Intervention de Louis Duvernois

Réunion du 26 mars 2013 à 14h30
Débat sur le rayonnement culturel de la france à l'étranger

Photo de Louis DuvernoisLouis Duvernois :

C’est dans le droit fil de cette coopération que j’ai souhaité la tenue au Sénat, le 29 novembre dernier, des premières Rencontres internationales de l’enseignement bilingue francophone, événement qui a reçu l’approbation de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir.

S’y sont rencontrés pour la première fois des chefs d’établissements scolaires ayant reçu le label FrancEducation, accordé depuis 2012 à des établissements offrant à leurs élèves un enseignement renforcé de la langue française dans plusieurs disciplines.

Monsieur le ministre, ce label est décerné par votre ministère après avis d’une commission consultative interministérielle. Le programme est géré par l’AEFE, avec l’expertise spécifique du CIEP, le Centre international d’études pédagogiques de Sèvres.

Ont étroitement contribué au succès de ces premières Rencontres l’Institut français, le CIEP et l’AEFE, ainsi que, naturellement, la direction de la politique culturelle et du français du ministère des affaires étrangères.

Les Rencontres ont permis à plus de 200 intervenants de faire le point sur la situation de l’enseignement du français dans des filières bilingues d’excellence à travers le monde et d’envisager les perspectives offertes par le label FrancEducation » en termes de rayonnement de la langue et de la culture françaises sur les cinq continents. Il s’agit de favoriser la complémentarité et non de substituer ce label aux dispositifs existants.

Convaincu de l’utilité de ces missions, le Sénat se réjouit que vous ayez choisi, monsieur le ministre, de préserver les moyens dévolus à l’AEFE. La Haute Assemblée continuera d’accompagner cet opérateur, acteur référent d’une offre éducative française, singulière et performante.

Le troisième axe de l’influence française dans le monde est constitué par l’action audiovisuelle extérieure.

Dans ce domaine, la France est attendue. Dans un monde globalisé et qui a tendance à s’uniformiser, son avis est respecté, bien au-delà de son poids démographique ou de sa puissance économique.

L’audiovisuel français vers l’international occupe une place à part à côté des grandes chaînes anglo-saxonnes et des médias du monde arabe. À l’heure de la mondialisation, face à des populations en quête de repères et de compréhension, il offre un regard particulier sur l’information internationale.

Cette vision trouve son ancrage dans le monde francophone. Elle est porteuse de valeurs universelles attachées à la République qui nous gouverne : liberté, pluralisme des idées, confrontation des points de vue, indépendance de la presse, laïcité, égalité entre femmes et hommes, autant de principes qui restent à promouvoir, à tout le moins à conforter, dans une partie importante du monde.

Les médias audiovisuels français constituent de formidables caisses de résonnance. C’est une situation peu connue en France, et nous pouvons regretter que nos compatriotes sur le territoire national n’aient pas une meilleure idée de l’action extérieure de l’État au sein d’une société mondialisée.

Ces médias sont également pour nos 2, 5 millions de compatriotes expatriés un lien irremplaçable avec notre pays.

Face aux enjeux, l’État s’est trop longtemps épuisé dans des réformes de structures coûteuses et souvent mal comprises. Ces dernières années, deux plans de départs volontaires non ciblés ont touché 22 % des effectifs de l’Audiovisuel extérieur de la France, l’AEF. Une fusion et un déménagement conjoints se sont traduits par une profonde désorganisation des entreprises.

Monsieur le ministre, le pilotage fondé sur la recherche exclusive d’une réduction des coûts a marqué ses limites.

L’État consacre pourtant moins de 9 % du budget total de l’audiovisuel à son action audiovisuelle extérieure, comme s’il en mésestimait l’importance.

Au total, ce sont un peu plus de 300 millions d’euros chaque année, soit l’équivalent de la Deutsche Welle, la moitié des budgets d’Al Jazeera ou de CNN, 100 millions d'euros de moins que BBC World.

Ces 300 millions d'euros sont répartis entre France 24, qui regroupe trois chaînes d’information continue en trois langues – français, anglais, arabe –, RFI, radio internationale en treize langues, Monte Carlo Doualiya, radio arabophone de l’AEF, et TV5 Monde, chaîne généraliste francophone sous-titrée en plus de dix langues, qui réunit une audience hebdomadaire de plus de 50 millions de téléspectateurs.

Cet investissement est néanmoins insuffisant au regard des défis à relever dans un contexte mondial très concurrentiel.

Médias de référence, France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya réalisent aussi des audiences en progression constante. RFI est écoutée par 40 millions d’auditeurs, Monte Carlo Doualiya par 8 millions et France 24 est regardée par 45 millions de téléspectateurs. En Tunisie, la chaîne en langue arabe devance légèrement Al Jazeera, preuve que France 24 sait répondre à l’envie de liberté et de modernité des téléspectateurs de ce pays.

Toutes chaînes confondues, les environnements nouveaux médias de l’AEF ont établi un record au mois de janvier dernier avec 25 millions de visites. Les nouveaux médias permettent de s’affranchir des frontières territoriales pour toucher les diasporas au-delà de leurs pays d’origine. C’est vrai tant pour les populations arabophones qu’aux États-Unis, avec 7 millions à 8 millions d’auditeurs, autant en Amérique latine et en Europe. C’est vrai aussi pour d’autres langues : le site en vietnamien de RFI est, en termes de visites, le deuxième site le plus visité de la radio mondiale.

Ces études ne mesurent cependant pas l’impact en termes d’influence de nos médias. L’information de RFI et de France 24 en français est écoutée ou regardée au quotidien par les chefs d’État africains de l’univers de la francophonie. Les versions arabophones de France 24 et de Monte Carlo Doualiya sont en passe de réussir le même exploit dans le monde arabe.

Enfin, depuis le 27 février dernier, France 24 en langue anglaise est disponible dans tous les bureaux du Département d’État des États-Unis, du Département de la sécurité intérieure et du Département de la justice. La qualité de la couverture éditoriale de l’intervention au Mali a motivé cette décision.

Monsieur le ministre, il s’agit aujourd’hui de conforter ce qui existe et de développer cette présence audiovisuelle indispensable de la France hors de ses frontières.

Les objectifs de croissance seront, bien entendu, fonction des moyens que l’État mettra à la disposition de son action audiovisuelle extérieure. Les entraves à la présence sur certains marchés sont multiples et souvent coûteuses : elles vont de la censure politique au protectionnisme économique, sans oublier la concurrence exponentielle, qui entraîne des coûts de distribution parfois prohibitifs.

Pour réussir, des virages doivent être négociés très rapidement, à commencer par celui de la télévision numérique terrestre. L’Afrique va basculer en TNT à partir de 2015. Si France 24 et TV5 Monde ne parviennent pas à profiter de la TNT, elles seront fortement pénalisées et rapidement marginalisées. Vient ensuite le virage de la haute définition. Là encore, France 24 comme TV5 Monde doivent bénéficier d’un financement spécifique pour ne pas se voir interdire demain l’accès à certains marchés.

L’objectif de notre action audiovisuelle extérieure est bien d’être présents mondialement, au-delà des zones d’influence traditionnelles de la France que sont l’Afrique et le monde arabe, en s’appuyant sur tous les leviers d’action existants et en jouant de la complémentarité des médias.

Nos médias doivent enfin disposer d’un point d’appui sur le territoire national. Il n’est pas concevable que France 24, seule chaîne d’information continue de service public, ne bénéficie pas d’une fenêtre de diffusion sur la TNT, qui doit être aussi une fenêtre ouverte sur le monde, le grand large.

Si la France a un rôle à jouer, elle doit s’en donner les moyens. Cela passe aussi par l’adhésion de la communauté nationale à une France de « nouveaux territoires » à conquérir en matière culturelle et économique.

En conclusion, nous pourrions dire que le monde change et que nous voulons changer avec lui, mais ce n’est pas si sûr ! En règle générale, les Français vivent mal la mondialisation. Ils admettent leur anxiété sondage après sondage. La question est pourtant de savoir si nous voulons être des « mondialisateurs » ou des « mondialisés ». La réponse n’est pas encore évidente.

Aux discours entretenus par des élites démissionnaires, convaincues que la conduite d’une globalisation profitable, à défaut d’être heureuse, se fait uniquement en anglais, nous n’avons pas encore de réponse affirmée et nous ne savons pas comment lutter contre les rigidités françaises. La recherche d’une meilleure compétitivité pour notre pays, grâce à l’innovation et à une confiance en soi retrouvée, est indissociable de la volonté de l’État de promouvoir une action culturelle extérieure. On cite souvent les États-Unis. Pourtant, sait-on que le deuxième poste d’exportation est constitué par les industries culturelles ?

Puissance d’influence, la France a des talents divers. Notre pays doit d’abord réapprendre – je pèse mes mots – à aimer sa langue, l’architecte de la pensée et de la créativité, ...

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