Vous prétendez parvenir à l’équilibre dès 2018. Mais les financements prévus reposent pour partie, au-delà des hypothèses, sur un transfert qui déshabille Pierre pour habiller Paul, et sur ce qui ressemble fort à un maquillage rebaptisé « effort net de l’État ».
À l’horizon 2018, 18, 6 milliards d’euros sont attendus du seul recours aux trois mesures d’âge, dont le rendement dépend, en réalité, de projections de croissance de la masse salariale.
Ces hypothèses sont tellement fragiles que les dernières prévisions de déficit vous obligent déjà, alors même que la loi n’est pas votée, à revoir votre copie : 2, 4 milliards d’euros manqueront. Comment ferez-vous ? Eh bien, il était déjà prévu de prendre à l’UNEDIC pour donner à la CNAV ; il suffira de prendre plus, dites-vous, et le tour sera joué ! Avec un déficit cumulé de l’UNEDIC dépassant 10 milliards d’euros cette année pour atteindre 13 milliards d’euros à la fin de 2011, c’est franchement irréaliste !
Votre prévision d’équilibre global des régimes – non du régime général, toujours en déficit de 4 milliards d’euros en 2020 – qui se fondait il y a peu sur une hypothèse de croissance de 2, 5 %, est revue à la baisse. Vous envisagez une progression de 1, 4 % cette année, de 2 % au mieux en 2011, sans meilleure perspective les années suivantes. Or toute croissance qui ne dépasse pas 2 % ne crée pas d’emploi.
L’âge effectif moyen de départ en retraite est à 59 ans et celui de liquidation à 61 ans. Faute d’emploi et de politique d’emploi des seniors, ce sont donc déjà, pour des milliers de nos concitoyens, deux années passées en invalidité, au chômage avec dispense de recherche, ou même au RSA, deux années auxquelles ce projet ajouterait encore deux années à la charge de l’assurance maladie, de l’UNEDIC ou même des conseils généraux !
Les services de l’assurance chômage viennent d’évaluer le coût de ce transfert : entre 440 et 530 millions d’euros !
Vous misez certes sur l’hypothèse – encore une ! – que le recul de l’âge légal de départ en retraite entraînera mécaniquement un recul de l’âge effectif de cessation du travail. Deux données font, au contraire, présumer que la très grande majorité des salariés ne le pourront, ni ne le voudront.
Ils ne le pourront simplement pas, faute de travail. La France connaît l’un des plus bas taux d’emploi des seniors à 38 % et 80 % des femmes qui liquident leur retraite à 65 ans sont sans emploi souvent depuis vingt ans. Ils ne le voudront pas non plus en raison de la dégradation des conditions de travail et du climat professionnel.
Une interrogation subsiste encore sur l’apport des 15, 6 milliards d’euros baptisé « effort de l’État ». En tout état de cause, il manquera une recette au moins égale à cette somme en 2018. C’est une autre part d’ombre de vos prévisions.
Ce financement que vous dites d’équilibre ne résiste pas à l’examen et laissera inéluctablement la dégradation se poursuivre. Surtout, il injurie l’avenir en projetant de faire main basse sur le Fonds de réserve pour les retraites.
Ce fonds, créé en 2001 par Lionel Jospin, est destiné à répondre, à partir de 2020, à des besoins démographiques conjoncturels, et n’est nullement, contrairement à ce que vous prétendez, un instrument de gestion courante des comptes. Il est faux d’affirmer que le transfert de ses actifs et de ses ressources à la CADES ne fait qu’anticiper son utilisation en raison de la crise.
C’est un véritable détournement !
Ce serait une décision trois fois irresponsable : irresponsable parce qu’elle nous priverait d’un outil stratégique indispensable pour l’avenir, irresponsable parce qu’elle porterait la signature de bien piètres gestionnaires des deniers publics, en liquidant un capital qui rapporte depuis 2004, exception faite de 2008, pas moins de 4, 9 %, irresponsable parce qu’elle révélerait un choix de très court terme.
Prêtez au moins l’oreille aux collègues de votre majorité qui désapprouvent ce siphonnage, aux députés de votre majorité qui viennent de refuser de prolonger de quatre ans la durée de vie de la CADES, estimant, à juste titre, qu’il était de mauvaise politique de supprimer la limite de reprise de dette inscrite dans la loi organique ! C’est là une faiblesse considérable de votre dossier.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, cessez d’endetter la France !
Rendez aux Françaises et aux Français les 100 milliards d’euros et plus de recettes fiscales que vous avez fait disparaître en exonérations et avantages, et dont vous avez privé le budget de l’État.