Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai lu la proposition de loi et écouté l’intervention de M. Béchu avec beaucoup d’attention.
Il faut toujours se méfier de ce qu’on appelle communément le « bon sens ». Pour des enfants confrontés à des difficultés de vie et sortis de leur famille, c’est la complexité qui prévaut ; aucune situation ne ressemble à une autre. Je ne suis donc pas certaine que le « bon sens » soit le meilleur conseiller en la matière.
Je souhaite formuler plusieurs remarques sur ce texte.
Premièrement, une loi doit être utile. J’aimerais donc vous poser un certain nombre de questions au regard du droit actuel, mesdames, messieurs les sénateurs.
Dans le droit actuel, en cas de placement de plus d’un mois d’un mineur en famille d’accueil ou en établissement, le principe est déjà le versement des allocations familiales au service de l’ASE auquel le mineur est confié. Les parents d’un enfant pris en charge dans ce cadre restent tenus envers lui aux obligations prévues aux articles 203 à 211 du code civil, s’agissant notamment de l’obligation alimentaire.
Dans le droit actuel, et depuis la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, le juge peut décider, d’office ou sur saisine du président du conseil général, de ne pas verser les allocations familiales au service de l’ASE lorsque la famille participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant ou en vue de faciliter le retour de l’enfant dans sa famille. Les caisses n’ont donc plus de pouvoir d’interprétation sur ce sujet et sont tenues d’appliquer la décision du juge.
Dans le droit actuel, et c’est particulièrement important, le juge peut donc décider le maintien du versement des allocations familiales à la famille, en considérant notamment que c’est de nature à favoriser le retour de l’enfant dans sa famille. Or, nous le savons, la grande majorité de ces enfants ont précisément vocation à retourner dans leur famille, et non à en être retirés.
Je vous pose donc la question : quel est l’intérêt d’une nouvelle loi au regard du droit existant ?
Deuxièmement, la proposition de loi est à contre-courant de tous les efforts que le Gouvernement entreprend actuellement.