Enfin, nous mettons également en œuvre, en concertation avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et les autres acteurs français concernés, une stratégie cohérente de diplomatie scientifique avec des outils comme le réseau des instituts français de recherche à l’étranger, qui développent une coopération scientifique d’excellence en sciences humaines et sociales avec nos partenaires, les missions de fouilles archéologiques à l’étranger, qui approfondissent notre connaissance de l’histoire des pays concernés, ou encore les programmes de recherche pour le développement, lesquels contribuent à la constitution de capacités de recherche au Sud.
Pour relever les trois défis que je viens d’évoquer, ainsi que ceux que vous avez mentionnés, mesdames, messieurs les sénateurs, notre dispositif doit évidemment tenir compte des évolutions du monde.
Le premier chantier, c’est la modernisation du réseau culturel. Le ministère des affaires étrangères doit évidemment participer à la maîtrise des dépenses publiques. Cela a été souligné, nous avons déjà beaucoup contribué à cet effort, sur le plan tant des effectifs que des moyens financiers. Mais si nous voulons faire œuvre utile, nous devons définir précisément nos actions. Cela implique de fixer nos priorités géographiques et stratégiques tout en développant des méthodes de travail nouvelles. Mes services me feront des propositions de redéploiements pertinents de nos ressources pour accompagner l’émergence de pays ou de régions du monde devenus ou en passe de devenir prescripteurs.
Il ne s’agit pas de négliger le rayonnement de la France dans des pays qui sont des partenaires traditionnels, comme l’Italie ou l’Allemagne, mais nous devons projeter aussi notre pays dans d’autres zones à très fort potentiel, où se trouvent de plus en plus les enjeux de l’influence internationale. Je pense aux grands émergents – la Chine, l’Inde, le Brésil –, mais aussi à d’autres pays d’Asie, d’Amérique latine ou d’Afrique. Il nous faut répondre à ce que vous appelez le « désir de France », et même le susciter.
Nous devons également mieux coordonner nos missions, notamment avec l’action extérieure des collectivités territoriales ou avec l’action des grandes ONG et de la société civile.
Nous devons aussi coordonner notre action au niveau européen pour lever des financements communautaires ou monter des opérations conjointes, par exemple au sein du réseau qui rassemble les agences culturelles européennes, réseau dont la France assure actuellement la présidence.
À cet égard, je veux répondre à M. Besson et à M. Beaumont en rappelant que notre réseau culturel a tout de même levé en 2012 plus de 180 millions d’euros de cofinancement, une somme non négligeable.
Une approche « régionale » de nos actions a été développée sur certains programmes de recherche, par exemple au Maghreb.
La modernisation de notre réseau passe aussi par celle de ses emprises et de ses supports techniques, par une adaptation de la formation professionnelle de nos agents, qui doit s’accorder avec l’évolution de nos industries culturelles. Ces hommes et ces femmes, qui, pour l’essentiel, sont non pas des diplomates statutaires, mais des contractuels, sont vraiment le cœur battant de notre réseau d’influence dans le monde. Ils accomplissent un travail remarquable, qui demeure malheureusement souvent méconnu. En votre nom à tous, en mon nom, je veux les féliciter et les mettre en valeur. Un chantier est en cours visant à valoriser leur parcours professionnel, au Quai d’Orsay et à l’extérieur.
Je veux également, s’agissant de l’évolution du réseau, évoquer la question du rattachement du réseau à l’Institut français.
En 2010, à la suite de l’adoption d’un amendement parlementaire, une disposition législative a été votée autorisant, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, le rattachement du réseau de coopération et d’action culturelle à cet opérateur, expérimentation conduite dans douze pays, selon un cahier des charges établi en 2011, et mise en œuvre à compter du 1er janvier 2012.
Une première évaluation interne de l’expérimentation a été conduite par Pierre Sellal, le secrétaire général du Quai d’Orsay. Ces éléments sont repris dans le rapport annuel, au titre de 2012, d’évaluation des résultats de cette expérimentation, qui, conformément à la loi et au décret d’application, sera remis avant le 31 mars 2013 aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Pour ma part, je retiens du travail de M. Sellal la nécessité de conforter l’EPIC Institut français à Paris. Dans cet objectif, le ministère a veillé à ce que son budget soit préservé. Grâce à la prise en charge de la réserve légale, la subvention à l’Institut français est quasiment stabilisée en 2013.
De plus, l’Institut français doit être conforté dans son rôle d’opérateur culturel au service de l’ensemble de nos postes qui doit l’inciter à développer ses capacités en matière de levées des fonds européens et de mécénat et encourager la mobilité entre les personnels.
Ces évolutions n’ont pas d’influence déterminante sur la question du rattachement de l’ensemble du réseau, dont le coût – 50 millions d’euros sur trois ans, selon M. Sellal – est difficilement compatible avec le contexte budgétaire que nous connaissons.
Il nous faudra avoir l’ensemble de ces éléments à l’esprit lorsque nous devrons prendre une décision.
La prochaine étape est l’élaboration d’une nouvelle stratégie culturelle. Des consultations sont en cours, notamment avec la mission d’évaluation menée actuellement par la Cour des comptes sur le réseau culturel. Cette mission a lieu à la demande du comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale. Plus largement, j’ai demandé que soient recueillis et intégrés les avis et les attentes des acteurs du monde culturel, des personnels du réseau, des parlementaires, des autres ministères, des établissements culturels, des collectivités territoriales, des organismes professionnels de la culture et des industries culturelles.
Je disposerai cet été des éléments qui me permettront de préciser nos grandes orientations stratégiques et de décider de la configuration d’ensemble de notre réseau.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pardonnez-moi d’avoir été un peu long, mais je voulais répondre à chacun d’entre vous et vous exposer une vision prospective, à la hauteur des propos remarquables que nous avons entendus cet après-midi. Il n’y a pas d’un côté la diplomatie des capitales et des chancelleries et, de l’autre côté, l’action culturelle et éducative ; il n’y a pas d’un côté l’action économique et, de l’autre côté, l’action culturelle. La France est influente à la fois par son image, par son message et par sa présence. La diplomatie culturelle est tout entière au service de ces différents volets. Elle vise à faire rayonner la France à l’étranger et, pour reprendre l’expression très juste qu’ont utilisée plusieurs d’entre vous, à donner aux étrangers et aux Français une véritable, profonde et justifiée « envie de France ».