Intervention de Jean Bizet

Réunion du 5 octobre 2010 à 21h45
Réforme des retraites — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, qu’on le veuille ou non – pour ma part, je m’en réjouis –, la construction européenne est désormais au cœur de la vie nationale. C’est pourquoi il est indispensable de replacer notre débat sur la réforme des retraites dans son contexte européen.

Plus précisément, je crois que nous devons absolument prêter attention à deux aspects de ce contexte européen : tout d’abord, la participation de notre pays à un marché unique dans lequel la concurrence est libre ; ensuite, les engagements de la France à l’égard de ses partenaires de la zone euro concernant le déficit et la dette.

Ces deux aspects figurent parmi les éléments de base de la construction européenne. Les oublier, les mettre entre parenthèses dans notre débat serait non seulement irréaliste, mais encore inconséquent, car ils ont été approuvés par le Sénat à plusieurs reprises et à d’écrasantes majorités.

Aujourd’hui, la France se définit avant tout comme un État membre de l’Union européenne, avec une économie immergée dans un marché unique, et avec une monnaie qu’elle partage avec seize – bientôt dix-sept – autres pays membres.

Bien sûr, la construction européenne, c’est bien plus qu’un marché et une monnaie ; mais ces deux caractéristiques en sont des éléments de base.

Jacques Delors définissait l’Europe par un triptyque : compétition, coopération, solidarité. J’adhère pleinement à cette conception, comme nombre d’entre vous, mes chers collègues, mais il faut admettre que tous les volets du triptyque ont la même importance, et, notamment, que l’on ne peut pas faire comme si le premier d’entre eux, à savoir la compétition, n’existait pas. Sur le marché unique, les entreprises sont en compétition les unes avec les autres, les consommateurs font leur choix comme ils l’entendent, et les décisions d’implantation des entreprises sont en partie fondées sur des considérations de coût.

Naturellement, cette compétition n’est pas sauvage. Elle est encadrée par des règles communes, que nombre d’entre nous dans cette enceinte souhaitent voir aller plus loin, notamment en matière sociale.

Cependant, il ne faut pas s’attendre à un miracle : l’harmonisation sera progressive, car les États membres sont loin d’être tous au même niveau de développement, et la convergence sociale ne peut pas précéder la convergence économique. Qui pourrait sérieusement dire qu’il faut appliquer intégralement, dès aujourd’hui, les mêmes standards sociaux en Lituanie et au Luxembourg ?

À partir de là, un constat s’impose : dès lors que nos entreprises évoluent sur un marché unique, que les dévaluations sont impossibles et que l’harmonisation sociale est une affaire de longue haleine, globalement, notre politique sociale ne peut pas beaucoup s’écarter des mesures retenues généralement par nos principaux partenaires.

Nous l’avons vécu, à nos dépens, depuis dix ans : j’ose rappeler que notre pays a fait cavalier seul avec les 35 heures. Le coût du travail a augmenté plus vite en France qu’en Allemagne, et cette situation a eu pour résultat une perte de parts de marché au profit de notre voisin.

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