Outre les femmes, les jeunes seront pénalisés par le report à 67 ans de l’âge ouvrant droit à la retraite à taux plein, notamment ceux des générations des années soixante-dix, qui ont déjà beaucoup de mal à trouver leur place sur le marché du travail et subissent la crise de plein fouet. Leur durée d’assurance sera majorée par rapport à celle des générations antérieures et ils seront donc mécaniquement amenés à attendre d’avoir atteint 67 ans, l’âge d’obtention de la retraite à taux plein, pour faire valoir leurs droits à pension.
Enfin, les chômeurs âgés paieront également le prix fort. De quelles ressources disposeront ceux qui perdront leur emploi sans pouvoir prétendre au versement de leur retraite ? Aujourd’hui, la durée d’indemnisation par l’assurance chômage est de trente-six mois. Si rien n’est fait, demain, ils vivront de l’ASS, l’allocation de solidarité spécifique, ou du RSA, le revenu de solidarité active, c’est-à-dire de 460 euros par mois. Le report du seuil d’âge entraînera, dans de nombreux cas, le maintien dans le dispositif des minima sociaux pendant vingt-quatre mois supplémentaires. C’est un surcroît de précarité pour les personnes âgées sans emploi que vous êtes en train d’instaurer !
Tout cela est injuste et peu responsable. Mes chers collègues, vous qui incarnez la représentation nationale dans ce qu’elle prétend avoir de plus raisonnable, il faut renoncer à reporter la borne des 65 ans ! Il faut accepter aussi de prendre en compte la situation des salariés affectés à des tâches pénibles.
Il est regrettable que le Gouvernement ait renoncé à traiter la question des inégalités d’espérance de vie à la retraite, sinon par une pirouette pour le moins malhabile, consistant à assimiler la pénibilité au handicap. Réduire le traitement du dossier de la pénibilité au seul périmètre de l’expertise médicale, c’est avoir une vision bien étroite de la question.
Il est prouvé que le travail diminue l’espérance de vie, alors pourquoi le taire ? Il est prouvé que l’exposition aux toxiques, le travail de nuit et les efforts physiques importants expliquent en partie les différences de mortalité entre les catégories sociales, alors pourquoi ne pas en tenir compte ?
Dans ce domaine, le compte n’y est pas. Rien sur les rythmes de travail ! Rien sur l’exposition aux nuisances thermiques ou chimiques ! Rien sur les contraintes physiques marquées, les cadences élevées ou les horaires décalés ! Rien sur les troubles musculo-squelettiques ! Jean-Pierre Godefroy en a bien parlé tout à l’heure, je n’y insisterai pas davantage.
Là encore, nous vous demandons de sortir par le haut ! Monsieur le ministre, oubliez les oukases de Mme Parisot ! Ouvrez des négociations et laissez partir les travailleurs les plus exposés à 60 ans, sans examen médical obligatoire !
Par idéologie, par tactique, mais aussi, sûrement, par docilité envers les adversaires du système de retraite par répartition, vous avez choisi une réforme frontale et brutale. Elle a mis 3 millions de personnes dans la rue à plusieurs reprises ; elle est rejetée par deux Français sur trois ; elle a recréé l’unité syndicale et elle suscite la colère sociale. Tout donne à penser que vous vouliez ce conflit social, comme pour en faire un marqueur politique, un symbole de dureté et de rigueur, peut-être un outil pour ressouder – qui sait ? – une frange démobilisée de votre électorat…