Intervention de Jean-Louis Carrère

Réunion du 26 mars 2013 à 14h30
Débat sur le rayonnement culturel de la france à l'étranger

Photo de Jean-Louis CarrèreJean-Louis Carrère :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rayonnement culturel d’un pays ne se décrète pas. Il est un état, au sens physique du terme, qui résulte de la combinaison de plusieurs facteurs.

Il est d’abord fonction de l’intensité du patrimoine culturel. De ce point de vue, la France reste une référence, une matrice qui continue à produire, et c’est bien là l’essentiel : il faut poursuivre en ce sens.

En l’espèce, l’action de l’État consiste à maintenir un environnement favorable à la création culturelle, à son renouvellement, à son investissement sur de nouveaux supports et de nouveaux modes d’expression. Elle repose sur l’éducation et l’investissement public.

Dans la politique du Gouvernement, nous mesurons l’effort consenti dans le secteur de l’éducation. En revanche, nous sommes plus inquiets pour ce qui concerne l’investissement dans le domaine de la création.

S’agissant du rayonnement culturel à l’étranger, il me semble que les filières qui permettent de développer l’excellence française ne doivent pas être négligées, car elles tirent les secteurs concernés vers le haut et permettent l’exportation de modèles de référence.

Mais le rayonnement culturel, c’est aussi la capacité pour une culture de prétendre à l’universel. Cela suppose un pouvoir de dialoguer avec l’extérieur et à intégrer pour se renouveler sans perdre de son être. Là où la liberté d’expression culturelle est restreinte, là où les idées ne peuvent pas être confrontées, le rayonnement culturel s’étiole. Il est fondamental que notre pays continue à défendre la liberté de l’expression culturelle sous toutes ses formes, milite pour la liberté de diffusion des œuvres et accueille des artistes étrangers.

Il doit aussi préserver l’économie qui sous-tend la création artistique et donc faire en sorte que cette liberté ne se trouve pas absorbée par des lois du marché qui l’affaiblissent.

La mondialisation de la diffusion des productions culturelles est relativement paradoxale.

D’une part, les nouvelles technologies permettent de diffuser de façon quasi universelle et à moindre coût des données et de s’adresser directement aux individus. Certains l’ont bien compris, et pas seulement dans le domaine culturel ! De ce point de vue, le rayonnement culturel de la France à l’étranger est sans doute plus important qu’il ne l’a jamais été.

Mais, d’autre part, la concurrence plus vive entre producteurs et le dialogue entre les cultures peuvent aussi déboucher sur une uniformisation des goûts et une standardisation des produits et au mépris de la créativité.

Pour l’État, il convient donc, tant dans sa législation intérieure que sur la scène internationale qui s’empare progressivement de la régulation des industries culturelles, d’affirmer un modèle, sans pour autant s’isoler afin de continuer à diffuser nos productions originales.

Enfin, le rayonnement à l’étranger est fonction de notre capacité à promouvoir notre culture, à susciter, serais-je tenté de dire, un « désir de France ». L’intervention de l’État reste indispensable, car le secteur culturel est fragile, surtout lorsque la concurrence s’accroît, des puissances de plus en plus nombreuses déployant une diplomatie culturelle et y consacrant des moyens importants, y compris dans les zones traditionnelles d’influence de la France.

C’est dans ce cadre qu’a été entreprise une modernisation de nos outils par la mise en place d’opérateurs. Cette modernisation doit se poursuivre et gagner en autonomie, parce qu’elle professionnalise la gestion et pérennise des modes d’action. Le pilotage, par le biais de contrats d’objectifs, me paraît une solution intéressante si, toutefois, l’État se contente de fixer des objectifs réalistes, apporte les moyens adéquats et, surtout, réguliers, se dote enfin d’une véritable capacité d’évaluation des opérateurs, point très important.

Monsieur le ministre, ces quelques observations générales devraient ou, à tout le moins, pourraient, me semble-t-il, contribuer à orienter notre réflexion.

Les rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, MM. Vallini et Besson, s’exprimeront sur leurs domaines de compétences respectifs.

Le rayonnement culturel est sans doute l’un des meilleurs atouts d’influence dont nous disposons. Vous trouverez dans cette assemblée des soutiens actifs, conscients des enjeux de long terme que représente l’action culturelle extérieure pour maintenir et développer l’influence de la France. §

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