Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 26 mars 2013 à 14h30
Débat sur le rayonnement culturel de la france à l'étranger

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

D’ailleurs, comment mesurer la réussite et l’efficacité en la matière ? C’est une question délicate. Si la diplomatie culturelle est un aspect essentiel de la diplomatie, elle ne doit pas, pour autant, être laissée entre les mains des seuls diplomates, aussi brillants soient-ils.

Par exemple, si le British Council ou le Goethe Institut sont de véritables bras armés de la diplomatie culturelle, ils restent autonomes vis-à-vis des ministères des affaires étrangères de leurs pays respectifs. Est-ce ce qui fait leur force ?

Le mot « culture » est tout aussi essentiel que celui de « diplomatie ». C’est peut-être, non pas aux diplomates, non pas aux pouvoirs publics en général, mais avant tout aux artistes, aux professionnels de la culture et aux industries culturelles elles-mêmes qu’il incombe de faire vivre la culture française à travers le monde et de faire vivre, dans le même temps, la francophonie.

Le rôle de la puissance publique est alors d’encourager, d’accompagner, de favoriser les synergies plutôt que de définir elle-même les standards culturels qu’elle voudrait voir « rayonner » dans tous les pays. Il faut arrêter, comme c’est encore malheureusement le cas dans certains services culturels des ambassades, de vouloir imposer de façon unilatérale notre culture, nos artistes, nos œuvres.

Laissons au contraire les acteurs et les institutions étrangères venir elles-mêmes, naturellement, vers eux, grâce à une diplomatie d’influence subtile et véritablement efficace.

C’est au nombre de commissaires d’exposition étrangers qui présenteront des artistes français et de théâtres qui programmeront des auteurs ou collaboreront avec des metteurs en scène français que nous pourrons mesurer ce fameux rayonnement culturel.

Plutôt que de fournir à des professionnels des expositions d’artistes français « clés en main », aidons ces derniers à les construire. Il s’agit d’ailleurs d’une condition indispensable pour offrir à nos artistes une véritable légitimité internationale.

Un certain nombre d’initiatives de notre diplomatie culturelle vont d’ailleurs dans ce sens, tel l’échange entre galeries d’art contemporain françaises et allemandes à travers le projet Paris-Berlin, rendu possible grâce au soutien des services culturels de l’ambassade de France à Berlin.

Le numérique, encore trop souvent considéré comme un danger alors qu’il constitue également une chance incroyable pour le développement de notre soft power, présente un potentiel dont notre diplomatie culturelle devra également se saisir pleinement.

Enfin, le rayonnement de la France passe par la capacité de notre réseau diplomatique à susciter et à encourager le débat d’idées et les échanges avec les autres cultures. Cet axe essentiel de notre diplomatie culturelle, dont nous pouvons être particulièrement fiers, mérite d’être préservé et renforcé.

La diplomatie culturelle peut également se manifester par d’autres canaux, notamment ceux d’une diplomatie plus classique – ou hard power – dans le domaine commercial, par exemple.

L’annonce récente de l’engagement des négociations sur un accord de libre-échange historique entre l’Union européenne et les États-Unis a relancé le débat sur l’exception culturelle. Défendue par certains diplomates français dans les coulisses du GATT puis de l’OMC, dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, cette notion a finalement abouti à la convention de l’UNESCO sur la diversité culturelle, adoptée en 2005.

Constant sur ce point, le Président de la République a déclaré, le 15 mars dernier, que l’exception culturelle ne devrait donc plus faire partie des points de négociation de l’accord de libre-échange entre Union européenne et États-Unis.

Pour conclure, je souhaite insister sur la nécessité de donner une dimension européenne à la diplomatie culturelle. C’est en construisant avec nos voisins l’identité d’une culture européenne, dont la force réside dans la diversité et qui ne signifie en rien l’effacement des cultures nationales ou régionales, que nous pourrons construire un soft power véritablement puissant face aux États-Unis, qui demeurent pour l’instant les maîtres en la matière, et aux puissances émergentes, telles que la Chine ou les pays du Golfe. §

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