Intervention de Jean-Claude Lenoir

Réunion du 26 mars 2013 à 21h30
Débat sur les enjeux et les perspectives de la politique spatiale européenne

Photo de Jean-Claude LenoirJean-Claude Lenoir :

… le large consensus qui s’est manifesté, la presque unanimité, qui a fait que la plupart des orateurs – modestement, je ne veux pas anticiper le sort qui sera réservé à mon intervention – ont été chaleureusement applaudis par ceux qui les avaient écoutés.

Mais je vois un deuxième atout : la communauté scientifique française. Les meilleurs, et ce n’est pas pour le coup être cocardier de le dire, sont français. Les scientifiques, qui travaillent depuis longtemps sur ces questions, ont besoin non seulement du soutien de nos gouvernements et du Parlement, mais aussi, vous le savez, madame la ministre, de moyens très importants en termes de formation.

L’un de mes collègues l’a dit à la tribune, nous avons été particulièrement frappés, cet après-midi, d’entendre le futur président du CNES expliquer dans quelles conditions il avait mis les pieds dans l’espace, si je puis dire : une bourse lui avait été octroyée, alors que la carrière qui lui était destinée ne l’aurait pas forcément conduit dans les étoiles. Cet effort de formation doit évidemment être amplifié, pour que cette communauté scientifique continue d’être la meilleure.

Enfin, nous avons un troisième atout : les industriels. Notamment sur le sol français, un certain nombre d’entre eux contribuent à faire en sorte que l’Europe spatiale se manifeste concrètement par des tirs réussis et l’envoi dans l’espace de satellites utiles.

Pour autant, nous sommes exposés à une concurrence sévère. Il y a encore une vingtaine ou une trentaine d’années, le leadership des États-Unis était incontesté, l’Union soviétique occupait une place importante et l’Europe essayait de se frayer un chemin, malgré des débuts un peu difficiles, notamment pour les lancements. Aujourd’hui, nous occupons une place déterminante, la moitié des satellites civils étant lancés par l’Europe. Toutefois, nous sommes assez surpris de voir qu’un certain nombre de pays sont devenus nos concurrents, grâce, évidemment, aux politiques de bas salaires qui sont les leurs, alors que nous pensions détenir le meilleur, pour ce qui est à la fois de la science, des technologies et du savoir-faire industriel.

Mais il ne faut pas se résigner, car l’exercice qui consiste à envoyer des satellites dans l’espace à des prix extrêmement élevés est difficile. Je parle non seulement des lanceurs, mais aussi des satellites eux-mêmes. Il faut savoir coordonner et organiser la coopération. Tout seuls, nous ne pouvons évidemment pas assumer une telle responsabilité.

Pour ma part, je suis convaincu que la coopération avec la Russie s’impose, car nous partageons avec ce pays une même plaque continentale. Tout d’abord, le savoir-faire des Russes est incontestable. On est encore émerveillés de voir, aujourd’hui, le nombre de vols réalisés grâce à Soyouz, dont, finalement, la géométrie n’a pas tellement varié au cours des années. Nous nous émerveillons également du nombre de satellites envoyés dans l’espace, d’abord par l’Union soviétique, ensuite par les régimes qui ont suivi, je pense notamment à Mir. Au final, on s’aperçoit - sans ironie - que la seule vraie révolution qu’ait réussie la Russie, c’est bien celle de ses satellites autour de la Terre.

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