 n’avaient toujours pas trouvé d’emploi un an après l’obtention de leur diplôme.

C’est dire à quel point la question de l’insertion sur le marché du travail concerne tous les jeunes, au-delà de leur niveau de formation. Cette situation ne saurait se résoudre en comptant sur la seule évolution démographique.

Malheureusement, force est de constater que ce gouvernement n’estime pas qu’un tel bilan impose la mise en place d’une politique volontariste d’insertion des jeunes permettant d’accompagner le passage de la formation à l’emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Quant à l’emploi des seniors, le constat est encore plus alarmant. En France, le taux d’emploi des seniors stagne autour de 38 %, ce qui nous situe loin derrière les pays scandinaves, où il atteint 70 %, ou même les pays anglo-saxons, où il avoisine 60 %, notamment au Royaume-Uni.

Si l’on affine ces données en se penchant sur la situation des personnes âgées de 60 à 64 ans, ce taux chute autour de 16 % chez nous, quand il est de 30 % pour l’Union européenne et de 63 % en Suède.

C’est dire si l’âge social en France est sensiblement déconnecté de l’âge biologique ! Là où, ailleurs, on est considéré comme actif, dans notre pays, on est vu comme improductif.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Mme Raymonde Le Texier. Force est de constater qu’en la matière le déni du Gouvernement est absolu : dans le projet de loi sur les retraites, la question des seniors n’est pensée qu’en termes d’âge, jamais en termes d’emploi ni de parcours professionnel.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Quand une personne sur deux est au chômage au moment de valider ses droits à la retraite, repousser l’âge légal du départ au-delà de 60 ans est un moyen rapide et cynique de gratter un ou deux milliards d’euros sur le dos des plus fragiles !

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Parce qu’ils auront été maintenus hors de l’emploi, non seulement les salariés percevront de bas revenus durant quelques années de plus, mais encore leurs revenus de remplacement seront amoindris du fait d’une plus longue période de chômage.

En échange de la nécessité de travailler plus longtemps, on obtient la baisse des pensions. Cherchez l’erreur...

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Non content d’être injuste, ce ravaudage à la petite semaine ne résout rien : il alimente l’angoisse de la population sur l’avenir du système de répartition et, surtout, il permet de préparer le terrain pour amener les ménages à se tourner vers la capitalisation. Une solution qui arrange un MEDEF dont le seul moteur est de veiller à ce que la répartition entre capital et travail se fasse au détriment du second !

Voilà pourquoi, alors que la part du PIB consacrée aux dividendes passe, en quelques années, de 3, 2 à 8, 5 %, la simple question de l’augmentation des cotisations sociales, donc patronales, est devenue un tabou.

Quant à la nécessité, apparemment logique, de travailler plus, elle se heurte à un constat déprimant : les employeurs, pour lesquels un salarié est considéré comme âgé bien avant l’âge de la retraite, usent de toutes les ficelles pour faire sortir prématurément de l’entreprise les personnes concernées.

Le système des préretraites étant arrivé à son terme, ce sont les ruptures conventionnelles qui remplissent maintenant cet office.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

L’évaluation du coût pour l’UNEDIC du projet de loi relatif à la réforme des retraites que nous examinons prouve que transformer de jeunes retraités en vieux chômeurs a un coût certain : un coût humain, d’abord – dilapidation du savoir, perte de compétences, absence de transmission –, et un coût financier, ensuite – plus d’un milliard d’euros sur les comptes de l’UNEDIC, pour la période 2015-2017.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Il est vrai que se battre en la matière demande au Gouvernement de mobiliser tous les leviers qui dépendent de lui, alors que faire de la baisse des pensions l’un des objectifs de la réforme ne demande que d’exploiter les peurs et de baisser les bras !

Dommage ! En effet, parmi les pays qui ont réussi à mettre en place une véritable réforme des retraites, la Suède et la Finlande ont su créer un consensus autour de la nécessité de proposer des perspectives de développement professionnel pour les différents âges de la vie, comme de porter une attention particulière aux conditions de travail et au bien-être dans l’entreprise.

Le cas de la Finlande est emblématique. En quatre ans, entre 1998 et 2002, le taux d’emploi des 55-59 ans est passé de 51 % à 63 %.

Le secret de la Finlande ? Elle n’a engagé sa réforme des retraites qu’après avoir mis en place un plan quinquennal en faveur de l’emploi des plus de 45 ans, qui avait pour objectif de rendre plus attractive la prolongation de la vie active pour tous les salariés.

C’est toute une stratégie préventive qui a ainsi été mise en place et l’État a investi autant dans la promotion de la santé au travail que dans l’entretien du capital humain tout au long de la vie. Enfin, la gestion prévisionnelle des parcours et des compétences a redéfini un autre rapport aux âges, s’intéressant à tout le cycle de vie et pas seulement aux problématiques d’entrée et de sortie sur le marché du travail.

Face aux engagements que d’autres gouvernements ont su prendre en matière d’emploi, les ajustements comptables que vous nous présentez ne sont même pas une manière de préserver le système : ils ne font qu’en durcir les exigences sans en corriger les injustices.

Bien sûr, pour changer les mentalités et construire un nouveau consensus, le processus est long, toujours courageux, souvent difficile, mais c’est aussi l’occasion d’offrir à une société des outils pour se repenser et les moyens de choisir son avenir.

C’est là que résident tout le sens d’une réforme et toute la dignité du politique. C’est ce à quoi les socialistes se sont attelés.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gélita Hoarau

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, malgré les fortes mobilisations de ces dernières semaines et au vu du texte qui nous est présenté aujourd’hui, le Gouvernement persiste dans le choix d’une réforme injuste et inefficace pour pallier les déséquilibres financiers du système de retraite actuel.

Réforme injuste, car elle est supportée à 85 % par les salariés, avec une contribution marginale des revenus financiers et du capital.

Réforme injuste, car, en cumulant l’allongement de la durée de cotisations et le recul de l’âge légal de départ à la retraite, ce sont les salariés d’emplois précaires, les jeunes et les femmes qui ne pourront prétendre à une retraite à taux plein.

Monsieur le secrétaire d’État, cette iniquité est encore plus criante dans une société comme celle de la Réunion, dont la situation sociale et économique est fondamentalement différente de celle de la France continentale.

Le chômage structurel et massif du département de la Réunion est sans commune mesure avec ce que connaissent la métropole et l’Union européenne. En effet, le taux de chômage y est trois fois supérieur à celui de la moyenne nationale. Ce sont les moins de 25 ans qui sont les plus sévèrement touchés, puisque plus de la moitié d’entre eux sont chômeurs. Et ceux de cette tranche d’âge qui sont salariés ont soit un emploi précaire à temps partiel, soit un contrat à durée déterminée. Ce sont donc 70 % des jeunes Réunionnais qui ont de faibles revenus et dont les cotisations sont nulles ou faibles.

À cela s’ajoute le fait établi que le coût de la vie est de 36 % plus élevé qu’en France métropolitaine. Ainsi, plus de 52 % de la population réunionnaise vit en dessous du seuil national de pauvreté.

De plus, à la Réunion, le système actuel des retraites est atypique : une personne âgée sur trois vit avec le minimum vieillesse – 677 euros par mois, je le rappelle –, alors qu’en France continentale seuls 5 % des retraités perçoivent cette allocation.

La situation des retraités à la Réunion fait apparaître une grande disparité entre les deux secteurs économiques, public et privé. En moyenne, un fonctionnaire bénéficie de 1 845 euros mensuels, alors que le montant de la pension est de 580 euros pour une personne relevant du régime général. Et c’est dans le domaine agricole, autre volet important de notre économie et de notre patrimoine, que l’on constate une iniquité plus grande : 75 % des retraités agricoles vivent avec moins de 400 euros par mois !

Debut de section - PermalienPhoto de Gélita Hoarau

Enfin, la spécificité réunionnaise réside également dans sa structure démographique.

Aujourd’hui forte de 800 000 habitants, la Réunion devrait atteindre 1 million d’âmes d’ici à 2030, selon l’INSEE. Ce département verra sa population active augmenter de plus de 20 000 personnes et le pourcentage de personnes âgées de plus de 60 ans doubler.

Précisons que l’argument consistant à justifier qu’il faille travailler plus longtemps en raison de l’augmentation de l’espérance de vie ne tient pas à la Réunion, où l’espérance de vie est inférieure à celle de la France continentale.

À la Réunion, la réforme envisagée, avec l’allongement de la durée de cotisation et le recul de l’âge légal de départ à la retraite, cumulés au chômage et à la précarité, privera encore plus de salariés du privé d’une retraite à taux plein. Ce texte ne fera qu’augmenter le nombre de bénéficiaires du minimum vieillesse. De la sorte, c’est l’immense majorité des Réunionnais qui se retrouveront en dessous du seuil national de pauvreté.

Cette situation spécifique a d’ailleurs été soulignée par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, ancien ministre de l’outre-mer, M. Baroin, qui affirmait en substance que le cas de la Réunion était trois fois plus grave que celui de la France métropolitaine.

Monsieur le secrétaire d'État, au regard de ces perspectives, nous demandons la création d’une commission d’enquête composée de représentants de l’État, des organisations syndicales et patronales, d’élus locaux et nationaux des départements et collectivités d’outre-mer chargée d’évaluer dans les années à venir les effets de cette réforme sur les populations concernées.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il va de soi que je voterai ce texte portant réforme des retraites.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

En effet, le bon sens le commande, l’avenir l’exige et l’urgence ainsi que l’état catastrophique de nos finances sociales le nécessitent. Nous aurions d’ailleurs dû le faire dès le Livre blanc de 1991.

Il ne faut pas se laisser entraîner sur le terrain des marchands d’orviétan et de poudre de perlimpinpin, qui veulent nous faire croire que le maintien du départ à la retraite à 60 ans est possible.

Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

M. André Lardeux. Même Raúl Castro ne le croit pas

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

, lui qui vient de décider de porter l’âge de la retraite de 60 ans à 65 ans !

Exclamations ironiques sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

Dans le cas de la retraite à 60 ans, il y a tromperie délibérée sur la marchandise, car le maintien de cette disposition suppose une ou deux conditions sur lesquelles on garde un silence pudique. En effet, il faudrait soit une augmentation considérable des cotisations salariales, de l’ordre de 10 à 20 points, soit une diminution très sensible des pensions de retraite, soit, plus probablement, les deux en même temps.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

Notre système de retraite doit être plus juste. Il est facile de constater que le dispositif qui est proposé, pour imparfait qu’il soit, est moins injuste que celui qui prévaut dans la situation présente, notamment pour ce qui concerne les différences entre secteur public et secteur privé.

Les systèmes doivent être plus compréhensibles et les déficits actuels, qui sont colossaux, doivent être résorbés. L’heure n’est donc plus à la procrastination.

On décrie le système proposé, alors qu’il demeure pour les pays développés le plus favorable. Il est aussi plus favorable qu’à son origine. En 1945 en effet, avec un âge de départ à la retraite fixé à 65 ans, un Français sur deux n’en bénéficiait pas et ceux qui dépassaient cet âge n’en bénéficiaient que quelques années. Les bénéficiaires à venir auront une vingtaine d’années de retraite, soit plus que ceux qui ont pris leur retraite dans les années quatre-vingt !

Voilà qui démontre que le rapport cotisants-pensionnés est bien le problème de fond quant à l’équilibre financier du système et que cet équilibre sera toujours difficile à réaliser.

Je voterai ce texte, donc, car c’est un pas dans la bonne direction pour maintenir le système de répartition, qui doit toujours être la base du système de retraite.

Le passage à 62 ans est indispensable, car le maintien à 60 ans est une arme de spoliation massive vis-à-vis des générations futures. Cette solution est celle qui évite de pénaliser aussi l’emploi et la compétitivité de notre économie.

Cependant, vous me permettrez d’émettre quelques regrets ou quelques souhaits concernant l’âge de départ, la pénibilité, les paradigmes fondant le système ou l’avenir de l’équilibre financier, car, dans quelques années, il nous faudra probablement aller beaucoup plus loin.

Il y a d’ailleurs un contraste très fort entre le caractère somme toute limité de la réforme et le tohu-bohu qu’elle engendre, preuve de notre immaturité démocratique enfermée dans des démarches clientélistes.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

La mesure la plus décriée est le passage à 62 ans. Pourtant, c’est le minimum minimorum.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

Nous devrons, un jour, inéluctablement passer à 65 ans, lorsque d’autres déjà envisagent 67 ans ou 68 ans.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

On objecte que le taux d’emploi des seniors est insuffisant. On peut répondre que l’emploi n’est pas un gâteau limité une fois pour toutes et que son accroissement est toujours possible. Détenir le plus faible taux d’emploi des seniors ne nous empêche pas d’avoir le taux le plus élevé de chômage chez les jeunes.

On constate enfin que les pays où l’on part plus tard ont un taux d’emploi des seniors plus élevé. Il y a d’ailleurs pour l’instant en France une connivence des partenaires sociaux pour régler des situations difficiles par des mesures excluant les seniors du monde du travail.

Ce qui fait aussi beaucoup débat, c’est la pénibilité. À travers les amendements adoptés par l’Assemblée nationale, le Gouvernement me paraît être allé le plus loin qu’il le pouvait. La solution, au cas par cas, est raisonnable, sauf à réinstituer un ersatz de préretraite.

Espérons que le taux de 10 % qui a été retenu n’entraînera pas un formidable appel d’air à l’avenir. Je ne crois pas que la solution de la pénibilité passe par un avantage retraite et règle le rapport difficile que beaucoup de Français entretiennent avec leur travail. Cela peut susciter une excuse facile pour limiter les efforts d’amélioration des conditions de travail. Il ne me paraît pas moral d’imposer des conditions difficiles et de dire aux salariés : « Désolé, cela abrège votre vie, mais vous aurez la retraite deux ans plus tôt. » C’est carrément cynique !

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

M. André Lardeux. Enfin, je constate qu’aucun pays ne s’est engagé dans cette voie. Les Français sont ceux qui ont la plus mauvaise perception de leurs conditions de travail, alors qu’objectivement la France est l’un des pays les mieux placés dans ce domaine en termes de durée, d’intensité du travail ou d’impact sur l’état de santé.

Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

Si, malgré tout, nous voulions aller dans ce sens, ayons alors le courage de créer une cotisation salariale spécifique dans les secteurs susceptibles d’être concernés.

On met aussi en avant le cas spécifique des femmes qui ont été contraintes d’interrompre longtemps leur vie professionnelle et on en fait le symbole de l’injustice présumée de la réforme.

Le règlement de cette situation est extrêmement difficile et, s’il y en a un, il doit être à mon sens transitoire, en attendant une véritable égalité salariale. Je note d’ailleurs une certaine hypocrisie dans ce qui est dit, car cette excuse sert à masquer d’autres injustices bien plus grandes. Mais il est vrai qu’il ne faut pas exciter certains corporatismes...

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

La solution de ce problème ne doit pas être trouvée sur le dos des avantages familiaux, dont je rappelle qu’ils sont financés par la Caisse nationale des allocations familiales. Le faire serait une nouvelle attaque contre les familles. Or la question des retraites nous démontre à quel point la société paie aujourd’hui cher la déstructuration de la famille et le développement exacerbé de l’individualisme dont on voit bien qu’il n’est pas le plus adapté pour faire face au défi du vieillissement.

Nonobstant tout cela, le retour à l’équilibre financier est un pari dont je souhaite la réussite, car la crise de l’État providence est devant nous. De tous les pays développés, la France est celui où la modernisation du système social est la moins avancée ; sinon, nous devrons assumer une hausse inéluctable des prélèvements sociaux.

Aussi suis-je convaincu, si nous voulons sauver le système par répartition, que nous n’échapperons pas à ce que l’on appelle une réforme systémique.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

Des retraites fondées sur la durée de cotisations ont peu de chance de tenir. Pour assurer leur pérennité, nous devons passer d’un système à prestations définies à un système à cotisations définies, avec une règle stricte d’équilibre budgétaire.

Nous avons au moins deux modèles, les comptes notionnels suédois ou le système allemand par points. L’adoption de l’un d’entre eux permettrait de nous engager dans la création d’un régime de base unique. Toute la question est de savoir si nous le faisons d’un seul coup ou progressivement.

Malgré ces quelques regrets ou ces quelques souhaits, je voterai ce texte, en espérant que les débats n’en altéreront pas la portée, n’en diminueront pas les effets sur l’équilibre financier et en attendant dans quelques années la réforme systémique, la seule possible à mon sens.

Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP. – M. le rapporteur pour avis applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon intervention sera consacrée au sort réservé aux femmes dans ce projet de loi.

Les femmes sont les grandes perdantes de cette réforme. Lors des journées de grève de septembre et de ce début d’octobre, nous les avons vues à la tête des cortèges pour défendre leurs droits, pour s’insurger contre l’injustice dont elles sont victimes.

Monsieur le ministre, c’est une situation que vous devez prendre au sérieux : les femmes doivent être traitées dignement, avec respect.

Je tiens à rappeler quelques-unes des inégalités flagrantes concernant la retraite des femmes.

Tout d’abord, seulement 41 % des femmes ont une retraite complète, contre 85 % des hommes.

En outre, quatre femmes sur dix perçoivent moins de 600 euros par mois, alors que c’est le cas d’un homme sur dix.

Enfin, les femmes retraitées de plus de 60 ans touchent en moyenne 1 020 euros mensuels, soit 62 % de la somme perçue par les hommes.

Ces chiffres découlent des inégalités qui règnent et perdurent sur le marché du travail. En effet, les femmes occupent 70 % des emplois précaires et 82 % des emplois à temps partiel. Trop souvent encore, leur salaire est perçu comme un salaire d’appoint. Cela engendre naturellement des dérives, notamment le temps partiel subi et les inégalités salariales. Les femmes ont majoritairement la charge des enfants, ce qui cause des interruptions de carrière. Elles ont des difficultés à concilier vie professionnelle et vie familiale, faute de structures d’accueil suffisantes pour les enfants.

Dans un pays qui s’enorgueillit, à juste titre, de son taux de fécondité, c’est un comble !

Ainsi, après avoir mené de manière parallèle une carrière professionnelle et une vie familiale, les femmes se voient sanctionnées à l’heure de la retraite. Je dirais qu’elles sont victimes d’une double peine. Aujourd’hui, de nombreuses retraitées sont contraintes de choisir entre la facture de gaz, les soins, ou deux repas par jour.

Une réforme digne de ce nom aurait dû contribuer à remédier à ces injustices. Ce n’est pas le cas, au contraire.

Les femmes sont aujourd’hui nombreuses – 30 % des salariées – à liquider leurs droits à la retraite à 65 ans, au lieu de 60 ans, faute d’avoir pu rassembler plus tôt le nombre de trimestres de cotisation nécessaires pour percevoir une pension à taux plein. Les hommes, moins touchés par les carrières en « dents de scie », sont 5 % dans ce cas.

Les femmes sont également nombreuses, avant 65 ans, à connaître une situation de chômage ou de précarité. En reculant l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans et l’âge de départ à taux plein de 65 à 67 ans, le Gouvernement choisit donc d’allonger cette période de précarité, faisant fi, également, des femmes qui accomplissent des travaux pénibles.

Pensez-vous réellement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, qu’une femme, à 67 ans, soit encore performante sur une chaîne de montage, dans une exploitation agricole ou dans un hôpital en tant qu’infirmière ?

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

En outre, la suppression du dispositif autorisant un départ anticipé pour les salariés fonctionnaires qui attestent quinze ans de services et sont parents de trois enfants, touche également de plein fouet les femmes. En effet, cette disposition garantissait à des milliers de femmes une retraite à taux plein. Ce ne sera plus le cas.

J’ai été saisie à ce sujet par de nombreuses femmes fonctionnaires mères de trois enfants. Toutes m’ont fait part de leur vive émotion, face au désintérêt et au mépris du Gouvernement.

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Il est impératif de maintenir le système actuel.

La délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes du Sénat a émis onze recommandations visant à améliorer la situation des femmes. Parmi celles-ci figure le maintien à 65 ans de l’âge de départ sans décote pour les personnes ayant arrêté de travailler pour éduquer leurs enfants ou soigner un parent malade. Figure aussi la recommandation de déterminer le salaire de référence en se fondant sur la moyenne des salaires perçus au cours des cent meilleurs trimestres, plutôt que sur celle des salaires perçus pendant les vingt-cinq dernières années, afin de mieux prendre en compte les carrières morcelées et le temps partiel.

Nous ne nous opposerons pas à ces recommandations si elles sont proposées. Nous souhaitons toutefois aller encore plus loin ; tel sera l’objet de nos amendements.

Le projet de loi reste donc inégalitaire et injuste à l’égard des femmes. Ce n’est pourtant pas faute pour le Gouvernement d’avoir été alerté sur son texte. Alerté, il l’a été, par exemple, en juin dernier, ici même, lors du débat sur les retraites, par les partis de gauche et les syndicats, en septembre, par l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, et, tout récemment encore, par la HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.

Après avoir pratiqué la politique de l’autruche, le Gouvernement semble vouloir donner des petits signes d’ouverture, mais ils sont bien tardifs et insuffisants. À titre d’exemple, je citerai la promesse faite, il y a quelques instants, de pénaliser à hauteur de 1 % de la masse salariale les entreprises ne respectant pas l’égalité salariale. Pourquoi ne pas avoir appliqué en leur temps les lois Roudy et Génisson ? §Nous ne serons pas victimes de ces jeux de dupes !

La réforme des retraites était une occasion formidable de se saisir de toutes ces questions de société concernant les femmes. Le Gouvernement ne l’a pas souhaité, nous avons gâché une belle occasion. C’est regrettable.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Nous n’approuvons pas cette réforme et ne la voterons pas en l’état. Je le répète, ce projet de loi est profondément injuste et inefficace. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, madame la présidente, mesdames, mes chers collègues, véritable graal récompensant toute une vie, la retraite devrait à elle seule compenser, voire panser, les inégalités et les vicissitudes d’un parcours professionnel. Sans doute est-ce en raison de cette approche très « affective », et donc quelque peu irrationnelle, que toute tentative de réforme devient douloureuse, voire explosive.

Système par répartition, le dispositif français est censé traduire la solidarité générationnelle, ainsi qu’une forme de témoignage de la part de la société du respect dû aux aînés.

Conçu à une époque où l’espérance de vie était moindre, la société plus jeune, les femmes au foyer, la reconstruction à venir, les technologies moins développées, le plein emploi presque assuré et la pénibilité physique du travail une « donnée commune », ce système se trouve à terme remis en cause du fait des évolutions de la société et de l’environnement économique.

En dignes héritiers de Descartes, nous devrions comprendre, dans notre esprit logique, que les changements intervenus depuis lors entraînent nécessairement une évolution du régime de retraite actuel.

Cette nécessité, Gérard Longuet l’a dit tout à l’heure, s’est fait sentir il y a déjà plus de vingt ans. En 1990, en effet, neuf ans seulement après avoir instauré la retraite à 60 ans, François Mitterrand, alors Président de la République, demandait à son Premier ministre, Michel Rocard, d’envisager les scénarios, ce qui conduisit à la rédaction d’un livre blanc dont la lecture est toujours très instructive.

Or, à ma connaissance, et sauf erreur de ma part, il a fallu attendre la réforme du gouvernement Balladur en 1993 et la loi Fillon de 2003 pour que des mesures, certes impopulaires mais indispensables au maintien et à la survie de notre système, soient prises.

Aujourd’hui, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous faites preuve de courage politique et manifestez un grand sens des responsabilités en proposant d’aller encore plus loin et en nous soumettant une réforme globale.

Néanmoins, sans dramatiser, il faut entendre les inquiétudes de nos concitoyens, notamment les plus fragiles et les plus précaires d’entre eux.

Si je suis, vous vous en doutez, favorable au report de l’âge légal de départ à la retraite, ainsi qu’à l’ambition générale du texte, je crois qu’il est des situations qui nécessitent une attention particulière afin de garantir l’équité dans le traitement. Aussi, des mesures transitoires pourraient être adoptées, le temps que soient mises en œuvre des réformes connexes. Il s’agirait, monsieur le ministre, d’une sorte de discrimination positive temporaire.

Nous avons jusqu’à présent beaucoup parlé des femmes. Je tiens seulement à ajouter que, pour éviter de creuser les inégalités dont elles sont victimes, et surtout de les conforter dans une précarité croissante liée également au fait qu’elles vivent plus longtemps, vieillissent plus que les hommes et risquent donc davantage de devenir dépendantes, il conviendrait de leur assurer une retraite décente en maintenant l’âge de taux plein à 65 ans. M. le rapporteur a d’ailleurs laissé la discussion sur le sujet ouverte.

Eu égard aux disparités dont les femmes sont victimes, le Gouvernement entend agir sur l’inégalité salariale. Effectivement, à terme, c’est un paramètre intéressant, mais il ne prend peut-être pas suffisamment en considération la situation actuelle. Aujourd’hui, en effet, il est avéré que l’égalité n’est pas atteinte dans toutes les entreprises.

Il faut à mon sens, monsieur le ministre, rééquilibrer avant d’égaliser. Il est des moments où l’équité est préférable à l’égalité.

Il conviendrait par ailleurs de prendre en considération la situation des jeunes. Ces derniers rentrent de plus en plus tardivement dans le monde du travail, sont souvent une variable d’ajustement et seront, pour beaucoup d’entre eux, confrontés à des situations de rupture professionnelle.

Dans ce contexte, les jeunes sont frappés de ce que l’on pourrait appeler, certes de façon un peu provocante, je m’en excuse, d’une double, voire triple peine. Bien rares sont ceux d’entre eux qui parviendront à avoir une carrière longue sans interruption.

Dès lors, à défaut de pouvoir prétendre à une retraite par répartition suffisante, les jeunes devront anticiper et se constituer une retraite de substitution. Cela équivaut à cotiser deux fois.

Dans ce parcours aléatoire où adaptation et mobilité seront obligatoires, des périodes de formation seront indispensables. Seront-elles prises en compte dans le calcul de la retraite ?

Quelle promotion sociale ? Quelles cotisations ? Quel avenir ?

Il convient, me semble-t-il, d’intégrer ces paramètres, car, dans une société en mouvement, l’approche linéaire ne répond plus aux exigences actuelles, et a fortiori ne répondra pas plus aux exigences futures.

Certes, ces considérations dépassent le cadre de la réforme des retraites mais doivent, je crois, faire l’objet d’une réflexion, avec les partenaires sociaux et le monde de l’entreprise, pour que les jeunes générations ne soient pas les laissées-pour-compte et retrouvent confiance en l’avenir.

La situation du travailleur handicapé et celle des parents d’enfants atteints d’un handicap retiennent également notre attention. Nous devons, me semble-t-il, veiller à apporter une réponse adaptée.

Maintenir pour ces personnes un départ « anticipé » correspond à une réalité physique et à une nécessaire solidarité sociale.

Leur permettre de partir plus tôt avec une retraite à taux plein, c’est leur reconnaître une place pleine et entière dans notre société ; c’est les traiter en acteurs économiques de plein exercice dans notre société ; c’est tout simplement être équitable.

De même en est-il pour les parents d’enfants handicapés qui, souvent, ont dû renoncer, au moins pour l’un des deux, à des carrières entières pour s’occuper de leur enfant. Ils ont, de ce fait, payé un tribut supplémentaire, tribut qu’il paraît légitime de reconnaître à sa juste valeur :

Ces différentes catégories, monsieur le ministre, nous obligent à réfléchir à notre modèle social et certaines réponses ne peuvent pas être apportées par cette seule réforme. À l’instar de tout édifice, toutefois, l’intervention faite sur une partie résonne parfois sur la globalité, et contraint à agir ultérieurement sur d’autres parties.

La réforme proposée, dans ses dimensions économique et sociale, s’inscrit dans cette logique. Si son bien-fondé est, me semble-t-il, largement admis par nos concitoyens, elle soulève des interrogations et des débats qu’il conviendra d’analyser pour apporter des réponses adéquates.

À travers la question des retraites, et par-delà les querelles politiciennes, c’est celle de notre modèle social, voire sociétal qui est posée. Si paradoxal que cela puisse paraître, traiter des retraites nous renvoie au commencement de notre vie professionnelle et à la capacité de chacun à s’insérer, à s’intégrer dans notre société.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et au banc des commissions.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le ministre, samedi dernier – faut-il le rappeler ? – 3 millions de citoyens sont descendus dans la rue.

Sans entrer dans une bataille de chiffres, je me dois de vous dire que votre conception du dialogue social est pour le moins étrange, quand on sait que votre réforme fait descendre des millions de personnes dans la rue, suscite l’opposition de tous les syndicats de salariés et ne reçoit, pour seul soutien, que celui du MEDEF !

Celles et ceux qui étaient dans la rue savent de quoi ils parlent, pourquoi ils se mobilisent, pourquoi ils n’hésitent pas à sacrifier plusieurs journées de salaire. Ils parlent de souffrance, d’injustice, du gouffre qui divise notre société entre les plus pauvres et les plus riches.

Contrairement à vos affirmations, ils jugent votre réforme injuste et subodorent qu’elle sera inefficace. Pour ma part, je la considère comme un contresens historique.

En effet, vous fondez votre projet sur une réalité qui n’existe pas, ou plutôt qui n’existe plus : nous ne sommes plus dans les années soixante ! Vous donnez à penser qu’il suffit de le vouloir pour trouver un travail.

Vous vous fondez sur une hausse de la croissance, alors que, nous le savons, depuis bien longtemps il n’y a presque plus de croissance dans notre pays, ni en Europe ni dans le reste des pays développés. Comme l’a joliment dit M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, vous surestimez l’amélioration de la situation économique.

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Tout cela n’est pas sérieux, et s’annonce même dramatique pour les millions de personnes qui vont souffrir encore plus du fait de votre politique.

Bien sûr, il faut s’atteler à la question des retraites, mais en s’appuyant sur des bases économiques, sociales et environnementales réalistes.

Parlons emploi.

En effet, le système de répartition, auquel nous sommes attachés, repose principalement sur les cotisations sociales, et donc sur la masse salariale.

Vous voulez faire travailler les seniors deux ans de plus, alors que 44 % des 55-60 ans sont au chômage. Comment ces personnes pourront-elles trouver du travail à 60 ans, alors qu’elles n’en trouvent pas à 55 ans ?

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Vous me direz que le projet de loi prévoit des mesures pour la remise au travail des seniors.

Mais pourquoi ne pas mettre ces mesures au service des chômeurs d’aujourd’hui ? Ils deviendraient ainsi cotisants, pour 6, 7 milliards d’euros, et je ne compte pas les indemnités de chômage ainsi économisées.

Pourquoi ne pas mettre ces mesures au service des jeunes en recherche d’emploi, qui « galèrent » de stages en stages ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Leur éviter des années d’errance avant de trouver un emploi stable, ce sont des ressources en plus et, pour eux, la perspective d’un départ à la retraite non retardé.

Vos prévisions sont erronées : la majeure partie des seniors ne trouveront pas d’emploi. Vos calculs économiques sont faux. Et, de fait, les pensions des seniors diminueront, contrairement à vos affirmations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Parlons justice, maintenant.

Eh oui, il faut améliorer le système pour que la retraite gomme les inégalités qui se sont créées au cours de la vie active !

Il importe de tenir compte du développement de la précarité et de remédier aux retraites misérables des petits paysans, des chibanis, des petits commerçants ou artisans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Il est impensable de laisser persister des inégalités comme cet écart de 44 % entre la pension d’un homme et celle d’une femme.

À l’inverse, que proposez-vous contre les retraites chapeau, qui représentent parfois plus de 400 fois le minimum vieillesse, contre le cumul des retraites avec des hauts salaires ?

Très bien ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

En termes de justice, votre réforme aggrave également la situation de ceux qui ont effectué de longues carrières.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Enfin, parlons prévisions.

Il est surprenant de s’en tenir aux seules prévisions démographiques, et ce jusqu’en 2050.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Évidemment, le montant du déficit à cette échéance est abyssal.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

On vous donne rendez-vous, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Mais, outre le fait qu’il est impossible de prévoir la démographie à si long terme, à quoi ressemblera notre société en 2050 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Quelle sera la part du travail dans la création de richesse ? Et l’apport des machines et des robots dans la production industrielle ?

Il faut changer le logiciel pour la période qui s’ouvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

De nouveaux critères sont à prendre en compte : l’évolution technique, l’impact environnemental.

L’activité humaine dépendra de notre capacité à limiter les pollutions, à préserver les ressources, en un mot, à penser autrement la production et la consommation, et même à envisager de « travailler moins pour travailler tous ».

Ne pas prendre en compte, dans les projections jusqu’à 2050, l’aspect environnemental et le progrès technique relève de la stupidité ou, pire, du cynisme.

Et, à propos de démographie, la réforme de 2003 n’avait-elle pas été conçue pour en tenir compte ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Mais c’est vrai qu’il y a eu la crise, on l’a assez rappelé.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Quelle politique compte-t-il mener pour protéger les citoyens et les systèmes sociaux contre les prédateurs, contre les capitaux flottants à la recherche du profit maximum ? Aucune !

Où est, aujourd’hui, l’ambition de progrès social, qui avait été le moteur de la généralisation du système de retraite par répartition après la guerre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Où est l’anticipation de la société de demain, quand le contact humain et la solidarité seront des valeurs à préserver d’autant plus qu’il faudra beaucoup moins de temps salarié pour produire des biens industriels ?

Les retraites ne sont pas l’occasion d’un simple débat technique au cours duquel un ministre gestionnaire viendrait nous expliquer que la courbe démographique ne nous permet pas d’envisager d’autres solutions. Non, avec ce débat, on touche à notre vision de la société de demain.

Écoutez, monsieur le ministre, les millions de manifestants qui vous demandent de respecter l’humain !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Encore une fois, après le CPE, après la remise en cause du droit de grève, après l’autorisation du travail le dimanche, votre gouvernement veut rendre les hommes et les femmes toujours plus corvéables, au service d’une économie fondée sur la recherche du profit maximum.

Dans notre logique à nous, c’est l'économie qui doit contribuer au bonheur du plus grand nombre : voilà notre ambition !

C’est vrai ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

D’autres solutions existent, mais encore faut-il vouloir s’attaquer aux inégalités de notre société. J’aurai, au cours du débat, l’occasion de présenter nos propositions.

En tout état de cause, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les sénatrices et les sénateurs écologistes s’opposeront fermement au recul de l’âge de départ à la retraite en particulier et à ce projet de loi en général, qui, je le redis, est une catastrophe sociale et dont on doit craindre qu’il n’aggrave les conditions de vie déjà très dures de nos concitoyens !

Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les régimes de retraite, déjà déficitaires de 2, 2 milliards d’euros en 2006, ont subi, du fait de la crise, un effondrement tel de leurs ressources que le déficit prévu pour 2010 serait de 32, 2 milliards d’euros. À ce jour, personne n’a contesté ces montants.

Face à un tel sinistre, si nous voulons préserver le caractère spécifique de notre système de répartition intergénérationnel, issu de la Résistance, la réforme des retraites s’impose d’urgence à nous, quelles que soient nos susceptibilités. Personne n’en conteste, d’ailleurs, la nécessité, comme vient de le rappeler l’orateur précédent.

Au point où nous en sommes, il nous appartient donc d’y apporter, en exerçant nos prérogatives de législateur, les aménagements ou les compléments nécessaires, pour une application rapide, car le temps presse et les déficits annoncés seraient, en l’absence de réformes, à proprement parler insupportables, mais aussi pour une mise en œuvre juste, car il y a lieu d’agir sans brutalité.

Sans doute convient-il, d’abord, de préciser que l’espérance de vie à l’âge de la retraite, qui constitue une référence importante de la réforme proposée, s’entend pour une personne en bonne santé.

Or, au vu de la progression des maladies professionnelles après 60 ans, il nous faut constater qu’il existe des inégalités d’espérance de vie selon les catégories professionnelles, et même parfois au sein d’une même catégorie.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

D’où l’opportunité de considérer, dans le cadre de la réforme soumise à notre examen, l’existence de troubles causés par des intoxications d’origine professionnelle.

D’où également l’opportunité de considérer, dans la même optique sociale, la situation tout à fait particulière des femmes mères de famille ayant élevé trois enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La raison de cette légitime sollicitation est simple : notre pays constitue, fort heureusement d’ailleurs, et tout le monde le souligne, une exception démographique en Europe, avec, en 2009, un taux de fécondité de 2, 1 enfants par femme.

C’est une richesse considérable sur le plan économique ; c’est aussi un facteur particulièrement positif pour l’avenir financier d’un régime de retraite intergénérationnel par répartition comme le nôtre.

Parce qu’elles ont dû généralement interrompre leur activité professionnelle pour élever leurs enfants, les mères de famille éprouvent de grandes difficultés à obtenir une retraite au taux plein.

Actuellement, une femme retraitée, mère de quatre enfants, perçoit, en moyenne, une pension de 627 euros par mois, contre 818 euros pour une mère de deux enfants et 1 122 euros pour une femme sans enfant.

Parce que l’adoption de la réforme du régime des retraites ne saurait conduire à aggraver la situation matérielle des mères de famille ayant élevé trois enfants, nous vous proposons, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, de maintenir en faveur des intéressées le bénéfice de la limite d’âge de 65 ans pour l’obtention d’une retraite sans décote.

Oui, nous vous demandons instamment de tenir compte de la situation particulièrement digne d’intérêt de ces mères de famille et de leur assurer, dans le cadre du dialogue ouvert avec le Sénat, le maintien de cet avantage qui leur est actuellement reconnu. Cette demande est, vous le savez, légitime ; elle est également juste.

La réponse favorable que nous attendons tous du Gouvernement, non seulement serait appropriée et opportune, sur les plans social et politique, mais encore serait un engagement tout à l’honneur du Sénat et de nature à susciter sa fierté !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

M. le président. La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, encore une fois, un texte législatif majeur occulte la situation des 3 millions de nos concitoyens qui vivent à huit ou quinze heures d’avion de la capitale.

Je parle de lieux où l’espérance de vie est globalement inférieure de quatre ans à la moyenne nationale, où les carrières sont fatalement plus courtes du fait d’un chômage structurel trois fois plus élevé qu’en métropole, qui touche jusqu’à 55 % des jeunes actifs, lorsque le taux national est de 23 %.

Je parle de lieux où les prix sont fabriqués par des circuits commerciaux hérités de situations de comptoirs d’un autre âge ; de lieux où, proportionnellement à la population, les salaires et les retraites, hormis dans la fonction publique – et encore ! –, entraînent deux fois plus de personnes qu’en métropole sous le seuil de pauvreté.

Je parle de lieux où les femmes, procréant plus que dans l’Hexagone, et souvent matriarches, sont condamnées à des retraites de misère, du moins lorsqu’elles en ont une !

Voilà pourquoi je suis opposé au recul de l’âge du départ à la retraite, et surtout au recul de l’âge du départ sans décote, qui appauvrirait davantage qu’ici les petites retraites et les femmes des outre-mer.

En effet, messieurs les ministres, comment aborder sérieusement une réforme des retraites dans les outre-mer sans traiter des prix, de l’emploi, des revenus, de l’insertion des jeunes et du développement économique ? Savez-vous que les montants des retraites y sont indexés sur l’indice des prix tel qu’il est calculé en métropole ?

En fait, la question des retraites aujourd’hui, comme celle du SMIC DOM avant 1996 ou celle du RSA en 2008, fait partie de ces sujets qui révèlent, de façon récurrente, un véritable positionnement discriminatoire vis-à-vis des ultramarins, et ce au cœur même du processus législatif.

Ne voyez aucune provocation dans mon propos, chers collègues, car je me réfère ici à une définition simple : la discrimination se manifeste tant dans le traitement identique de situations différentes que dans le traitement différent de situations identiques. C’est ainsi que l’on peut prendre des décisions parfaitement inéquitables au nom même de l’égalité !

Or, s’agissant de l’outre-mer, on se comporte souvent comme si les différences étaient tellement incommensurables que l’on ne pourrait les évaluer objectivement.

Dès lors, on bute fatalement sur les deux écueils que sont l’inertie et l’arbitraire. Un exemple d’inertie ? La réforme de l’indemnité temporaire de retraite, l’ITR, adoptée en 2008. Pourtant, dès 1999, des rapports signalaient déjà combien il était important d’établir un indice des prix propres aux territoires concernés.

On créa alors des observatoires des prix ultramarins dans la loi d’orientation pour l’outre-mer, en 2000. Mais il aura fallu attendre mai 2007 pour qu’un décret en définisse les modalités de mise en œuvre. Et l’histoire se répéta ! La question des observatoires des prix dans les outre-mer a été à nouveau débattue en mai 2009, dans le prolongement de la crise sociale. Une loi fut votée en urgence, comme en 2000. De ce texte, on attend toujours les derniers décrets d’application…

Un exemple d’arbitraire ? Avant la présente réforme, la seule mesure récente du Gouvernement concernant les retraites en outre-mer a été la suppression progressive de l’indemnité temporaire de retraite. Cette indemnité avait été créée en 1952 pour les fonctionnaires d’État en poste dans l’océan Indien, l’océan Pacifique et l’océan nord-Atlantique.

Pourquoi ne viser que les seuls fonctionnaires d’État, dès lors qu’en 1983 la décentralisation s’appliquait à l’outre-mer ? Et pourquoi pas également dans les départements français d’Amérique, où la cherté de la vie culmine ?

Mais ce qui est arbitraire aussi, c’est cette réforme de 2008, qui n’a engagé aucun contrôle des prix. Une réforme par laquelle l’État règle ses comptes avec lui-même, en oubliant les salariés du privé, les artisans et les agriculteurs, les conjoints collaborateurs, ou encore les mères de famille, pour lesquelles je sollicite, à travers mes amendements, une attention particulière.

Par ailleurs, à quoi bon présenter les salariés du privé comme victimes des avantages consentis aux fonctionnaires si le revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA, est la seule réponse apportée aux premiers, et elle peine elle-même à remplir sa fonction compensatrice !

Enfin, trouvez-vous normal que, dans les départements français d’Amérique, les DFA, les fonctionnaires retraités, majoritairement de catégorie C, tardivement titularisés, subissent une double perte de revenus, soit les moins 20 % du salaire de référence auxquels il faut ajouter les moins 40 % d’indemnité de vie chère ?

Existe-il des prix « spécial retraités locaux » dans les grandes surfaces d’outre-mer ?

On le sait aujourd’hui, le rapport déposé discrètement au Parlement, au début de l’année, indique que le Gouvernement n’envisage pas le dispositif de substitution à l’ITR qu’il avait laissé espérer en 2008.

Que vaut la parole du Gouvernement ? Monsieur le ministre, mes chers collègues, osons aujourd’hui, sur cette question de société majeure, traiter les ultramarins comme des Français à part entière !

Cela implique de tenir compte des différences. Osons la vérité des chiffres et la rigueur des analyses, sans amalgame facile, sans cliché réducteur ! Ne laissons ni l’inertie, ni l’arbitraire décider du sort de presque 3 millions de citoyens, dont le seul tort est de vivre en outre-mer, loin, trop loin de Paris !

En l’état, je ne voterai pas ce projet de loi, non seulement inefficace et injuste sur le plan national, mais inéquitable pour les ultramarins !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

M. Jacques Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu des cinq minutes qui me sont imparties, je n’aborderai pas tous les problèmes. Mais je voudrais tenter de répondre aux interrogations de ceux qui, plus ou moins angoissés, se demandent si la réforme est juste.

Non ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Que cette réforme soit nécessaire, personne ne le conteste. C’est une chance que l’on vive plus longtemps dans notre pays. Et, comme on vit plus longtemps, on est plus longtemps à la retraite. Mes chers collègues, comment pourrions-nous ne pas nous réjouir de cet heureux constat ? Simplement, si l’on veut sauver le système par répartition, il n’y a pas de miracle à attendre : il faut répondre à la hauteur de cette nouvelle situation.

Puisque, dans notre pays, on vit plus longtemps, je souhaite que l’on puisse travailler plus longtemps et dans de meilleures conditions.

C’est l’objet d’un certain nombre de volets de cette réforme.

Je vais évoquer trois points sur lesquels le Sénat - ses commissions des affaires sociales et des finances ainsi que sa délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes - a apporté une contribution qu’il peut encore enrichir : il s’agit des trois avancées sociales très importantes dont ce texte est porteur.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Le premier point concerne la pénibilité. Il y a quelques années, alors que j’étais responsable d’une formation politique, j’avais souhaité, mais vain, que l’on introduise cette approche de la pénibilité au travail, car, je le savais, c’est souvent dans les postes les plus pénibles que l’on gagne malheureusement le moins d’argent.

Abordé à l’Assemblée nationale, ce thème de la pénibilité est traité au Sénat de manière plus approfondie. La commission nous propose d’aller un peu plus loin en considérant le rôle de la médecine du travail…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

… et sa capacité éventuelle à participer demain à une amélioration des conditions de travail pour diminuer la pénibilité.

Aujourd’hui, le Sénat démontre qu’il a compris l’enjeu. Il faudra non seulement prendre en compte la situation des personnes affectées par cette pénibilité, mais encore faire en sorte d’atténuer cette pénibilité en améliorant les conditions de travail dans la société future qui sera la nôtre.

Si donc on améliore les conditions de travail en allant encore plus loin que ce qui a déjà été fait depuis de nombreuses années, notre contribution se traduira par un véritable acquis social. Mes chers collègues, nous avons avancé, n’ayons donc pas de complexes !

Le deuxième point qui me tient particulièrement à cœur – et ce n’est pas mon collègue et ami Paul Blanc qui me démentira – est relatif à la situation des personnes handicapées.

Un amendement déposé sur l’initiative de la commission me paraît tout à fait positif : il vise à élargir le bénéfice de la retraite anticipée pour handicap. J’avais rédigé un amendement tendant à étendre le bénéfice de ces dispositions aux travailleurs handicapés des établissements et services d’aide par le travail, ou ESAT, c'est-à-dire les anciens centres d’aide par le travail. Pouvez-vous me confirmer, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que, comme on me l’a dit, ces personnes entrent bien dans le champ de l’amendement ?

Si j’ai besoin de cette confirmation, c’est parce que les travailleurs handicapés des ESAT n’ont pas de contrat de travail de salarié soumis au code du travail : ils ont un contrat de soutien et d’aide par le travail. Je voudrais vraiment que ces deux statuts soient assimilés et que toute ambiguïté soit dissipée pour l’ensemble de ces travailleurs des ESAT, qui méritent réellement que leur situation soit prise en compte.

Quiconque a eu la chance de traiter ces dossiers en exerçant comme médecin dans de tels établissements éprouve de l’admiration pour ces personnes handicapées auprès desquelles on apprend beaucoup.

Je souhaite vraiment que l’interprétation de cet amendement ne laisse subsister aucune ambiguïté.

Le troisième point a été évoqué tout à l’heure par notre ancien président, Christian Poncelet : il s’agit du dossier des femmes.

Bien sûr, tout n’est pas réglé, mais je crois que l’on peut avancer. Et le Sénat s’honorerait d’avoir permis une meilleure prise en compte de la situation particulière des mères de famille. Agissons au moins à titre provisoire puisque, dans l’avenir, elles auront plus d’ancienneté que les hommes, ce qui est heureux !

Ces trois volets à eux seuls – il y en aurait d’autres - montrent bien que, loin d’être en recul, nous faisons, au contraire, des avancées sur un dossier si difficile qu’il n’a jamais été traité par ceux qui font le plus de bruit aujourd’hui.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Enfin, comme M. le Président de la République l’a annoncé, j’attends avec beaucoup d’intérêt que, une fois le dossier des retraites bouclé, l’on aborde le problème de la dépendance. Et il faudra le faire dans la sérénité. Car on peut traiter de ces problèmes en dehors de l’invective !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

C’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Soyons donc sereins, et le Sénat s’y prête.

Nous aurons donc à traiter demain du problème de la dépendance, avec le cinquième risque. Il s’agit là d’un vrai dossier qui nous interpelle les uns et les autres.

Nous pourrons alors être fiers, mes chers collègues, d’avoir répondu à la hauteur des exigences, d’avoir contribué à sauver le système de retraite par répartition, d’avoir mieux traité de la pénibilité, du problème des handicapés, des mères de famille et de la dépendance, avec le cinquième risque.

Voilà l’action de la majorité !

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le ministre, vous n’entendez rien ! Ne sentez-vous pas la colère monter contre les nouvelles injustices qui se préparent ? Nous étions dans les rues de France le 7 septembre, puis le 23. Nous y étions à nouveau il y a trois jours et nous y serons, s’il le faut, le 12 octobre prochain.

Une réforme de cette importance, qui touche à l’espérance et à la qualité de la durée de vie, dans le contexte actuel de récession, de chômage record, de recul du pouvoir d’achat, de conditions de travail dégradées, de perte de confiance, doit d’abord être acceptée.

Or votre projet est massivement rejeté parce qu’il n’est pas crédible. Et il n’est pas crédible parce qu’en plus d’être profondément injuste il repose sur une équation financière impossible !

Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Vous prétendez parvenir à l’équilibre dès 2018. Mais les financements prévus reposent pour partie, au-delà des hypothèses, sur un transfert qui déshabille Pierre pour habiller Paul, et sur ce qui ressemble fort à un maquillage rebaptisé « effort net de l’État ».

À l’horizon 2018, 18, 6 milliards d’euros sont attendus du seul recours aux trois mesures d’âge, dont le rendement dépend, en réalité, de projections de croissance de la masse salariale.

Ces hypothèses sont tellement fragiles que les dernières prévisions de déficit vous obligent déjà, alors même que la loi n’est pas votée, à revoir votre copie : 2, 4 milliards d’euros manqueront. Comment ferez-vous ? Eh bien, il était déjà prévu de prendre à l’UNEDIC pour donner à la CNAV ; il suffira de prendre plus, dites-vous, et le tour sera joué ! Avec un déficit cumulé de l’UNEDIC dépassant 10 milliards d’euros cette année pour atteindre 13 milliards d’euros à la fin de 2011, c’est franchement irréaliste !

Votre prévision d’équilibre global des régimes – non du régime général, toujours en déficit de 4 milliards d’euros en 2020 – qui se fondait il y a peu sur une hypothèse de croissance de 2, 5 %, est revue à la baisse. Vous envisagez une progression de 1, 4 % cette année, de 2 % au mieux en 2011, sans meilleure perspective les années suivantes. Or toute croissance qui ne dépasse pas 2 % ne crée pas d’emploi.

L’âge effectif moyen de départ en retraite est à 59 ans et celui de liquidation à 61 ans. Faute d’emploi et de politique d’emploi des seniors, ce sont donc déjà, pour des milliers de nos concitoyens, deux années passées en invalidité, au chômage avec dispense de recherche, ou même au RSA, deux années auxquelles ce projet ajouterait encore deux années à la charge de l’assurance maladie, de l’UNEDIC ou même des conseils généraux !

Les services de l’assurance chômage viennent d’évaluer le coût de ce transfert : entre 440 et 530 millions d’euros !

Vous misez certes sur l’hypothèse – encore une ! – que le recul de l’âge légal de départ en retraite entraînera mécaniquement un recul de l’âge effectif de cessation du travail. Deux données font, au contraire, présumer que la très grande majorité des salariés ne le pourront, ni ne le voudront.

Ils ne le pourront simplement pas, faute de travail. La France connaît l’un des plus bas taux d’emploi des seniors à 38 % et 80 % des femmes qui liquident leur retraite à 65 ans sont sans emploi souvent depuis vingt ans. Ils ne le voudront pas non plus en raison de la dégradation des conditions de travail et du climat professionnel.

Une interrogation subsiste encore sur l’apport des 15, 6 milliards d’euros baptisé « effort de l’État ». En tout état de cause, il manquera une recette au moins égale à cette somme en 2018. C’est une autre part d’ombre de vos prévisions.

Ce financement que vous dites d’équilibre ne résiste pas à l’examen et laissera inéluctablement la dégradation se poursuivre. Surtout, il injurie l’avenir en projetant de faire main basse sur le Fonds de réserve pour les retraites.

Ce fonds, créé en 2001 par Lionel Jospin, est destiné à répondre, à partir de 2020, à des besoins démographiques conjoncturels, et n’est nullement, contrairement à ce que vous prétendez, un instrument de gestion courante des comptes. Il est faux d’affirmer que le transfert de ses actifs et de ses ressources à la CADES ne fait qu’anticiper son utilisation en raison de la crise.

C’est un véritable détournement !

Ce serait une décision trois fois irresponsable : irresponsable parce qu’elle nous priverait d’un outil stratégique indispensable pour l’avenir, irresponsable parce qu’elle porterait la signature de bien piètres gestionnaires des deniers publics, en liquidant un capital qui rapporte depuis 2004, exception faite de 2008, pas moins de 4, 9 %, irresponsable parce qu’elle révélerait un choix de très court terme.

Prêtez au moins l’oreille aux collègues de votre majorité qui désapprouvent ce siphonnage, aux députés de votre majorité qui viennent de refuser de prolonger de quatre ans la durée de vie de la CADES, estimant, à juste titre, qu’il était de mauvaise politique de supprimer la limite de reprise de dette inscrite dans la loi organique ! C’est là une faiblesse considérable de votre dossier.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, cessez d’endetter la France !

Rendez aux Françaises et aux Français les 100 milliards d’euros et plus de recettes fiscales que vous avez fait disparaître en exonérations et avantages, et dont vous avez privé le budget de l’État.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Face à la demande accrue de protection sociale, à l’allongement de l’espérance de vie, aux besoins en santé, à la prise en charge nécessaire de la perte d’autonomie, face à une croissance presque inerte et à une dette portée à un niveau insoutenable, il n’est pas supportable de tailler toujours plus dans les dépenses, de démanteler notre système social et de sacrifier les services publics, alors que, en regard de ces sacrifices, les couches les plus aisées ne participent pas à l’effort commun, garant de notre pacte social.

Nous devons préserver notre système de retraite par répartition en mettant en place une autre réforme, qui est, bien sûr, nécessaire, possible et même indispensable.

Cette réforme doit s’appuyer sur un effort contributif justement partagé entre tous, un effort relevant de mesures démographiques, mais aussi de prélèvements tout à la fois sur les revenus du capital et des entreprises et sur les revenus des salaires.

À l’horizon 2050, 80 milliards d’euros peuvent être financés de manière juste et équilibrée, ce que vous ne proposez pas, et de manière pérenne, ce que vous n’envisagez pas.

Plus personne ne nie, aujourd’hui, l’existence d’un projet alternatif au vôtre.

Ce projet permettra d’obtenir, concrètement, 32 milliards d’euros de recettes, grâce à des mesures démographiques, et nous sommes responsables s’agissant de l’allongement des durées de cotisation.

Nous prévoyons aussi de mettre à contribution les revenus du capital à hauteur de 28 milliards d’euros. À cet égard, monsieur Vasselle, je vous indique que la recette attendue de l’impôt sur les sociétés acquitté par les banques représente bien 3 milliards d’euros, et non 300 millions, comme vous l’avez dit, car il s’agit d’augmenter le taux de 15 points, et non les recettes de 15 %.

Nous proposons, ensuite, une mise à contribution des revenus du travail à hauteur de 27 milliards d’euros, grâce à une hausse de 0, 1 % par an.

Ce que nous préconisons, c’est l’institution d’une retraite choisie, universelle et personnalisée.

Notre choix, qui est à l’opposé de votre projet, uniquement comptable et porteur de régression sociale, monsieur le ministre, est orienté par des considérations démographiques, économiques, sociologiques et environnementales.

Ce choix doit également être politique, s’agissant d’instaurer, ou non, une redistribution entre les générations, de prendre en compte, ou non, les inégalités de fait entre hommes et femmes, de considérer, ou non, les différences de durée de vie entre groupes sociaux, et d’intégrer, ou non, les contraintes et la pénibilité propres à certains métiers.

C’est ce choix de justice et de solidarité, d’un nouveau contrat social moderne, auquel aspirent les Françaises et les Français, que demande notre jeunesse. C’est aussi ce choix que nous voulons mettre en œuvre pour la France.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Soibahadine Ibrahim Ramadani

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, le Sénat entame aujourd’hui l’examen, qui durera sans doute deux semaines, de votre projet de loi portant réforme des retraites, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, le 15 septembre dernier, dans une version qui comporte des modifications et des ajouts par rapport à celle du 23 juillet 2010.

Comme l’ont dit nombre de mes collègues, c’est une réforme indispensable, tant le problème de l’équilibre financier des régimes de retraite est crucial. Notre système connaît, en effet, un déficit de 32 milliards d’euros en 2010. Ce déficit atteindra plus de 45 milliards dans vingt ans, si la Nation ne réagit pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Soibahadine Ibrahim Ramadani

Quelle est la situation ? La France a fait le choix d’un système de retraite par répartition, dans lequel ce sont les actifs d’aujourd’hui qui paient les pensions des retraités d’aujourd’hui.

Or, du fait de l’heureux allongement de l’espérance de vie des Français et de l’arrivée à l’âge de la retraite des baby-boomers, le nombre de retraités passera de 15 millions en 2010 à près de 23 millions en 2050 ; dans le même temps, la population active, qui a longtemps stagné, amorce une tendance à la baisse de 0, 5 % par an, qui pourrait atteindre 1 % par an à partir de 2012-2013, selon les experts.

On se souvient qu’il y a trente ans il y avait trois actifs pour payer la pension d’un retraité ; aujourd’hui, ils sont moins de deux. À cela s’ajoutent le sous-emploi des jeunes et des seniors ainsi que la faiblesse de notre croissance économique.

Ce constat est largement partagé, je crois, sur les travées de cette assemblée. Il reste à choisir les voies et moyens permettant de rétablir l’équilibre financier de notre système de retraite.

Pour éviter de baisser les pensions de retraite et d’augmenter les cotisations, le Gouvernement, que je soutiens, a fait le choix de relever l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans, à l’instar de ce qui existe dans de nombreux pays, notamment européens. Ce faisant, le projet de loi qui nous est soumis tient compte de la pénibilité, tant pour les salariés que pour les non-salariés. Quant à ceux qui ont commencé à travailler tôt, ils bénéficient d’un abaissement de la condition d’âge.

En outre, le projet de loi vise à améliorer l’emploi des jeunes et des seniors, à réduire les inégalités de départ à la retraite entre les hommes et les femmes, à rapprocher le public et le privé.

À ce stade d’évolution du projet de loi, le texte peut encore être amélioré sur de nombreux points : la pénibilité, la situation des chômeurs âgés, les victimes de l’amiante, les personnes en situation de handicap, les femmes ayant au moins trois enfants, et je pourrais continuer l’énumération.

Le texte une fois adopté s’appliquera de plein droit sur le territoire métropolitain et dans les départements d’outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, ainsi qu’à Mayotte, pour certaines catégories de la population. Il y a donc lieu de s’interroger sur son calendrier d’application dans la collectivité départementale de Mayotte.

Il va de soi que cette entrée en application est immédiate pour les agents publics recrutés à Mayotte et intégrés entre 2003 et 2010 dans les trois fonctions publiques, d’État, hospitalière et territoriale, conformément à la loi du 11 juillet 2001.

Qu’en est-il pour les autres salariés du public et du privé qui continuent de cotiser à des caisses spécifiques ? On sait que Mayotte ne deviendra un département d’outre-mer que dans sept mois. Il est par ailleurs prévu, dans le projet de loi statutaire, que l’extension de la protection sociale de droit commun se fera par ordonnance dans les dix-huit mois suivant la publication de la loi statutaire.

Enfin, les agriculteurs de Mayotte demandent que des mesures dérogatoires, semblables à celles qui existent dans les quatre départements d’outre-mer, puissent être envisagées pour la mise en place du régime de retraite agricole de Mayotte.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, sous le bénéfice de ces observations, je voterai votre projet de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je viens à cette tribune pour porter un témoignage, pour inscrire cette réforme dans son contexte national et international, et pour apporter mon soutien au chef de l’État, dont la vision du nouvel ordre économique mondial doit nous permettre de jeter les fondations de la société française et de la société européenne des prochaines années.

Tout le reste n’est que blabla...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Le témoignage, tout d’abord.

J’étais plus jeune – cela m’est arrivé -, j’étais un jeune député – j’étais dans l’opposition, vous étiez dans la majorité, chers collègues socialistes -, lorsque, en 1991, Michel Rocard, alors Premier ministre, a proposé la création de la contribution sociale généralisée, la CSG.

Mon groupe, l’Union centriste, m’avait conseillé de voter la censure. Mais, tout en étant fidèle à ma famille politique, j’ai toujours gardé une liberté de parole et d’action. Aussi considérais-je à l’époque, après analyse, que la CSG, qui allait devenir l’une des principales sources de financement de la sécurité sociale, ne pouvait pas être un enjeu politicien, ni faire l’objet d’une guerre de tranchées entre la gauche et la droite.

Il serait bon, pensais-je alors, que la droite et la gauche cessent enfin leur guerre franco-française et que ce pays de 66 millions d’habitants prenne enfin conscience de sa place face aux 6 milliards d’habitants d’une planète où les frontières sont tombées, où l’on échange des biens et des informations d’un océan à l’autre. Pourquoi serions-nous voués à poursuivre la lutte des classes et les guerres de tranchées ?

Je n’ai donc pas voté la censure, et je m’en suis expliqué sur les chaînes de télévision et de radio. Nous étions quatre députés à faire ce choix : le Gouvernement n’a pas été censuré. Lorsque les résultats ont été proclamés, certains collègues à la culture quelque peu limitée se sont répandus contre la CSG aux mots de « Rocard, DOM-TOM, république bananière » !

Vingt ans après, avec le recul, qui peut encore dire que la CSG était une réforme digne d’une république bananière ? Aujourd’hui, elle pèse 87 milliards d’euros ; c’est le principal impôt direct avant l’impôt sur le revenu, l’une des principales sources de financement de la sécurité sociale, de la branche famille, du Fonds de solidarité vieillesse !

Le texte que nous proposent courageusement leministre du travail, le Président de la République, le Gouvernement et la majorité qui les soutient se situe dans la droite ligne de cette réforme.

Ne soyons pas frileux ! Ne restons pas crispés chacun dans un camp !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Je ne suis pas monté à la tribune pour nourrir cette guerre de la droite contre la gauche. Personne ne détient la vérité ! La vérité n’est d’ailleurs pas immuable, car le monde change plus vite qu’on ne le croit. Nous avons vu des pays sous-développés devenir des pays en voie de développement, puis des pays émergents. Et qui peut dire, aujourd’hui, que la Chine, l’Inde ou le Brésil sont des pays « émergents », alors qu’ils sont déjà sur le podium des premières puissances économiques mondiales ?

Pousser les Français dans la rue et paralyser le pays, c’est jouer contre son pays, c’est jouer contre son propre camp, appauvrir nos entreprises et favoriser la délocalisation !

Nous n’avons pas besoin de cela, alors que la France se vide de son sang industriel, comme l’a si bien dit le Président de la République. Non, nous avons besoin de cohésion nationale ! Et je ne donne de leçon à personne. Simplement, ce que j’ai fait hier, je le fais aujourd’hui !

Mes chers collègues, je suis intimement convaincu que, sans ces réformes aujourd’hui, nous ne pourrons pas demain demander au capital et aux transactions financières de financer la solidarité.

Le Président de la République a demandé hier, à New York, devant les Nations Unies, l’instauration d’une sorte de taxe Tobin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Le prix Nobel d’économie fut en effet l’un des premiers à réclamer une taxation des transactions monétaires internationales.

Aujourd’hui, à Bruxelles, le Président de la République a appelé à l’établissement d’un nouvel ordre économique et monétaire mondial.

Alors, au lieu de faire le procès d’un homme qui met ses mains dans le cambouis et n’a pas peur d’aller au-devant de difficultés incommensurables, je préfère voter cette réforme et, ce faisant, l’assurer de mon soutien !

Évidemment, définir un nouvel ordre économique mondial est une tâche difficile ! Instaurer une gouvernance économique européenne et demander au gouvernement chinois une nouvelle parité du yuan ne sont pas non plus choses aisées !

Mais renoncer à ces combats pour mieux camper chacun dans sa tranchée, c’est appauvrir la France, c’est appauvrir l’Europe, et nous n’avons pas été élus pour cela !

Nous voterons donc votre réforme, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mais écoutez-nous, soyez attentifs à nos amendements, soyez sensibles aux pistes d’amélioration évoquées ce matin, et ce texte juste, mais encore perfectible, nous le perfectionnerons ensemble !

Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Demain, d’autres réformes viendront et, avec elles, je l’espère, un nouvel ordre économique et financier mondial qui nous permettra au niveau européen, et peut-être même au niveau mondial, puisque le président Obama en est d’accord, de prendre sur le capital pour financer la solidarité !

Applaudissements sur les travées de l’UMP ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mayet

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le problème des retraites est aujourd’hui une préoccupation très actuelle pour tous les pays qui ont la chance d’être dotés d’un système de retraite. En fonction de l’histoire, des convictions et des ambitions de chacun d'entre eux, la façon de le traiter peut varier.

En revanche, le résultat dépendra toujours de leur capacité respective à sortir la question du champ idéologique, afin d’assurer une pérennité qui, elle, ne peut être qu'économique. Nous le savons tous et il est malhonnête d'essayer de faire croire autre chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mayet

… a pris les mesures nécessaires à la sauvegarde de ses différents régimes de retraite. Et sans surenchère politique ou syndicale.

L’Allemagne ne prétend pas donner de leçons à ses voisins ! Elle se contente de réussir, dans le calme et au service des Allemands, lesquels savent parfois dépasser les clivages politiques pourtant très prégnants dans ce pays.

Et nous, qu’avons-nous fait et que faisons-nous à ce sujet ?

(Marques d’approbation sur plusieurs travées de l’UMP.) Car c’est essentiellement de là que découle la situation actuelle ! Pourtant, l’évolution de notre pyramide des âges, qui commençait à se dessiner dans les années cinquante, ainsi que l’allongement de la durée de vie, déjà perceptible dans les années soixante et soixante-dix, auraient dû inciter à la prudence et au respect des équilibres.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mayet

Tout provient, excusez-moi de le dire, d’une grossière erreur initiale : avoir avancé l’âge de la retraite de 65 à 60 ans, et ce sans contrepartie financière. §

Nous sommes maintenant dans le mur. Si le pire, c’est-à-dire l’amputation substantielle de toutes les retraites, peut encore être évité, il ne le sera que dans un cadre de rigueur budgétaire garanti par la réforme qui nous est proposée.

Il n’y a aucune autre solution ! Si la solidarité doit bien sûr fonctionner, il est irresponsable d’essayer de persuader les retraités et futurs retraités qu’il faut prendre aux riches pour donner aux autres. Cela ne marche pas, et tout le monde le sait ! Je voterai donc cette réforme, car elle va dans le bon sens. Elle est honnête, courageuse, et elle honore le Gouvernement.

Suffira-t-elle ? Je le souhaite évidemment. Ce succès dépendra de la qualité des projections ayant conduit au projet qui nous est proposé. Je constate cependant que nos voisins européens vont plus loin et plus rapidement.

Nous devons penser aux plus faibles d'entre nous, c'est-à-dire les petits retraités, qui sont les plus nombreux. Leur pouvoir d'achat, évidemment très fragile, dépend du montant de leur retraite mais aussi de ce qui pourrait diminuer en termes de dépenses.

Il faut savoir que le loyer afférent à un logement HLM ou privé représente de 30 % à 40 %, parfois plus, de la ressource globale des retraités. Il est nécessaire, urgent et possible de diminuer cette dépense, en allant jusqu'au bout de l'engagement pris par le Président de la République de faire de la France un pays de propriétaires. Cela vaut bien un complément de retraites !

Ce projet peut et doit concerner toutes les classes de notre société, y compris les plus faibles, qui en ont le plus besoin, financièrement et socialement.

Les mesures qui vont nous être proposées sur l'accession à la propriété sont pertinentes et je les voterai, bien sûr. Mais il va falloir aller plus loin et décider que tout retraité ou futur retraité devra être ou devenir propriétaire de son habitation. C'est la seule solution pour en figer le coût à un niveau supportable pour tous.

Posons-nous, mes chers collègues, deux questions : pourquoi, dans le reste de l'Europe, le taux de propriétaires est-il plus important dans les pays à faible pouvoir d'achat ? Pourquoi, en France, jusqu’en 1950, les familles économiquement les plus faibles étaient-elles très souvent propriétaires ?

C’est dans la réponse précise à ces deux questions que réside l’une des clés du problème. J'ai la conviction que nous devrions rapidement utiliser une partie des 45 milliards d’euros annuels dédiés directement ou indirectement à la location pour aider les Français à faibles ressources à acquérir ou, s’il le faut ensuite, à entretenir leur habitation.

Nous disposons pour ce faire d'un levier formidablement puissant, l'ensemble des bailleurs sociaux : ils ont le savoir-faire et les moyens de lancer et de réussir un mouvement qui peut être historique pour notre pays et de pousser le privé à s’y engager. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé une proposition de résolution que j'espère voir rapidement inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée.

Les professionnels publics du monde HLM, et les professionnels privés, qui travaillent avec moi sur ce sujet depuis deux ans, sont en effet convaincus qu'il serait rapidement moins coûteux pour la collectivité d'aider les Français à acquérir plutôt qu'à louer.

L'intérêt social d'une telle mutation n'est évidemment pas à démontrer et elle constitue manifestement un soutien essentiel au pouvoir d'achat des retraités.

Applaudissements sur les travées de l’UMP.

Applaudissements sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaiterais apporter quelques éléments de réponse aux orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale.

Quelques-uns d’entre vous ont contesté le relèvement de l’âge de la retraite, qui est évidemment au cœur de la réforme. Cependant, j’observe, au fil des débats, sinon évidemment un consensus

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Vous prenez vos désirs pour des réalités !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Je remarque que, si le seuil de 67 ans suscite quant à lui toujours beaucoup de contestations, à un titre ou à un autre, au fond, on fait preuve de réalisme en ce qui concerne le seuil de 62 ans. En effet, compte tenu de l’allongement de la durée de la vie, repousser de quelques trimestres l'âge d'ouverture des droits, assurant une retraite à taux plein, paraît indispensable.

Rappelons que le taux plein est atteint à 62 ans dans le cadre de cette réforme, et non pas à 67 ans comme certains sénateurs de gauche l'ont prétendu !

Par ailleurs, j’ai apprécié la façon dont Jean Bizet a inscrit notre réforme dans le contexte international et européen. Si l’« exception française » est un concept parfois tentant, il convient d’en définir les limites, notamment lorsque l’on se penche sur des systèmes aussi lourds que celui de nos retraites par répartition.

Comme je l’ai dit dans mon discours introductif et comme l’a répété à l’instant Jean-François Mayet, nous devons nous intéresser aux mesures prises en la matière par nos voisins européens. Je remercie à cet égard Jean-Paul Virapoullé de sa largesse de vue, qui s’étend bien au-delà de l’Europe, et de son soutien, aussi.

En Allemagne, …

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. … comme l'ont dit Jean Bizet et Jean-François Mayet, l’âge de la retraite sera porté de 65 à 67 ans pour le taux plein. Le seuil allemand de 67 ans correspondra au seuil français de 62 ans ! C’est ainsi que la comparaison doit être faite !

Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

On entend parfois qu’en Allemagne trente-cinq ans de cotisations suffisent. Mais les Allemands doivent avoir atteint cette durée de cotisation à 63 ans ! Si nous présentions une réforme du même type, je doute fort que les travées de gauche nous applaudiraient ! Au contraire, vous nous diriez que 63 ans est un âge scandaleusement trop élevé, et vous oublieriez bien vite la durée de 35 ans que vous mettez aujourd’hui en avant !

Lorsque l’on parle, dans le cas de l’Allemagne, de 35 ans de cotisations, il faut entendre la condition d’âge - 63 ans -, et ne pas négliger l’importance de la décote associée : elle est de 7, 2 %, et pourrait même atteindre 14, 6 % !

Alors, trente-cinq ans de cotisations, d’accord, mais quand on compare, il faut comparer l’ensemble et ne pas oublier, en l’occurrence, le seuil de 63 ans et la décote dont je parlais.

À l’invitation de plusieurs d’entre vous, je souhaiterais aussi revenir sur le bouclage financier de la réforme.

Selon Jean-Pierre Plancade, le retour rapide à l'équilibre des régimes de retraite constitue un objectif trop ambitieux. Mais c’est que nous devons aller vite ! Quatre mois par an, c’est effectivement le rythme que nous avons retenu, soit une pente plus rapide que dans plusieurs autres pays.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Plus rapide, pas plus brutal ! Cependant, l’objectif final n’est que de 62 ans, donc un âge moins élevé que dans la plupart des autres pays.

En outre, avec notre réforme, l’équilibre financier sera atteint dès 2018.

Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Je sais que vous contestez cette réalité, mais je puis vous assurer que nous serons à l’équilibre en 2018, 2019, 2020…

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Nous aurons un rendez-vous en 2018, car, comme l’ont dit certains d’entre vous, il ne faut pas hésiter à régulièrement reprendre le dossier.

Cela permet d’ailleurs de dédramatiser le débat, comme c’est généralement le cas à l’étranger. Il faut dédramatiser le débat sur les retraites, qui ne sont que le miroir de la vie, …

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

… le miroir de l’espérance de vie et de l’évolution des métiers, le miroir de l’égalité entre hommes et femmes.

Tout cela évolue et, à un moment donné, on doit en trouver la traduction sur les retraites, au nom de la bonne gouvernance de notre pays. Notre système devra donc s’adapter très régulièrement. En aucun cas il ne doit être définitif ou inaltérable. Et heureusement, d’ailleurs, car, si l’on réforme les retraites, c’est bien souvent en raison de bonnes nouvelles, notamment quant à l’espérance de vie !

Jean-Pierre Godefroy a affirmé que la pénibilité n’était absolument pas prise en compte comme elle devrait l’être.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

C’est vrai ! Elle n’est pas prise en compte !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Certains ont prétendu que nous ne retenions que l’invalidité et l’incapacité, alors que d’autres pays feraient depuis longtemps sa juste place à la pénibilité.

C’est faux ! Les autres pays ne lient pas les taux d’incapacité à la retraite. Ils les lient à des rentes d’invalidité, et non au droit spécifique qu’est la retraite ! La retraite, mesdames, messieurs les sénateurs, n’est pas une prestation sociale, ce n’est pas une prestation compensatoire, ce n’est pas une réparation. La retraite est un droit acquis au fil du temps passé à travailler, le droit à ce que les actifs qui vous succèdent payent votre repos.

Sur le sujet de la pénibilité comme sur tant d’autres, les sénateurs de gauche adoptent une posture à mes yeux défensive. On dirait presque qu’ils sont gênés que, sur la pénibilité, nous ayons mis en place, …

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

… nous ayons inscrit un droit nouveau pour les salariés ! Ils devraient plutôt s’en féliciter, ou éventuellement dire que cela ne va pas assez loin !

Oui, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous pourriez reconnaître que nous créons un droit nouveau ! En effet, l’élévation de l’âge de départ à la retraite doit bien prendre en compte la pénibilité des métiers ou des facteurs d’exposition.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Nous ne disons pas que ce dispositif sera gravé dans le marbre pour les quinze ans qui viennent. Nous pensons au contraire que ce droit, que nous inscrivons dans la loi, sera amené à évoluer. Pour ce faire, un comité scientifique, composé de médecins, de sociologues et de thérapeutes, devra travailler sur le lien entre l’exposition à un facteur de pénibilité et son retentissement sur la santé. Si vous ne faites pas ce lien…

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

… vous ne pouvez pas prendre en compte la pénibilité.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Monsieur Godefroy, nous aurons un débat, mais vous ne pouvez pas présenter de manière aussi caricaturale la médecine du travail.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

En fait, vous ne parlez pas du texte que nous vous présentons.

Le projet de loi permettra d’améliorer considérablement la médecine du travail, …

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

… en l’adaptant aux réalités du travail d’aujourd’hui.

Vous ne pouvez pas caricaturer ainsi nos propositions ! Pour engager un débat de cette nature, il faut se mettre au niveau, et vous n’êtes visiblement pas au bon niveau !

Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Vous nous avez interrogés, monsieur Jégou, sur un autre parti pris : le fait de prendre en compte, en les mettant sur le même plan, l’ensemble des régimes de retraite. C’est également un choix que nous assumons totalement : nous ne pouvons pas parler du seul régime général. Il est indispensable d’intégrer la fonction publique et les régimes de non-salariés. Sinon, on donnerait une vision tronquée, biaisée, de la situation des régimes de retraite.

M. le Président de la République s’y est engagé, nous permettrons aux régimes de retraite dans leur ensemble d’atteindre l’équilibre.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Il s’était également engagé à conserver la retraite à 60 ans !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Nous avons d’ailleurs fourni à la commission des finances certains éléments, notamment l’évolution du solde de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, ayant eu l’occasion, au cours des dernières semaines, d’affiner différents chiffres. Nous les évoquerons au cours de la discussion, ce qui sera extrêmement intéressant

Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous ne pouvez pas, de la même tribune, vous opposer aux transferts entre les régimes et défendre un régime universel. Vous ne pouvez pas prôner la fusion de l’ensemble des caisses et vous émouvoir d’un éventuel transfert, en 2014, des excédents d’une caisse pour compenser les déficits d’une autre.

Je le rappelle, une situation déficitaire n’est pas forcément due à une mauvaise gestion ; elle peut être liée à des contraintes particulières, comme c’est le cas pour la Caisse nationale d’assurance vieillesse, qui supporte notamment un certain nombre de politiques ou de dispositifs de solidarité. Nous aurons ce débat.

Monsieur Vasselle, vous nous avez interrogés sur le « swap UNEDIC », c'est-à-dire le transfert de cotisations entre les branches chômage et vieillesse, transfert qui dépendra fortement des hypothèses concernant le marché de l’emploi.

Je rappelle toutefois que nous nous sommes fondés sur l’évaluation moyenne du COR, alors que le projet socialiste s’appuie sur ses hypothèses les plus optimistes. En retenant le chiffre de 3, 3 milliards d’euros à l’horizon 2020, ce qui représente un peu plus de 6, 5 % de notre bouclage, nous avons travaillé de manière extrêmement prudente.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Les éléments d’actualisation que nous avons transmis la semaine dernière à la commission des finances nous ont permis de confirmer les projections que nous avions retenues en juin dernier, monsieur Jégou. Nous avons même revu légèrement à la hausse les déficits qui avaient été retenus par le COR. En effet, un examen caisse par caisse de la situation, et non pas une vision uniquement macroéconomique, donne des chiffres un peu plus pessimistes, ce qui nous fait apparaître encore plus clairement la nécessité de la réforme.

Nous rééquilibrons les régimes de retraite dès 2018, soit un effort d’ensemble de 43 milliards d’euros. Les mesures d’âge représentent plus de 40 % de ce rééquilibrage, soit 18 milliards d’euros en 2018, et 20 milliards d’euros en 2020.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Le reste du financement vient du « swap UNEDIC » et des mesures de convergence entre secteur public et secteur privé, à hauteur de 4 milliards d’euros, ainsi que des dispositions permettant des recettes supplémentaires. Ces dernières pèseront sur les entreprises et les ménages les plus aisés et rapporteront 4 milliards d’euros.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe m’a posé une question précise concernant le volume financier du relèvement de l’âge d’annulation de la décote, qui passera progressivement, d’ici à 2023, de 65 ans à 67 ans.

Cette mesure représente 2, 5 milliards d’euros en 2018, 3, 6 milliards d’euros en 2020 et 7 milliards d’euros, soit un tiers des effets de la réforme, en 2025. Elle permettra en effet de réaliser immédiatement des économies, dès que l’âge d’annulation de la décote sera reporté de quatre mois. Il existe aussi des raisons sociologiques : les personnes qui, parce qu’elles ont fait des études longues, sont entrées sur le marché du travail tardivement partiront à la retraite à partir des années 2020 ou 2015. Le poids financier de cette mesure est donc très important, même si, comme nous l’avons dit, nous sommes prêts à la faire évoluer.

Je le redis aux sénateurs et aux sénatrices qui se sont exprimés sur ce sujet, nous devrons peut-être faire bouger les lignes, pour un certain nombre de cas.

Pour parler net, nous prendrons bien en compte la situation des femmes qui ont été pénalisées dans leur carrière, notamment en raison d’interruptions de travail liées à l’éducation des enfants. §Comme l’a dit Christian Poncelet, il s’agit d’un sujet très important dont nous débattrons au cours de la discussion des articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Ce n’est pas ce qui est écrit aujourd’hui dans Le Monde !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

La question de la retraite des femmes, qui a été mentionnée dans de nombreuses interventions, préoccupe évidemment un grand nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez.

Cela étant, pour bien penser les effets de la réforme proposée, encore faut-il partir d’une description exacte de la situation présente, ce que n’ont fait ni Mme Pasquet ni Mme Printz.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Ce n’est tout simplement pas la même description que la vôtre !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Aujourd’hui, ce ne sont pas 30 %, mais 22 % des femmes qui liquident leur pension à 65 ans. Si le pourcentage de 30 % était vrai voilà dix ans, il ne l’est plus aujourd’hui.

Il n’est pas non plus exact d’affirmer que les femmes qui liquident leur pension à cet âge sont encore en activité. Vous avez envisagé le cas de ces ouvrières ou de ces infirmières qui pourraient travailler jusqu’à 67 ans. C’est faux ! Ces personnes seront parties à la retraite depuis bien longtemps. Elles n’appartiennent absolument pas à la catégorie de celles qui liquident leur pension à 65 ans et qui, demain, le feront à 67 ans.

En moyenne, mesdames, messieurs les sénateurs, les personnes qui liquident leur pension à 65 ans se sont arrêtées de travailler vingt ans auparavant ! Je vous livre là les chiffres de la Caisse nationale d’assurance vieillesse.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Très sincèrement, mesdames les sénatrices, si la situation des femmes vous importait tant, je me demande pourquoi le parti socialiste n’a rien fait en la matière quand il était au pouvoir.

Vives protestations sur les travées du groupe socialiste. – Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Vous avez pris le temps – vous nous le dites suffisamment ! – de créer le Conseil d’orientation des retraites et le Fonds de réserve pour les retraites. Mais vous n’avez pas cherché à améliorer la situation des femmes ! Or j’aime autant vous dire que, à l’époque où vous étiez au pouvoir, leur situation était encore plus injuste qu’aujourd’hui.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Notre projet de réforme vise donc à s’attaquer aux vraies causes des inégalités de retraite entre hommes et femmes, c’est-à-dire, d’abord, aux inégalités salariales.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Je le sais bien, votre positionnement vous conduit à dénoncer notre projet, éventuellement à psalmodier quelques incantations, mais jamais à formuler des propositions.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Vous n’arrêtez pas d’évoquer les propositions socialistes !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Pour notre part, nous faisons des propositions très claires en matière d’inégalités salariales et, pour la première fois, nous créons des sanctions financières pour les entreprises, qui pourront représenter 1 % de la masse salariale, ce qui est tout à fait important.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Madame Panis, vous avez présenté les propositions formulées parla délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

J’ai bien noté votre proposition de calculer les pensions en retenant les cent meilleurs trimestres plutôt que sur les vingt-cinq meilleures années. Toutefois, on risque ainsi de pénaliser un certain nombre de travailleurs. Si vous le souhaitez, nous pourrons rentrer dans le détail.

Je pense notamment aux travailleurs saisonniers, qui valident aujourd’hui une année entière alors qu’ils ne travaillent que pendant une partie de celle-ci. Le dispositif actuel autorise une personne travaillant à mi-temps pour la moitié d’un SMIC de valider une année entière. Par conséquent, beaucoup seraient perdants si l’on calculait le salaire de référence sur la base d’un trimestre. Quoi qu’il en soit, nous sommes prêts à en débattre.

Vous avez également évoqué l’idée d’un partage des droits à la retraite entre les époux, notamment lors d’un divorce, à l’image de ce qui se fait en Allemagne. Je veux rappeler que, d’ores et déjà, en cas de divorce, le montant de la prestation compensatoire prend en compte les droits à retraite acquis par les époux. Mais je suis sensible à votre souhait d’aller plus loin, notamment en matière d’information des femmes sur ce dispositif de justice, qui doit être utilisé.

Cette réforme est l’occasion de renforcer la solidarité de notre système de retraite, notamment en prenant mieux en compte la pénibilité au travail et les carrières longues, dont le parti socialiste se fait désormais le premier défenseur, alors qu’il s’agit d’une disposition introduite par la loi Fillon. Mais pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, ne l’aviez-vous pas votée ? Pourquoi n’avez-vous pas voté le dispositif relatif aux carrières longues ?

Aujourd’hui, nous renforçons ce dispositif, pour l’étendre aux personnes qui ont commencé à travailler à 17 ans. Pourquoi ne reconnaissez-vous pas qu’il s’agit d’une bonne mesure ? Si le dispositif des carrières longues vous semble si formidable, pourquoi ne vous réjouissez-vous pas de son extension ? Nous aurions un débat un peu plus objectif !

Lorsque vous avez fait adopter la retraite à 60 ans, en 1982, le fait qu’un ouvrier soit amené à travailler quarante-six ans ne vous dérangeait pas le moins du monde !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Lorsque l’on commence à travailler à 14 ans et que l’on prend sa retraite à 60 ans, on cotise 46 ans ! Il a fallu attendre François Fillon et la loi du 21 août 2003 pour que, avec le dispositif des carrières longues, cet élément essentiel de justice soit introduit dans notre système de retraites.

Sur la pénibilité différée, je serai plus prudent, monsieur Vanlerenberghe. En effet, si elle n’est pas prise en compte de façon systématique, s’il n’est pas possible de vérifier que quelqu’un a été réellement exposé à des facteurs de pénibilité, ce type de mesure devient très injuste. Sans preuve, sans étude scientifique démontrant que 70 % à 80 % d’une population voit sa santé réellement affectée par un facteur de pénibilité, par exemple une substance cancérogène, nous ne pouvons pas ouvrir de nouveaux droits.

Nous devons donc continuer de travailler sur cette question, que nous évoquerons bien évidemment au cours de la discussion, mais je vous remercie de votre proposition.

En ce qui concerne les personnes handicapées, j’ai bien noté ce que vous avez dit, monsieur Milon.

Monsieur Jacques Blanc, les travailleurs handicapés travaillant dans les ESAT sont bien concernés par l’élargissement du dispositif, dès lors qu’ils totalisent une durée suffisante d’activité.

La solidarité est un élément essentiel de notre système de retraite. Votre intervention le prouve, madame Hoarau, il convient d’en rappeler les dispositifs, qui ne sont pas toujours assez bien connus. Ainsi, lorsque l’on travaille à temps partiel, on valide des droits à la retraite ; lorsque l’on est au chômage, c’est également le cas.

Vous avez évoqué le minimum vieillesse. Je le rappelle, nous l’avons revalorisé de 25 %. Par ailleurs, il continuera de bénéficier aux personnes âgées de 65 ans. Il s’agit d’une mesure de justice sociale majeure. En effet, dans le cadre du relèvement de l’âge de 65 ans à 67 ans, il était important de conserver l’étape de 65 ans pour le bénéfice du minimum vieillesse.

Enfin, monsieur Fischer, le taux de cotisation que vous avez cité pour le secteur privé n’est pas exact. En effet, pour la partie du salaire inférieure au plafond de la sécurité sociale, le taux des cotisations pour la retraite est bien de 6, 75 %, mais uniquement pour le régime de base : vous avez oublié les cotisations aux régimes complémentaires : 3 % pour l’ARRCO et 0, 8 % pour l’AGFF. Le taux est donc bien de 10, 55 %.

Avec Georges Tron, nous avons la volonté, et nous l‘assumons, de rapprocher le taux du secteur public, qui est de 7, 85 %, de celui qui est en vigueur pour le secteur privé, soit donc 10, 55 %. Cette évolution se fera progressivement, sur dix ans, afin de ne pas amputer le pouvoir d’achat des fonctionnaires.

Enfin, MM. Vasselle et About ont notamment évoqué la création d’un régime universel de retraite. L’Assemblée nationale a abordé ce sujet important, mais sans adopter d’amendements à ce propos. Peut-être n’en ira-t-il pas de même au Sénat, mais changer de système n’est pas, en tout état de cause, la solution miracle : le système par points comporte de nombreux inconvénients par rapport au dispositif actuel. Même s’il faut bien sûr répondre à l’urgence de la situation, il convient donc de soigneusement peser les choses avant d’envisager éventuellement un tel changement, qui ne permettra pas, de toute façon, de résoudre les problèmes de financement.

Mme la présidente de la commission des affaires sociales acquiesce.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Je remercie M. Longuet de son soutien. Le Gouvernement est effectivement totalement mobilisé sur cette réforme. Nous sommes très attentifs à ce qui se dit dans la rue, contrairement à ce qu’ont affirmé les orateurs de l’opposition. Pour autant, faudrait-il ne rien faire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Ce n’est pas ce que vous disent ceux qui manifestent dans la rue !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Devrions-nous renoncer à réformer le système des retraites ? J’ai eu beau chercher, je n’ai pas trouvé de proposition du parti socialiste autre que fiscale sur ce point

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Nous sommes ouverts à la concertation et au dialogue, contrairement à ce que vous prétendez.

Non ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Cela étant, les syndicats ne souhaitaient pas s’engager dans une négociation, car ils s’opposaient, à l’instar du parti socialiste et du parti communiste, à ce que l’on modifie les seuils d’âge en matière de départ à la retraite. Poser un tel préalable interdit de négocier, quel que soit le gouvernement en place.

Si vous aviez accepté d’envisager un report de l’âge légal de la retraite, comme Mme Aubry l’avait un moment laissé entrevoir, il aurait alors été possible d’en négocier les modalités et les conditions. Mais vous avez fermé la porte à une telle évolution et rendu ainsi la négociation impossible. Néanmoins, tous les autres sujets ont fait l’objet d’une discussion approfondie.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Nous avons échangé avec l’ensemble des organisations syndicales, madame la sénatrice. Nous connaissons sans doute mieux que vous leurs positions sur chacun des aspects de la réforme, et nous avons fait évoluer notre texte à leur écoute. Je remercie d’ailleurs par avance le Sénat de contribuer à le faire évoluer davantage encore grâce à un débat de fond.

Applaudissementssur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

Je voudrais, à la suite d’Éric Woerth, apporter quelques précisions en ce qui concerne la fonction publique.

M. Jégou a évoqué les « catégories actives » et les régimes spéciaux.

Le classement des emplois en « catégories actives » de la fonction publique remonte dans de nombreux cas au milieu du xixe siècle et repose sur des éléments objectifs. Le présent projet de loi ne vise en aucun cas à figer la notion de « catégories actives ». Ainsi, voilà quelques mois, nous avons considéré qu’une revalorisation statutaire était possible pour les infirmières et qu’aucune raison objective ne justifiait plus le maintien de cette profession au sein des « catégories actives ». Nous avons donc instauré un droit d’option au bénéfice de ces personnels, qui peuvent choisir entre la revalorisation statutaire et le maintien en « catégorie active ». Les métiers qui demeurent classés en « catégories actives » sont des métiers spécifiques à la fonction publique, tels que policier ou gardien de prison, qui n’existent pas dans le secteur privé. Le critère pour le maintien en « catégorie active » est l’absence d’équivalent dans le privé. Dans le cas contraire, une possibilité d’évolution est prévue, comme pour les personnels infirmiers. N’ayez donc aucun doute, monsieur le rapporteur pour avis, sur le fait que nous avons procédé à un examen objectif des différentes situations.

En ce qui concerne les régimes spéciaux, les dispositifs qui ont été adoptés dans le cadre des réformes conduites en 2007 et en 2008 par Xavier Bertrand montent actuellement en puissance. Nous avons considéré qu’il était préférable d’éviter un télescopage de ces dispositifs avec notre projet de réforme des retraites. C’est la raison pour laquelle il est expressément prévu que celle-ci ne s’appliquera aux régimes spéciaux qu’à compter de 2016.

M. Vasselle a souhaité obtenir quelques précisions sur la convention qui a permis au COR d’établir le montant du déficit constaté pour les pensions d’État.

Le calcul est un peu complexe, mais on part de l’idée simple que, en 2010, le montant de la subvention d’équilibre versée par l’État pour assurer le paiement des pensions de ses fonctionnaires sera fixé à 15, 6 milliards d’euros. Dès lors, cela signifie que nous devons être en mesure d’économiser chaque année l’équivalent de 1, 5 milliard d’euros, somme correspondant à l’évolution naturelle annuelle, depuis 2000, du montant des pensions versées. En gros, l’État devra donc consentir sur les dix prochaines années un effort de l’ordre de 12 milliards d’euros. Ces chiffres permettent de mesurer l’ampleur des économies à réaliser pour que nous puissions assurer le paiement des pensions de retraite des fonctionnaires tout en atteignant l’objectif de maîtrise des dépenses qui s’impose à nous.

Par ailleurs, M. Vasselle nous a interrogés sur les conséquences, pour les comptes publics, de l’application de la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Au cours des trois dernières années, 120 000 fonctionnaires partis à la retraite n’ont pas été remplacés. Si l’on considère qu’une carrière dure en moyenne quarante ans, cela correspond à une économie future d’environ 35 milliards d’euros pour chaque année d’application de la règle de non-remplacement. En tenant compte du manque à gagner que cela représente en termes de cotisations, contrebalancé en partie par le relèvement de 7, 85 % à 10, 55 % du taux de cotisation des fonctionnaires pour la retraite, l’économie annuelle atteint 1, 2 milliard d’euros. Par conséquent, il n’y aura pas pour l’État de dépense supplémentaire, au contraire.

Monsieur Fischer, mon collègue Éric Woerth vous a répondu très précisément à propos du taux de cotisation des fonctionnaires pour la retraite. Comme vous le savez, le régime de la fonction publique d’État intègre le régime de base et le régime complémentaire, et le taux de cotisation recouvre donc l’ensemble du dispositif.

L’amélioration du pouvoir d’achat des fonctionnaires permettra d’absorber la hausse prévue de ce taux. Je tiens d’ailleurs à souligner que nous sommes finalement beaucoup plus généreux que ne le préconisent certains rapports. Ainsi, un rapport de la Cour des comptes rendu public aujourd’hui nous suggère de geler la valeur du point d’indice des fonctionnaires jusqu’à la fin de 2013, au motif qu’une telle mesure serait techniquement nécessaire pour stabiliser la masse salariale de l’État.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Non, monsieur le sénateur, mais je précise que le rapport en question avait été commandé par la commission des finances de l’Assemblée nationale à l’époque où celle-ci était présidée par l’actuel Premier président de la Cour des comptes…

M. François Trucy rit.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

Nous ne sommes pas dans une logique dogmatique. Au demeurant, monsieur Fischer, vous savez bien que nous avons fait le choix, plutôt que de baisser les rémunérations dans la fonction publique avant de les geler, comme l’ont fait tous nos voisins, de les augmenter de 0, 5 %, ce qui est un effort exceptionnel. M. Woerth et moi-même ne nous sommes pas engagés à autre chose qu’à une stabilisation des rémunérations en 2011, assortie d’une clause de revoyure en 2012 ou en 2013. Si nous décidions d’agir conformément aux recommandations du rapport de la Cour des comptes, nous aurions incontestablement de bons arguments à faire valoir, mais tel n’est pas le cas, et je tenais à le souligner !

M. Vanlerenberghe a évoqué la situation des polypensionnés. Monsieur le sénateur, je vous rappelle que, au cours de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a déposé un amendement visant à modifier la règle applicable aux titulaires sans droits. Jusqu’à présent, il fallait justifier de quinze années de cotisation pour pouvoir bénéficier d’une pension du régime des retraites de l’État. Or cela posait deux problèmes : d’une part, le transfert des dossiers du régime de l’État vers le régime général et l’IRCANTEC mobilisait 350 agents ; d’autre part, compte tenu de la différence actuelle de taux de cotisation entre les différents régimes, les agents qui étaient reversés du régime de l’État vers le régime général devaient s’acquitter du paiement du différentiel de cotisation entre les deux régimes.

C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de ramener à deux ans, par le biais de l’adoption d’un amendement déposé à l’Assemblée nationale, la durée minimale de cotisation requise pour percevoir une pension du régime des retraites de l’État. Paradoxalement, cette mesure aura pour conséquence de multiplier le nombre des polypensionnés, ce régime devenant beaucoup plus accessible. En contrepartie, l’État pourra redéployer les 350 fonctionnaires affectés au transfert des dossiers, cependant que les agents concernés par cette mesure n’auront plus à payer de différentiel de cotisation.

Madame Printz, le dispositif permettant aux agents de la fonction publique ayant eu au moins trois enfants de partir à la retraite au bout de quinze années de service est complexe. Dans sa construction actuelle, il incite les fonctionnaires concernés, en particulier des femmes, à partir plus tôt à la retraite, avec une pension d’un montant réduit. Pour notre part, nous souhaitons lutter contre cette tendance. La Commission européenne a d’ailleurs jugé le dispositif en question suffisamment inéquitable pour qu’elle demande à la France de le corriger rapidement, sous peine d’une remise en cause de l’ensemble des majorations de durée d’assurance pour les parents en général, pas uniquement dans la fonction publique.

En 2003, le dispositif a été corrigé, à la suite de son élargissement aux hommes, qui suscitait certaines inquiétudes, par l’introduction d’une condition supplémentaire pour en bénéficier : celle d’une interruption de l’activité de deux mois au moment de la naissance ou de l’adoption de chacun des enfants.

Pour autant, la Commission européenne a jugé que cette mesure était encore insuffisante. C’est pourquoi Éric Woerth et moi-même avons déposé auprès de celle-ci plusieurs propositions de modification, de façon à lui montrer que nous tenons compte, dans le présent projet de réforme des retraites, de ses observations.

Ainsi, comme les syndicats nous l’ont demandé, nous avons prévu un dispositif progressif. Jusqu’au 31 décembre 2010, les règles demeurent inchangées pour les parents de trois enfants comptant quinze années de service. En 2011, il sera toujours possible de continuer à bénéficier de ce dispositif, mais une décote générationnelle sera appliquée. C’est seulement à partir du 1er janvier 2012 que le système prévu dans le projet de loi entrera en vigueur.

Deux exceptions ont été consenties au profit, d’une part, des parents qui ont dépassé l’âge légal d’ouverture des droits, et, d’autre part, de ceux qui sont à cinq ans de cet âge légal. Nous avons donc aménagé le dispositif, avec la volonté, je le répète, de prendre en compte les demandes de la Commission européenne.

M. Longuet a rappelé à très juste titre la spécificité des régimes de retraite de la fonction publique, dont l’histoire est ancienne. C’est en effet dans la fonction publique qu’ont été créés les premiers régimes de retraite, notamment pour les marins, en 1685, sous Louis XIV. Le dispositif de la réversion date de 1790, les régimes des catégories actives ont été institués en 1825 et les bonifications d’assurance en 1853.

Comme je l’indiquais tout à l’heure, nous avons aujourd’hui un double objectif : faire converger les régimes en tenant compte des spécificités de la fonction publique. Nous tenons à témoigner aux agents des services publics notre respect pour le travail qu’ils accomplissent. L’évolution des services publics fait l’objet de toute notre attention, …

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

M. Georges Tron, secrétaire d'État. … notre seule préoccupation étant que les mesures que nous prenons soient équitables et efficaces.

Applaudissementssur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Afin d’améliorer la lisibilité de nos travaux, je demande le report de l’examen de tous les amendements portant article additionnel à la fin du texte, c’est-à-dire après l’article 33. J’en ai informé les membres de la commission des affaires sociales lors de la réunion de ce soir, et je pense que le Gouvernement n’y verra pas d’objection.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C’est mépriser l’initiative parlementaire ! C’est incroyable !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La réserve est de droit.

Nous passons à la discussion des motions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi, par MM. Cazeau et Bel, Mmes Demontès, Alquier et Campion, MM. Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 55, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (734, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Bernard Cazeau, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le peuple de France attend beaucoup du Sénat ; il attend qu’une prise de conscience et une véritable justice émergent de nos discussions.

En effet, la réforme des retraites ne passe pas, car les Français ont le sentiment qu’elle est en rupture avec les principes fondamentaux de notre pacte social.

C’est d’ailleurs ce qui motive le dépôt par le groupe socialiste de la présente motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. À nos yeux, votre texte est celui d’une double rupture avec les principes de notre organisation sociale.

Il y a d’abord rupture en termes d’égalité entre les citoyens, puisque, à l’issue de cette réforme, la situation des femmes et des travailleurs aux carrières précaires ou pénibles se trouvera dégradée et les inégalités seront accrues.

Il y a ensuite rupture en termes de pérennité financière du régime général, puisque votre projet ne corrigera qu’une partie des déséquilibres budgétaires et seulement à court terme, sans permettre d’atteindre un équilibre des comptes sincère, une fois dissipé l’écran de fumée que constitue le décaissement du Fonds de réserve des retraites, le FRR.

Le Préambule de la Constitution de 1946 dispose pourtant que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ». Nous en sommes loin, et nous nous éloignerons encore de cet objectif dans les faits si votre texte est adopté en l’état. Ce même texte constitutionnel prévoit en outre que « la Nation garantit à tous, notamment […] aux vieux travailleurs, […] la sécurité matérielle […]. Tout être humain […] a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. » Si le système croule sous les pertes et si le niveau général des pensions diminue, il deviendra vite impossible de tenir cet engagement.

Par ailleurs, pour les dépenses communes, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen prévoit qu’une « contribution » est « indispensable » et qu’elle doit être « répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Monsieur le ministre, dans votre texte, les questions de proportionnalité et de progressivité fiscale sont passées sous silence ; les salariés paieront 90 % de l’addition, tandis que les privilégiés dormiront tranquilles tout en s’enrichissant.

Enfin, toujours aux termes du Préambule de la Constitution de 1946, « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail […] ». Si j’en juge par la position des syndicats représentatifs des salariés, aucun d’entre eux n’estime avoir été réellement consulté.

Sur le fond, sur la forme, au regard des conséquences de l’application du texte, nous estimons donc que la question de l’irrecevabilité de votre projet de loi se pose.

En une quinzaine d’années, l’actuelle majorité aura présenté quatre textes portant sur les retraites, en formulant chaque fois la même promesse : « nous faisons tout cela pour équilibrer les comptes ».

Mais, à l’arrivée, le démenti est cruel : en 2010, le déficit de la branche vieillesse du régime général devrait s’élever à 9 milliards d’euros. Aujourd’hui, monsieur le ministre, comme frappé d’amnésie quant aux échecs d’hier, vous reprenez le chemin des mesures comptables, en jouant cette fois sur le nouveau paramètre des mesures d’âge.

Cette nouvelle réforme technocratique, guidée par l’urgence, va déboucher sur une double déroute : financière d’abord, puisque le report des seuils d’âge et l’augmentation des durées d’assurance ne remédieront qu’en partie aux déséquilibres ; sociale surtout, puisque des millions de Français verront leur vie bouleversée par des changements soudains dictés d’en haut.

Mais en réalité, peut-on véritablement parler de réforme ? Étant donné les erreurs du passé, nous attendions une transformation ou, à tout le moins, un peu d’imagination. Nous n’aurons pourtant qu’un rafistolage comptable supplémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Au fond, vous vous contentez de faire varier deux paramètres dans le dessein de réaliser quelques économies immédiates. Votre calcul est simple : il y aura moins de départs à la retraite à compter de 2011, et donc moins de pensions à verser à court terme du fait du report de l’âge de départ.

C’est incontestable, mais c’est un calcul cynique : tant pis pour ceux qui voient s’éloigner brutalement leur date de départ à la retraite ; ils attendront. Le cynisme tient aussi au fait que vous prétendez repousser les seuils d’âge pour ne pas toucher aux revenus des personnes âgées. C’est probablement là un argument vendeur sur les plateaux de télévision, monsieur le ministre, mais c’est une contre-vérité : en effet, compte tenu du niveau élevé du chômage, l’allongement du temps passé à attendre la retraite se soldera par une baisse du revenu, et donc par un amoindrissement des bases servant de référence pour le calcul des pensions.

Mme Patricia Schillinger applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Tout le problème est là, en effet, car, hormis dans certaines professions intellectuelles, personne ne travaillera jusqu’à 67 ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

La plupart des salariés ne le pourront pas et, de toute façon, la plupart des entreprises ne le voudront pas ! Dès lors, si votre projet s’applique, des centaines de milliers de personnes aux carrières incomplètes se trouveront placées en situation d’attente dans des conditions inadmissibles !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

L’âge de fin d’activité est aujourd’hui de 58 ans et demi ; monsieur le ministre, croyez-vous sincèrement qu’il va croître de neuf ans au cours de la prochaine décennie, comme par enchantement ?

À nos yeux, le report de l’âge de liquidation sans décote est une mesure profondément injuste. En effet, qui sera obligé d’attendre jusqu’à 67 ans ? Les personnes qui ont occupé un emploi précaire ou dont la carrière est incomplète ! On s’apprête donc, tout simplement, à faire payer les plus défavorisés, et d’abord les femmes, dont un quart devront attendre d’avoir 65 ans pour liquider leur pension. Elles seront les premières victimes d’une telle mesure.

D’ailleurs, d’une manière générale, le sort fait aux femmes est un véritable scandale : leur taux de chômage est plus élevé, elles sont davantage concernées par le temps partiel subi, elles perçoivent des salaires inférieurs, leurs carrières sont souvent incomplètes, etc. Monsieur le ministre, tout cela n’aurait-il pas justifié une correction de trajectoire ? Peut-être y en aura-t-il une ; il faut toujours espérer…

D’ores et déjà, les pensions de retraite des femmes sont en moyenne inférieures de plus d’un tiers à celles des hommes ; cette situation n’aurait-elle pas mérité une mesure de justice ? À ce propos, qu’est devenue la promesse du candidat Sarkozy d’établir l’égalité salariale entre hommes et femmes à l’horizon de 2010 ?

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Outre les femmes, les jeunes seront pénalisés par le report à 67 ans de l’âge ouvrant droit à la retraite à taux plein, notamment ceux des générations des années soixante-dix, qui ont déjà beaucoup de mal à trouver leur place sur le marché du travail et subissent la crise de plein fouet. Leur durée d’assurance sera majorée par rapport à celle des générations antérieures et ils seront donc mécaniquement amenés à attendre d’avoir atteint 67 ans, l’âge d’obtention de la retraite à taux plein, pour faire valoir leurs droits à pension.

Enfin, les chômeurs âgés paieront également le prix fort. De quelles ressources disposeront ceux qui perdront leur emploi sans pouvoir prétendre au versement de leur retraite ? Aujourd’hui, la durée d’indemnisation par l’assurance chômage est de trente-six mois. Si rien n’est fait, demain, ils vivront de l’ASS, l’allocation de solidarité spécifique, ou du RSA, le revenu de solidarité active, c’est-à-dire de 460 euros par mois. Le report du seuil d’âge entraînera, dans de nombreux cas, le maintien dans le dispositif des minima sociaux pendant vingt-quatre mois supplémentaires. C’est un surcroît de précarité pour les personnes âgées sans emploi que vous êtes en train d’instaurer !

Tout cela est injuste et peu responsable. Mes chers collègues, vous qui incarnez la représentation nationale dans ce qu’elle prétend avoir de plus raisonnable, il faut renoncer à reporter la borne des 65 ans ! Il faut accepter aussi de prendre en compte la situation des salariés affectés à des tâches pénibles.

Il est regrettable que le Gouvernement ait renoncé à traiter la question des inégalités d’espérance de vie à la retraite, sinon par une pirouette pour le moins malhabile, consistant à assimiler la pénibilité au handicap. Réduire le traitement du dossier de la pénibilité au seul périmètre de l’expertise médicale, c’est avoir une vision bien étroite de la question.

Il est prouvé que le travail diminue l’espérance de vie, alors pourquoi le taire ? Il est prouvé que l’exposition aux toxiques, le travail de nuit et les efforts physiques importants expliquent en partie les différences de mortalité entre les catégories sociales, alors pourquoi ne pas en tenir compte ?

Dans ce domaine, le compte n’y est pas. Rien sur les rythmes de travail ! Rien sur l’exposition aux nuisances thermiques ou chimiques ! Rien sur les contraintes physiques marquées, les cadences élevées ou les horaires décalés ! Rien sur les troubles musculo-squelettiques ! Jean-Pierre Godefroy en a bien parlé tout à l’heure, je n’y insisterai pas davantage.

Là encore, nous vous demandons de sortir par le haut ! Monsieur le ministre, oubliez les oukases de Mme Parisot ! Ouvrez des négociations et laissez partir les travailleurs les plus exposés à 60 ans, sans examen médical obligatoire !

Par idéologie, par tactique, mais aussi, sûrement, par docilité envers les adversaires du système de retraite par répartition, vous avez choisi une réforme frontale et brutale. Elle a mis 3 millions de personnes dans la rue à plusieurs reprises ; elle est rejetée par deux Français sur trois ; elle a recréé l’unité syndicale et elle suscite la colère sociale. Tout donne à penser que vous vouliez ce conflit social, comme pour en faire un marqueur politique, un symbole de dureté et de rigueur, peut-être un outil pour ressouder – qui sait ? – une frange démobilisée de votre électorat…

M. Jean Desessard rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Non, monsieur le ministre, votre projet de réforme n’en est pas un. Plus que d’une ambition globale, il témoigne d’un renoncement général. Un chantier partiel, partial et inachevé, voilà ce que vous nous soumettez !

D’ailleurs les Français ne s’y trompent pas. N’avez-vous pas été frappé par un chiffre paru dans la presse il y a quelques jours : 77 % des 18-24 ans estiment que les choix du Gouvernement engendreront de nouvelles injustices.

De toutes les catégories d’âge, la jeunesse est celle qui croit le moins en votre projet de réforme des retraites. C’est le signe qu’aux yeux des forces vives de la nation, vous conduisez la politique du désespoir. Pour nous, il s’agit donc bien d’une politique irrecevable.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Les auteurs de la motion invoquent l’exception d’irrecevabilité, mais nous estimons qu’il n’existe aucun élément permettant de douter de la constitutionnalité des dispositions du projet de loi. Nous le réaffirmons, la réforme est conforme non seulement à la Constitution, mais aussi à tous les grands principes issus du Préambule de 1946, dont nous n’avons pas tout à fait la même lecture.

Comme nous l’avons rappelé au cours de la discussion générale, cette réforme est précisément conçue pour pérenniser le système de retraite par répartition, auquel nos concitoyens sont particulièrement attachés. Ne rien faire serait irresponsable au regard des générations à venir. La mise en œuvre de la réforme qui nous est présentée est la condition même de la préservation de cet héritage historique.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cette motion.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Monsieur Cazeau, notre projet de loi est tout à fait recevable, car il vise à consolider notre système de retraite par répartition.

Vous prétendez en outre que notre projet de réforme n’est qu’un écran de fumée et n’est pas accepté, mais vous n’osez pas regarder les choses en face.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. D’ailleurs, jamais vous n’avez proposé de réforme des retraites.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. … outil certes utile, mais dont l’instauration ne constitue pas une réforme des retraites ! Quant à la création du Fonds de réserve des retraites, il s’agissait juste de mettre un peu d’argent de côté pour l’avenir. Mais, aujourd’hui, quand nous proposons d’utiliser cet argent précisément pour financer les retraites, vous nous le reprochez !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Par ailleurs, vous affirmez que ce sont les salariés qui paient. Or, en réalité, c’est l’ensemble des actifs, c’est-à-dire les salariés, certes, mais aussi les commerçants, les membres des professions libérales, les agriculteurs, bref l’ensemble des travailleurs.

Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Je vous rappelle que notre système de retraite repose sur la répartition, et non sur la capitalisation, contrairement à ce que vous semblez croire ! Cela signifie que, par définition, les actifs paient les pensions des retraités. Il est donc naturel que la réforme d’un tel système porte essentiellement sur les actifs, salariés ou non.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

À côté du système par répartition, il y a le financement de la solidarité, notamment avec le Fonds de solidarité vieillesse. Les recettes supplémentaires prévues servent à financer la solidarité. Ne confondez pas les choses !

Enfin, il s’agirait pour vous d’une réforme « comptable ». Le grand mot est lâché ! Les déficits ne vous concernent peut-être pas, mais on ne peut maintenir un système de protection sociale qui en produise sans cesse, en faisant mine d’ignorer les problèmes. Est-ce promouvoir une réforme comptable que d’essayer de prendre en compte la dimension financière des choses ? Il y va de la sauvegarde, de la pérennité des systèmes sociaux ! Un système social en déficit n’est pas durable. En matière de retraites, votre attitude revient à accepter de mettre à la charge des générations futures les efforts que vous n’aurez pas eu le courage de vous imposer ! C’est évidemment tout à fait inacceptable ! Les générations futures n’ont pas à supporter des charges que nous aurions été incapables d’assumer. Cette réforme permettra au fond de conserver la solidarité entre les générations, qui est la clé d’un système par répartition.

Est-il juste de taxer les jeunes, les actifs, les emplois, comme vous le proposez ?

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

En réalité, cela aggraverait le chômage, le pouvoir d’achat serait réduit et finalement le financement des retraites se trouverait encore plus compromis.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

On vous enregistre ! On en reparlera dans deux ans !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Est-il juste de mettre en face de dépenses certaines, comme les retraites, de fausses recettes, comme les 40 milliards d’euros que vous prévoyez dans votre projet ?

Vous n’êtes pas à l’aise sur la question des retraites, et vous ne l’avez jamais été ! Vous essayez sans cesse de contourner le problème, notamment en déposant cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG voteront en faveur de cette motion d’irrecevabilité. Ils considèrent en effet, monsieur le ministre, que votre réforme s’inscrit dans la stricte continuité de la politique antisociale menée depuis l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République.

Nous avons été nombreux à le dire, mais vous refusez de l’entendre, comme vous refusez d’entendre les organisations syndicales et les millions de manifestants qui, depuis le début du mois de septembre, vous le répètent : cette réforme est inefficace et profondément injuste.

Monsieur le ministre, vous avez osé nous dire, en présentant votre projet de loi, que vous aviez créé un nouveau droit social. J’ai pensé, à cet instant, à l’ensemble des mesures de dérégulation que vous avez prises et qui ont affaibli les salariés, jusqu’à tout leur retirer, y compris la possibilité de consacrer leurs dimanches à la famille et à la vie non professionnelle.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC -SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

En réalité, vous visiez la disposition découlant de votre conception erronée de la pénibilité. En fait, en concédant un droit aux salariés déjà atteints d’une incapacité, fût-elle de 10 %, vous consentez simplement à prendre acte de l’invalidité de certains salariés.

De la même manière, vous avez tenté de justifier votre refus de prendre les deux seules mesures efficaces et utiles permettant d’éviter aux femmes de percevoir des pensions bien trop faibles pour pouvoir vivre dignement.

La première, c’est prévoir une sanction immédiate, par une majoration des cotisations sociales de l’ordre de 10 %, contre les entreprises qui ne respectent pas le principe de l’égalité salariale entre hommes et femmes ; la seconde, c’est instaurer une stricte limitation, dans les entreprises, du recours aux contrats d’intérim à temps partiel ou fragmenté, qui concernent d’abord et avant tout les femmes.

Vous devez supprimer les exonérations de cotisations générales voulues par François Fillon en 2003 et qui, de l’avis même de la Cour des comptes, permettent aux employeurs de bénéficier d’importantes réductions de cotisations sociales à la seule condition qu’ils continuent de sous-payer leurs salariés !

Quant aux modifications des bornes d’âge, elles démontrent en réalité que les propositions formulées par ce gouvernement consistent exclusivement à exiger des salariés des efforts inacceptables. En effet, il est un débat que vous voulez par-dessus tout éviter : celui du financement. C’est pour cette raison que vous avez saboté la négociation avec les organisations syndicales, en érigeant comme non négociables le report de l’âge de départ à la retraite et l’allongement de la durée de cotisation.

Lorsqu’il s’est agi de sauver les banques, vous avez su trouver les milliards nécessaires. Mais pour sauver le droit de nos concitoyens à bénéficier d’une retraite à 60 ans, à taux plein et en bonne santé, la seule solution que vous préconisez consiste à exiger des salariés qu’ils sacrifient deux ans de leur vie.

Les femmes, les personnes handicapées, les jeunes qui peinent à trouver un premier emploi de qualité et rémunérateur méritent pourtant qu’on leur ouvre enfin un avenir qui soit source d’épanouissement.

Hier déjà, ils étaient des millions, chaque année plus nombreux, à peiner pour boucler leurs fins de mois, à craindre pour leur avenir. Avec ce projet de réforme, ils se rendent compte que ce gouvernement les considère comme quantité négligeable face aux intérêts d’une minorité de privilégiés et au diktat des agences de notation, qui pilotent en réalité cette réforme. Qu’importe que celle-ci conduise à paupériser encore plus les retraités. Qu’importe qu’elle entraîne, comme en 1993, une réduction des pensions.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous n’entendez pas ce qui monte du plus profond de notre pays, puisque vous n’entendez pas l’exigence d’une société plus juste et solidaire qui enfle et s’exprime avec force au fil des grèves et des manifestations, le groupe CRC-SPG, par son vote, entend relayer la voix de l’immense majorité de nos concitoyens, qui juge votre réforme irrecevable et la considère comme un recul historique. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Monsieur le ministre, vous avez lancé nombre de flèches, en particulier contre les sénateurs socialistes. C’est là votre seule méthode. Nous serions mal à l’aise, dites-vous ? C’est vous qui l’êtes ! Vous n’avez pas d’autre argument que l’attaque. Vous êtes même allé jusqu’à dire à l’un de nos collègues qu’il n’était pas au niveau…

Monsieur le ministre, vous prétendez que la gauche n’a jamais rien fait en matière de réforme des retraites. Je vous rappelle que le gouvernement de M. Jospin a créé le Conseil d’orientation des retraites, dont vous reconnaissez l’utilité. Nous avons aussi créé et alimenté le Fonds de réserve des retraites, que pour votre part vous avez laissé vivoter. Aujourd’hui, vous nous expliquez qu’il faut utiliser tout de suite ce fonds, au motif que son encours, qui devait atteindre 150 milliards d’euros en 2020, ne sera dans le meilleur des cas que de 20 milliards d’euros à cette échéance… Avouez que c’est tout de même là un raisonnement surprenant !

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, tous les progrès sociaux qu’a connus ce pays, sans exception, ont été obtenus par la gauche !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Telles sont, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, les raisons pour lesquelles nous voterons cette motion.

Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix la motion n° 55, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Voici le résultat du scrutin n° 2 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi, par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n°497.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (734, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Annie David, auteur de la motion.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous présentons cette motion tendant à opposer la question préalable afin que le Sénat puisse constater et décider que, pour de très nombreuses raisons, il n’y a pas lieu de poursuivre l’examen du projet de loi portant réforme des retraites. Le rassemblement qui s’est tenu ce midi devant le Sénat ne fait que nous conforter dans notre position.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous devriez écouter ce que les salariés, actifs ou demandeurs d’emploi, les retraités, mais aussi les étudiantes et les étudiants vous crient : ils et elles ne veulent pas de votre réforme ; ils et elles veulent une réforme qui renforce notre système de retraite par répartition en lui apportant de nouvelles recettes, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence.

Il n’y a pas lieu de débattre de ce texte, puisque votre projet de réforme est injuste, brutal et inefficace. Il constitue un coup de poignard porté aux droits sociaux.

Votre réforme est tout d’abord injuste, car ce sont les salariés, déjà durement touchés par la crise, notamment les femmes, qui vont la payer au prix fort, à hauteur de 22, 6 milliards d’euros, soit plus de 85 % de son coût, alors que, dans le même temps, le capital sera à peine mis à contribution, à concurrence de 4, 4 milliards d’euros seulement.

Pourtant, les profits des groupes du CAC 40 ont bondi de 85 % au cours du second semestre de 2010, le résultat net atteignant quelque 41, 5 milliards d’euros, pour un chiffre d’affaires de 631 milliards d’euros. J’ai l’impression que nos entreprises ont surmonté la crise !

Votre réforme est brutale, car elle entraînera sur huit années seulement une dégringolade de 16 % du taux de remplacement. Elle est la plus brutale d’Europe !

Votre réforme est enfin inefficace, car elle ne permettra nullement, contrairement à ce que vous prétendez, de résorber les déficits que vous dénoncez. Elle ne comporte aucune solution pérenne, puisque, de l’aveu même de ses auteurs, un nouveau chantier devra être ouvert dès 2018, c’est-à-dire demain, et il manquera encore, à cette date, près de 4 milliards d’euros à la CNAV.

Guy Fischer a brillamment exposé tous ces éléments lors de son intervention dans la discussion générale. J’insisterai donc, pour ma part, sur les arguments que vous mettez en avant pour nous faire croire qu’il n’y aurait pas d’autre solution que celle que vous voulez imposer !

Vous prétendez tout d’abord qu’il y a un problème démographique. « Nous vivons de plus en plus vieux, dites-vous, il est donc inévitable que nous travaillions plus longtemps. » Certes, nous vivons plus longtemps ; certes, nous sommes plus nombreux ; mais je ne vois pas, monsieur le ministre, où se situe le problème ! Vous devriez plutôt vous réjouir de cette augmentation de la durée de vie ! En tout cas, parler d’une espérance de vie de 120 ans, c’est ignorer, ou feindre d’ignorer, que l’espérance de vie en bonne santé est de 64 ans pour les femmes et de 62 ans pour les hommes, et, parmi ceux-ci, de 59 ans seulement pour les ouvriers.

De plus, une récente étude fait état de la régression de cette espérance de vie en bonne santé. En effet, si la prévalence des maladies infectieuses diminue, d’autres maladies, chroniques, se développent, notamment celles qui sont dues aux nouvelles habitudes de vie. D’après les scientifiques, l’augmentation actuelle de l’espérance de vie à la naissance se rapporte essentiellement aux personnes nées au début du xxe siècle et va ralentir.

Par ailleurs, monsieur le ministre, si les progrès de la science et l’amélioration des conditions de travail – celles-ci ont d’ailleurs eu plutôt tendance à se détériorer ces dernières années, avec les conséquences que l’on constate – ont permis un allongement de la durée de vie, ils ont également contribué à une augmentation de la productivité. En effet, un salarié produit aujourd’hui cinq fois plus qu’en 1960, et des projections, dont vous vous gardez bien de faire état, montrent que cette productivité doublera d’ici à 2050. Où va donc toute cette richesse produite ? En tout cas, elle ne rémunère pas le travail, sinon nos caisses de protection sociale se porteraient mieux !

En outre, vous entendez faire travailler les salariés jusqu’à 62 ans, mais vous savez pertinemment que six sur dix sont déjà hors de l’emploi au moment de la retraite ! Les seniors sont en effet écartés de l’emploi à 58 ans et demi en moyenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Il y a donc un fossé entre le discours des hommes politiques, des confédérations syndicales et du patronat sur le vieillissement actif et la réalité au sein des entreprises, ce que dénoncent le sociologue Xavier Gaullier et Guillaume Huyez-Levrat, chercheur au Centre d’étude de l’emploi, en évoquant respectivement un « consensus paradoxal » et un « faux consensus ». Dans le même temps, 23 % de nos jeunes actifs de moins de 24 ans sont à la recherche d’un emploi…

Enfin, vous omettez de nous parler du taux de natalité français, le plus élevé d’Europe.

Par conséquent, justifier une réforme de notre système de retraite par des raisons démographiques ne résiste pas à l’analyse et repose sur un argument obsolète. D’ailleurs, certains présentent déjà votre position sur ce point comme une erreur stratégique, rappelant celle de l’état-major de l’armée française avant la Seconde Guerre mondiale, lequel croyait aux vertus de la ligne Maginot, sans voir que l’environnement avait changé depuis le précédent conflit.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Il ne s’agit donc pas d’un problème de démographie, mais bien d’un problème de plein emploi ! C’est dans la voie du plein emploi, sans précarité ni temps partiel subi, justement rémunéré – la question est bien celle de la valeur que vous accordez au travail, et donc de sa rémunération –, avec un parcours professionnel sans rupture, qu’il faut chercher la solution au manque de cotisations sociales dont souffre notre système de retraite par répartition ! Dans cette perspective, il convient d’instaurer enfin cette sécurité sociale de l’emploi que nous préconisons depuis de nombreuses années, prenant en compte les années d’études, de formation professionnelle et de rupture involontaire du travail.

Vous n’avez pas voulu prendre en compte ces propositions et vous n’y avez pas répondu : voilà une première raison pour laquelle il n’y a pas lieu de débattre ce soir de votre texte !

Une autre raison de ne pas débattre tient au fait que, à aucun moment, vous ne vous posez la question de la conservation et de la consolidation de notre système de retraite par répartition grâce au recours à d’autres ressources.

La seule solution que vous avancez est le recul de l’âge légal de départ à la retraite et l’allongement à quarante et une années et demie de la durée de cotisation. Jamais, jusqu’à présent, vous n’avez voulu admettre que le déficit de notre système de retraite est avant tout dû au système capitaliste, qui détourne toujours plus de richesses produites de la rémunération du travail vers celle du capital ! Sous couvert de réduire le déficit, le Gouvernement, qui s’exonère au passage de sa responsabilité en la matière, s’attaque au régime des retraites, alors que la dette de la sécurité sociale représente 8 % de la dette publique, soit 1, 5 % du PIB, et la part du système de retraite seulement 0, 7 % de celui-ci ! Il y a bien d’autres dépenses fiscales auxquelles vous pourriez vous attaquer, mais vous faites le choix délibéré de vous en prendre au monde du travail, à celles et à ceux qui créent les richesses dont bénéficient vos amis, tout en sachant que cela n’aura qu’une incidence marginale sur le déficit public. S’attaquer à ce qui creuse vraiment le déficit, à savoir le chômage, le bouclier fiscal, les multiples exonérations, aurait eu plus de sens.

Ainsi, après avoir agité l’épouvantail de la démographie, vous brandissez celui du déficit public, mais plus personne n’est dupe ! En effet, au cours de ces vingt dernières années, nous avons assisté à un doublement de la richesse nationale, alors que, dans le même temps, la rémunération du travail a progressé moins vite. Comme cela a été rappelé tout à l’heure, 10 % de la richesse créée est détourné de la rémunération du travail vers celle du capital ! Cela représente huit fois le déficit de la CNAV…

C’est donc un vrai débat sur la répartition des richesses et le financement de nos retraites qui aurait dû s’ouvrir. Nous souhaitons une discussion en profondeur sur les choix de société, et nous combattons ceux que vous entendez nous imposer au travers de cette réforme. Car, derrière les retraites, c’est la place du travail, du temps libéré dans la vie, de la répartition des richesses, des travailleurs et des retraités, à qui il n’est reconnu que le droit d’exister dans la subordination aux exigences du capital, qui est en jeu !

Il n’y a pas lieu de débattre, car le Gouvernement aurait dû mettre sur la table l’ensemble des questions qui doivent être résolues et l’ensemble des réponses qui peuvent y être apportées. C’était d’ailleurs le sens du rendez-vous de 2012. Le Président Sarkozy le rappelait encore récemment : « Je n’ai pas mandat pour réformer la retraite. » Cela ne figurait donc pas dans son programme. En revanche, la réforme du système de retraite était bel et bien inscrite dans le programme du MEDEF, intitulé « Changer d’ère » ; ce programme, nous voyons bien que vous l’appliquez consciencieusement, texte après texte. Au final, la seule parole que vous défendez, au travers de tous vos projets, est celle du MEDEF, au point que nous savons maintenant qui gouverne véritablement notre pays. Oui, nous avons un Président et un Gouvernement qui agissent, en tout, comme les VRP du patronat. Cela est tout particulièrement vrai de ce projet de loi !

En effet, tout le titre V ter est consacré à l’épargne retraite. Vous faites ainsi un pas supplémentaire vers la mise en place d’un système de retraite par capitalisation. Tout est prêt pour la migration. Les pensions du système par répartition deviennent dérisoires ou inatteignables. La faillite que vous organisez est accompagnée d’une promotion de la capitalisation. Nous assistons donc à une privatisation des retraites et au partage d’un très juteux marché sur lequel vos amis, banquiers et assureurs, lorgnent depuis longtemps. Pensez donc, l’« or gris » représente un énorme marché de 230 milliards à 275 milliards d’euros chaque année, qui est encore appelé à grossir. Ces 230 milliards d’euros, qui échappaient encore aux marchés, vous leur livrez sur un plateau d’argent avec ce texte, et ce sans aucune négociation.

Il n’y a pas lieu de débattre, enfin, car la démocratie sociale a été bafouée, une fois encore. Je ne reviendrai pas sur le texte que nous avons examiné hier après-midi, relatif au dialogue social dans les TPE, mais je constate que vous avez une façon particulière de pratiquer ce dialogue social, monsieur le ministre.

En effet, ce texte a été présenté par le Gouvernement au début de l’été, sans qu’aucune réelle négociation avec les partenaires sociaux n’ait eu lieu. Certes, pour sauver les apparences et pouvoir communiquer sur vos échanges avec eux, vous avez organisé quelques rencontres. Mais quelle était la feuille de route ? Ah oui : ne pas remettre en cause les modifications des bornes d’âge projetées ni l’allongement du nombre d’années de cotisation ! À cette fin, vous leur avez adressé un courrier, le 24 août, dans lequel vous précisiez les seuls points sur lesquels vous accepteriez d’éventuelles améliorations : la question des polypensionnés, les carrières longues et le sujet, hautement sensible, de la pénibilité. Pourtant, le 24 juin, plus de 2 millions de manifestants vous avaient déjà fait connaître leur exigence de voir s’ouvrir de vraies négociations sur l’ensemble des questions posées en matière de retraite.

Or, nous le savons, sur la pénibilité, par exemple, des négociations étaient en cours depuis cinq ans. Elles faisaient suite à la précédente réforme des retraites. Chacun se souvient en effet que c’est sous condition de la tenue de telles négociations, prévues à l’article 12 du texte, que, en 2003, l’un des partenaires sociaux avait accepté l’idée de l’allongement de la durée de cotisation…

Vous ne pouvez donc pas, au détour d’un texte sur les retraites, porter, une fois encore, la seule parole du MEDEF et introduire sa seule vision, individualisée, de la pénibilité ! Car vous le savez bien, ce que le MEDEF refuse, c’est de reconnaître la pénibilité différée. Vous adoptez cette ligne en imposant au salarié de prouver, à partir d’un avis médical et d’une invalidité déclarée, le lien entre celle-ci et son travail ! C’est inadmissible, et c’est ce que nous contestons : non, monsieur le ministre, votre individualisation de l’invalidité n’est pas un progrès social !

En outre, au cours du débat à l’Assemblée nationale, vous avez de nouveau bafoué les partenaires sociaux en faisant adopter un amendement réformant en profondeur la médecine du travail ! Il s’agit, là encore, d’un cavalier gouvernemental ! Après la remise en cause des prud’hommes, cet après midi, nous assistons à une réforme en profondeur de la médecine du travail sans qu’aucun accord n’ait été trouvé sur ce dossier ! Et pour cause : malgré tous vos propos rassurants sur leur métier, je doute que les médecins du travail puissent exercer en toute indépendance selon des objectifs qu’ils n’auront pas définis.

De plus, les quelques mesures relatives à l’emploi sont tout à fait injustes, qu’il s’agisse du traitement des inégalités que subissent les femmes en matière de pensions – Isabelle Pasquet a donné tout à l’heure une démonstration claire sur ce point – ou des seniors – je rappelle à ce propos le diagnostic, posé par des chercheurs, d’un « consensus paradoxal » ou d’un « faux consensus », auquel vous ne répondez que par de nouvelles exonérations, qui contribuent au déficit que vous prétendez vouloir combler !

Quant à notre jeunesse, elle est la grande oubliée de votre réforme, ce que nous ne pouvons accepter !

Ainsi, vous le voyez, le manque de démocratie sociale est flagrant. Il vous faut donc remettre votre ouvrage sur le métier, car votre texte ne répond à aucun des problèmes que pose notre système de retraite. Il n’assure pas, pour l’avenir, un socle sur lequel la solidarité nationale pourrait s’enraciner.

L’opinion publique ne s’y trompe pas : elle refuse massivement votre projet. Sept Français sur dix ne veulent pas de votre texte et réclament son retrait. Mais vous persistez à nier l’évidence. Malgré vos affirmations et vos dénégations, chaque jour qui passe voit la mobilisation contre votre projet grandir et s’amplifier.

Le premier rôle d’un gouvernement est de chercher à assurer l’intérêt général, et non de se soumettre au diktat d’un seul. La sagesse et l’intelligence, c’est de savoir revoir sa copie quand elle est mauvaise, et il est encore temps de le faire, monsieur le ministre. Écoutez la colère qui monte ! La contestation est grandissante ; si vous y restiez sourd, elle risquerait de vous emporter.

Pour toutes ces raisons, nous demandons au Sénat d’adopter notre motion. §

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

À vous entendre, ma chère collègue, il n’y aurait donc pas lieu de débattre de ce projet de loi. Dans ce cas, les déficits continueraient de se creuser, la dette de s’alourdir, et l’on assisterait très certainement à la disparition de notre système de retraite par répartition. Ce n’est pas ce que nous voulons.

Le COR a montré que si nous ne faisions rien, les déficits annuels atteindraient de 30 milliards à 40 milliards d’euros dès 2015, et pourraient même s’élever à 115 milliards d’euros dans les années 2050.

Le rapport de la commission des affaires sociales précise que cette dernière a préparé ce rendez-vous en s’appuyant sur les travaux de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, laquelle a mis en avant l’urgence d’une réforme pour restaurer la soutenabilité du système de retraite, tout en invitant à une réflexion de plus longue haleine sur la refonte d’un modèle qui souffre de sa complexité, de son émiettement et des iniquités en résultant.

Tout à l’heure, nous avons pris la précaution d’indiquer que nous attendions beaucoup de ce rendez-vous sénatorial, qui doit permettre de progresser, dans une écoute mutuelle et dans un dialogue avec le Gouvernement, vers une réduction de ces iniquités et la sauvegarde de cette notion de solidarité qui fonde aussi notre système de retraite par répartition.

Encore une fois, ce projet de réforme revêt donc une importance cruciale pour la pérennité du modèle de protection sociale français, et surtout pour la préservation d’un pacte générationnel aujourd’hui menacé par la perte de confiance des jeunes dans la survie même du système.

Dans ces conditions, il est tout à fait urgent de débattre de ce projet de loi. En conséquence, l'avis est défavorable.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Reconnaissons que l’exposé de Mme David constituait un bon condensé de toutes les critiques que nous avons entendues au fil de l’après-midi. En réponse, je me contenterai de formuler quelques remarques d’ordre général.

Tout d’abord, par rapport à ce qui se fait chez certains de nos voisins, où l’âge de départ à la retraite dépasse nettement cette borne des 62 ans à laquelle nous parvenons tardivement, il nous reste de grandes marges de manœuvre en matière de brutalité, si tant est que nous soyons dans une situation de concours…

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

Mme David a ensuite reproché au Gouvernement de mettre en avant le problème démographique. Il me semble pourtant que nous aurions pu trouver là un point de consensus. En effet, quand on considère que l’on compte aujourd’hui 1, 5 actif pour un retraité, contre quatre actifs par retraité en 1960, il ne devrait pas être très difficile de se mettre d’accord sur l’existence d’un problème démographique, qui ne fera que s’aggraver puisque les retraités seront aussi nombreux que les actifs dans une trentaine d’années.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

Malheureusement, sa progression ne compense pas cette évolution, monsieur Ralite, et je vous suggère à cet égard de lire le rapport du COR, tout à fait explicite sur ce point.

Évidemment, nous ne pouvons tous que nous réjouir de la progression constante de l’espérance de vie, mais c’est justement elle qui impose tout naturellement, dans un système par répartition, de modifier les paramètres.

En définitive, les formations politiques de l’opposition ont deux angles d’attaque : elles nient l’influence de la démographie sur la pérennité du dispositif, et nous invitent à solliciter d’autres ressources que les cotisations des actifs. Excusez-moi de le dire avec autant de franchise, mais c’est vous qui remettez finalement en cause le système par répartition

Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

Je ne cherche pas la polémique, mais je suis tout de même très surpris de constater que le mot « répartition » n’apparaît plus sur les banderoles des manifestants, ni dans les discours que j’ai entendus dans cet hémicycle.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

En réalité, c’est aujourd’hui le Gouvernement, par les mesures qu’il propose dans ce projet de loi, qui défend le système de retraite par répartition, fondé sur un rapport démographique et sur un financement par les cotisations des actifs du moment.

Enfin, concernant la jeunesse, madame la sénatrice – en tant que père de famille, c’est un sujet qui me touche particulièrement –, je voudrais souligner que, précisément, c’est avant tout pour elle que nous faisons cette réforme. En effet, nous le savons tous parfaitement ici, si nous n’agissons pas, nous devrons continuer à emprunter 35 milliards d’euros chaque année, puis 40 milliards d’euros, des sommes qui devront être remboursées dans les vingt-cinq années à venir par la jeunesse d’aujourd’hui.

C’est donc bien pour la jeunesse que nous mettons en œuvre cette réforme. Il serait beaucoup plus facile, politiquement, de considérer que l’on peut continuer à emprunter sur les marchés, à alourdir sans fin la dette sociale pour, au final, laisser aux générations futures le soin de faire ce que nous n’aurions pas eu le courage d’entreprendre.

Songez que les générations qui arriveront sur le marché de l’emploi dans les prochaines années devront rembourser jusqu’en 2024 ou en 2025 la dette gérée par la CADES, correspondant aux déficits de l’assurance maladie et des régimes de retraite accumulés depuis des années. Je suis donc très fier de présenter, aux côtés d’Éric Woerth, ce projet de loi, car c’est un véritable acte de courage et de responsabilité.

C’est la raison pour laquelle, bien évidemment, le Gouvernement se prononce contre cette motion.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Notre groupe votera cette motion.

Vous justifiez cette réforme des retraites par l’existence de problèmes démographiques, monsieur le secrétaire d’État. Vieillissement de la population, baby-boom qui se transforme en papy-boom : nous n’ignorons pas ces réalités. Le Fonds de réserve des retraites avait précisément été créé pour répondre aux besoins que susciteront, dans les années 2015-2030, les départs massifs à la retraite, mais vous le siphonnez dès à présent !

Comme l’a bien dit Mme David, la question essentielle est celle de l’emploi des jeunes, dont je rappelle que le taux de chômage de longue durée, c’est-à-dire depuis plus d’un an, n’a jamais été aussi élevé.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

La question essentielle est aussi celle de l’emploi des seniors. Nous estimons nous aussi qu’ils doivent pouvoir rester plus longtemps dans l’emploi, mais ce n’est tout de même pas leur faute si leurs employeurs ne veulent pas les garder parce qu’ils coûtent trop cher !

La question essentielle est, enfin, celle des femmes, mais je n’y reviendrai pas, car elle a déjà été longuement développée.

Vous ne cessez de dire que votre réforme est juste, …

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

… que vous défendez la retraite par répartition. Dans un tel système, il revient aux actifs de payer pour les retraités.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Cela s’appelle la répartition !

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Or, aujourd’hui, la part des salaires dans la richesse nationale a baissé de dix points en vingt ans, et, malheureusement, cette tendance risque de se poursuivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

On ne peut donc pas se contenter de dire que les actifs doivent payer pour les retraités !

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Je précise que nous ne sommes pas, pour autant, partisans de l’immobilisme. Nous affirmons qu’il faut engager une réforme, mais pas celle-ci.

Nous avons d’ailleurs appelé, au sein de la MECSS, avec Dominique Leclerc, à une remise à plat complète du système. Cela rejoint les recommandations des représentants de certaines organisations syndicales entendus par la commission des affaires sociales, qui nous ont conseillé de prendre le temps d’analyser l’ensemble des régimes. L’une d’entre elles a même préconisé la création d’une maison des retraites pour mieux travailler sur ce sujet et préparer l’avenir.

Une autre réforme est donc possible ! C’est pourquoi nous voterons en faveur de cette motion.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je vous ai écoutés vous exprimer sur ce que vous appelez, par effraction à la langue, la « réforme » de la retraite, que nous rejetons telle quelle, comme la majorité des Français.

Depuis des mois, après un virage à cent quatre-vingts degrés de M. Sarkozy, vous « managez » la vie des femmes et des hommes pour les priver de leur retraite dans les conditions et à l’âge conquis voici trente ans.

Vous avez tout décidé en cercle fermé et limité votre démocratie, ou plutôt votre « démocrature », à la question posée aux syndicats : c’est à prendre ou à laisser.

Vous avez aussi blessé le travail législatif et renforcé l’omnipotence présidentielle pour mettre au point entre vous une politique canine des retraites ne respectant pas l’humain.

Vous avez – ce n’était même pas prévu au début – ajouté une destruction programmée de la médecine du travail en lui imposant de faire le tri sélectif des retraités handicapés physiquement et en la contrôlant.

Au cœur de tout cela, votre imagination contrainte n’a trouvé qu’un mot : la pénibilité. Au cours du débat, nous déverrouillerons ce mot « vent debout ». Le chercheur Robert Castel, par exemple, pense qu’il y a des métiers qui justifieraient un départ à la retraite à 50 ans, mais il a, pour étudier la pénibilité, une autre grille de travail que la vôtre, une grille humaine.

Votre grande affaire, en vérité, est de mettre la main sur l’âme des salariés comme si elle était à acheter.

Vous utilisez la crise pour mettre en route autoritairement un vaste plan de son paiement à 85 % par les travailleurs. Vous utilisez les technologies comme un fatum naturalisant votre solution au rabais.

Vous mettez notre pays à l’envers. Ce n’est pas au maire de Chantilly que je demanderai l’effet que ferait la tenue d’une course hippique où les jockeys porteraient les chevaux !

Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Enfin et surtout, vous oubliez le fondamental de toute démarche concernant le travail : sa considération.

Soyons précis, certains, parmi le cercle présidentiel, Jean-François Copé et les deux Xavier, Bertrand et Darcos, aujourd’hui vos soutiens actifs, avaient, quand éclata l’affaire inhumaine des suicides de France Télécom, diligenté des études sur ce qu’on appelle, en croyant faire le tour du problème, la « souffrance au travail ». Jean-François Copé s’était même scandalisé, parlant d’un problème majeur.

Actuellement, ils jouent à colin-maillard sur cette ébauche à courte vue d’une solution exigée par les suicides de France Télécom, que le directeur général d’alors osa assimiler à une mode.

En fait, vous vous êtes repliés sur des solutions préparées à l’avance qui « trichent avec le réel », tout en parlant de cicatriser la douleur du personnel. Vous préférez le concept de « souffrance au travail » à celui de « maladie du travail » consécutive aux politiques du MEDEF, qui semble désormais siéger au Gouvernement. Vous avez abandonné le « bien commun » et épousé le « bien servir » des compères du Fouquet’s.

La « maladie du travail » exige de soigner le travail.

Un forestier de l’Office national des forêts, où il y a eu vingt-deux suicides en sept ans, a parfaitement énoncé l’ordonnance : « On a appris un métier et ce que l’on nous demande de faire aujourd’hui est contraire à la qualité de ce métier. »

Nombre de travailleurs ne peuvent plus assurer la qualité de leur travail, d’où leur souffrance. Le travail, sa raison d’être, sa finalité, son sens dans la vie humaine, son utilité, sa dignité, sa fierté sont mis en cause, la retraite aussi dans la foulée.

Vous laissez empoisonner la vie même des travailleurs, et dans un même mouvement le dossier des retraites. Le travail n’est pas toxique, c’est ne pas pouvoir le faire correctement qui l’est. Avant la retraite, quand on respire mal au travail, on respire mal pendant le temps libre qui vire au temps mort qu’on cherche à remplir à tout prix. Les circuits financiers, y compris sous la formule de « travail immatériel », s’emparent du travail humain et rêvent de s’emparer de la retraite, avec entre autres… un objectif de privatisation. M. Longuet a été très clair sur ce point.

La retraite, c’est aujourd’hui une dimension importante de la vie. La première partie de la vie, c’est la formation ; la deuxième, c’est la vie active ; la troisième, c’est la retraite, qui n’est aucunement un retrait de la vie.

Yves Clot, chercheur au Conservatoire national des arts et métiers, le CNAM, titulaire de la chaire de psychologie du travail, vient de publier, aux éditions La Découverte, Le travail au cœur. Ildit : « La question est que les travailleurs se reconnaissent de moins en moins dans ce qu’ils font, ce qui produit une inflation de la demande de reconnaissance. »

C’est une déchirure de leur vie, d’autant que le lien social s’évapore à proportion du rôle des experts, qui ne pensent que gestion, droits individualisés et compassion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

C’est inscrit dans la stratégie de Mme Parisot, dont on ne peut oublier qu’à la place où elle est, elle n’a pas hésité à dire : « L’amour est précaire, la santé est précaire, la vie est précaire, pourquoi pas le travail ? » Elle n’a pas encore osé dire : « Pourquoi pas la retraite ! » Ce sont des propos pénibles, c’est une pensée de « décivilisation ». C’est une pensée qui combat le pouvoir d’agir, nourrit une logique d’évitement et de résignation. Je préfère la colère, qui va avec pouvoir d agir et homme debout.

Il y a un homme debout que personne ne peut contester, c’est Primo Levi, qui dans son livre La Clef à molette évoque le lien qu’il y a entre le « bien-être » et les exigences du « bien faire » au travail.

Le monde du travail s’est transformé quand les travailleurs s’en sont occupés autrement que par la déploration.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

J’ai presque terminé. Tout le monde a pu parler, nous ne sommes pas à trois minutes près !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Monsieur Ralite, vous avez nettement dépassé votre temps de parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Une sage-femme, profession de vie s’il en est, m’a dit ce week-end, parlant de la maladie de son travail : « Parfois, c’est si difficile que je me prends à changer de personnalité. »

Relisant un beau livre, publié aux éditions La Dispute, où trois conducteurs de trains et un médecin de la SNCF réfléchissent sur leur métier, j’ai retenu le raisonnement suivant : « Notre travail est le gisement de l’efficacité ferroviaire. À lui opposer trop exclusivement les impératifs d’une gestion qui tourne le dos au travail, on menace de tarir ce gisement. À négliger les impératifs du travail humain, la gestion financière joue contre elle-même. »

Le médecin-philosophe Georges Canguilhem a dit : « L’homme est plein à chaque minute de possibilités non réalisées. » Ayant leur pouvoir d’agir, les femmes et les hommes peuvent se trouver « une tête au-dessus d’eux-mêmes ».

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, n’oubliez pas que dans leur diversité, « ceux qui se lèvent tôt » et que vous voulez faire partir plus tard à la retraite, qui travaillent en « connaisseurs », peuvent retourner la situation dégradée dans laquelle ils agissent malgré tout. C’est vous qui connaîtrez alors de la pénibilité politique.

Dans le groupe auquel j’appartiens, nous avons tous le travail parlementaire à cœur et nous ne vous laisserons pas contaminer le « temps libre » qu’est la retraite.

Comme le dit le poète Bernard Noël, « nous vivons une faillite à l’époque où nous devrions vivre une renaissance ».

Au travail ici au Parlement ! Et sur les lieux de travail, laissez-nous travailler !

Le groupe CRC-SPG votera la motion qu’a si bien, si minutieusement et si humainement exposée notre collègue Annie David, sénatrice de l’Isère. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix la motion n° 497, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Voici le résultat du scrutin n° 3 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi par MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi d'une motion n° 316 tendant au renvoi à la commission du texte en discussion.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (734, 2009-2010)

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à Mme Françoise Laborde, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est bien parce qu’elle touche au pacte social de notre pays et à nos valeurs républicaines que la réforme des retraites constitue un enjeu majeur pour notre société et son avenir. Voulons-nous, oui ou non, renforcer la solidarité entre les générations et pérenniser le système par répartition ? Pour ma part, je réponds par l’affirmative à cette question, car ce système incarne encore aujourd’hui la réussite du modèle social à la française.

Pour cela, rien que pour cela, il faut procéder à une réforme des retraites. Mais pas à n’importe quel prix, et certainement pas sur le dos des Français les plus modestes !

Le texte proposé par le Gouvernement repose sur des postulats inacceptables. Délibérément, il est fait la part belle aux arguments comptables, en faisant l’impasse sur nombre de nos principes républicains. Cela pourrait suffire à expliquer que les auteurs de cette motion demandent que la copie soit revue en profondeur, afin que nous puissions légiférer sur un texte plus ambitieux et solidaire.

Voilà les raisons qui motivent cette motion de renvoi à la commission, déposée avec plusieurs de mes collègues du RDSE.

L’opposition très forte que cette réforme suscite et l’ampleur indéniable de la mobilisation dans les rues, au-delà même des querelles de chiffres, prouvent, s’il en était besoin, que cette réforme nous est imposée, sans concertation avec les partenaires sociaux et les partis politiques et au mépris de nos concitoyens. Le simulacre de concertation n’a trompé personne.

Le 15 février dernier, alors qu’il avait convié les organisations syndicales à un sommet social, le Président de la République avait promis des négociations avec les partenaires sociaux et fait la déclaration suivante : « Nous prendrons tout le temps nécessaire pour dialoguer, pour que les positions de chacun soient parfaitement comprises, pour que les Français soient clairement informés des enjeux et des solutions. »

Aujourd’hui, force est de constater que le temps nécessaire pour préparer un bon texte n’a pas été pris. Devant tant de précipitation, nous demandons au Gouvernement de le reprendre de zéro. Mais vous choisissez, monsieur le ministre, le passage en force !

En effet, je tiens à le rappeler ici, quatre mois après que le Président de la République eut annoncé la réforme, vous avez déposé ce projet de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale. Quatre mois, c’est très peu. C’est à croire qu’il était déjà prêt dans quelque carton !

Ce n’est pas ainsi que l’on peut réussir une réforme. Il en va des réformes comme des rencontres sportives : pour réussir, il est impératif de ne pas confondre vitesse et précipitation. Hélas ! vous n’êtes pas parvenu à éviter cet écueil, qui est, semble-t-il, la marque de fabrique de ce quinquennat.

Monsieur le ministre, laissez-moi vous dire que, dans ce pays, on ne réforme pas contre les Français, mais avec eux. Les exemples sont nombreux à cet égard. Oublier ce principe, c’est risquer de devoir repousser l’entrée en vigueur de votre texte. Soit vous serez contraint de le retirer, ce que nous souhaitons, soit la montagne accouchera d’une souris, ce qui ne satisfera personne : ni les Français, ni l’opposition, ni les syndicats, ni même la majorité.

Le système de retraite constitue, en France, le fondement de la solidarité intergénérationnelle et témoigne de la cohésion nationale, indispensable au bon fonctionnement de notre pays. Or cette cohésion est aujourd’hui profondément fragilisée à cause du recours à une méthode de gouvernance par laquelle on s’évertue à diviser les Français et à les opposer. De ce point de vue, force est de constater que ce projet de loi n’échappe pas à la règle.

La modernisation de notre système de retraite aurait dû et pu faire l’objet d’un large consensus. Encore fallait-il le vouloir !

Monsieur le ministre, vous comparez souvent la France aux autres pays européens qui ont mis en œuvre une réforme de leur système de retraite. Vous oubliez que ces évolutions ne sont intervenues qu’après des mois, voire des années, de longues négociations entre les partenaires sociaux, les responsables politiques et les parlementaires.

La survie de notre système de retraite serait remise en cause par la situation démographique et économique ? C’est une évidence qui s’impose. Le départ à la retraite des baby-boomers, l’allongement de l’espérance de vie, la persistance du chômage chez les jeunes et les seniors, la crise économique et financière mondiale contribuent certes au déséquilibre du cœur même du système de retraite par répartition. Mais, pour parvenir à équilibrer le régime de retraite, votre réforme se focalise principalement sur l’aspect économique et démographique de la question. Elle ne tient pas compte des enjeux sociaux et humains.

Votre projet aurait dû s’appuyer sur une réflexion plus globale : quel modèle de société choisir ? Quelles évolutions convient-il d’envisager ? Seule une politique ambitieuse de protection et de cohésion sociales, notamment en matière de lutte contre le chômage, pourrait assurer le succès de la réforme. La logique comptable et arithmétique de votre projet de loi nous prive de la grande réforme attendue par tous.

Certes, notre système de retraite actuel repose sur un ancien modèle économique. Il convient donc de le moderniser pour prendre en compte les mutations de ces dernières années. Il faut rechercher de nouvelles solidarités et élaborer de nouveaux mécanismes. Mais, surtout, il est essentiel de s’interroger sur la façon dont chacun peut bénéficier d’un revenu décent jusqu’au terme de sa vie. N’oublions pas que la retraite représente le juste retour d’une vie active consacrée à consolider l’édifice social et économique.

Pourquoi ne pas envisager une évolution vers un système de retraite par points ? Nous sommes nombreux, au sein du groupe du RDSE, à penser qu’il faut mettre en place un système permettant d’acquérir des points tout au long de la vie, avec, notamment, des périodes bonifiées en cas de stage, d’apprentissage, de formation professionnelle ou universitaire, mais aussi de bénévolat, de volontariat et d’activité allant au-delà de l’âge légal de la retraite. Un tel système serait plus transparent et plus lisible pour les assurés. Il permettrait, en particulier, d’intégrer des dispositifs de solidarité.

Monsieur le ministre, votre projet est injuste et inéquitable, car il fait porter sur les plus faibles les conséquences de la réforme. Je pense, par exemple, aux polypensionnés, aux personnes qui ont commencé à travailler jeune, qui exercent une activité précaire ou un métier pénible et dont l’espérance de vie est écourtée. Pour elles, vous entérinez le système de la double peine !

Dans ce domaine, comme dans d’autres, la situation des femmes, qui sont loin d’être une minorité sur le marché du travail, constitue une parfaite illustration de la discrimination négative qui sous-tend votre réforme, et je le déplore. Si le texte ne devait pas évoluer sensiblement, les victimes seront nombreuses parmi les femmes. Or vous ne proposez rien pour améliorer les pensions insuffisantes et limiter le risque de précarité au moment de la retraite.

Les écarts entre les hommes et les femmes sont significatifs en matière de retraite, comme ils le sont en matière de salaire. Ceci explique cela ! En moyenne, le niveau des pensions des femmes est inférieur de 38 % à celui des pensions des hommes. En 2004, le Conseil d’orientation des retraites chiffrait à 1 636 euros par mois la pension de retraite moyenne des hommes, contre 1 020 euros pour les femmes, en incluant la pension de réversion. Sans cette dernière, la retraite moyenne des femmes n’atteint pas 790 euros. Un tel montant de retraite, inférieur au seuil de pauvreté, est inacceptable. Il fait des femmes les principales bénéficiaires des minima de pension : 61 % d’entre elles sont concernées. Cette inégalité reflète les injustices que subissent les femmes dès le début de leur carrière. Elles sont plus fortement touchées par le chômage et la précarité.

Monsieur le ministre, en matière de discrimination négative, les statistiques sont sans appel ! Une étude réalisée en juillet dernier démontre que, en dépit des nombreuses tentatives de régulation, les femmes n’ayant jamais interrompu leur activité professionnelle sont pourtant pénalisées. Elles gagnent en moyenne 19 % de moins que les hommes, qui perçoivent déjà un salaire supérieur de 12 % dès la première embauche. Cette situation s’aggrave tout au long de leur carrière et s’amplifie lorsque la femme devient mère.

Même si l’on constate une certaine évolution du rôle des pères, les changements de mentalité sont lents. Dans la pratique, les tâches domestiques et l’éducation des enfants sont encore, de nos jours, l’affaire des femmes, souvent contraintes de mettre leur vie professionnelle entre parenthèses. Et même si votre épouse travaille, monsieur le ministre, ce qui mérite d’être souligné, permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres : après la naissance d’un enfant, 22 % des femmes cessent de travailler, tandis que 12 % d’entre elles réduisent leur temps de travail ou leurs responsabilités ; cette proportion passe à 31 % à la naissance du deuxième enfant et devient majoritaire à celle du troisième.

Aujourd’hui, 30 % des femmes actives travaillent à temps partiel, contre 5 % des hommes actifs. Pour un tiers d’entre elles, ce temps partiel est subi, et non choisi. De ce fait, les femmes totalisent avec difficulté le nombre de trimestres nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Seules 44 % des femmes justifient d’une carrière complète, contre 86 % des hommes. Ces chiffres expliquent pourquoi la majorité des femmes ne liquident leur retraite qu’à 65 ans.

En l’état, la réforme, et tout particulièrement le recul de 65 ans à 67 ans de l’âge de l’annulation de la décote, pénalisera les femmes et accentuera les discriminations à leur encontre. Seule une discrimination positive permettrait le rétablissement de l’équité. Les chiffres montrent la nécessité de prendre des mesures en amont, afin de mettre un terme aux inégalités entre les hommes et les femmes au cours de la vie professionnelle.

La question des femmes pourrait justifier à elle seule notre demande de renvoi du texte à la commission, mais se pose aussi celle des retraites les plus basses.

Depuis quelques années, la condition des personnes âgées s’est considérablement dégradée. L’Institut national de la statistique et des études économiques indique, dans un récent rapport sur le niveau de vie des Français, que 1, 7 million de personnes âgées de plus de 55 ans vivent sous le seuil de pauvreté, 600 000 d’entre elles subsistant avec seulement 600 euros par mois.

La précarité insoutenable parmi les seniors est devenue une triste réalité, à laquelle votre texte n’apporte aucune réponse. Confrontés à cette paupérisation, un nombre croissant de ces hommes et de ces femmes en sont réduits à survivre en se tournant vers les associations et les banques alimentaires venant en aide aux sans-abri. Vivant souvent seules avec de toutes petites retraites, ces personnes ont toutes les peines du monde à s’acheter de quoi manger une fois le loyer et les charges payés. Pour elles, qui ont pourtant travaillé toute leur vie, il est dégradant de devoir demander de l’aide.

Or la réforme des retraites projetée ne tient pas compte de cette population en augmentation. C’est une erreur ! Ce qui ne sera pas versé sous forme de revenus directs pour assurer une retraite décente sera à la charge des associations caritatives ou des conseils généraux, au travers des dispositifs d’action sociale. Mais c’est peut-être justement l’objectif inavoué, car inavouable, de votre projet de loi !

Enfin, je ne peux que regretter que ce projet de loi reflète une approche individualisée et médicalisée de la pénibilité. Il établit une véritable confusion entre pénibilité au travail et invalidité. Pourtant, le Conseil d’orientation des retraites a clairement défini la pénibilité comme l’ensemble des expositions réduisant l’espérance de vie sans incapacité. Nous présenterons d’ailleurs un amendement s’inspirant de cette définition. Sa discussion sera, pour nous, l’occasion de tester votre volonté de modifier ce texte, monsieur le ministre, alors que vous semblez vous contenter d’octroyer une retraite anticipée aux salariés touchés par une incapacité de travail.

Pour le COR, la définition des métiers pénibles est simple : il s’agit des métiers qui exposent les salariés à des produits dangereux, au travail de nuit, à des horaires décalés ou à des travaux physiques.

La solution proposée n’est pas satisfaisante : le taux d’invalidité de 10 % ne permettra pas de prendre en compte certaines pathologies invalidantes. Or si la France peut se targuer d’une espérance de vie parmi les plus élevées au monde, il n’est pas encore démontré que la mise en œuvre de votre texte ne sera pas sans conséquences en matière de santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

De surcroît, en matière de santé, on constate de nombreuses inégalités entre les différentes catégories socioprofessionnelles. Un récent rapport de l’Institut national d’études démographiques, l’INED, a mis en exergue l’ampleur de ces inégalités. À 50 ans, l’espérance de vie des membres des professions les plus qualifiées atteint 32 ans pour les hommes, soit près de cinq ans de plus que celle des ouvriers.

Par ailleurs, outre que leur espérance de vie est la plus faible, les ouvriers sont amenés à vivre un plus grand nombre d’années en mauvaise santé que les autres actifs. Ainsi, à 50 ans, ils seront en mauvaise santé pendant plus de la moitié de leur vie restante en moyenne, contre un tiers pour les membres des professions les plus qualifiées.

Reconnaître la pénibilité, c’est tenir compte des situations professionnelles qui réduisent la durée de vie en bonne santé. Là encore, monsieur le ministre, votre projet de réforme est empreint de frilosité, pour ne pas dire plus !

Il faut redéfinir la pénibilité et préciser des critères permettant de mieux l’apprécier. En effet, ne l’oublions pas, de nombreuses maladies se déclarent après la fin de l’exposition au risque, …

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

… c'est-à-dire après la cessation de l’activité professionnelle.

Les membres du RDSE font le choix d’une société où chacun pourra profiter au mieux de sa retraite, même après avoir exercé un métier difficile.

Pour ces raisons tant de fond que de forme, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter cette motion tendant au renvoi du texte à la commission. En effet, il nous faut sauver notre système de retraite sans diviser les Français, sans faire payer la facture aux plus modestes et sans sacrifier nos principes républicains les plus chers.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Dès le mois de janvier dernier, la commission des affaires sociales, au travers de la MECSS, a engagé une longue réflexion sur le thème des retraites, à l’issue de laquelle un rapport d’information a été publié, dans le courant du mois de mai. Il semble d’ailleurs que vous en connaissiez les conclusions, ma chère collègue, puisque vous avez repris à votre compte la majeure partie d’entre elles.

Par ailleurs, en juin dernier, la MECSS s’est rendue en Allemagne, principal partenaire européen de la France, pour y étudier le système de retraite, déplacement qui a fait l’objet d’un second rapport d’information publié au mois de juillet.

Enfin, depuis la rentrée parlementaire, nous avons procédé à un grand nombre d’auditions.

Très sincèrement, il ne me semble donc vraiment pas sérieux de demander le renvoi à la commission de ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je mets aux voix la motion n° 316, tendant au renvoi à la commission.

Je rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin public dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Voici le résultat du scrutin n° 4 :

Le Sénat n'a pas adopté.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui mercredi 6 octobre 2010, à quatorze heures trente et le soir :

1. Nomination des dix membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne.

2. Examen de la motion tendant à soumettre au référendum le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (4, 2010-2011).

3. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (713, 2009-2010).

Rapport de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales (733, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 734, 2009-2010).

Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (727, 2009-2010).

Rapport d’information de Mme Jacqueline Panis, fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (721, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le mercredi 6 octobre 2010, à deux heures vingt.