Intervention de Louis Duvernois

Réunion du 26 mars 2013 à 14h30
Débat sur le rayonnement culturel de la france à l'étranger

Photo de Louis DuvernoisLouis Duvernois :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans mon rapport d’information présenté au Sénat en 2004 et intitulé Pour une nouvelle stratégie de l’action culturelle extérieure de la France : de l’exception à l’influence, je mesurais le poids des attentes envers l’autorité et la puissance publiques, attentes insatisfaites qui engendraient l’immobilisme.

Le déclin de la France se nourrit d’abord de conservatismes et autres corporatismes.

En 2010, rapporteur pour avis du projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État, je faisais le constat de la dispersion des différents opérateurs de la diplomatie culturelle, trop nombreux pour être efficaces et estimais qu’il était urgent de remédier à ce problème. C’est à la suite de l’adoption de ce texte que trois établissements publics, l’Institut français, dont j’ai obtenu l’appellation de haute lutte, Campus France et France expertise internationale ont vu le jour, concentrant, chacun dans son domaine, différentes activités relatives à l’action culturelle extérieure.

Je me réjouis ainsi de l’organisation de ce débat sur les enjeux du rayonnement culturel de la France et remercie le groupe UMP du Sénat de cette initiative.

Lors d’une récente intervention, monsieur le ministre, à l’École normale supérieure, sur le thème « La France, une puissance d’influence », vous avez souligné l’importance du défi éducatif et culturel que doit relever notre pays dans un monde complexe, en constante évolution. Pour notre croissance économique et notre influence diplomatique, il s’agit d’un enjeu décisif.

La compétition est rude dans le domaine tant de l’éducation que de l’apprentissage de la langue française et de la diffusion de notre culture.

Si elle a largement perdu l’influence qu’elle exerçait au XIXe siècle, face à la concurrence des États-Unis et, désormais, des pays émergents, la France a néanmoins des atouts considérables pour assurer son rayonnement dans le monde : son histoire, ses musées de renommée internationale, sa création artistique, ses écoles et, bien évidemment, la langue française, qui reste parlée par plus de 220 millions de personnes dans le monde.

Pour développer notre influence, nous avons des instruments de qualité, dont nous devons ici vanter les performances face à ceux de nos compétiteurs tels le Royaume-Uni, avec le British Council, l’Allemagne, avec le Goethe Institut, l’Espagne, avec les instituts Cervantes ou la Chine, avec les instituts Confucius, qui se multiplient sur tous les continents.

Ces instruments, dont nous pouvons être fiers, sont l’Institut français, présidé par un homme de grande culture, universitaire et ancien ministre, Xavier Darcos, et le remarquable réseau des Alliances françaises, qui sont près d’un millier dans le monde. Je ne manque pas de visiter ses établissements à chacun de mes déplacements à l’étranger. N’oublions pas non plus Campus France, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, réseau de plus de 500 établissements scolaires, et la Mission laïque française, que nombre de pays nous envient.

J’évoquerai enfin notre présence en matière d’audiovisuel extérieur, avec TV5 Monde, France 24 et sa diffusion trilingue français-anglais-arabe, ainsi que Radio France internationale et son rayonnement multilingue.

Le premier vecteur d’influence culturelle est l’Institut français. La loi du 27 juillet 2010 a conduit à mettre en place un appareil législatif et réglementaire complet, conférant un statut, un mode de gestion et une gouvernance compatibles avec la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, et comparables à ceux du Goethe Institut ou du British Council.

Le ministère des affaires étrangères, son ministère de tutelle, est chargé de définir des stratégies et d’établir des priorités politiques. Le pilotage opérationnel du réseau est confié à l’Institut français, avec des objectifs précis.

L’expérimentation en cours a déjà contribué à démontrer, dans les douze premiers pays concernés, la cohérence d’une architecture dans laquelle chacun trouve son rôle.

En moins de deux ans, les modes de gestion ont connu une modernisation majeure, alors que, dix ans plus tôt, le réseau culturel faisait figure de mauvais élève aux yeux de Bercy : passage à une norme comptable plus efficace, mise en place d’une nomenclature budgétaire partagée entre l’Institut français et les douze pays d’expérimentation, mise en place de logiciels communs et formation intégrée des gestionnaires et des comptables.

Les conséquences positives et concrètes pour les postes sont importantes : fongibilité des crédits et souplesse de gestion, flux financiers plus rapides, possibilité d’accorder des subventions, jusqu’ici interdites par le décret de 1976. À noter que cette dernière disposition permet de recourir aux Instituts français pour mettre en œuvre la coopération universitaire et qu’aucune difficulté de gestion n’est depuis apparue dans ce secteur.

De la même manière, les bureaux locaux de l’Institut français verseront en 2012 près de 3 millions d’euros sous forme de bourses à des étudiants ou des universitaires étrangers. C’est un axe fort de la politique française d’attractivité.

Quelles que soient les décisions prises, les avancées ayant conduit un opérateur public de l’État à gérer des représentations pilotes à l’étranger devraient concerner maintenant l’ensemble du réseau. Pour mémoire, l’Agence française pour le développement international des entreprises, UBIFRANCE, a également créé une soixantaine de bureaux entre 2006 et 2009, mais l’ensemble des recettes est perçu auprès des entreprises à Paris, les postes se contentant de gérer des budgets limités de fonctionnement.

Autre avancée notoire, la mutualisation des processus professionnels. L’Institut français a pu bénéficier d’une identité partagée avec le réseau : la fusion des services de coopération et d’action culturelle, les SCAC, avec les établissements à autonomie financière, les EAF, a entraîné la création d’établissements à partir de 2009 et l’appellation « Institut français » s’est généralisée dès 2010, renforçant la notion d’appartenance à un réseau. En effet, le partage d’une « marque unique » a été le début d’un travail de mutualisation des outils et des bonnes pratiques, créatrices d’économies d’échelle entre membres du réseau : mise en place d’outils numériques, notamment de Culturethèque, plateforme de produits culturels en ligne.

Le ciment de la formation a, par ailleurs, été fondamental pour appuyer ce processus. Quelque 1 300 agents ont été formés en 2012, près de la moitié ayant été recrutés localement. Toutes les formes de mutualisation ont été encouragées, et l’Institut français, avec ses ateliers d’été, a rempli un rôle essentiel de modernisation et de cohésion.

Concernant la professionnalisation, axe fort de la loi de 2010, les acquis sont incontestables : préparation au retour, notamment par l’élaboration de passerelles professionnelles avec les structures d’origine, et mobilité professionnelle entre le réseau et l’Institut. La réforme connaîtra une réussite durable si les personnels exerçant des responsabilités sont accompagnés dans leur progression de carrière par l’État employeur.

Localement, la création des conseils d’orientation stratégiques, présidés par l’ambassadeur et compatibles avec la LOLF, s’est avérée efficace. La fonction de pilotage stratégique cadre en outre avec le rôle d’animation et de coordination des chefs de poste. Sans être décisionnaires, ces conseils d’orientation stratégiques prennent en compte les réalités du terrain et permettent de mener des réflexions sur des stratégies ou des priorités régionales, en accord avec les ambassadeurs.

De plus, un élargissement des compétences géographiques fait des bureaux locaux de véritables relais régionaux. C’est un acquis considérable pour la mise en œuvre de projets multilatéraux. La compétence nationale des établissements à autonomie financière leur interdisait en effet de participer à l’élaboration de projets régionaux. Des programmes adaptés seront ainsi organisés, notamment au Chili, en Serbie et à Singapour.

Enfin, en période de contrainte budgétaire forte, les compétences régionales des bureaux locaux de l’Institut français les autorisent à lever des fonds multilatéraux. C’est un aspect important pour le développement futur du réseau, comme le montre l’exemple du British Council, qui remporte tous les mois, dans toutes les régions du monde, des appels d’offres européens.

L’éducation constitue le deuxième axe majeur de la politique de rayonnement culturel de la France. Dans ce domaine, notre pays dispose d’une « force de frappe » puissante : un réseau de 480 établissements homologués par l’éducation nationale, dans 130 pays. Cette homologation en garantit à la fois la qualité et l’homogénéité. Au-delà du service majeur qu’il rend à nos compatriotes et à nos entreprises, ce réseau de l’AEFE, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, et de la Mission laïque française constitue aussi un levier de la politique d’influence, car il permet de contribuer à la formation des élites étrangères.

Il faut le souligner, nos établissements scolaires à l’étranger constituent une autre grande valeur culturelle ajoutée. Au-delà du simple apprentissage du français, ils permettent un travail en profondeur de formation d’individus bilingues et biculturels, qui pourront être à leur tour des ambassadeurs de la culture française. Nombre d’entre eux font d’ailleurs de brillantes carrières dans le secteur privé, la haute administration, la politique ou les domaines des sciences, des arts et de la culture. Ils constituent tous des relais très précieux pour notre pays.

Il convient de relever un autre élément important. Au moment où des études internationales mesurent et comparent l’efficacité respective des systèmes éducatifs, le réseau des établissements français à l’étranger offre une vitrine de l’excellence éducative à la française, porteuse de valeurs reconnues et recherchées : laïcité, universalité, humanisme, développement de l’esprit critique, exigence intellectuelle. Le réseau s’attache aussi à promouvoir la dimension plurilingue et multiculturelle si essentielle aujourd’hui

Une table ronde, organisée récemment par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat et réunissant les principaux acteurs éducatifs et culturels a permis de mieux saisir l’articulation entre les différents opérateurs de la langue et de la culture françaises : Institut français, Alliance française, Mission laïque française, AEFE. Il est donc indispensable que des liens forts se tissent entre tous ceux qui œuvrent pour la même cause.

Ainsi, au moment où nous souhaitons attirer plus de jeunes vers les universités françaises, je pense que les chercheurs dans nos instituts de recherche – CNRS, École française d’Extrême-Orient, Institut de recherche pour le développement, etc. – peuvent jouer un rôle auprès des jeunes des lycées français en leur montrant en quoi nos universités et nos grandes écoles sont à la hauteur des meilleures institutions internationales et notamment nord-américaines.

Les lycées français sont des pépinières de futurs étudiants de choix pour nos filières d’excellence dans l’enseignement supérieur. Il faut aider l’AEFE à préserver cette richesse pédagogique et humaine et utiliser au mieux ce magnifique outil de développement que sont les lycées français à l’étranger.

Plus concrètement, nous devons continuer à aider l’opérateur public à remplir sa mission. L’AEFE organise la gestion de l’intervention de la puissance publique, en cofinancement avec les familles, selon un équilibre de plus en plus difficile à atteindre, mais qu’il faut néanmoins préserver entre ses différentes missions : assurer la continuité de la scolarité pour les familles françaises par le maintien prioritaire des bourses scolaires, contribuer au rayonnement de la culture française en accueillant aussi des élèves étrangers, participer aux actions de coopération avec les systèmes éducatifs étrangers.

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