Intervention de Jean Besson

Réunion du 26 mars 2013 à 14h30
Débat sur le rayonnement culturel de la france à l'étranger

Photo de Jean BessonJean Besson :

Monsieur le ministre, le président de notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Jean-Louis Carrère, vous a à l’instant appelé à actualiser notre démarche stratégique en matière de diplomatie d’influence.

Il y a cinq ans, nous avions engagé au sein de cette assemblée un travail de réflexion de grande ampleur, qui réunissait les commissions des affaires étrangères et de la culture. Ce travail a débouché sur un rapport adopté, chose rare, à l’unanimité.

J’ai relu hier les constats effectués et les propositions formulées en matière d’action culturelle : nous pourrions les reprendre aujourd’hui.

Sans doute la loi du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État a-t-elle mis en place les opérateurs que sont l’Institut français, Campus France et France expertise internationale, dont la vocation est de professionnaliser et de rationaliser la diplomatie culturelle et d’influence, conformément à notre souhait.

Cependant, nous sommes restés au milieu du gué, et les mêmes faiblesses continuent de peser sur le développement de notre action culturelle extérieure, alors que nous sommes confrontés à une concurrence de plus en plus vive, notamment de la part de pays émergents comme la Chine ou de pays du Golfe, singulièrement du Qatar.

En la matière, il faut aussi compter sur des opérateurs privés, organisations non gouvernementales, fondations ou entreprises.

Je remarque d’ailleurs que, si quelques opérateurs publics dans le domaine muséographique et quelques grandes écoles ou universités dans le secteur éducatif mènent des actions à l’étranger, nos opérateurs privés sont peu engagés dans ce domaine. C’est un constat. Il n’y a sans doute pas de marché suffisamment porteur pour soutenir leur action…

Je ne veux pas avoir une vision trop « décliniste », car les moyens modernes de communication permettent une diffusion importante de notre culture et de nos idées en nous affranchissant des barrières étatiques, encore que le perfectionnement des outils de contrôle de l’internet donne à certains États de puissants moyens d’obstruction.

Toutefois, la baisse tendancielle de nos moyens depuis de nombreuses années, quels que soient les gouvernements, est une source d’inquiétude très vive.

Le rayonnement culturel est une affaire de long terme, sans doute, mais à force de réduire notre investissement, nous perdons effectivement notre influence et retrouver un crédit est souvent très coûteux, parfois impossible.

Nous avons mis en place les opérateurs, mais leurs moyens sont en diminution. Pour 2013, la dotation budgétaire de l’Institut français est en baisse de 7 %, celle des réseaux de 4 %. Un constat identique vaut pour le soutien aux Alliances françaises. Le principal objectif est donc de réaliser des économies ou de rechercher des ressources propres.

Je veux bien admettre que la recherche de solutions moins coûteuses et plus efficaces soit un exercice vertueux. Je salue, à cet égard, la remise en ordre de la mobilité des étudiants étrangers grâce à Campus France, la modernisation de la diffusion culturelle par l’utilisation des nouvelles technologies par l’Institut français, ainsi que les réflexions engagées pour s’orienter vers une labellisation d’établissements enseignant le français à l’étranger, sans nécessairement les porter financièrement. Mais cela ne doit pas devenir la principale activité de ces opérateurs.

Souvent, on se berce d’illusions, lorsque, pour présenter des budgets en équilibre, on affiche des prévisions de ressources propres irréalistes, satisfaisant à court terme le ministère du budget, qui tient solidement les cordons de la bourse, et le ministère de tutelle, lequel admet mal de revoir ses ambitions à la baisse.

Monsieur le ministre, en dehors de quelques opérations de prestige, il n’y a pas d’énormes gisements de ressources propres pour les opérateurs et pour le réseau, si l’on excepte les cours de langue. Or le fait de trop augmenter les tarifs de ces cours a aussi un effet sur la fréquentation.

Quant au mécénat, il est florissant lorsque nos entreprises se portent bien, mais, en temps de crise, celles-ci sont confrontées aux mêmes difficultés que l’État. Aidons-nous les opérateurs en procédant de la sorte ?

Si la contrainte est rude et pour les opérateurs et pour le réseau, elle est aussi démotivante pour les personnels, qui ont besoin d’être professionnalisés et de voir s’ouvrir à eux des perspectives de carrière.

Lors de nos travaux, voilà cinq ans, nous avions constaté que les personnels appelés à diriger les centres culturels ne se voient proposer qu’une formation de cinq jours, alors que la formation initiale est de six mois en Allemagne.

Par ailleurs, la durée d’immersion dans un pays est relativement courte, de l’ordre de trois années, alors qu’elle est de cinq ans pour le British Council ou pour l’Institut Goethe. Enfin, l’Allemagne et le Royaume-Uni offrent de bien meilleures perspectives de carrière aux agents de leur réseau culturel à l’étranger.

Dans notre rapport, il y a cinq ans, nous affirmions déjà que la rénovation de la gestion des ressources humaines du personnel de notre réseau culturel à l’étranger devait être l’une de nos préoccupations centrales.

Qu’en est-il de nos objectifs en la matière ? Avons-nous véritablement progressé ?

Je voudrais aussi souligner, monsieur le ministre, l’importance que nous accordons, pour cette raison, au rattachement du réseau culturel des établissements à autonomie financière à l’Institut français.

Comment imaginer un pilotage de notre action en ayant, d’un côté, un opérateur avec des objectifs de long terme, définis par un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens, et, de l’autre, déconnecté, le personnel chargé de leur mise en œuvre ?

Il faut que l’administration du ministère se rassure : le pilotage par objectifs est souvent plus efficace qu’une tutelle tatillonne et de court terme. Il convient, dans cette perspective, de se donner les outils nécessaires à ce pilotage, de définir des priorités et non un catalogue, comme c’est le cas dans le contrat d’objectifs et de moyens de l’Institut français. Il faut aussi se doter de moyens d’évaluation et de contrôle et, surtout, mettre en place des équipes bien formées.

À la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, nous devons donc être particulièrement vigilants sur les modalités d’évaluation de l’expérimentation du rattachement du réseau culturel à l’opérateur Institut français.

Essayons de conforter nos opérateurs en leur assurant une continuité dans leur action et une régularité dans leur financement. La démarche stratégique du Gouvernement doit être plus explicite, car le pilotage du dispositif existant nous inquiète. En effet, nombre d’opérateurs, tels que Campus France et l’Audiovisuel extérieur de la France, restent sans contrat d’objectifs, les moyens publics se rétrécissent ; la capacité d’évaluation et de management au sein du ministère nous semble pouvoir être améliorée, et je sais que telle est votre volonté, monsieur le ministre. À mon sens, il est temps de faire l’autre moitié du chemin.

La situation doit surtout inviter le Gouvernement, mais aussi nos diplomates et les opérateurs, à un effort de réflexion pour redéfinir de façon plus exigeante nos ambitions et faire de véritables choix non seulement entre les objectifs, mais également entre les territoires vers lesquels nous devons faire porter nos efforts, en utilisant les leviers les plus efficaces.

Étant réaliste, je comprends bien qu’il est difficile de demander des moyens supplémentaires, mais, depuis trop d’années, les crédits de l’action culturelle extérieure sont une trop facile variable d’ajustement. Des efforts peuvent être conduits dans d’autres secteurs.

Soyez assuré, monsieur le ministre, que nous serons attentifs à vos efforts et que nous soutiendrons votre action pour redonner à notre pays une diplomatie d’influence à la hauteur de ses ambitions. §

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