Intervention de Alain Fauconnier

Réunion du 26 mars 2013 à 9h30
Questions orales — Langues de france

Photo de Alain FauconnierAlain Fauconnier :

Monsieur le ministre, nous le savons tous, la France est multilingue, et ce malgré les nombreuses tentatives, dans un passé plus ou moins ancien, d’éradiquer les langues régionales, longtemps appelées « patois ». Cette attitude a assis notre réputation de pays « glottophage », pour reprendre l’amusante expression d’un écrivain contemporain.

Aujourd’hui encore, ces langues concernent 13 des 26 régions françaises, soit la moitié de notre territoire national. Que ce soit dans l’Hexagone ou dans les départements d’outre-mer, le français coexiste avec l’occitan, le breton, le provençal ou le créole. Elles sont encore parlées quotidiennement par de nombreux citoyens et sont inscrites dans la toponymie du territoire national comme dans l’histoire et la culture de notre nation. Depuis 2008, elles sont reconnues officiellement par la Constitution comme appartenant au patrimoine de la France.

Ces langues constituent bien souvent des vecteurs de solidarités transrégionales et transnationales. Jean Jaurès, voilà exactement un siècle, l’avait perçu, puisqu’il recommandait aux enseignants de les prendre en compte, à une époque où Frédéric Mistral, prix Nobel de littérature en 1904, était déjà considéré comme l’un de nos grands auteurs.

C’est bien l’intérêt éducatif de l’enseignement des langues de France qui doit être reconnu et valorisé par la loi. Ainsi, comme le soulignent nombre d’experts, le bilinguisme précoce paritaire français-langue régionale apporte des résultats tout à fait satisfaisants dans trois domaines principaux : la maîtrise de la langue nationale ; celle des disciplines scolaires comme les mathématiques ou les sciences ; celle, enfin, des langues étrangères. L’enseignement des langues régionales facilite donc un véritable plurilinguisme.

Par ailleurs, une meilleure reconnaissance de notre multilinguisme historique dans les écoles de France est aussi un bon argument pour conforter la légitimité de la politique de promotion du français dans le monde. Ce « gisement linguistique national » doit donc être de nouveau valorisé et utilisé.

Or, depuis la rentrée scolaire 2002, ces disciplines ont perdu une grande partie de leurs possibilités et moyens d’enseignement. Leur valorisation aux examens a été réduite. Pour 2013, malgré une augmentation de 35 % des recrutements dans l’éducation nationale, l’ensemble des CAPES de langues régionales, lesquels représentent 0, 1 % des effectifs de ces enseignants, n’a pas évolué.

Rappelons que, pour l’heure, le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République n’évoque ni plurilinguisme ni langues régionales, si ce n’est en annexe, ce qui est éminemment regrettable.

Monsieur le ministre, je vous remercie de nous faire part des mesures que vous comptez prendre ou proposer pour encadrer la reconnaissance des langues de France et le développement de leur enseignement, notamment dans le projet de loi d’orientation.

Comment comptez-vous traduire concrètement cette légitime reconnaissance, en nombre de postes au CAPES et en moyens horaires, afin de rattraper le retard accumulé depuis bientôt dix ans et mettre en œuvre le changement attendu et annoncé ? Le devoir de mémoire est souvent invoqué, dans toutes sortes de domaines. Convenez qu’il s’applique parfaitement à ce sujet !

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