Séance en hémicycle du 27 mars 2013 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître le nom d’un sénateur pour siéger comme membre suppléant au sein du Conseil national de la mer et des littoraux, institué par l’article 43 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, en remplacement de notre collègue René Vestri, décédé.

Conformément à l’article 9 du règlement du Sénat, la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire a été saisie.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe UMP, de la proposition de loi relative au versement des allocations familiales et de l’allocation de rentrée scolaire au service d’aide à l’enfance lorsque l’enfant a été confié à ce service par décision du juge, présentée par M. Christophe Béchu, Mme Catherine Deroche et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 640 [2011-2012], texte de la commission n° 431, rapport n° 430).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Christophe Béchu, coauteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat est saisi d’une proposition de loi simple, avec seulement deux articles, visant à moraliser un dispositif social, à partir d’une idée simple elle aussi : les allocations étant faites pour les enfants et non pour les parents, c’est donc celui qui s’en occupe qui doit les toucher.

La proposition de loi contient un arrière-plan, à savoir l’aide sociale à l’enfant, l’ASE, et s’inscrit dans un contexte, celui des difficultés financières des départements. Toutefois, je le dis d’emblée, ce texte n’est ni une refondation de l’ASE – il n’en a ni l’ambition ni les moyens – ni une réponse au rapport de la Cour des comptes, qui, le mois dernier, constatait la situation intenable des départements du fait de la progression des dépenses sociales.

La proposition de loi repose sur une réalité : dans notre pays, un peu moins de 150 000 enfants sont placés dans des services de l’aide sociale à l’enfance, gérés par les conseils généraux. Pour ces enfants, les départements prennent le relais des familles et assument, en lieu et place des parents, l’ensemble des responsabilités et des frais liés à l’exercice de la parentalité. Les conseils généraux paient ainsi les établissements et les familles d’accueil qui les reçoivent, financent les frais de scolarité, de déplacement, les activités culturelles ou sportives, les vêtements, la cantine, etc. Pourtant, alors que les familles biologiques n’ont plus aucune charge, celles-ci continuent, dans leur immense majorité – 85 % à 90 % des cas –, de percevoir la totalité des allocations familiales et de l’allocation de rentrée scolaire.

Alors qu’un texte prévoyait, logiquement, le versement des allocations familiales aux collectivités après le retrait, sur décision de justice, d’un enfant de sa famille, les exceptions imaginées sont devenues la règle et le principe établi à l’origine n’est plus appliqué qu’à la marge.

Quant à l’allocation de rentrée scolaire, jamais aucun texte n’a prévu que l’absence de charge effective devait entraîner l’absence de versement de cette allocation.

Sachant que les placements sont le plus souvent motivés par des faits de maltraitance, de carence ou de négligence, avec ce qu’ils impliquent de violences et de traumatismes, on peut affirmer que ce n’est pas seulement la loi qui est contournée, c’est son esprit qui est bafoué.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

La proposition de loi vise donc simplement à revenir à l’esprit de la loi de 1986. Que les choses soient claires : elle n’est pas une idée de l’ADF, l’Association des départements de France, elle n’est pas une demande de la part de la direction des finances. Elle est issue du terrain et, plus précisément, des familles d’accueil de mon département.

Tous les ans, le conseil général du Maine-et-Loire organise une journée de questions-réponses avec les 500 assistants familiaux du département. En 2010, une femme a pris la parole pour me demander si je trouvais normal que la famille biologique des enfants dont elle a la charge continue de toucher les allocations familiales et l’allocation de rentrée scolaire. Sa question a provoqué un tonnerre d’applaudissements.

C’est cet événement qui m’a conduit à me pencher sur cette question, à la creuser, à essayer de comprendre, à recevoir, à consulter. J’ai alors mis à profit, pour nourrir ma réflexion, les contacts que j’ai noués avec les acteurs de la protection de l’enfance que j’ai rencontrés depuis le début de mon mandat de conseiller général en 2004 et plus encore pendant les trois ans durant lesquels j’ai exercé la présidence du groupement d’intérêt public « Enfance en danger » et celle du 119.

Que les choses soient claires également : la proposition de loi n’est pas un texte partisan. Il s’agit d’un texte de bon sens, ayant reçu le soutien unanime du bureau de l’Association des départements de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Il a également reçu le soutien du Président de la République le 22 octobre dernier lors de la réception par celui-ci des présidents de conseil général. Lorsque Claudy Lebreton avait indiqué que ce texte constituait une attente des départements, François Hollande avait en réponse fait part de sa bienveillance sur le sujet.

Cette bienveillance s’est poursuivie en conférence des présidents à travers les propos du ministre chargé des relations avec le Parlement.

Dans la continuité de ces échanges, pour aplanir d’éventuelles difficultés pouvant subsister, Catherine Deroche, coauteur de la proposition de loi, et moi-même avions même accepté de retirer notre texte de l’ordre du jour de novembre dernier afin que notre collègue Yves Daudigny puisse en déposer un sur le même sujet, mais des ennuis techniques et des problèmes de calendrier ont empêché l’examen de sa proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme Catherine Troendle. Comme c’est élégamment dit !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

C’est la raison pour laquelle ce texte nous revient aujourd’hui seulement. Toutefois, ces détours et ce retard ont été utiles, car le travail sénatorial aura grandement contribué à bonifier le texte initial et à renforcer la volonté qu’il exprimait. Les amendements de Mme la rapporteur, comme ceux d’Yves Daudigny, ont permis d’élaborer un texte équilibré, rétablissant le bon sens tout en étant profondément humaniste en laissant une part des allocations familiales aux familles.

Ce texte de bon sens fait pourtant l’objet de quelques critiques ou objections, auxquelles je veux préventivement répondre.

J’entends dire que c’est un bon texte, mais qu’il faudrait une loi plus vaste.

Mes chers collègues, vous le savez, le mieux est parfois l’ennemi du bien. Une réforme de l’aide sociale à l’enfance nécessite du temps, de la concertation et de la méthode. Une telle tâche nécessiterait des années de travail. Certains d’entre vous se souviennent du délai de maturation de la loi du 5 mars 2007, du travail préalable que son adoption avait nécessité de la part de Philippe Bas, devenu depuis notre collègue. Chacun sait que si ce texte avait alors été adopté à l’unanimité, c’est parce que le temps de la concertation avait été pris en amont.

Plus fondamentalement, même si certains jugent souhaitable une refondation de l’aide sociale à l’enfance, ce n’est pas une raison pour fermer les yeux sur la situation actuelle. Nous avons un problème simple : l’esprit de la loi de 1986 n’est pas respecté. Nous y apportons une réponse simple : la présente proposition de loi et ses deux articles.

Certains veulent davantage ? Je suis prêt à y travailler, mais cela ne doit pas être une excuse pour ne rien faire.

J’entends dire que nous allons précariser les familles.

Mes chers collègues, comme vous, je respecte le combat, que j’admire, des associations familiales et des associations agissant aux côtés des plus fragiles, mais cet argument ne tient pas. Il est infamant et faux.

Il est infamant, parce que la maltraitance, la négligence ou la carence sont parfois le fait de familles n’ayant pas de problèmes financiers.

Il est faux, parce qu’il n’y a précarisation que si l’équilibre d’un budget est menacé. Or il ne s’agit pas de réduire les ressources de familles continuant de payer des charges. En pareil cas, oui, il y aurait précarisation ! Telle est d’ailleurs la raison de mes réticences personnelles concernant le texte d’Éric Ciotti, lequel a récemment été abrogé. Ce texte avait cet inconvénient : il conduisait à précariser les familles en cas d’absentéisme scolaire, alors même que les charges de ces familles restaient les mêmes.

Le texte que nous vous soumettons aujourd'hui ne repose absolument pas sur cette philosophie. Il prévoit juste que, dès lors qu’il y a absence de charges, il est logique qu’il y ait une absence de ressources.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Je veux dire à ceux qui avancent cet argument qu’il y a une grande hypocrisie dans notre droit positif. En effet, un enfant n’est pas toujours placé auprès des services du conseil général. Il peut être placé auprès d’un tiers digne de confiance. Dans ce cas, le transfert de 100 % du montant des allocations familiales est automatique.

En droit, la situation est donc aujourd'hui la suivante : lorsque des enfants sont confiés à une personne physique, le transfert des allocations est automatique ; en revanche, s’ils sont confiés au conseil général, on considère que les contribuables ou la collectivité doivent en assumer la charge. On n’en tire pas toutes les conséquences.

J’entends dire que le transfert automatique serait un problème pour les juges.

C’était vrai dans la version initiale du texte. Mea Culpa ! Mais les amendements adoptés, le travail effectué en commission, notamment sur le fondement de la proposition de loi de M. Daudigny, ainsi que par Mme la rapporteur, ont porté leurs fruits. Aujourd'hui, un large consensus républicain se dégage sur ce point. Cette difficulté a été gommée. Le pouvoir du juge est préservé et l’esprit global de la loi et le bon sens sont respectés.

J’entends dire que ce texte serait une erreur économique.

Pour certaines associations familiales, « transférer automatiquement les allocations familiales au conseil général est une erreur économique. La charge financière pour les départements sera d’autant plus lourde si la séparation de l’enfant de sa famille se prolonge. Pour exemple : la confiscation des allocations d’une famille de deux enfants ne rapporterait que 1 524 euros au conseil général alors que le “placement” d’un enfant lui coûte 34 000 euros par an. »

S’il est séduisant intellectuellement, ce raisonnement est totalement faux.

Je ne veux pas, à travers ce texte, me livrer à la stigmatisation ou à la généralisation. C’est sur la base des témoignages que j’ai recueillis auprès des familles d’accueil et des travailleurs sociaux sur le terrain que je peux vous dire que, dans de nombreux cas, le système actuel produit l’effet inverse à celui escompté.

Certaines familles ne sont pas pressées de récupérer leurs enfants, car elles se trouvent dans une situation financière plus confortable qu’auparavant. Parfois, fonder le maintien des allocations familiales sur la parentalité biologique revient à s’appuyer sur une fiction. Je pense, notamment, aux cas de maltraitance, d’abus ou d’inceste. Il me semble que ce constat fait l’objet d’un large consensus.

Pour qu’un juge prenne la décision de placer un enfant, les carences dont ce dernier souffre doivent être particulièrement importantes. Je vous le rappelle, mes chers collègues, cette décision ne se prend pas sous l’autorité des présidents de département. Il faut que les faits soient suffisamment lourds et qu’ils aient été étayés par des rapports établis par les travailleurs sociaux. Tout cela ne se fait pas sur un coin de table, dans le bureau du juge.

Il y a également de nombreux cas d’enfants retirés à leurs parents dès la maternité. On ne prend pas le risque de leur faire passer une seule journée auprès d’eux. Cela peut arriver dans des cas très particuliers, lorsque les deux parents sont lourdement handicapés, par exemple. De ce point de vue, il n’y a pas de lien à tirer entre le maintien ou la suspension du versement des allocations familiales et la durée de placement de l’enfant. Ce sont des champs totalement différents.

La proposition de loi, si elle était adoptée, donnera aux travailleurs sociaux et aux équipes chargées de ces sujets au sein de nos départements de nouveaux moyens pour mener des actions de prévention et de soutien à la parentalité. Nous avons en effet pris le soin de bâtir un texte qui ne s’applique qu’aux cas de placements judiciaires. Il ne concerne, en aucun cas, les placements administratifs.

Nous pouvons donc espérer recevoir plus de demandes de placement émanant des familles, qui, éprouvant la limite de leur autorité ou de leur capacité à intervenir, tireraient elles-mêmes la sonnette d’alarme. En faisant cette distinction, nous donnons des outils aux travailleurs sociaux sur le terrain, pour leur permettre d’affronter des réalités dont vous connaissez, comme moi, la complexité.

J’entends dire, enfin, que ce texte instaurerait une double peine.

Cet argument n’est pas recevable. Les allocations n’ont pas à compléter les revenus des parents, elles sont versées pour le bénéfice des enfants. Théoriquement, l’absence d’enfant devrait entraîner l’absence d’allocation.

J’observe que, même dans les situations dramatiques de familles qui ont l’immense douleur de perdre un enfant, les allocations familiales ne sont pas maintenues. Pour les cas de retrait et de disparition de charges, donc, la logique et le bon sens vont dans la même direction, et je ne reprendrai pas l’argument développé lorsque j’ai évoqué les tiers dignes de confiance.

Mes chers collègues, vous le voyez, tout converge pour que cette proposition de loi reçoive votre approbation.

Je dirai, pour terminer, que l’ambition des auteurs du présent texte n’est pas démesurée. Il ne s’agit ni d’une refondation de l’ASE ni d’une réponse budgétaire à la situation des conseils généraux. Il s’agit tout simplement d’une proposition de loi qui permettra de faire régner plus de justice et d’équité entre les familles et qui moralisera nos dispositifs d’aide sociale. Son adoption sera indolore pour les finances publiques, juste pour les familles et nécessaire pour les enfants. Elle permettra de rappeler que les allocations familiales doivent être consacrées aux enfants.

Si les réformes de bon sens, partagées par presque tous, ne sont pas réalisées, comment pourrons-nous faire la pédagogie des réformes les plus complexes ? C’est pourquoi je ne peux pas croire que, sur ce texte, nous ne puissions pas nous retrouver.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Catherine Deroche, coauteur de la proposition de loi et rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui soulève la question du bénéficiaire des allocations familiales et de l’allocation de rentrée scolaire lorsqu’un enfant est confié au service d’aide sociale à l’enfance sur décision du juge.

C’est un sujet qui n’est pas nouveau. En effet, notre proposition de loi reprend deux amendements votés à l’unanimité par le Sénat lors de l’examen en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Ces amendements ont été supprimés par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, au motif qu’il s’agissait de cavaliers législatifs.

Directement concernés, les départements ont contribué à faire émerger ce sujet dans le débat public et alerté, d’une part, sur le dévoiement du principe, contenu dans la loi, s’appliquant aux allocations familiales, et, d’autre part, sur l’iniquité des dispositions régissant l’attribution de l’allocation de rentrée scolaire.

La première mesure de ce texte porte sur les modalités de versement des allocations familiales en cas de placement de l’enfant à l’ASE sur décision du juge.

Symboliquement et financièrement, les allocations familiales représentent la plus importante des prestations familiales. En application de l’article L. 521-2 du code de la sécurité sociale, elles sont attribuées à la personne qui assume « la charge effective et permanente de l’enfant ».

La loi du 6 janvier 1986, adoptée il y a bientôt trente ans, a complété cet article pour poser le principe selon lequel, lorsqu’un enfant est confié à l’ASE, la part des allocations familiales dues au titre de cet enfant est versée à ce service. Ainsi, le législateur a voulu porter – très logiquement – au bénéfice du département une allocation correspondant pour partie à la charge qu’il supporte.

Le principe connaît cependant une adaptation possible : le juge des enfants peut décider, d’office ou sur saisine du président du conseil général, de maintenir cette part à la famille, lorsque « celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant ou en vue de faciliter le retour de l’enfant dans son foyer ».

Or, dans la pratique, il apparaît que l’exception est devenue la règle.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

En effet, dans la très grande majorité des cas, les parents continuent de percevoir l’intégralité des allocations familiales, alors même que l’un ou plusieurs de leurs enfants sont confiés à l’ASE.

Ce constat, qui émane principalement des départements, a été confirmé par les représentants des juges, même si, on peut le regretter, il n’existe pas de statistiques nationales permettant de chiffrer précisément ce phénomène. N’ayant le choix qu’entre retirer ou maintenir les allocations à la famille, le juge opte le plus souvent pour la seconde solution, si bien que le principe du versement à l’ASE n’est effectif que dans un nombre minoritaire de situations.

Il est effectif lorsque les faits à l’origine du placement sont graves, comme la maltraitance, par exemple. Dans un tel cas, rien ne peut en effet justifier le maintien des allocations à la famille.

Il l’est également lorsque le dialogue avec la famille est impossible : si les parents ne sont pas prêts à coopérer, le juge suspend – du moins dans un premier temps – le versement des allocations.

Il l’est encore lorsque le placement à l’ASE s’inscrit dans la durée : dans les cas de placement long, les chances de retour au foyer sont très faibles, il n’y a donc pas lieu de maintenir le versement des allocations aux parents.

Il l’est, enfin, lorsque le juge ne statue pas sur le versement des allocations familiales : dans ce dernier cas, celles-ci reviennent de droit à l’ASE, qui doit alors se manifester auprès de la caisse d’allocations familiales pour en être le bénéficiaire.

Cette situation n’est pas satisfaisante, et ce pour deux raisons.

Premièrement, le législateur ne peut admettre que la pratique ignore l’esprit de la loi, en l’occurrence celle de 1986.

Deuxièmement, sur le plan des principes, il est difficilement concevable que des familles qui n’assument plus la charge effective et permanente d’un enfant continuent de percevoir l’intégralité des allocations familiales, au même titre que les familles dont les enfants ne sont pas placés ; il s’agit d’une question de justice et d’équité.

Dès lors, la proposition de loi poursuit un double objectif : revenir à la volonté initiale du législateur – les allocations familiales doivent bénéficier à la personne, physique ou morale, qui assume la charge effective de l’enfant – et laisser la possibilité au juge de maintenir la part d’allocations dues au titre de l’enfant placé à la famille, tout en l’autorisant à la répartir entre celle-ci et l’ASE.

Dans cette perspective, la version initiale de l’article 1er apportait trois modifications au dispositif existant : elle supprimait la saisine d’office du juge ; elle permettait au juge, saisi par le président du conseil général, de se prononcer sur l’attribution des allocations au vu d’un rapport établi par le service de l’ASE ; elle l’autorisait à octroyer, totalement ou partiellement, les allocations à la famille.

J’en viens maintenant à la seconde mesure du texte, qui concerne l’allocation de rentrée scolaire.

Cette allocation, versée sous conditions de ressources, vise à compenser les frais spécifiques résultant de la rentrée scolaire, en particulier les frais de fournitures.

En l’état actuel du droit, lorsqu’un enfant est confié à l’ASE, cette allocation continue d’être entièrement versée à la famille, et ce alors que le département supporte la totalité des dépenses liées à la scolarisation de cet enfant. Cette situation n’est pas, elle non plus, acceptable sur le plan de l’équité entre les familles. En effet, celle dont l’enfant est confié à l’ASE, et qui, par conséquent, n’a plus à financer les dépenses de fournitures scolaires, continue de bénéficier de l’allocation de rentrée scolaire au même titre que la famille assumant effectivement ces dépenses.

Pour mettre fin à cette incohérence, l’article 2 de la proposition de loi initiale insérait, dans le code de la sécurité sociale, le principe selon lequel l’allocation de rentrée scolaire due au titre d’un enfant placé à l’ASE est versée à ce service. Sur le modèle du régime d’attribution des allocations familiales, l’article prévoyait toutefois la possibilité pour le juge, sur saisine du président du conseil général, de maintenir totalement ou partiellement le versement de l’allocation de rentrée scolaire à la famille.

Sur ma proposition, notre commission a apporté trois importantes modifications de fond au texte initial.

En premier lieu, elle a rétabli la saisine d’office du juge. En effet, la question du maintien ou non des allocations à la famille est une conséquence directe de la décision de placement judiciaire, dont il est logique que le juge puisse se saisir d’office. Les allocations familiales constituent un instrument de politique judiciaire indispensable au travail de pédagogie que le juge mène avec les parents, dans le but de remédier à leurs défaillances et de permettre, si les conditions sont réunies, un retour de l’enfant dans sa famille.

En deuxième lieu, afin que le rétablissement de la saisine d’office du juge ne perpétue pas la pratique actuelle du maintien quasi systématique du versement des allocations à la famille, le texte issu de nos travaux précise que ce maintien ne pourra être que partiel. Dès lors, le juge devra répartir le montant de ces allocations entre la famille et l’ASE. À ce titre, il est proposé que la part versée aux parents n’excède pas 35 %.

J’insiste sur le fait que ce dispositif de répartition des allocations entre la famille et l’ASE – un tiers pour la première, deux tiers pour la seconde – constitue une solution équilibrée entre, d’une part, le souci de ne pas pénaliser les familles et, d’autre part, la volonté de reconnaître la charge que supportent les services départementaux, charges qui étaient, jusqu’ici, assumées par les familles.

En outre, la possibilité pour le juge de moduler la part attribuée aux parents présente un double avantage.

Tout d’abord, elle lui permettra d’ajuster sa décision aux situations individuelles, en lieu et place de la règle actuelle du « tout ou rien ». Le juge aura donc davantage de souplesse. À l’occasion du réexamen d’un dossier, il pourra, par exemple, faire évoluer cette part en fonction des progrès accomplis.

Ensuite, elle rendra le dispositif plus incitatif vis-à-vis des parents puisque, en cas de retour de l’enfant dans sa famille, ceux-ci retrouveront l’entier bénéfice des allocations familiales.

En troisième lieu, je rappelle que le principe du versement de l’allocation de rentrée scolaire à l’ASE a été approuvé par les représentants des juges que nous avons auditionnés : « L’allocation de rentrée scolaire vise un objectif précis : le financement des fournitures scolaires lors de la rentrée des classes. Il est logique que cette dépense, si elle est assurée par l’ASE, lui soit versée. »

Contrairement aux allocations familiales, l’allocation de rentrée scolaire ne constitue pas, pour les juges, un outil de négociation avec les parents. Il n’y a donc pas lieu que ceux-ci interviennent dans le processus d’attribution de l’allocation ; ils n’en sont d’ailleurs pas demandeurs. C’est pourquoi la commission a supprimé les dispositions de l’article 2 prévoyant pour l’allocation de rentrée scolaire des modalités d’intervention du juge analogues à celles qui sont prévues pour les allocations familiales.

Au final, la proposition de loi, telle que modifiée par notre commission, apporte une réponse équilibrée à la question du bénéficiaire des allocations familiales en cas de placement de l’enfant. Elle réaffirme la volonté initiale du législateur, améliore la pratique des juges en leur permettant de moduler le versement de ces allocations et restaure l’équité entre les familles. Quant à l’allocation de rentrée scolaire, elle pose un principe qui n’est guère contestable au regard de cette même équité.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC . – M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai lu la proposition de loi et écouté l’intervention de M. Béchu avec beaucoup d’attention.

Il faut toujours se méfier de ce qu’on appelle communément le « bon sens ». Pour des enfants confrontés à des difficultés de vie et sortis de leur famille, c’est la complexité qui prévaut ; aucune situation ne ressemble à une autre. Je ne suis donc pas certaine que le « bon sens » soit le meilleur conseiller en la matière.

Je souhaite formuler plusieurs remarques sur ce texte.

Premièrement, une loi doit être utile. J’aimerais donc vous poser un certain nombre de questions au regard du droit actuel, mesdames, messieurs les sénateurs.

Dans le droit actuel, en cas de placement de plus d’un mois d’un mineur en famille d’accueil ou en établissement, le principe est déjà le versement des allocations familiales au service de l’ASE auquel le mineur est confié. Les parents d’un enfant pris en charge dans ce cadre restent tenus envers lui aux obligations prévues aux articles 203 à 211 du code civil, s’agissant notamment de l’obligation alimentaire.

Dans le droit actuel, et depuis la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, le juge peut décider, d’office ou sur saisine du président du conseil général, de ne pas verser les allocations familiales au service de l’ASE lorsque la famille participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant ou en vue de faciliter le retour de l’enfant dans sa famille. Les caisses n’ont donc plus de pouvoir d’interprétation sur ce sujet et sont tenues d’appliquer la décision du juge.

Dans le droit actuel, et c’est particulièrement important, le juge peut donc décider le maintien du versement des allocations familiales à la famille, en considérant notamment que c’est de nature à favoriser le retour de l’enfant dans sa famille. Or, nous le savons, la grande majorité de ces enfants ont précisément vocation à retourner dans leur famille, et non à en être retirés.

Je vous pose donc la question : quel est l’intérêt d’une nouvelle loi au regard du droit existant ?

Deuxièmement, la proposition de loi est à contre-courant de tous les efforts que le Gouvernement entreprend actuellement.

Murmures sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti

À contre-courant d’abord de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, qui s’est tenue le 11 décembre 2012. À cette occasion, le Premier ministre a pris des engagements forts : aucune famille ne devra être stigmatisée.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Nous portons un autre regard sur les familles, quelles qu’elles soient et quelles que soient leurs difficultés.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Autre engagement du Premier ministre : le reste à vivre des familles, notamment les plus précaires, devra être amélioré. Or les familles les plus précaires constituent un public très concerné par la protection de l’enfance.

À contre-courant ensuite de la réflexion que M. Bertrand Fragonard, le président du Haut Conseil de la famille, mène actuellement sur une réforme des prestations familiales.

À contre-courant également de la réaffirmation par le Gouvernement du droit pour l’enfant à maintenir des liens avec les adultes qui concourent à son éducation. Sécuriser les liens entre l’enfant et les adultes qui l’élèvent, tel est l’enjeu des travaux menés autour du droit de la famille.

À contre-courant enfin de l’abrogation de la loi Ciotti sur l’absentéisme, abrogation proposée et votée par la Haute Assemblée et adoptée par le Parlement le 17 janvier 2013.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Bien sûr que cela a à voir ! Il s’agit de rompre avec toute logique de stigmatisation des familles, en particulier des familles les plus précaires, c'est-à-dire celles qui sont visées par la présente proposition de loi.

Mmes Michelle Meunier, Catherine Tasca et Aline Archimbaud applaudissent.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Troisièmement, quel est l’intérêt d’une telle loi pour l’enfant ?

Les juges prennent leur décision au cas par cas, au vu des éléments d’information dont ils disposent sur l’enfant et la situation de la famille. Le versement de la totalité des allocations familiales aux familles peut être considéré, selon les situations, comme une nécessité par les acteurs de proximité de la protection de l’enfance que sont les juges des enfants. Le bénéfice des allocations familiales permet aux parents de les aider à participer à la prise en charge morale et matérielle de leur enfant, de préserver l’équilibre souvent fragile de la famille et de favoriser le retour de l’enfant placé lorsque c’est possible.

Je le rappelle pour mémoire, seuls 5 % des enfants placés n’ont pas vocation à retourner dans leur famille. Pour les autres, le temps de prise en charge par l’aide sociale à l’enfance doit permettre de préparer le retour au domicile familial.

Dans un rapport paru en 2010 et intitulé Précarité et protection des droits de l’enfant, la Défenseure des enfants formulait la recommandation suivante : « Garantir le maintien automatique des allocations familiales lorsque les parents sont en dessous d’un certain seuil de revenu afin que ce maintien ne soit pas laissé à la seule bonne volonté du juge et de la CAF et qu’ils puissent disposer de ressources suffisantes pour maintenir des liens lors des rencontres avec leurs enfants. »

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

La disposition de la proposition de loi introduisant une limitation au maintien du versement aux familles à hauteur de 35 % du montant des allocations familiales conduirait à fragiliser encore plus les parents concernés alors même qu’ils feraient des efforts reconnus comme tels par le juge pour assumer leur fonction parentale et éducative.

Enfin, un tel seuil maximal restreindrait le pouvoir d’appréciation du juge, qui est un véritable gardien de l’intérêt supérieur de l’enfant. Je le dis très clairement : ce pouvoir d’appréciation doit être maintenu dans toute sa plénitude.

Quatrièmement, quel est l’intérêt pour les familles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Il ne s’agit pas des familles : il s’agit de l’enfant !

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Aujourd'hui, et cela devrait vous interpeller, l’Union nationale des associations familiales, l’UNAF, ou ATD Quart Monde, qui viennent d’horizons variés, sont très préoccupées par l’éventuelle adoption d’une telle proposition de loi.

Toutes ces organisations affirment : « C’est en aidant les parents et non en les sanctionnant, que l’on rend possible le retour de l’enfant chez lui dans de bonnes conditions. C’est en les accompagnant dans l’accès à leurs droits, que l’on contribuera à leur responsabilisation. »

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Monsieur Sido, pour avoir rencontré à de nombreuses reprises les associations qui composent l’UNAF, je puis témoigner de leur volonté de s’engager à nos côtés pour rompre avec la logique de stigmatisation des familles, quelles qu’elles soient, et soutenir la parentalité.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Bien sûr que si !

Mais non ! sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Vous parlez de moralisation et d’humanisme. Mais où est l’humanisme lorsque l’on enfonce encore un peu plus des familles en difficulté ?

Applaudissementssur certaines travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du groupe écologiste. – Vives protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Eh bien, oui, nous avons des conceptions différentes !

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Mes chers collègues, je vous prie de laisser Mme la ministre s’exprimer.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Lorsqu’un enfant est confié au service de l’ASE par un magistrat au titre de l’assistance éducative, les parents conservent l’autorité parentale. Le placement est, sauf exception, temporaire. Le conseil général n’assume la charge de l’enfant ni en permanence ni dans son intégralité. Les parents demeurent allocataires pour l’ouverture du droit aux prestations familiales. La loi ne reconnaît à l’ASE que la qualité d’attributaire, au motif que celle-ci assume partiellement la charge financière de l’enfant.

Contrairement à ce que vous semblez supposer, le maintien ou la suppression des allocations familiales n’ont pas vocation à gratifier les bons parents et à punir les mauvais.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Il n’y a pas de bons ou de mauvais parents !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil !

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Il y a des parents qui sont confrontés à des difficultés, dont certaines sont très importantes. Je ne vois pas en quoi le fait de les sanctionner une nouvelle fois les aidera, ou aidera leurs enfants.

Cinquièmement, quel est l’intérêt pour les départements ?

Monsieur Béchu, j’aimerais savoir pourquoi vous contestez le chiffre auquel vous avez fait référence. La confiscation…

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

… des allocations d’une famille de deux enfants ne rapporterait effectivement que 1 524 euros au conseil général, quand le placement d’un enfant lui coûte 34 000 euros par an.

Nous le savons, le conseil général est, ô combien, en première ligne pour faire face à la précarité de nombreuses familles. Par conséquent, avec un tel dispositif, ce que vous allez gagner d’un côté, vous allez le perdre de l’autre !

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Les familles qui se retrouveront dans une difficulté financière supplémentaire devront se retourner vers les services sociaux de la commune ou du département.

Très honnêtement, je pense qu’une telle proposition de loi n’apporte de réponse satisfaisante ni aux enfants, ni aux parents, ni aux familles, ni aux départements. La seule réponse satisfaisante qui puisse être apportée à ces situations complexes est une réforme de fond de la protection de l’enfance.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

J’espère pouvoir engager et mener ce travail avec l’ensemble des membres du Sénat. On ne peut pas se satisfaire de voir tant d’enfants sortis temporairement de leur famille errer de familles d’accueil en foyers.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Bien sûr que si, monsieur le sénateur !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Certains enfants restent vingt ans dans une même famille !

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Si nous pouvons mener cette réforme à bien, ce sont les enfants, les familles et les départements qui y gagneront.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le comprendrez, le Gouvernement est défavorable à cette proposition de loi, qui n’ajoute rien, mais qui enlève beaucoup : l’égale considération de toutes les familles !

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui prévoit deux mesures : d’une part, lorsqu’un enfant est placé auprès des services d’aide à l’enfance, le juge peut décider du maintien partiel des allocations familiales à hauteur de 35 % maximum de leur montant ; d’autre part, l’allocation de rentrée scolaire est automatiquement versée au service d’aide à l’enfance.

Rappelons qu’actuellement les allocations familiales sont versées au service d’aide à l’enfance sauf si le juge décide de leur maintien intégral lorsque la famille de l’enfant « participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant ou en vue de faciliter le retour de l’enfant dans son foyer » et que l’allocation de rentrée scolaire est versée à la famille.

La première mesure prévue dans la proposition de loi irait à l’encontre de l’objectif qui est de favoriser le retour de l’enfant dans sa famille lorsque la situation le permet. L’article L. 228-1 du code de l’action sociale et des familles maintient aux parents l’obligation d’entretien et d’éducation de leurs enfants même confiés aux services de l’aide sociale à l’enfance. Je tiens également à rappeler que seuls 20 % des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance le sont pour cause de mauvais traitements. Pour ces enfants, il y a clairement consensus entre nous. Mais il faut aussi considérer les quatre-vingts autres pour cent !

Certaines situations imposent aux familles des frais importants, qui peuvent parfois dépasser le montant des allocations dues au titre de l’enfant placé, par exemple lorsque le lieu d’accueil de l’enfant est très éloigné du foyer familial ou lorsque les contraintes fixées pour les rencontres avec l’enfant entraînent une perte de revenus professionnels.

Confisquer les allocations, c’est fragiliser la famille, confisquer leur statut aux parents, compromettre parfois le paiement du loyer, le transport pour les visites, la possibilité de nourrir les enfants quand ils les reçoivent le week-end.

Mme Catherine Procaccia proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Le conseil général devra alors subventionner les déplacements pour les droits de visite. Qu’en sera-t-il pour les droits d’hébergement si les parents n’ont pas de quoi nourrir les enfants ?

Quand un enfant est retiré à sa famille en raison de l’insalubrité du logement, ce qui est fréquent, le retour de l’enfant ne peut s’envisager sans une augmentation du budget familial consacré au logement. Dès lors, la perte des allocations rend cet objectif impossible à atteindre.

Quatre-vingt-quinze pour cent des enfants placés ont vocation à revenir dans leur famille. C’est en aidant les parents, et non en les sanctionnant, que l’on rend possible ce retour dans de bonnes conditions. C’est en les accompagnant dans l’accès à leurs droits que l’on contribuera à leur responsabilisation, le cas échéant en leur proposant un accompagnement pour la gestion de leur budget dans l’intérêt de l’enfant.

Il convient également de s’interroger sur l’article 2 de la proposition de loi, qui ne laisse aucune possibilité d’appréciation au juge des enfants pour réserver un montant, même minime, d’allocation permettant aux parents de participer de manière concrète à l’événement crucial que représente dans la vie de la famille la rentrée scolaire.

Quelle que soit la situation de la famille et quelle que soit l’appréciation du juge des enfants, en aucun cas l’allocation de rentrée scolaire ne pourra être mobilisée pour permettre aux parents de manifester concrètement à leurs enfants l’importance qu’ils attachent à leur rentrée scolaire. L’éviction des parents est complète.

Alors que le maintien d’un montant même très limité d’allocation pourrait servir d’outil de dialogue et de contrôle permettant aux services sociaux d’accompagner et de soutenir les familles désireuses de remplir leurs devoirs et de manifester concrètement et visiblement leur intérêt pour le travail de leurs enfants, cette proposition met en place un mécanisme automatique, faisant de la rentrée scolaire des enfants bénéficiant d’une mesure d’assistance éducative l’affaire exclusive de l’administration départementale, ce qui met en cause l’équilibre et la cohérence de l’organisation actuelle de l’action sociale en faveur de l’enfance et de la famille.

La préparation de la rentrée scolaire, chacun le reconnaît, constitue un moment privilégié et structurant des relations familiales : on ne doit précisément pas déposséder à ce moment les parents des moyens qui leur sont donnés par la législation actuelle.

La rédaction proposée est également dangereuse, car dans le cas où le retour de l’enfant au foyer précède de peu la rentrée scolaire, les délais administratifs pour le rétablissement des droits de la famille peuvent conduire à une rupture ou à un retard du versement, aggravant la plaie que représentent pour les foyers vulnérables les ruptures dans le service des prestations et l’incertitude sur leur montant.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Plus pragmatiquement, à en croire certains acteurs et certaines associations, la demande des familles lorsque le juge a pris la décision du placement est celle d’un accompagnement approprié et d’un suivi nécessaire pour reconstituer la cohésion familiale de façon à pouvoir, au plus tôt, accueillir de nouveau leurs enfants et construire, avec eux, leur avenir.

En conclusion, chers collègues, je suis désemparée et consternée par certains raisonnements que j’ai entendus au cours des débats préparatoires en commission des affaires sociales. Je suis choquée par les propos moralisateurs de ceux qui prétendent éduquer les familles par la sanction brutale !

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

De quelles familles s’agit-il ? Il s’agit de celles qui sont les plus fragilisées, « cassées » par la vie. C’est au contraire en les accompagnant, sans complaisance, mais en leur laissant la possibilité de garder des liens avec leurs enfants, qu’on s’en sortira.

Oui, il faut utiliser l’argent public avec rigueur, nous sommes là pour y veiller ! Oui, il faudra lors du débat sur la nouvelle loi de décentralisation trouver des mesures pour financer les collectivités locales, qui sont pour certaines d’entre elles en grave difficulté !

Non, nous n’acceptons pas ce discours moralisateur de stigmatisation des plus pauvres dans ce pays ! C’est la raison pour laquelle le groupe écologiste votera contre cette proposition de loi en l’état et demande qu’un travail soit rapidement engagé pour réfléchir à autre dispositif.

Mme Michelle Meunier et Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à qui doit être versée la part correspondante d’allocations familiales quand un enfant est retiré à sa famille sur décision de justice et confié au service de la protection de l’enfance d’un département ? L’objet central de la proposition de loi déposée par nos collègues Christophe Béchu et Catherine Deroche est de répondre à cette question simple.

Pourquoi se poser une telle question sous-jacente à des situations qui ne sont pas nouvelles, qui sont humainement douloureuses et pour lesquelles des règles sont déjà fixées ? Parce que l’application de ces règles interpelle aujourd’hui beaucoup de celles et de ceux, professionnels, familles, témoins, qui vivent ces situations.

L’article L. 521-2 du code de la sécurité sociale répond pourtant clairement à la question : « Les allocations sont versées à la personne qui assume, dans quelques conditions que ce soit, la charge effective et permanente de l’enfant. […]

« Lorsqu’un enfant est confié au service d’aide sociale à l’enfance, les allocations familiales continuent d’être évaluées en tenant compte à la fois des enfants présents au foyer et du ou des enfants confiés au service de l’aide sociale à l’enfance. La part des allocations familiales dues à la famille pour cet enfant est versée à ce service. »

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Ainsi, le code de la sécurité sociale affirme bien le principe selon lequel, lorsqu’un enfant est confié à un service de l’aide sociale à l’enfance, la part d’allocations familiales due à la famille pour cet enfant est versée à ce service.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Mais le même article L. 521-2 du code de la sécurité sociale ajoute : « Toutefois, le juge peut décider, d’office ou sur saisine du président du conseil général, à la suite d’une mesure prise en application des articles 375-3 et 375-5 du code civil ou des articles 15, 16, 16 bis et 28 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, de maintenir le versement des allocations à la famille, lorsque celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant ou en vue de faciliter le retour de l’enfant dans son foyer. »

Madame la ministre, mes chers collègues, j’ose – j’ose, dis-je – exprimer devant vous cette idée que naissent de fortes incompréhensions lorsqu’une famille à qui le juge a retiré un ou plusieurs enfants continue de bénéficier du versement de la totalité – ce mot est important – des allocations familiales liées à cet enfant ou à ces enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Madame la ministre, mes chers collègues, j’ose porter à cette tribune le sentiment d’iniquité de nombreux présidents de conseil général, …

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

… responsables moralement, matériellement et donc financièrement d’enfants qui leur sont confiés sans que soit versée au département la moindre part – je dis bien la moindre part – d’allocations.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

À ces situations évoquées, la proposition de loi telle qu’elle a été amendée apporte les évolutions attendues, et ce dans le respect des grands principes qui fondent notre système de protection de l’enfance : le service d’aide sociale à l’enfance, qui a la charge effective de l’enfant, recevra en toutes circonstances au moins une part de 65 % du montant des allocations familiales ; le droit de saisine d’office du juge est maintenu – c’est essentiel – et pourra porter sur une part n’excédant pas 35 % du montant total de l’allocation ; l’allocation de rentrée scolaire sera versée au département, qui supporte la totalité des dépenses liées à la scolarisation de l’enfant.

Je précise encore que, aux termes de l’article L. 541-3 du code de la sécurité sociale, « les dispositions de l’article L. 521-2 » – qui prévoit donc que les allocations sont versées à la personne qui assume la charge effective et permanente de l’enfant – « sont applicables à l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé ».

Ces propositions, madame la ministre, mes chers collègues, donneront une meilleure cohérence et faciliteront la compréhension de nos dispositifs sociaux.

J’ai entendu les accusations de stigmatisation ou de double peine pour les familles. Mais l’acte fort, l’acte qui tranche, ne serait-ce pas la décision du juge de retirer l’enfant de sa famille, et seulement cette décision ? Que cet acte soit suivi d’un accompagnement et non d’un abandon de la famille est une exigence non niée et mise en œuvre par les services sociaux départementaux.

Quant aux allocations familiales, elles doivent – c’est bien leur objet – permettre de subvenir aux besoins des enfants pour qui elles sont versées. Elles ne sauraient avoir vocation à « faire vivre » – j’ai entendu cette expression – des adultes déchargés de la prise en charge de leurs enfants.

La grande pauvreté, les précarités extrêmes sont un autre sujet sur lequel notre société, je le dis avec force, avec les outils adéquats, doit totalement se mobiliser, car il y va, et nous sommes, je le pense, d’accord sur ce point, de l’honneur de la République et de la réalité du contrat social de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Ces propositions répondent à un enjeu d’équité. Équité entre les familles du point de vue éducatif : comment peut-il être expliqué à des parents qu’ils doivent assumer la charge de leurs enfants grâce à ces prestations si, dans le même temps, d’autres parents n’assumant pas cette charge effective continuent à bénéficier du versement de la totalité du montant des mêmes prestations ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Équité encore, parce que le service d’aide sociale à l’enfance n’est pas une abstraction : il tire ses ressources des contributions des habitants et de l’ensemble des familles du département.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Quelle est la justification de demander à ceux-ci de compenser le versement d’allocations qui échappent à leur objet ?

Ces propositions maintiennent la possibilité donnée au juge de décider le versement partiel des allocations familiales aux parents d’enfants confiés au département dès lors qu’un projet éducatif donne du sens à cette situation : hébergements, visites, participation active des parents en vue du retour des enfants à leur domicile et à leur charge.

Qu’il me soit simplement permis à cet instant de verser à la réflexion les résultats d’une enquête réalisée en février 2013 auprès de 400 anciens enfants placés et qui a été publiée dans Le Journal de l’action sociale et du développement social. Si la majorité de ces anciens enfants placés affirme que le placement les a sauvés, ils sont 62 % à dénoncer les « ruptures » – ballotages de foyer en foyer – et surtout 43 % à déclarer avoir souffert du maintien à tout prix des liens avec leurs parents. Je ne veux rien démontrer ; il n’existe pas dans ce domaine comme dans d’autres de vérité absolue.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Ces propositions peuvent être complétées, dans le cadre d’un amendement que j’ai déposé, par l’instauration d’une période d’observation de trois mois de nature à éviter une déstabilisation de la famille et permettant d’amorcer, pour certaines situations, un retour rapide de l’enfant ou des enfants.

Madame la ministre, chers collègues, le principe est simple – « les prestations familiales doivent permettre de subvenir aux besoins des enfants pour qui elles sont versées » – et les objectifs sont la cohérence et l’équité. Le sujet n’est pas de donner aux départements quelques ressources complémentaires, même si elles sont justifiées, il n’est pas non plus de sanctionner, il relève d’une meilleure justice sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Et qu’une meilleure justice sociale contribue à une meilleure justice en matière de ressources pour les départements concernés donne force à la proposition de loi !

Que soit donc souligné à cet instant l’engagement des départements, chefs de file de la protection de l’enfance, dans ces missions de prévention, de lutte contre la maltraitance, de prise en charge des enfants en difficulté, en danger ou susceptibles de le devenir.

Les enjeux financiers ne doivent jamais être écartés. Mais la dimension humaine, le signalement donné d’un enfant en danger transcendent toutes les autres approches.

Président de conseil général moi-même, je ne l’ai oublié à aucune seconde de mon temps d’appui à cette proposition de loi. Mais je n’ai jamais écarté non plus une autre idée forte : c’est dans la cohérence, la rigueur, la justice des dispositifs que notre système de protection sociale trouvera les leviers pour se maintenir et se renforcer dans une société où les moyens de la solidarité seront de plus en difficiles à mobiliser.

Le groupe socialiste, majoritairement, a décidé d’apporter son appui à cette proposition de loi.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du groupe CRC, du RDSE, de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous sommes amenés à débattre aujourd’hui présente déjà un historique certain, fait de revirements multiples, qui en disent long sur les difficultés qu’elle soulève.

De quoi s’agit-il au juste ? Il convient d’autoriser le juge à opérer un partage des allocations familiales entre la famille et le conseil général lorsque l’un des enfants qui ouvre droit au bénéfice de ces allocations est confié, durablement ou temporairement, au service de l’aide sociale à l’enfance.

De fait, la proposition de loi soulève deux questions que nous ne pouvons ni éluder ni contourner : quelle conception nous faisons-nous des prestations dont il est question ? Quelle est la réalité des situations économiques, financières et humaines des familles qui bénéficient aujourd’hui de ces allocations ?

En la matière, nous sommes plutôt constants. Les allocations familiales ne sont pas assimilées à des compléments de ressources et ne doivent pas l’être.

L’objet des allocations familiales n’est pas de lutter contre la pauvreté, mais d’encourager la natalité en France. Concevoir autrement la finalité de ces allocations, accepter que l’on puisse les considérer comme une prestation sociale et non comme une prestation familiale pourrait conduire, à terme, à accepter les projets qui mûrissent ici ou là visant à réserver les allocations familiales aux familles les plus modestes. À celles et ceux qui pourraient d’ailleurs être tentés par la proposition de soumettre les allocations familiales à des conditions de ressources, je dirai que, ce faisant, ils confondent politique familiale et politique fiscale. La question n’est pas de savoir s’il faut rompre avec l’universalité de cette prestation, mais de trouver les moyens de nous doter d’une politique fiscale plus juste et plus solidaire.

Pour notre part, nous considérons que chaque enfant est une chance pour notre pays, on le voit notamment par comparaison avec l’Allemagne. Par conséquent, tous les enfants, indépendamment de la richesse de leurs parents, doivent pouvoir bénéficier des allocations familiales. C’est d’ailleurs à dessein que j’utilise cette formule, car, en application de la portée universelle de ces allocations, nous considérons que ce ne sont pas les parents qui en bénéficient mais les enfants.

Confiées aux parents, qui assument les dépenses courantes pour les enfants, les allocations familiales n’en demeurent pas moins assises sur les besoins des enfants. Elles sont destinées à permettre leur épanouissement et à financer les frais liés à leur éducation et à leur développement.

Cela étant dit, faut-il, en cas de placement de l’enfant à un service d’aide sociale, que les allocations familiales suivent, en quelque sorte, l’enfant ? La question se pose effectivement, et le législateur y a partiellement répondu puisque l’article L. 521-2 du code de la sécurité sociale dispose déjà que le juge peut décider de transférer ou non aux départements la totalité des allocations familiales attribuées à l’enfant qui fait l’objet d’un accueil par les services de l’ASE.

Ce qui pourrait changer, comme le proposaient d’ailleurs Yves Daudigny et plusieurs de ses collègues dans la proposition de loi qu’ils avaient déposée puis retirée, c’est la faculté offerte aux juges d’opérer un partage de ces allocations, ce partage devant être effectué, cela va de soi, dans l’intérêt de l’enfant. C’est pourquoi nous sommes attachés au fait que le juge puisse disposer, comme c’est déjà le cas aujourd’hui, de la faculté de se saisir d’office. C’est à lui qu’il appartient de juger, dans les faits, quelles sont les mesures à prendre pour préserver les intérêts légitimes de l’enfant.

Mon avis est que le retrait total ou d’une partie trop importante de ces prestations pourrait avoir un effet contre-productif, retardant ou empêchant le retour de l’enfant dans sa famille, ce qui, à mon sens, doit rester un objectif dès lors que le placement n’a pas pour origine des faits de maltraitance commis à son encontre.

Pour autant, malgré la réaffirmation de principe sur la finalité des allocations familiales, nous ne savons que trop qu’une telle mesure, si elle n’est pas accompagnée d’autres dispositions permettant de lutter plus efficacement que ce n’est le cas aujourd’hui contre la précarité, aura des effets désastreux et amplifiera la paupérisation de certaines familles. C’est pourquoi nous pensons que le partage de ces allocations entre le département et la famille est plus de nature à permettre à cette dernière d’accueillir correctement l’enfant, les week-ends par exemple.

Cela n’empêche pas que des mesures significatives et rapides, plus ambitieuses que celles qui ont été dévoilées à l’issue de la conférence nationale contre la pauvreté doivent être prises. Car, voyez-vous, mes chers collègues de l’opposition, ce ne sont pas les parents qui dénaturent les allocations familiales en les transformant en compléments de ressources indispensables pour survivre, même quand l’enfant est confié à l’ASE. C’est le chômage de masse, ce sont les fins de mois difficiles, les temps partiels contraints, les licenciements boursiers, c’est tout cela qui transforme les allocations familiales en une prestation sociale.

Il faudrait également que l’État s’engage, en lien avec les départements, dans l’élaboration de mesures d’accompagnement afin que les parents les plus en difficulté ne perdent pas espoir de pouvoir, le plus tôt possible et dans les meilleures conditions, accueillir de nouveau leurs enfants.

Madame la ministre, en ce sens, nos préoccupations se rejoignent, même si nous n’avons pas, sur cette proposition de loi, la même analyse finale. Vous avez tenu un discours d’engagement qui vous honore mais qui, au regard de ce que j’ai dit, nous inquiète un peu. En vous écoutant, je n’ai pas retrouvé la distinction très marquée entre le caractère familial de cette prestation et le caractère social que d’autres revêtent. Je crains que cela ne prépare en réalité une réduction du champ des allocations familiales en direction des familles les plus vulnérables, ce qui serait une nouvelle rupture avec les principes qui guident notre système depuis leur définition par le Conseil national de la résistance.

La feuille de mission confiée au Haut Conseil de la famille ainsi qu’au Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie nous inquiète tout autant. Ce débat a, me semble-t-il, engendré plus de confusion sur la nature des allocations familiales qu’il n’a apporté d’éclaircissements.

Applaudissements sur diverses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi relève, à nos yeux, du simple bon sens, raison pour laquelle elle est ici relativement consensuelle.

Je rappelle que si nous examinons aujourd’hui le texte de M. Christophe Béchu, Mme Catherine Deroche et plusieurs de leurs collègues de l’opposition, une proposition de loi pratiquement identique avait été présentée par nos collègues du groupe socialiste.

Comme cela a été rappelé, ce texte a un double objet. Il vise, d’une part, à rétablir la règle du versement des allocations familiales à l’aide sociale à l’enfance lorsque l’enfant est confié à ce service et, d’autre part, à étendre cette règle à l’allocation de rentrée scolaire.

Pourquoi « rétablir » la règle concernant les allocations familiales ? Tout simplement parce que cette règle existe mais qu’elle a été dévoyée.

Aujourd’hui, l’article L. 521-2 du code de la sécurité sociale est très clair : la part des allocations familiales dues à la famille pour un enfant confié au service d’aide sociale à l’enfance est versée à ce service. Cependant, le même article réserve la possibilité pour le juge de décider de maintenir le versement des allocations à la famille.

Notre rapporteur, Catherine Deroche, dont je salue au passage l’excellence du travail, l’a très bien expliqué. En pratique, l’exception est devenue la règle. La jurisprudence l’a voulu ainsi : dans la majorité des cas, la famille continue de percevoir l’intégralité des allocations.

Pourquoi étendre la règle à l’allocation de rentrée scolaire ? Tout simplement parce que, aujourd’hui, quelle que soit la situation de l’enfant, les parents continuent à toucher cette allocation.

Ce double état de fait nous place face à un double enjeu.

Le premier est évidemment éthique.

Il n’est pas éthique que les allocations familiales ne bénéficient pas à celui qui assume la charge effective de l’enfant, en l’occurrence l’ASE.

Il n’est pas éthique qu’une famille qui assume pleinement ses enfants soit placée sur un pied d’égalité avec une autre dont un ou plusieurs enfants sont placés par l’ASE en famille d’accueil ou en établissement.

Il n’est pas éthique que la jurisprudence contrevienne à l’esprit de la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Il n’est pas éthique que l’allocation de rentrée scolaire continue d’être versée à la famille, alors même que c’est le département qui supporte la totalité des dépenses de scolarisation de l’enfant.

Madame la ministre, je vous ai écoutée avec attention. Vous êtes ministre, je ne suis qu’un simple sénateur et modeste président de conseil général d’un petit département.

Exclamations amusées sur de nombreuses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Mme Nathalie Goulet. Vive le cumul des mandats !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Je vais néanmoins me permettre, fort d’une expérience de quarante années en tant que médecin auprès de familles souvent les plus déshéritées et dans un service social du département de la Haute-Loire, de vous faire une remarque et même de vous donner un petit conseil.

Lorsque l’application d’un dispositif social est vécue par certains de nos concitoyens comme une injustice, nous donnons des arguments à ceux qui veulent détruire ce dispositif alors qu’ici, vous-même et nous tous, nous voulons non seulement le préserver mais aussi l’améliorer.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP . – M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Le second enjeu est bien sûr financier. Un peu de pragmatisme ne fait pas de mal, il faut le dire et l’assumer. Ne faisons pas des finances du département un tabou, surtout à l’heure où elles sont en position si critique.

Mes chers collègues, vous savez déjà à quel point cette question me tient à cœur, à moi comme à d’autres présidents de conseil général présents dans cette enceinte, et je pense notamment à Christophe Béchu qui est à l’initiative de ce débat. Cependant, je vous épargnerai de plus longs développements généraux pour me concentrer sur l’aide sociale à l’enfance.

Le bilan de la décentralisation de l’aide sociale à l’enfance intervenue en 1989 est largement favorable à l’action confiée aux départements. Contrairement aux craintes alors exprimées – peut-être certains s’en souviennent-ils ; vu mon âge, …

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

… c’est mon cas puisque j’étais déjà élu local à cette époque –, le transfert de cette compétence ne s’est pas traduit par un désengagement des pouvoirs publics au niveau local, bien au contraire. Alors que, en 1984, l’État consacrait 2, 3 milliards d’euros à la protection de l’enfance, les départements y consacrent aujourd’hui 6, 4 milliards d’euros. La dépense d’aide sociale à l’enfance a donc plus que doublé en trente ans. C’est le troisième poste budgétaire d’aide sociale après l’insertion et la prise en charge des personnes âgées.

En 2011, 300 000 enfants en ont bénéficié. La très grande majorité des enfants placés en dehors du milieu familial ont été confiés à l’ASE. Au sein de ce poste, les allocations familiales que continuent de percevoir les familles des enfants placés et l’allocation de rentrée scolaire qui leur est toujours versée représentent, il faut le dire, une somme non négligeable.

Tantôt, notre collègue René-Paul Savary nous a fait part des chiffres de son département de la Marne. Pour ma part, je citerai ceux du département que je préside, la Haute-Loire. Les allocations familiales que l’ASE pourrait percevoir et ne perçoit pas représentent un manque à gagner de 423 000 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Quant au manque à gagner de l’allocation de rentrée scolaire, il s’élève à un peu plus de 154 000 euros.

Additionnés, ces chiffres donnent 577 000 euros, soit 3, 6 % du budget consacré à l’hébergement dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance du conseil général de la Haute-Loire. Cela ne représente peut-être pas une somme énorme, mais le chiffre est tout de même relativement éloquent.

La proposition de loi telle qu’elle ressort des travaux de notre commission répond parfaitement à ce double enjeu éthique et financier.

L’article 1er permet au juge de sortir du « tout ou rien », mais, dans le même temps, il lui fixe des limites en matière d’allocations familiales. Ainsi, il pourra partager la part des allocations correspondant à l’enfant placé entre l’ASE et la famille. Qu’il ne puisse pas dépasser un ratio de 35 % desdites allocations au profit des parents nous paraît équitable.

L’article 2 fixe le principe du versement à l’ASE de l’allocation de rentrée scolaire sans partage possible, ce qui nous semble parfaitement rationnel dans la mesure où cette allocation vise un objectif précis, qui est, en l’occurrence, assumé par l’ASE.

En commission, nous avons pourtant entendu des voix s’élever contre ce texte.

Selon le premier argument avancé, celui-ci ne constituerait pas le Grand Soir de l’aide sociale à l’enfance. C’est exact ! Il est cependant tout aussi vrai qu’une réforme d’envergure en la matière se fait attendre. Pour autant, comme l’a bien dit Christophe Béchu, ce n’est pas une raison pour ne rien faire en attendant.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Comme nous avons eu raison d’améliorer les procédures d’information interdépartementales avec la loi du 5 mars 2012, nous aurons raison d’adopter le présent texte.

Second argument : la proposition de loi instituerait une double peine, et le dispositif serait trop brutal. On peut s’inscrire totalement en faux contre cette idée, tout simplement parce que ce n’est pas ainsi que les choses se passent sur le terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

L’enfant est placé au cœur du système dans un dialogue entre services départementaux et judiciaires au sein de l’observatoire départemental de la protection de l’enfance.

Il ne faut pas oublier que, sur le terrain, les services et travailleurs sociaux, auxquels je rends un hommage appuyé, effectuent un travail remarquable de suivi des familles et des enfants. Pour cette raison, il faut leur faire confiance pour que ce texte soit bien appliqué, c’est-à-dire sans couperet, de manière graduelle, progressive, sans dramatiser les situations. Ce matin encore, un amendement a été voté en commission qui va tout à fait dans ce sens.

En un mot, faisons confiance aux départements et aux travailleurs sociaux pour continuer de mettre en œuvre nos politiques avec humanité !

Vous l’aurez compris, le groupe UDI-UC votera ce texte.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour un enfant, la famille constitue le premier des repères, le lieu privilégié où il peut s’épanouir et se construire. Pourtant, il arrive que des parents, à la dérive, en pleine détresse sociale et psychologique, ne puissent plus faire face. Les pouvoirs publics ont alors le devoir de prendre le relais, dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Lorsque des difficultés surgissent, l’aide sociale à l’enfance, placée sous l’autorité du président du conseil général, apporte un soutien matériel et éducatif aux parents et protège les enfants, parfois en les plaçant en établissement ou dans des familles d’accueil, parce que leur sécurité, leur santé, leur moralité ne sont plus préservées. Cela vient d’être dit, même lorsque cette fracture intervient, les parents ne sont pas seuls. Ils sont accompagnés, et la séparation n’a pas lieu brutalement.

En 2011, près de 300 000 enfants ont été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance ; parmi eux, 148 500 ont été placés. C’est l’équivalent d’une ville comme Angers ! En réalité, nous ignorons combien d’enfants sont maltraités et combien ne sont pas repérés. Dans le jargon des spécialistes, on appelle cela le « chiffre noir ».

Lorsqu’un enfant est retiré de son milieu familial, le service d’aide à l’enfance à qui il est confié doit assumer l’ensemble des responsabilités et des frais liés à l’exercice de la parentalité. Il doit pourvoir aux besoins du mineur et prendre en charge les dépenses d’entretien, d’éducation et de conduite.

L’article L. 521-2 du code de la sécurité sociale prévoit dans ce cas le versement des allocations familiales aux services d’aide sociale à l’enfance. Toutefois, le juge peut décider de maintenir le versement des allocations à la famille, lorsque celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant ou en vue de faciliter le retour de l’enfant dans son foyer.

Ce principe du versement des allocations familiales au service d’aide à l’enfance résulte d’une loi du 6 janvier 1986. À l’époque, le législateur avait choisi de porter au bénéfice de la collectivité une allocation qui correspondait pour partie à la charge qu’elle supporte. Ce n’est qu’en 2006 qu’a été laissée au juge la possibilité de maintenir le versement des allocations familiales à la famille.

Même si nous ne disposons pas de statistiques nationales à ce sujet, nous savons bien que, dans la pratique, l’exception est devenue la règle. Mme la rapporteur l’a rappelé, dans la très grande majorité des cas, les parents dont l’enfant est confié au service d’aide à l’enfance continuent de percevoir l’intégralité des allocations familiales.

Cette situation, cela a été longuement développé, soulève un problème de justice sociale et d’équité entre les familles. Les allocations familiales doivent servir à subvenir aux besoins de l’enfant. Il est donc légitime qu’elles puissent bénéficier à ceux qui en assument réellement la charge, en l’occurrence au service d’aide sociale à l’enfance lorsqu’un enfant lui est confié. Du point de vue de l’équité, les parents qui perçoivent des allocations familiales ne peuvent pas comprendre que d’autres continuent à en bénéficier alors même qu’ils n’assument plus la charge de leurs enfants.

Aussi la proposition de loi de nos collègues du groupe UMP tend-elle à revenir à la volonté initiale du législateur de 1986, afin que les allocations familiales bénéficient à ceux qui assurent effectivement l’entretien des enfants. Madame la ministre, c’est simplement une mesure de bon sens !

Je me félicite des améliorations apportées par la commission. Il est en effet souhaitable que le juge puisse continuer à se saisir d’office. Mme la rapporteur l’a très bien expliqué, les allocations familiales constituent un outil indispensable au travail de pédagogie que le juge mène avec les parents. Il ne faut pas y voir une sanction, mais bien le moyen de responsabiliser les familles.

Certaines associations s’inquiètent des effets de cette mesure et craignent qu’elle ne mette en péril le retour de l’enfant dans sa famille. Franchement, je ne le pense pas ! Une telle réaction relève plus de l’idéologie que de la connaissance des réalités du terrain. Le juge pourra tout à fait maintenir le versement d’une partie des allocations à la famille afin de permettre, dès que cela est possible, le retour de l’enfant au sein de la cellule familiale ou, du moins, de maintenir les liens entre l’enfant et ses parents.

Les travailleurs sociaux le savent bien : il n’y a rien de pire que de se sentir abandonné par ceux qui vous ont donné la vie. Plusieurs présidents de conseil général l’ont dit et tous ceux qui s’occupent de près ou de loin du secteur social le savent : les familles, comme les enfants, même placés, ne sont pas abandonnées.

S’agissant de l’allocation de rentrée scolaire, disons-le clairement, aucune raison ne justifie que des parents puissent la percevoir dès lors que les départements supportent la totalité des dépenses liées à la scolarisation des enfants qui leur sont confiés. C’est pourtant actuellement le cas. Aussi, je me réjouis qu’il nous soit proposé de mettre fin à cette incohérence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Madame la ministre, je vous ai écoutée avec une grande attention. Je n’ai certes pas présidé de conseil général, mais j’ai été pendant de nombreuses années vice-président de la commission des affaires sociales de mon département. Il ne faut pas faire de confusion, ce qui est stigmatisant, c'est non pas le retrait des allocations familiales, mais bien celui de l’enfant de sa famille.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Quand on laisse au juge la possibilité de rétablir les allocations familiales, on donne au service de l’aide sociale à l’enfance et au juge la possibilité de faire un acte pédagogique, de préparer peu à peu le retour de l’enfant et de responsabiliser davantage les parents. Il n’y a rien dans ce dispositif qui aille contre l’humain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Monsieur Daudigny, vous qui êtes l’auteur d’une proposition de loi à peu près identique à celle dont nous discutons aujourd’hui, je tiens à vous féliciter d’avoir dit « j’ose ».

Quand on a vu ce qui se passe sur le terrain et toutes les sommes que l’on verse, on se rend bien compte que, en laissant les choses en l’état, on risque de faire le jeu de ceux qui cherchent à détruire ce système. Voilà pourquoi le RDSE après en avoir longuement débattu, à deux reprises – je peux vous assurer que nous n’avons pas été influencés par le « lobby » des présidents de conseil général, car ce n’est pas cette mesure qui réglera leurs problèmes budgétaires ! –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

M. Jean-Pierre Plancade. … a décidé, à l’unanimité, de voter des deux mains la proposition de loi. Nous le ferons en toute sérénité, sans état d’âme et avec une forte conviction.

Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Mme Marie-Thérèse Bruguière . Madame la ministre, il n’y a pas, d’un côté de l’hémicycle, des sénateurs bons et généreux et, de l’autre, des sénateurs qui porteraient atteinte aux droits des enfants. Votre intervention n’était pas très élégante.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Cela étant, je tiens à féliciter les auteurs de la proposition de loi, Christophe Béchu et Catherine Deroche, qui en ont fait une excellente présentation, et à saluer MM. Daudigny, Roche et Plancade, qui ont soutenu ce texte.

J’apporterai mon total soutien et celui du groupe UMP à cette proposition de loi, dont l’objet est aussi de permettre aux conseils généraux de percevoir le montant des allocations familiales et de l’allocation de rentrée scolaire dès lors qu’ils assurent la prise en charge d’un enfant confié au service de l’aide sociale à l’enfance.

Cela a été rappelé, la compétence des conseils généraux en matière de protection de l’enfance a été renforcée depuis la loi du 5 mars 2007. Avant cette loi, il existait deux principaux leviers d’action : l’intervention au domicile des familles et la prise en charge de l’enfant en placement. Depuis la loi de 2007, la palette des prestations a été enrichie.

En France, le schéma de la protection de l’enfance permet d’intervenir auprès d’enfants et de familles qui peuvent connaître à tout moment certaines difficultés. Ce n’est pas seulement dans les familles vulnérables, à revenus modestes, que l’on trouve des parents maltraitants, mais également dans les familles aisées.

Permettez-moi de rappeler les principales missions de l’aide sociale à l’enfance.

Premièrement, l’ASE permet d’aider les enfants dont les familles sont en difficulté, en particulier lorsque cela perturbe leur éducation. Cette aide peut se manifester par un soutien de différentes natures : matériel, éducatif et psychologique.

Deuxièmement, elle sert à protéger les enfants de milieux défavorisés par l’organisation d’actions collectives comme des sorties afin de faciliter leur insertion sociale.

Troisièmement, elle organise la prise en charge intégrale de certains enfants lorsque cela est nécessaire, en les plaçant dans un établissement ou une famille d’accueil.

Cela a été rappelé, en 2011, 300 000 jeunes faisaient l’objet d’au moins une mesure de l’ASE. Les dépenses annuelles au titre de l’ASE représentent le troisième poste budgétaire de la politique sociale des départements.

Les détracteurs de ce texte mettent en avant son caractère injuste. Mais où est l’injustice lorsqu’une famille n’ayant plus ses enfants à charge continue à percevoir des allocations alors qu’une famille modeste élève ses enfants, comme elle peut, avec le même niveau de prestations ?

Par ailleurs, il n’est pas juste de parler de mesure confiscatoire s’agissant d’un texte qui, pour reprendre les termes de l’article 1er, maintient à hauteur de 35 % les allocations à la famille. Or, je le rappelle, cette famille n’a plus ses enfants à charge et n’a donc plus à faire face à certaines dépenses, comme la nourriture ou l’habillement.

En outre, comme cela a déjà été souligné lors de l’examen du texte par la commission des affaires sociales, les travailleurs sociaux, dont je tiens à mon tour à saluer le dévouement, seront soutenus dans leur action par cette mesure. En effet, le maintien systématique des allocations leur enlève un argument de pédagogie auprès des familles qu’il leur faut convaincre de changer d’attitude.

L’article 2 de la proposition de loi, qui prévoit le versement de l’allocation de rentrée scolaire au service d’aide sociale à l’enfance auquel l’enfant est confié, est lui aussi une vraie mesure de bon sens.

En 2012, cette allocation bénéficiait à près de 5 millions d’enfants. Destinée à couvrir les dépenses liées à l’achat d’un cartable ou de fournitures, elle est versée par la caisse d’allocations familiales, la CAF, sous conditions de ressources, aux familles à revenus modestes dont les enfants scolarisés ont entre six et dix-huit ans. Pour les jeunes âgés de seize à dix-huit ans, elle est versée sur justificatifs de scolarité ou d’apprentissage.

D’après la Caisse nationale des allocations familiales, en 2011, l’allocation de rentrée scolaire a bénéficié à 2, 8 millions foyers, pour un coût de 1, 49 milliard euros. L’an dernier, son montant s’est élevé à 300 euros en moyenne et elle a été versée aux parents de 4, 8 millions d’enfants.

En l’état d’actuel du droit, cette allocation, destinée uniquement à couvrir les frais de rentrée scolaire à la famille, continue d’être entièrement versée à celle-ci, alors même que le département supporte la totalité des dépenses liées à la rentrée scolaire. Comment justifier une telle situation quand l’enfant n’habite plus chez lui et est pris en charge par les services de l’ASE ?

Les représentants des juges ont approuvé le principe du versement de l’allocation de rentrée scolaire à l’ASE en cas de placement, au motif que cette prestation « vise un objectif précis : le financement des fournitures scolaires lors de la rentrée des classes ». Dans la mesure où cette allocation ne constitue pas un moyen de négociation avec les parents, l’intervention des juges ne se justifie plus.

Mes chers collègues, en votant la proposition de loi, l’occasion nous est donnée d’instaurer la justice et l’équité entre les familles, sans toucher bien évidemment aux droits de l’enfant.

Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet après-midi est soumise à notre sagacité la proposition de loi de nos collègues Christophe Béchu et Catherine Deroche, qui reprend deux amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 importants pour la protection de l’enfance. Tout le monde sait le sort qui avait été réservé à ces amendements lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale…

Aujourd’hui, le poids budgétaire de l’aide sociale à l’enfance au regard des compétences sociales qu’exercent les départements rend l’examen de cette proposition de loi urgent.

Le texte établit le principe du versement des allocations familiales à la personne – physique ou morale – qui assume la charge effective de l’enfant, et donc à l’ASE lorsqu’il s’agit du conseil général.

Cette proposition de loi est légitime.

En effet, elle fait nettement ressortir le consensus dégagé au sein de l’Assemblée des départements de France par notre collègue Christophe Béchu et longtemps ignoré du Gouvernement : d’une part, elle répond à l’attente de solutions pérennes et durables quant au financement des allocations nationales de solidarité ; d’autre part, elle tire toutes les conséquences de la compétence des conseils généraux en matière de protection de l’enfance.

L’aide sociale à l’enfance assure des missions de prévention auprès des mineurs et de leur famille, pourvoit aux besoins des mineurs qui lui sont confiés et organise une prévention des « situations de danger » à l’égard des mineurs. Cette compétence très importante des conseils généraux représente le troisième poste des dépenses d’aide sociale.

À l’heure de l’acte III de la décentralisation, alors que le Gouvernement propose une clarification des rôles, il est plus que temps de renforcer la cohérence de l’organisation de l’aide sociale à l’enfance. Les présidents de conseil général demandent à l’unanimité que soit clarifiée la question du bénéficiaire des allocations familiales. Une gestion plus cohérente des fonds s’impose et, sauf exception, rien ne justifie que l’on maintienne le versement des allocations aux familles d’enfants placés.

De fait, les enfants accueillis et éduqués dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance ne sont pas à la charge financière de leurs parents. Dès lors, les sommes que la collectivité publique verse aux familles pour assurer l’éducation de leurs enfants doivent logiquement être attribuées au conseil général quand c’est le département qui les élève.

Je pense ici aux allocations familiales comme à l’allocation de rentrée scolaire. Il serait logique que l’essentiel de cette seconde allocation revienne au conseil général dans l’hypothèse où l’enfant lui est confié. Par exemple, en Haute-Marne, pour 374 enfants placés auprès d’assistantes familiales, 115 913 euros sont attribués aux familles au titre de l’allocation de rentrée scolaire.

Madame la ministre, permettez-moi de revenir sur les propos très pertinents que Christophe Béchu a tenus : lorsque ce texte a été évoqué à l’occasion de la réception de l’Assemblée des départements de France à l’Élysée, le 22 octobre 2012, tous les présidents de conseil général qui étaient présents ont trouvé le Président de la République très ouvert sur la question. D’ailleurs, sur un autre problème, que j’amènerai plus tard sur le tapis, le Président de la République a déclaré que la loi est ce qu’elle mais qu’elle doit être respectée.

Dans ces conditions, je m’étonne de la force du clivage entre la position du Président de la République – certes non consignée dans ses soixante propositions – et le message que le Gouvernement vient de nous délivrer par votre voix.

Si cette proposition de loi est légitime, elle constitue également un progrès.

Pour mémoire, rappelons que les allocations familiales sont versées soit à la famille, soit au département, selon la décision du juge pour enfants.

En Haute-Marne, 478 mineurs avaient été confiés par ce magistrat à l’aide sociale à l’enfance en janvier 2013 – vous le voyez, les chiffres sont très récents. Or, dans 77 % des cas, c’est le conseil général qui perçoit les allocations familiales… Mais peut-être s’agit-il d’une exception qui confirme la règle !

Chers collègues du groupe communiste, républicain et citoyen, vous entrevoyez bien la conclusion que je vais en tirer : dans cette affaire, tout dépend du juge, et non de la situation des familles des enfants placés. C’est peut-être aussi cela qu’il faudrait encadrer.

La proposition de loi clarifie cette dimension de la question en instaurant le principe du versement au département, le magistrat ne pouvant procéder à un autre choix que si le président du conseil général le saisit d’une demande de versement total ou partiel à la famille, après rapport de l’ASE. La logique est donc complètement inversée, ce que je trouve tout à fait pertinent. Au demeurant, la pratique des juges, du moins en Haute-Marne, va déjà dans le sens de ce que préconisent les auteurs de la proposition de loi. Cette évolution reconnaît pleinement le conseil général comme le chef de file de la protection de l’enfance.

Cette initiative parlementaire a pour seule ambition de renforcer la cohérence d’ensemble de l’aide sociale à l’enfance. Elle ne vise personne ; elle ne réduit en rien les moyens consacrés à l’éducation des enfants confiés à la puissance publique. Soyez assurée, madame la ministre, que, en ma qualité de président de conseil général, je porte un soin tout particulier à ce que tous les enfants confiés à la collectivité bénéficient des meilleures conditions d’existence possibles.

Pour conclure, je veux saluer l’excellent travail réalisé par notre collègue Christophe Béchu, avec l’appui de Mme le rapporteur. Ce n’est pas la première fois que le sujet est abordé dans cet hémicycle : il y a quelques années, avec d’autres collègues, nous avions déposé un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale dont l’objet était identique. À l’époque, ce n’était pas le parti socialiste qui était au pouvoir. Pourtant, madame la ministre, la ministre qui était présente au banc nous avait alors joué exactement la même petite musique que vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

M. Bruno Sido. J’en conclus, à regret, que, si le ministre chargé de ces questions change régulièrement de titre, son entourage – administration ou cabinet – est toujours le même et que la pression qui pèse sur lui est telle qu’il tient finalement toujours le même discours. Ce n’est pas normal et, de mon point de vue, ce n’est pas ainsi que l’on fait de la politique !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, protéger les enfants rencontrant des difficultés éducatives ou exposés à des violences et les accompagner jusqu’à leur vie d’adulte responsable relève d’un exercice particulièrement complexe et représente, à mes yeux, la plus lourde des responsabilités confiées à nos collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Aussi, avec l’expérience qui est la mienne, je souhaite vous faire part des doutes qui m’animent face à cette proposition de loi déposée par notre collègue Christophe Béchu….

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

… et par notre collègue Catherine Deroche.

Je m’interroge sur la méthode qui consiste à revoir trop souvent et par à-coups des points relatifs à la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, au risque de perdre le sens global du texte, notamment en ce qui concerne l’accompagnement éducatif. Ainsi, l’année dernière, nous avons revu les règles de transmission entre conseils généraux des informations préoccupantes lorsqu’une famille relevant de l’ASE déménage en dehors du département où elle résidait jusque-là.

Aujourd’hui, vous proposez de redéfinir les règles d’attribution des allocations familiales et de l’allocation de rentrée scolaire, afin que ces dernières soient délivrées à l’organisme qui assume les charges effectives de l’enfant. Or, comme cela a été dit, cette mesure est déjà intégrée à la loi du 5 mars 2007, qui laissait au juge le soin de modifier ou non l’attribution des prestations familiales.

Plutôt que d’apporter des retouches à la loi, il me paraîtrait plus pertinent d’engager une évaluation globale de sa mise en œuvre, six ans après son adoption. En effet, tout se tient et changer un élément peut modifier notablement l’équilibre général du texte.

Consensuelle, la loi réformant la protection de l’enfance a reçu un bon accueil de la part des professionnels comme des élus concernés. Il nous faut maintenant regarder de plus près les modalités de son application, les bonnes pratiques développées ici et là et, bien évidemment, les insuffisances nécessitant des ajustements.

Chers collègues, vous justifiez cette proposition de loi par le fait que les juges ne modifient que rarement l’attribution des allocations familiales, qui restent très majoritairement versées aux parents, et vous souhaitez en systématiser la rétrocession en faveur du département, qui assure la prise en charge effective de l’enfant. Or, dans mon département de la Loire-Atlantique, sur les 2 000 enfants ayant fait l’objet d’une mesure de placement en 2011, le conseil général a perçu les allocations familiales pour 461 enfants, soit 23 % d’entre eux. Ce n’est pas rien ! Mais, je vous l’accorde, madame la rapporteur, la Loire-Atlantique constitue peut-être une exception à la règle.

Je m’interroge également sur les objectifs poursuivis par les auteurs de la proposition de loi.

À mon sens, leur dessein – à peine masqué – est de verser des recettes supplémentaires aux conseils généraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Je reviendrai sur ce point.

Ce qui me gêne, c’est que l’on entretient une fois de plus l’idée qu’il y aurait des abus de la part de certaines familles, qui profiteraient de cet argent pour s’acheter bien autre chose que ce qui est nécessaire pour pourvoir aux soins d’un enfant.

Mme Catherine Procaccia s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Il y a quelques mois, notre assemblée a supprimé la menace coercitive que représentait le retrait des prestations familiales en cas d’absentéisme scolaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

La proposition de loi présentée aujourd’hui me semble être de la même veine. Elle entretient la suspicion à l’égard des familles précaires et pauvres, qui, ne l’oublions pas, constituent la plus grande part des familles dont les enfants sont placés.

Cela a été dit, la protection de l’enfance recouvre des réalités diverses et très complexes. Elle nécessite une approche individualisée, une approche sur mesure, chaque situation étant particulière et évolutive. Le travail des professionnels de la justice et des services sociaux est trop souvent méconnu, et les difficultés des familles sont ignorées. Alors méfions-nous des caricatures !

Sauf maltraitance grave, abus sexuel ou délaissement caractérisé, un placement intervient souvent après l’échec des mesures d'accompagnement à domicile, particulièrement encouragées par la loi de 2007. Dans la plupart des cas, les placements sont alors vécus douloureusement par les familles.

C’est ainsi que les familles concernées sont souvent connues des services sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Lors d'une demande de placement judiciaire, le juge dispose donc de rapports de professionnels lui permettant d'étayer ses décisions.

Je ne suis pas surprise que, en Loire-Atlantique, plus des trois quarts des placements d’enfants ne donnent pas lieu à un versement de prestations sociales au département. En effet, les difficultés de ces familles sont importantes et la crise économique est encore plus sévère à leur égard. Il n'est d'ailleurs pas rare que, malgré une décision judiciaire de participation financière des familles, le conseil général doive procéder à une remise gracieuse de dette tant leur situation financière s'est dégradée.

Le maintien de ces prestations se justifie bien souvent par des retours temporaires – plus ou moins réguliers – des enfants dans leurs familles. En effet, nous le savons, rares sont les enfants dont les liens avec leurs familles sont totalement inexistants.

J'ajouterai que la période me paraît particulièrement défavorable pour s'engager dans une voie qui ne manquera pas d'être interprétée comme une envie de punir les familles les plus vulnérables.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Mme Michelle Meunier. Par ailleurs, à la demande de la ministre de la famille ici présente, un autre espace de dialogue est actuellement ouvert sur des questions plus générales posées dans le cadre de la réforme des prestations familiales. C’est ainsi que je vous propose de laisser le Haut Conseil de la famille élaborer ses propositions et d'y intégrer la question des familles ayant des enfants placés.

Exclamations sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

À quoi sert le Parlement ? Quel déni de démocratie !

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Enfin, je m'interroge sur l'intérêt d'une telle proposition de loi au regard des sommes en jeu pour les départements.

J'en reviens ainsi à l’exemple de mon département, qui se situe dans une moyenne haute en termes de nombre de placements. Actuellement, au titre des 2 000 enfants placés en 2011, la participation des parents au placement des enfants s'élève à 133 710 euros et le versement des allocations familiales représente 423 778 euros, soit 0, 4 % des dépenses liées au placement.

Si l’on procède à un calcul de ce que représenterait en moyenne le versement des prestations familiales au conseil général de Loire-Atlantique, on obtient 2 % du budget total. À l’évidence, ce n’est pas un argument financier qui peut nous convaincre.

Mes chers collègues, vous venez d’entendre mes doutes et, au-delà, mon désaccord avec cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti

J’ai entendu évoquer le bon sens et l’éthique. À cet égard, permettez-moi de citer le dalaï-lama.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Eh oui, je pense aussi par moi-même et je n’ai pas besoin d’un entourage, monsieur Sido !

Le fait que nos actes puissent paraître bons ne garantit pas qu’ils soient éthiques, dit le dalaï-lama.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Disons-le clairement : je ne suis pas sûre que nous ne soyons pas ici en présence d’une loi de confort.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Pour appuyer mon propos, je vais vous citer quelques chiffres : selon la CNAF, à la fin de l’année 2011, sur 78 500 enfants concernés, 43 % des allocations familiales étaient versées aux services de l’ASE – pourtant, des liens affectifs étaient maintenus avec la famille pour 80 % des enfants – et 57 % à la famille sur décision du juge.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

À ce titre, les sommes versées chaque année aux départements ont été approximativement estimées à 2, 6 millions d'euros.

Pour combien d’euros faites-vous cette loi ?

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Pour répondre à certaines voix que j’ai entendues, sachez que j’ai été maire d’arrondissement plus de onze ans et que j’ai exercé un mandat de conseillère générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Conseillère générale à Paris, ce n’est pas la même chose que sur le terrain !

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Parce que vous pensez qu’on n’est pas une élue de terrain à Paris ? Je ne vous permets pas de me faire ce type de remarque ! Je suis appelée aujourd’hui à exercer des fonctions ministérielles et j’ai refusé de cumuler.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Respectez le parcours de chacun, ce que je suis et ce que je vous dis. Tout n’est pas autorisé !

Une loi ne vaut que si elle concerne l’intérêt général. Il y a suffisamment de textes législatifs qui permettent d’effectuer des contrôles et d’affecter ou non les allocations familiales aux familles ou aux départements.

Chaque placement est un cas particulier. Tous les enfants d’une même famille ne sont pas systématiquement placés d’emblée. On doit faire du « sur mesure ». Or vous voulez une loi qui généralise une solution.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Le remède que vous proposez est pire que le mal. Vous adressez ainsi un signal très néfaste à des familles qui sont déjà en situation difficile et qui sont stigmatisées.

Vous qui défendez aujourd'hui l’allocation de rentrée scolaire avec tant d’ardeur, que n’avons-nous entendu sur vos travées lorsque son montant a été réévalué.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Si, cela relève du même état d’esprit : la revalorisation allait être affectée non pas au bien-être de l’enfant, mais à la consommation d’écrans plats, de jeux vidéo, etc.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

C’est invraisemblable : ce n’est pas le sujet !

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

J’insiste donc sur le signal que vous être en train d’envoyer à des familles dont la précarité implique certaines difficultés. Je veux bien entendre qu’il existe des cas de maltraitance dans des familles aisées, mais, si l’on regarde les chiffres de l’ASE, on voit bien que c’est dans les milieux les plus défavorisés que les placements sont les plus fréquents. Pourquoi stigmatiser davantage ces familles ?

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Pensez-vous que c’est ainsi que vous les aiderez ? Sans oublier que le gain financier sera dérisoire.

Applaudissementssur les travées du groupe écologiste. – Mme Michelle Meunier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.

Le quatrième alinéa de l’article L. 521-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° La dernière phrase est ainsi modifiée :

a) (Supprimé)

b) Après les mots : « président du conseil général », sont insérés les mots : « au vu d’un rapport établi par le service d’aide sociale à l’enfance, » ;

c) Après le mot : « maintenir », est inséré le mot : « partiellement » ;

« Le montant de ce versement ne peut excéder 35 % de la part des allocations familiales dues pour cet enfant. »

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Daudigny, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Avant les mots :

Le montant

insérer les mots :

à compter du quatrième mois suivant la décision du juge,

La parole est à M. Yves Daudigny.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Cet amendement vise à instaurer une période d’observation de trois mois afin de répondre à deux objectifs : d’une part, éviter la concomitance entre le choc du retrait de l’enfant et ses conséquences financières et, d’autre part, permettre au juge, dans un certain nombre de cas susceptibles de déboucher sur un retour rapide de l’enfant dans la famille, d’attribuer à cette dernière pendant trois mois une part des allocations familiales comprise entre 1 % et 99 % de leur montant.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

La commission a émis un avis favorable à l’unanimité. En effet, cet amendement permet de ménager entre les deux décisions un laps de temps que l’on pourrait qualifier de « zone tampon ».

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

En revanche, en cas de maltraitance ou d’absence de dialogue avec la famille, le juge garde la possibilité de ne pas autoriser le versement des allocations familiales. La période d’observation de trois mois ne sera donc pas applicable en pareil cas.

Par ailleurs, je viens de vous entendre, madame la ministre, donner des chiffres assez précis. J’aurais aimé en disposer lorsque nous avons procédé à nos auditions, d’autant que nous en avions formulé, à plusieurs reprises, la demande auprès de votre service, demande toujours demeurée sans réponse.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Tout n’est pas autorisé, venez-vous de dire, madame la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Or je ne comprends pas la violence et l’agressivité avec lesquelles vous m’avez répondu. Dans un débat où vous-même estimez qu’il faut se garder de stigmatiser qui que ce soit, pourquoi pensez-vous que tous ceux qui ont cet après-midi une opinion différente de la vôtre ont une volonté de stigmatisation ? Je ne peux pas croire que vous pensiez que la majorité du groupe socialiste soit dans cette optique – quelque idée que vous vous fassiez du groupe UMP.

La connaissance du terrain, des situations délicates et compliquées n’est ici le monopole de personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Dans les responsabilités qui sont les miennes, avec des choix de vie différents des vôtres à beaucoup d’égards, je n’accepte pas que l’on mette en cause la sincérité d’un combat aux côtés des plus fragiles.

J’ai eu la souffrance de découvrir la protection de l’enfance par son versant le moins reluisant. Il y a presque dix ans, dans mon département, dans le cadre d’un procès pour pédophilie hors norme, soixante-six adultes ont été poursuivis pour des faits abjects dont quarante-quatre enfants – dont le plus jeune avait six mois au moment des faits – ont été les victimes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Cette première découverte d’une réalité compliquée, qui n’appelle aucun commentaire sur ces travées, m’a conduit à découvrir et à approfondir un champ dans lequel, quelle que soit notre opinion politique, nous pouvons tous considérer que la réflexion publique manque cruellement.

Le handicap, avec l’attribution de la prestation de compensation du handicap, les maisons départementales des personnes handicapées, à travers les associations de défense et de soutien, on en parle ! Le vieillissement, on sait tous qu’on y passera et chacun s’y intéresse ! Pour le RSA aussi, des colloques ont lieu régulièrement et des associations travaillent sur la question de l’exclusion.

Mais l’aide sociale à l’enfance est l’oubliée des politiques sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

C’est l’oubliée en termes de pensée, de perspective et de débat. La conséquence en est que, lorsque l’on aborde un certain nombre de points, on a le sentiment que le simple fait d’en parler est stigmatisant. Or tel n’est pas le cas !

Vous avez cité des associations. Dans mon département, toutes les associations avec lesquelles je me suis entretenu, y compris l’antenne locale d’ATD Quart Monde, soutiennent le dispositif.

C’est en en restant à des généralités, en caricaturant les choses sans les expliquer, qu’on conduit à la stigmatisation. S’il n’y a pas de consensus républicain sur des questions de bon sens comme celle-ci, je crains que le bon sens ne devienne le pseudo-apanage de partis extrémistes, en particulier de celui dont on a vu la progression dans un département proche de la région parisienne le week-end dernier.

La justice sociale doit être un élément fondateur de nos politiques sociales avec la recherche d’un équilibre entre le bon sens et la nécessité de préserver les familles les plus fragiles. Tel est le sens de l’amendement de M. Daudigny, ce qui explique le soutien que nous lui apportons.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Nous sommes le législateur. Nous assumons les conséquences de choix que nous faisons au regard de préoccupations d’intérêt général. C’est pourquoi je voudrais exprimer un léger sentiment de gène par rapport à la prise de position des associations sur le sujet que nous abordons.

S’il est tout à fait légitime de manifester du respect aux associations dans leur diversité, je crains que la position du Gouvernement n’ait été inspirée, non pas – comme l’a dit l’un de nos collègues – par la continuité des cabinets ou de l’administration, mais simplement par la préoccupation de ne pas recevoir de critiques médiatiques de la part d’un groupe d’associations et d’une en particulier.

Les médias sont libres et les associations aussi. Toutefois, nous sommes quelques-uns à penser que le travail de législateur ne se résume pas à éviter les « pépins » médiatiques.

Applaudissements sur la plupart des travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je comptais prendre la parole pour une explication de vote sur l’ensemble du texte, mais je saisis la perche que M. Richard m’a tendue.

Madame la ministre, vous avez dit respecter les parcours de chacun. Justement, je m’exprime ici en tant que législateur, mais également, monsieur Richard, en tant que responsable depuis plus de vingt ans dans une association de lutte contre la maltraitance des enfants.

Nous n’avons pas de leçons à recevoir, madame la ministre, et j’ai été extrêmement choquée par le ton avec lequel vous avez répondu à nos collègues. Vous nous avez stigmatisés ! Vous n’avez pas la même façon de penser que certains ici, mais nous devons tous nous respecter.

Plusieurs remarques me viennent à l’esprit.

Pourquoi le Président de la République posait-il un regard extrêmement bienveillant sur cette proposition de loi au mois d’octobre dernier : réagissait-il encore, à l’époque, comme un président de conseil général ? Que s’est-il passé depuis pour que le Président de la République change d’avis ? Vous connaissez peut-être la réponse, madame la ministre.

Par ailleurs, en tant que responsable associative depuis plus de vingt ans, je suis confrontée tous les jours à des situations de maltraitance. Ces dernières se produisent généralement dans les milieux les moins favorisés, vous avez raison de le souligner, encore que nous soyons amenés à connaître des situations terribles dans tous les milieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Et j’ai malheureusement pu constater partout que certains infligeaient à leurs enfants des traitements qu’un animal ne ferait pas subir à ses petits.

Vous me répondrez que nous stigmatisons, que nous pénalisons : non, madame la ministre ! Nous essayons au contraire d’accompagner, de responsabiliser. Jamais nous ne laissons, en France, des gens sur le bord du chemin.

Pour autant, vous avez raison, monsieur Richard, il se peut que certaines associations ne soient pas d’accord avec ce texte. J’ai interrogé les associations avec lesquelles nous avons l’habitude de travailler et je n’ai pas recueilli de réactions négatives, bien au contraire. Il est tout à fait normal que l’allocation de rentrée scolaire soit perçue par la personne qui s’occupe de l’enfant, qui l’accompagne dans son parcours scolaire ; en aucun cas elle ne doit revenir à la famille qui ne s’occupe plus de son enfant !

Quant aux allocations familiales, la proposition de loi de nos collègues Catherine Deroche et Christophe Béchu prévoit d’en conserver une partie à la famille.

Aussi, madame la ministre, bien que militant depuis de très nombreuses années dans une association connue et reconnue de vos services, je voterai pour cette proposition de loi !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Madame la ministre, je partage votre volonté de ne pas stigmatiser les familles dont les enfants sont confiés à l’aide sociale de l’enfance, mais je ne pense pas que tel soit l’objet de cette proposition de loi. En effet, nous ne raisonnons pas en termes de sanction, mais, au contraire, en termes de reconnaissance du service public départemental, qui est amené, dans des conditions précises fixées par le juge, à se substituer à la famille en matière d’éducation.

J’ai été quelque peu surpris, pour ne pas dire choqué, que vous n’ayez pas eu un mot de reconnaissance pour ces travailleurs sociaux qui agissent souvent dans des conditions difficiles, …

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

… assumant des responsabilités à l’égard des enfants, mais en lien avec les familles, afin de favoriser le retour au sein de celles-ci.

Or ce dont les collectivités locales ont besoin aujourd'hui, c’est d’une aide accrue en faveur de ces services, au moment où leur budget a été mis à mal. Pour notre part, ce ne sont pas les moyens financiers liés aux allocations familiales que nous recherchons – le problème n’est pas là –, mais la reconnaissance du rôle joué par les départements et leurs services pour accueillir ces enfants dans des conditions satisfaisantes et leur assurer l’éducation qui leur manque. En effet, je ne confonds pas les prestations familiales et les prestations sociales.

S’il faut reconnaître que les familles concernées sont bien souvent en situation difficile, ce n’est pas par les allocations familiales que l’on règle leurs difficultés sociales. §C’est évidemment grâce à d’autres mesures, notamment le relèvement des minima sociaux et la bataille pour l’emploi, qu’elles pourront résoudre leurs problèmes.

Ne confondons pas ces différents aspects : c'est la raison pour laquelle, pour ma part, je voterai cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Après avoir écouté attentivement l’ensemble des interventions, notre groupe maintient sa position. En effet, ce débat n’a apporté aucun argument nouveau de nature à nous convaincre du bien-fondé de ce texte.

En l’état, cette proposition de loi aurait pour effet de sanctionner financièrement les personnes qui sont aujourd'hui les plus en difficulté dans notre pays. Surtout, ces mesures s’appliqueraient de manière automatique, sans souplesse ni possibilité d’évaluation des situations humaines au cas par cas.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

C'est pourquoi nous maintenons notre opposition à cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Mes chers collègues, je vous rappelle que nous en sommes simplement parvenus aux explications de vote sur l'amendement n° 2 rectifié. Les explications de vote sur l’ensemble de la proposition de loi viendront ultérieurement.

La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Je formulerai simplement deux remarques, monsieur le président.

La première, madame la ministre, concerne le ton que vous avez employé, et je rejoins ici le point de vue de Christophe Béchu. Vous avez bien sûr le droit de ne pas penser la même chose que nous. Toutefois, nous travaillons tous – vous en tant que ministre, nous en tant que présidents de conseils généraux et élus – pour la protection de l’enfance, et votre ton n’était pas de mise par rapport aux propos que nous avons tenus, sans aucune agressivité. Je m’étais permis une réflexion que j’avais voulue plutôt sympathique, et votre réponse m’a semblé très dure.

Je voudrais ensuite revenir, pour appuyer le propos de Christian Favier, sur ceux qui sont présents tous les jours, à l’échelon du département, sur le front social. Les travailleurs sociaux de l’ASE occupent les postes les plus difficiles, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

… puisqu’ils suivent les cas de maltraitance signalés le plus souvent par l’éducation nationale ou le juge.

Nous manquons de moyens, alors que nous devrions conforter nos équipes, qui sont exténuées. La défense de l’aide sociale à l’enfance passe par celle des travailleurs sociaux, et non par l’écoute des associations, quel que soit par ailleurs leur mérite.

J’aurais donc aimé entendre de votre part, madame la ministre, un mot de reconnaissance pour le travail qu’ils réalisent sur le front social !

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l'UMP et du RDSE.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Le débat est intéressant !

Je ne doute pas un seul instant que les sénatrices et sénateurs présents aient suffisamment d’esprit et d’humour pour apprécier ce que vous qualifiez d’agressivité et que j’appelle, pour ma part, conviction. J’ai exprimé mon point de vue avec la spontanéité et peut-être la fougue d’une novice. En tout cas, je respecte absolument vos convictions.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Je demande que les miennes soient respectées aussi, c’est tout ! Je le fais avec la personnalité qui est la mienne, avec mon ton, mais n’en déduisez pas plus qu’il n’en faut.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Je ne pensais pas que nous devions traiter de la protection de l’enfance, en général ! Si tel était le cas, il nous faudrait effectivement parler des travailleurs sociaux et nous interroger sur l’application de la loi de 2007 de Philippe Bas, adoptée à l’unanimité, et sur les améliorations que nous pourrions y apporter.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis tout à fait disposée, si vous le souhaitez, à aborder l’ensemble de ces sujets, mais je n’ai pas le sentiment que cette proposition de loi porte directement sur la protection de l’enfance et le rôle des travailleurs sociaux.

À la fin de mon intervention, je vous proposais d'ailleurs de vous associer à la réforme de la protection de l’enfance que nous entendons engager. Toutes vos propositions et suggestions seront les bienvenues.

Enfin, si j’ai cité des associations très diverses, ma référence est celle du discours que le Premier ministre a tenu à l’occasion de la clôture des travaux de la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, ni plus ni moins !

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste . – Mme Michelle Meunier applaudit également.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici le résultat du scrutin n° 119 :

Le Sénat a adopté. §

Après le deuxième alinéa de l’article L. 543-1 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’un enfant est confié au service d’aide sociale à l’enfance, l’allocation de rentrée scolaire due à la famille pour cet enfant est versée à ce service. »

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je mets aux voix l'article 2.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici le résultat du scrutin n° 120 :

Le Sénat a adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Mme Nathalie Goulet . Mes chers collègues, je ne suis pas très compétente en matière sociale.

Dénégations amusées sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Ainsi, dans l’Orne, les mesures prises en matière d’aide sociale à l’enfance sont particulièrement importantes ; elles sont caractérisées par un taux sensiblement supérieur à la moyenne nationale, soit 2, 7 %, contre 1, 8 % dans le reste de la France métropolitaine. Le nombre de placements y a extrêmement augmenté cette année : 725 jeunes font l’objet d’un placement, alors qu’ils étaient 646 l’an dernier, et la situation ne cesse de se dégrader. Le coût supplémentaire s’élève, pour mon département, à plus d’un million d’euros.

Or chacun connaît la situation de nos départements, en particulier de ceux qui sont situés en milieu rural, et vous aurez tous en mémoire, mes chers collègues, l’intervention de Gérard Roche et sa proposition de loi adoptée à l’unanimité par notre assemblée.

Pour ma part, je pense qu’il est absolument indispensable que le Sénat défende les départements. C’est d’ailleurs le seul intérêt du cumul des mandats de président de conseil général – les collègues occupant de telles fonctions ne sont d’ailleurs pas très nombreux aujourd’hui – et de sénateur.

Quoi qu’il en soit, mon groupe votera la présente proposition de loi, dont je ne peux pas qualifier de « moindre » son impact financier. Eu égard au nombre de départements et de personnes concernés, c’est un texte important. En l’adoptant, nous enverrons un signal positif à nos concitoyens, en montrant que le Sénat veille à limiter la dégradation des finances publiques de nos départements.

M. François Zocchetto applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Après avoir participé aux réunions de la commission des affaires sociales, j’ai écouté avec beaucoup d’attention les débats que nous avons eus cet après-midi. La question dont nous traitons transcende les tendances politiques de notre assemblée, et j’en suis très heureux.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Je le reconnais, ma chère collègue, mais permettez-moi tout de même de m’en féliciter ! Il est toujours bon de s’en réjouir, sans tomber pour autant dans l’autosatisfaction !

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

De quoi s’agit-il ? Je ne suis ni président de conseil général ni conseiller général.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Non, mon cher collègue, rassurez-vous !

La présente proposition de loi, présentée à la fois par M. Béchu et Mme Deroche, a pour origine celle qu’avait déposée Yves Daudigny au mois d’octobre dernier. C’est pourquoi je disais que cette question nous transcende en quelque sorte. Je me félicite donc que l’idée émise par Yves Daudigny soit reprise, au-delà des clivages politiques, par nos collègues de l’UMP.

Je souscris aux propos tenus par Alain Richard. C’est en effet l’intérêt général qui est au cœur même de la présente proposition de loi, et non le simple intérêt immédiat des médias, si je puis dire. Et cela reflète toute la noblesse du rôle des législateurs que nous sommes. En votant ce texte, nous ferons honneur au mandat que nous ont confié nos électeurs.

Pour reprendre les propos d’Yves Daudigny, je ne me sens pas du tout culpabilisé par ce vote. Au contraire ! Je suis d’ailleurs fier que mon collègue ait employé tout à l'heure à la tribune le verbe « oser ». Effectivement, nous pouvons oser adopter les dispositions qui nous sont soumises tout simplement parce qu’elles relèvent du bon sens, dont nous avons parfois besoin. Ainsi, nous mettrons en cohérence nos idées et nos actes et placerons l’équité au cœur des politiques que nous menons.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

M. Ronan Kerdraon. Je suis fier de voter ce texte, tout comme la majorité des membres du groupe socialiste.

Très bien ! et applaudissements sur la plupart des travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE, de l’UDI-UC et de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Je voterai avec enthousiasme la présente proposition de loi, et cela pour trois raisons.

La première raison va de soi : j’ai cosigné ce texte, qui est de bon sens.

La deuxième tient au caractère très équilibré de cette proposition de loi à l’issue des travaux au sein de la commission et en séance publique cet après-midi. L’amendement n° 2 rectifié, que nous avons voté à une très large majorité tout à l’heure, contribue à cet équilibre.

La troisième raison, c’est l’incompréhension, pour ne pas dire plus, que m’inspire la position du Gouvernement. Madame la ministre, vous avez déclaré que vous vouliez éviter de plonger encore davantage dans la précarité des familles déjà fragiles. À mon sens, cette position accrédite l’idée que les allocations familiales et l’allocation de rentrée scolaire, l’ARS, ne sont versées que pour des raisons économiques, sans lien avec les charges associées à l’éducation des enfants. Je ne puis accepter cette idée, et ce vote me permet de réaffirmer ma position.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergoz

Je souhaite revenir sur trois points : l’enjeu financier, l’importance des placements judiciaires et l’accusation de « stigmatisation des familles », qui m’a quelque peu heurté. Il me serait difficile de quitter cet hémicycle sans en dire deux mots, car je n’ai pas le sentiment – loin s’en faut – de stigmatiser les familles.

Je félicite et je remercie les sénateurs de l’UMP de nous avoir suivis, en reprenant la proposition de loi déposée en octobre 2012 par Yves Daudigny. Chers collègues, cela prouve que l’on peut encore vous faire un peu confiance !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergoz

Je commencerai par l’enjeu financier. J’ai rarement entendu cet argument lors des auditions. Et quand il a été développé, je me suis fait préciser par des spécialistes – des présidents de conseil général – que les allocations familiales et l’ARS ne représentaient que peanuts. Par conséquent, cet argument, auquel j’étais très sensible, n’a pas emporté mon adhésion. S’il ne s’agissait que d’une question financière, les réflexions auraient été différentes.

En ce qui concerne l’appréciation du nombre des placements judiciaires par rapport à celui des placements administratifs, il faudra que l’on nous indique les chiffres à l’échelon national.

La présente proposition de loi ne concerne que les placements judiciaires. Nous aurions pu nous assurer que le nombre des placements judiciaires est nettement inférieur à celui des placements administratifs. Nous aurions pu ainsi – je reprends l’argument de l’un de nos collègues communistes – louer l’excellent travail réalisé par les travailleurs sociaux.

En effet, ce travail permet souvent de ne pas atteindre la dernière étape, c'est-à-dire le recours judiciaire. Je pense que cet éclairage est nécessaire. Je rappelle que le placement judiciaire représente la contrainte extrême, à laquelle on ne recourt que lorsque les services des conseils généraux perçoivent un danger absolu et imminent, et si le dialogue et la concertation ont échoué. Je le souligne afin que nous votions sereinement cette proposition de loi.

S'agissant enfin de l’accusation de « stigmatisation des familles », je préfère, sans entrer dans la polémique, que nous nous interrogions sur la place primordiale que nous devons garantir à l’enfant. C’est ce dernier qui doit être au centre de notre questionnement. Notre devoir est de sécuriser les allocations familiales au profit de l’enfant, et le versement de l’ARS aux services sociaux auxquels est confié l’enfant est donc une décision juste. Les allocations familiales constituent un moyen de faciliter l’éducation de l’enfant. Lorsqu’elles ne sont plus utilisées à cette fin, c’est l’enfant qui est pénalisé. On ne peut accepter une telle situation.

Je voterai cette proposition de loi, parce qu’il s’agit d’un texte de bon sens, d’un texte cohérent avec les engagements que nous avons pris il y a encore quelques semaines en tant que socialistes, d’un texte juste, équitable et responsable.

Applaudissements sur la plupart des travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Je me contenterai de quelques mots pour expliquer mon vote négatif.

Les raisons de mon choix tiennent tant à la forme qu’au fond. Je maintiens que les propos tenus ici ou là ne constituent pas un bon signal pour les familles en difficulté et pour les professionnels de l’enfance, ni même pour les familles françaises dans leur ensemble. J’espère que nous aurons l’occasion de discuter plus globalement des prestations familiales en faveur de l’ensemble des familles et que des propos de justice et d’équité seront tenus aussi à l’égard des familles plus aisées.

S'agissant des finances des conseils généraux, l’enjeu n’est certes pas anecdotique, mais on ne peut pas porter de jugement systématique, dans la mesure où la situation n’est pas la même dans tous les départements.

Enfin, j’apporte mon soutien à la politique familiale cohérente du Gouvernement. Quand on crée des missions d’évaluation des prestations familiales, il faut attendre leurs résultats si l’on veut être en mesure de prendre des mesures pertinentes.

Pour toutes ces raisons, je voterai contre cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Il y a des jours où l’on est fier du Sénat ! Il est réconfortant de voir que, indépendamment de leurs engagements, les politiques qui sont au plus près de l’action sociale et des travailleurs sociaux sur le terrain partagent le même sentiment et la même approche. C’est un bon signal pour la vie publique. On parle souvent des mauvais côtés de la vie politique, mais aujourd'hui, et ce n’est pas si courant, nous pouvons être fiers de ce que nous faisons tous ensemble. J’en remercie donc les uns et les autres.

J’ajoute que Michel Vergoz a complètement raison. Oui, cher collègue, pour la première fois je dis que vous avez raison, et c’est parce que c’est le cas !

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Parce que c’était une bonne proposition de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

M. Jean-Pierre Raffarin. Parce qu’elle-même reprenait la proposition de loi déposée par Christophe Béchu et Catherine Deroche en juillet 2012 !

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

C'est la raison pour laquelle nous pouvons être fiers de voter aujourd'hui la proposition Béchu-Deroche amendée par Yves Daudigny !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici le résultat du scrutin n° 121 :

Nombre de votants347Nombre de suffrages exprimés346Majorité absolue des suffrages exprimés174Pour l’adoption330Contre 16Le Sénat a adopté.

Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE, ainsi que sur la plupart des travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à vingt-et-une heures dix.