Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 22 mars 2013 à 10h00
Séparation et régulation des activités bancaires — Article 18

Pierre Moscovici, ministre :

Comme l’a souligné M. le rapporteur, la question est moins simple qu’il n’y paraît.

Ainsi que je l’ai dit dans la discussion générale, j’ai tenu personnellement, et cela n’allait pas de soi, à introduire dans ce projet de loi une série de mesures en faveur des clients des banques, notamment ceux qui sont issus des catégories populaires.

J’aurais pu me contenter de faire un projet de loi de séparation des activités bancaires – après tout, c’était la feuille de route qui m’était donnée –, de traiter des structures, des comportements et de laisser ces sujets de côté. J’ai de même personnellement tenu à faire figurer, dans ce projet de loi, la question de l’assurance-emprunteur.

Il me semble en effet que certaines rigidités, certains excès, en contribuant à l’absence de toute concurrence, finissent par pénaliser certains ménages. En introduisant la concurrence, et c’est le sens de l’article 18, on crée des effets vertueux permettant des gains de pouvoir d’achat qui sont tout à fait significatifs pour des personnes aux revenus modestes ou moyens, ces catégories populaires, ces couches moyennes qui, en France, subissent déjà trop d’atteinte à leur pouvoir d’achat. J’insiste sur ce point car il est très important à mes yeux.

Ces amendements soulèvent une autre question, celle de la systématisation de la substitution d’assurance au cours de la vie du prêt. C’est une vraie question à laquelle, comme vient de le dire Richard Yung, il n’est pas facile de répondre. Je voudrais, moi aussi, vous inviter à la prudence et vous proposer in fine une ouverture.

Permettez-moi de rappeler les termes du débat.

Aujourd’hui, il est déjà possible de changer son assurance en cours de vie d’un prêt, mais cela peut nécessiter l’accord préalable du banquier. Plusieurs des amendements proposés à l’article 18 prévoient de rendre systématique cette possibilité, ce qui, à première vue, est séduisant. Au niveau individuel, la faculté plus grande de faire jouer la concurrence peut être une bonne chose ; mais, au niveau global, certains effets pervers peuvent apparaître.

En effet, tous les emprunteurs ne sont pas en mesure de faire jouer la concurrence, les plus âgés, les personnes les plus fragiles – notamment celles qui ont développé des pathologies – n’ont pas vraiment la possibilité de changer d’assureur.

Il y a donc un arbitrage à faire entre introduire plus de concurrence, ce qui implique plus de segmentation, avec des gagnants et des perdants, et garder le système qui assure une certaine mutualisation entre les catégories d’emprunteurs au bénéfice des plus fragiles. Je n’ai pas tout à fait la réponse.

J’ajoute que cette réforme – c’est un autre risque – pourrait conduire à une évolution structurelle du marché de l’assurance-emprunteur, alors que les contrats offrent aujourd’hui une stabilité des garanties et des tarifs pendant toute la durée du prêt, et il n’est pas certain que lesdits avantages pourraient tenir si les assurés étaient plus mobiles.

Voilà pourquoi je préconise aujourd’hui, plutôt que de légiférer à chaud, de prendre le temps de la réflexion. C’est le sens de l’ouverture que je vous propose.

Cela étant, et afin de répondre à cette grave question, qui avait déjà suscité des débats à l’Assemblée nationale, j’ai confié au président du Comité consultatif du secteur financier – un spécialiste de l’assurance-emprunteur, puisqu’il a été l’un des négociateurs de la convention AERAS, « s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé » - la mission de mener les consultations les plus larges possibles et de me remettre ses conclusions dans le courant du mois de mai. Ces travaux éclaireront nos débats futurs en nous permettant de mieux saisir tous les enjeux, y compris en ce qui concerne les marges dégagées sur ces produits.

Je préconise donc d’attendre les résultats de ces travaux et, éventuellement, de saisir un autre véhicule législatif – Mme Lienemann a évoqué le plus proche –, pour se lancer dans une réforme aussi radicale.

J’invite les parlementaires qui ont déposé ces amendements – encore une fois, ils soulèvent une vraie question – à suivre l’exemple de Mme Marie-Noëlle Lienemann et à les retirer. Il me paraît souhaitable d’attendre les conclusions de cette mission avant de réexaminer cette question sur laquelle je voudrais y voir plus clair, de façon plus globale, avant que nous nous engagions collectivement plus avant dans une réforme dont j’ai dit les risques d’effets pervers.

Voilà mon invitation – suffisamment argumentée, je l’espère – au retrait de ces trois amendements.

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