Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 26 mars 2013 à 14h30
Débat sur le rayonnement culturel de la france à l'étranger

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues : « Tout a changé, nous ne sommes plus les rois du monde... » Voilà ce que déclarait Bernard Kouchner, alors ministre des affaires étrangères, en juillet 2010, lorsque fut lancé l’Institut français, la nouvelle agence pour l’action culturelle extérieure de notre pays.

C’est probablement, en partie, parce que nous avons cru trop longtemps que nous étions « les rois du monde » que notre diplomatie culturelle accuse un certain retard et souffre parfois d’un manque de légitimité.

L’anthropologue Philippe Descola, professeur au Collège de France, a bien résumé le défi auquel est confrontée notre diplomatie d’influence : « Incarner une civilisation singulière, sans pour autant présumer de la supériorité de sa culture. »

En ce sens, l’expression apparemment consensuelle de « rayonnement culturel de la France » mérite d’être questionnée. Ne fait-elle pas référence en creux à une certaine « splendeur passée », que d’aucuns aimeraient retrouver, sans pour autant remettre en question notre modèle ? Ne nous ramène-t-elle pas à une époque désormais lointaine où la culture française dominait, si ce n’est le monde, du moins l’Europe ?

Or, les choses ont bien changé, notamment depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, après laquelle Paris a perdu sa place de capitale des artistes et du marché de l’art. Il est sans doute temps d’en prendre véritablement conscience si nous voulons construire la diplomatie culturelle du XXIe siècle.

Quand on aborde l’action culturelle extérieure de la France, deux types de chiffres sont à distinguer.

Certains témoignent de la vitalité et de l’attractivité de la culture made in France dans le monde : 50 000 manifestations culturelles organisées chaque année par le réseau culturel français, 101 instituts français, plus de 8 000 artistes, auteurs ou professionnels de la culture soutenus dans plus de 150 pays.

D’autres en revanche, moins glorieux, reflètent le déclin apparemment irréversible de notre diplomatie culturelle traditionnelle : un tiers de nos centres et instituts culturels à l’étranger ont été fermés depuis l’an 2000, le budget de l’action culturelle extérieure a baissé de plus de 20 % depuis 2007…

Cela explique notamment que, dès 2007, un rapport d’information sénatorial s’interrogeait sur « les réponses [à] apporter à une diplomatie culturelle en crise ».

Le chercheur et journaliste Frédéric Martel a dressé un constat volontairement provocateur : « Notre réseau culturel est déprimé, ses moyens dilués, sa gouvernance obsolète, ses nominations politisées ou dictées par l’énarchie diplomatique – bref, il ne fonctionne plus. »

Même si je n’adhère pas à de tels propos, ils ont le mérite de soulever un certain nombre des difficultés réelles que rencontre notre diplomatie culturelle depuis plusieurs années.

Que pouvons-nous donc faire pour redynamiser ce ressort essentiel de toute politique étrangère complète et efficace ?

Les Chinois l’ont bien compris, eux qui investissent massivement dans leurs instituts Confucius, présents à ce jour dans une centaine de pays, alors que les premiers ont ouvert leurs portes voilà seulement quelques années.

Si les baisses drastiques des moyens accordés à notre réseau culturel à l’étranger ne sont pas acceptables, elles ne nous empêchent pas de nous interroger sur les alternatives possibles pour développer un véritable soft power à la française.

D’ailleurs, particulièrement en matière de diplomatie d’influence, l’argent n’est peut-être pas le « nerf de la guerre », si je puis m’exprimer ainsi. Ce n’est pas parce que l’Institut français a un budget supérieur à celui des instituts Goethe et Cervantes ou du British Council que notre diplomatie culturelle est nécessairement plus efficace.

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