Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour un enfant, la famille constitue le premier des repères, le lieu privilégié où il peut s’épanouir et se construire. Pourtant, il arrive que des parents, à la dérive, en pleine détresse sociale et psychologique, ne puissent plus faire face. Les pouvoirs publics ont alors le devoir de prendre le relais, dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
Lorsque des difficultés surgissent, l’aide sociale à l’enfance, placée sous l’autorité du président du conseil général, apporte un soutien matériel et éducatif aux parents et protège les enfants, parfois en les plaçant en établissement ou dans des familles d’accueil, parce que leur sécurité, leur santé, leur moralité ne sont plus préservées. Cela vient d’être dit, même lorsque cette fracture intervient, les parents ne sont pas seuls. Ils sont accompagnés, et la séparation n’a pas lieu brutalement.
En 2011, près de 300 000 enfants ont été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance ; parmi eux, 148 500 ont été placés. C’est l’équivalent d’une ville comme Angers ! En réalité, nous ignorons combien d’enfants sont maltraités et combien ne sont pas repérés. Dans le jargon des spécialistes, on appelle cela le « chiffre noir ».
Lorsqu’un enfant est retiré de son milieu familial, le service d’aide à l’enfance à qui il est confié doit assumer l’ensemble des responsabilités et des frais liés à l’exercice de la parentalité. Il doit pourvoir aux besoins du mineur et prendre en charge les dépenses d’entretien, d’éducation et de conduite.
L’article L. 521-2 du code de la sécurité sociale prévoit dans ce cas le versement des allocations familiales aux services d’aide sociale à l’enfance. Toutefois, le juge peut décider de maintenir le versement des allocations à la famille, lorsque celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant ou en vue de faciliter le retour de l’enfant dans son foyer.
Ce principe du versement des allocations familiales au service d’aide à l’enfance résulte d’une loi du 6 janvier 1986. À l’époque, le législateur avait choisi de porter au bénéfice de la collectivité une allocation qui correspondait pour partie à la charge qu’elle supporte. Ce n’est qu’en 2006 qu’a été laissée au juge la possibilité de maintenir le versement des allocations familiales à la famille.
Même si nous ne disposons pas de statistiques nationales à ce sujet, nous savons bien que, dans la pratique, l’exception est devenue la règle. Mme la rapporteur l’a rappelé, dans la très grande majorité des cas, les parents dont l’enfant est confié au service d’aide à l’enfance continuent de percevoir l’intégralité des allocations familiales.
Cette situation, cela a été longuement développé, soulève un problème de justice sociale et d’équité entre les familles. Les allocations familiales doivent servir à subvenir aux besoins de l’enfant. Il est donc légitime qu’elles puissent bénéficier à ceux qui en assument réellement la charge, en l’occurrence au service d’aide sociale à l’enfance lorsqu’un enfant lui est confié. Du point de vue de l’équité, les parents qui perçoivent des allocations familiales ne peuvent pas comprendre que d’autres continuent à en bénéficier alors même qu’ils n’assument plus la charge de leurs enfants.
Aussi la proposition de loi de nos collègues du groupe UMP tend-elle à revenir à la volonté initiale du législateur de 1986, afin que les allocations familiales bénéficient à ceux qui assurent effectivement l’entretien des enfants. Madame la ministre, c’est simplement une mesure de bon sens !
Je me félicite des améliorations apportées par la commission. Il est en effet souhaitable que le juge puisse continuer à se saisir d’office. Mme la rapporteur l’a très bien expliqué, les allocations familiales constituent un outil indispensable au travail de pédagogie que le juge mène avec les parents. Il ne faut pas y voir une sanction, mais bien le moyen de responsabiliser les familles.
Certaines associations s’inquiètent des effets de cette mesure et craignent qu’elle ne mette en péril le retour de l’enfant dans sa famille. Franchement, je ne le pense pas ! Une telle réaction relève plus de l’idéologie que de la connaissance des réalités du terrain. Le juge pourra tout à fait maintenir le versement d’une partie des allocations à la famille afin de permettre, dès que cela est possible, le retour de l’enfant au sein de la cellule familiale ou, du moins, de maintenir les liens entre l’enfant et ses parents.
Les travailleurs sociaux le savent bien : il n’y a rien de pire que de se sentir abandonné par ceux qui vous ont donné la vie. Plusieurs présidents de conseil général l’ont dit et tous ceux qui s’occupent de près ou de loin du secteur social le savent : les familles, comme les enfants, même placés, ne sont pas abandonnées.
S’agissant de l’allocation de rentrée scolaire, disons-le clairement, aucune raison ne justifie que des parents puissent la percevoir dès lors que les départements supportent la totalité des dépenses liées à la scolarisation des enfants qui leur sont confiés. C’est pourtant actuellement le cas. Aussi, je me réjouis qu’il nous soit proposé de mettre fin à cette incohérence.